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Murri

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Cet article concerne Le condiment murri. Pour l'homme politique italien, voirRomolo Murri. Pour les autres significations, voirMurri (homonymie).

Repas dans les Maqâmât d'Aboû Moḥammad al-Qâsim Bnf arabe 3929

Lemurrī était uncondiment fermenté à base de farine de blé ou d'orge fréquemment employé dansles cuisinesarabo-andalouse duMoyen Âge. Il évoque dans sa diversité le gout de cettegastronomie pour lesépices etaromates méditerranéens et orientaux.

Composition

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Abulcasis serait le premier auteur à donner la recette du murrī, décrit commegarum végétal[1].Ibn Razin al-Tuyibi (vers1227Murcie -1293Tunis) dans sonFadalat al Khiwan fi tayybat at-ta’am Wa l-alwan (Les délices de la table et les meilleurs genres de mets) écrit entre1238 et1266 donne 11 recettes de murrī, ce qui permet de se faire une idée de ce qu'il était comme l'écrit Catherine Guillaumond[1],[2]. Comme lasauce de soja, il résulte de lafermentation pendant plus de trois mois (40 jours selon l'interprétation de Perry) pour les murrī de qualité de pâtons fermentés de céréales (en boules et pâtons nommésjamájim,budhaj avec au centre une feuille defiguier[3]) émiettés dans unesaumure aromatisée et épicée[4]. La fermentation est améliorée par des filtrages, des expositions ausoleil. Jean-Michel Laurent (qui traduit murrī pargarum) écrit que lacéréale est unblé de préférence à l’orge chez l'Anonyme andalou et l'inverse chezIbn-al-Razî, il donne une liste d'aromates:nigelle (obligatoire),thym,origan,fenouil, anis, bois de pin,musc,camphre,safran,moutarde[5],[2].

En vérité les assaisonnements de lacuisine arabo-andalouse médiévale étaient nombreux et variés[6]. Charles Perry dans sa traduction deLa description des aliments familiers (Kitab Wasf al-At'ima al-Mu'tada) avait donné une recette de murrī à partir d'orge pétri avec dusel qui s'est avérée irréalisable par Adrianna Stothard qui à son tour en a donné sa version à base d'orge possible et crédible[7]. Il a aussi existé des versions du murrī àbase de poisson salé, comme le garum romain, ce qui permet à Lilia Zaouali de les comparer aunuoc-man[6]. Lemurrī al-ḥūt est à base de poisson et de jus de raisin fermenté[8].

A la différence de la sauce soja ou du garum, le murri était aromatisé des saveurs d'Al-Andalus, dont lanigelle

Le termemurrī est ou non suivi de macéré (-morrí al-naqí’). Il s'agirait d'unemacération (une vingtaine de jours) dans l'huile d'olive[9].

Il existait diverses qualités de murri : lemurrī supérieur (murrī ra's: murri de tête, de premier choix) à la «saveur délicate» est très loin desmurri dejus de raisin aux épices et dumurri depain grillé et de miel (certains murri sont donnés faits avec desdattes[10]), que l'Anonyme Andalou déconseille formellement d'utiliser et qui correspond aumurrībyzantin[5],[11].

Dénomination

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Le mot arabeal-murrī dériverait dulatinmuria, qui était un garum dethon[12],[13], d'où l'espagnolalmuri oualmori[10]. Lucie Bollens-Halimi explique que legarum de poisson lentement macéré s’est intégrée auXIIe siècle à un ensemble desalmori castillan, ibérique mais terrien (aumiel, rôti) qui n'étaient pas fait depoisson. Lemurrī aurait selon elle, pour les andalous la même valeur que legarum de poisson[3].

Lemurrī fait partie desMà' al-kàmakh,kazakh (persankameh): condiment - tout ce qui est macéré[14]. Le mélange de céréale (budhaj) avec dulait connait aussi de nombreuses déclinaisons (kàmakh rouge, vert, auxcâpres) sans parler d'un éventail d'aromates (ail,cumin,pétales de roses...)[15].

Flacons romains pour legarum (Musée deCologne)

Histoire

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Tom Jaine émet l'hypothèse que lemurrī est une adaptationperse dugarum gréco-byzantin dans un environnement pauvre en poisson[7]. C'est là que les arabes l'aurait rencontré à l'occasion de l'abondant commerce desépices. Il est attesté enIrak et on peut mentionner le sumérienbâru, proche dekisimmu, tous deux fermentés et épicés d'ail chezJean Bottéro[16],[15].Abd-el-Razzaq donne le garumnabatéen à base d’orge comme le moins dense, celui defroment était meilleur que celui d’orge. Le garum depain en galettes ou pâton serait typique de laPéninsule ibérique[3]. Lilia Zaouali fait remonter l'origine ausikku (mésopotamiensiqqu) sous l'empire d'Akkad[17].

Le murri est surtout utilisé auxXIIe siècle etXIIIe siècle dans la cuisineandalouse, il est signalé dans les cuisines byzantine etberbère[18],[19]. Selon Ibn Halsun, il est très ancien[8]. Lemurri (de qualité) est un condiment réservé à une cuisine deluxe, il existait àCeuta des professionnels spécialistes dans sa fabrication qui se rendaient chez les habitants aisés pour en produire de grandes quantités[20].

Selon Charles Perry la recette dumurri traduite en latin par Jambobinus de Crémone (XIIIe siècle) dansLe livre des plats et des assaisonnements ne permet pas de faire une sauce à base d'orge, il affirme que la recette n'a jamais été transmise hors du monde arabo-andalou[21].

Condiments et boissons dans un repas arabo-andalou XIIIéme siècle

Usages

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Lecondiment actuel le moins éloigné dumurri est sans doute lemiso rouge japonais, pâte de céréale fermentée, mais un miso qui serait fortement aromatisé[14].

Exciter l'appétit

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Ibn Halsun (XIIIe siècle, écrivain médecin andalou) donne sa vision dediététicien: «Le murrī est froid, sec au second degré. Il fait passer les mets indigestes et arrête la sécrétion du phlegme. Il excite l'appétit, échauffe le sang mais affaiblit la vue et favorise la gale. Le meilleur est lenaqī’. On le consomme avec de la graisse et de l'huile»[8]. Al-murrī al-naqī‘ est une macération de farine, feuilles de figuier, blé, sel, eau et pain grillé (Ibn Baklāriš,al-Musta‘īn)[8]. Il ajoute qu'on améliore le poisson avec du murrī et beaucoup d'huile, puis du miel.

Une saveur persistante et douce

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La cuisine d'Al-Andalus est mijotée et richement aromatisée

Les plats au murri étaient servis après les plats doux d'entrée, en même temps que les plats auvinaigre et les plats aumiel. Le gout devait en être salé, mais pas trop car les recettes avec du murri comprennent aussi du sucre,aigre-doux et surtout aromatique, probablement une sorte d'umami. L'Anonyme andalou précise qu'il en faut «un tout petit peu» dans sesmerguez,boulettes,croquettes, etc. Il est fréquemment associé à la cuisson desviandes mais aussi desaubergines, lesépinards et desartichauts[22],[23].

Plat de viande au murri (L198 de l'Anonyme andalou)

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Plat de viande aumurri.

«Mettre la viande dans la marmite avec des épices, unoignon pilé, de lacoriandre en feuille, du sel. Verser 3 cuillères demurri, une devinaigre, une d'huile d'olive. Donner une couleur, mouiller à l'eau et cuire à point. Servir aromatisé de poivre etcannelle de Ceylan. Le vinaigre n'est pas indispensable. Une garniture depois chiches trempés dans un petit peu derue est bienvenue, si Dieu le veut»[5].

Notes et références

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  1. a etbManger au Maghreb: Approche pluridisciplinaire des pratiques de table en Méditerranée du Moyen Âge à nos jours, Presses Univ. du Mirail,(ISBN 978-2-85816-836-1,lire en ligne)
  2. a etbAnonyme Andalou traduit par Catherine Guillaumond,,Cuisine et diététique dans l’occident arabe médiéval d’après un traité anonyme du XIIIe siècle., Paris, L’Harmattan coll. Histoire et Perspectives méditerranéennes,, 300 pp(ISBN 978-2-343-09831-9), p. 53
  3. ab etcLucie Bollens-Halimi, « Le garum en al-Andalus, un feu trouvé au fond des mers »,Université de Gen~ve,‎,p. 16(lire en ligne)
  4. Newman CW, Newman RK, « A Brief History of Barley Foods »,Cereal Foods World, 51 (1),‎,p. 1 à 5(lire en ligne)
  5. ab etcAnonyme andalou. trad. française Jean-Michel Laurent,Traité de Cuisine arabo-andalouse dit Anonyme andalou., Saint-Ouen, Les Editions du Net,, 284 pp.(ISBN 978-2-312-04291-6), p. 224 article : blé
  6. a etb(en) LiliaZaouali,Medieval Cuisine of the Islamic World: A Concise History with 174 Recipes, Univ of California Press,1er octobre 2007(ISBN 978-0-520-24783-3,lire en ligne)
  7. a etb(en) Adrianna Stothard, « Making-Murri-naqi », surwww.daviddfriedman.com(consulté le)
  8. abc etdIbn Halsun,« Cinquième partie. Les aliments, leurs propriétés et leurs correctifs », dansKitāb al-Aġḏiya (Le livre des aliments), Presses de l’Ifpo,coll. « Études arabes, médiévales et modernes »,(ISBN 978-2-35159-476-6,lire en ligne),p. 103–128
  9. (en) LiliaZaouali,Medieval Cuisine of the Islamic World: A Concise History with 174 Recipes, Univ of California Press,(ISBN 978-0-520-26174-7,lire en ligne)
  10. a etbFranciscoSobrino,Nuevo diccionario de las lenguas española, francesa y latina, De Tournes,(lire en ligne)
  11. (en) Christianne Muusers, « Murri », surcoquinaria.nl(consulté le)
  12. (en) « muria - Wiktionary », suren.wiktionary.org(consulté le)
  13. (en) JosefMeri,Routledge Revivals: Medieval Islamic Civilization (2006): An Encyclopedia - Volume II, Routledge,(ISBN 978-1-351-66813-2,lire en ligne)
  14. a etb(en) HabeebSalloum, Leila SalloumElias et MunaSalloum,Scheherazade's Feasts: Foods of the Medieval Arab World, University of Pennsylvania Press,(ISBN 978-0-8122-4477-9,lire en ligne)
  15. a etb(en) TomJaine,Taste: Proceedings of the Oxford Symposium on Food and Cookery, Oxford Symposium on Food & Cookery,(ISBN 978-0-907325-39-0,lire en ligne)
  16. JeanBottéro,Mesopotamian culinary texts, Eisenbrauns,(ISBN 978-0-931464-92-8,lire en ligne)
  17. LilianePlouvier, « Zaouali (Lilia). Medieval Cuisine of the Islamic World. A Concise History with 174 Recipes. Traduction anglaise de Malcolm B. DeBevoise. Préface de Charles Perry »,Revue belge de Philologie et d'Histoire,vol. 88,no 2,‎,p. 557–559(lire en ligne, consulté le)
  18. Olivier-MarieDelouis,Petit magistère de cuisine médiévale: 275 préparations, miscellanées et interventions gourmandes adaptées du Moyen-Âge, Librinova,(ISBN 979-10-262-6947-2,lire en ligne)
  19. PierreGuichard, « Alimentation et cuisine en al-Andalus »,Publications de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,vol. 19,no 1,‎,p. 337–357(lire en ligne, consulté le)
  20. PascalBuresi et MehdiGhouirgate,Histoire du Maghreb médiéval -XIe – XVe siècle, Armand Colin,(ISBN 978-2-200-63108-6,lire en ligne)
  21. (en-US)Facebook etTwitter, « The Soy Sauce That Wasn't », surLos Angeles Times,(consulté le)
  22. AndréBazzana et Johnny deMeulemeester,La noria, l'aubergine et le fellah: archéologie des espaces irrigués dans l'Occident musulman médiéval (9e-15e siècles), Academia Press,(ISBN 978-90-382-1470-2,lire en ligne)
  23. Jean-PhilippeDerenne,Cuisiner en tous temps, en tous lieux: L'amateur de cuisine 3, Fayard,(ISBN 978-2-213-65947-3,lire en ligne)

Bibliographie

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