Lemouvement des non-alignés (ou plus rarementmouvement des pays non alignés)[1] est une organisation internationale regroupant 120États en 2012[2], qui se définissent comme n'étant alignés ni avec ni contre aucune grande puissance mondiale (17 États et 9 organisations internationales y ont en plus le statut d'observateur). En effet ce mouvement, né durant laguerre froide, visait à regrouper les États qui ne se considéraient comme alignés ni sur lebloc de l'Est ni sur lebloc de l'Ouest.
Le but de l'organisation défini dans la « déclaration de La Havane » de 1979 est d'assurer « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l'impérialisme, lecolonialisme, lenéocolonialisme, laségrégation, leracisme, et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques » et de promouvoir la solidarité entre les peuples dutiers monde. L'organisation, dont le siège est àLusaka enZambie[3], regroupe près des deux tiers des membres desNations unies et 55 % de lapopulation mondiale.
Le mouvement des non-alignés comprend plusieurs membres assez importants à l'échelle mondiale, comme l'Indonésie, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Iran, ainsi qu'autrefois laYougoslavie. LeBrésil n'a jamais été un membre officiel du mouvement, mais il partage plusieurs de ses vues et envoie régulièrement des observateurs à ses sommets. Larépublique populaire de Chine fait également partie des pays observateurs[2].
Le terme de « non-alignement » a été inventé par le Premier ministre indienNehru lors d'un discours en 1954 dans la villeceylanaise deColombo. Dans ce discours, Nehru a décrit les cinq piliers à utiliser pour les relations sino-indiennes, qui ont été pour la première fois mises en avant par le Premier ministre chinoisZhou Enlai. AppelésPanchsheel (les « cinq principes »), ces principes servent plus tard de base au mouvement des non-alignés.
On peut considérer que laconférence de Bandung, tenue en 1955 dans la villeindonésienne deBandung dans l'Ouest de l'île de Java, qui avait réuni une trentaine de pays d'Afrique et d'Asie, est une étape importante vers la constitution du mouvement des non-alignés.
Le "Mouvement des non-alignés" a aussi pour objectif de promouvoir une industrialisation moins dépendante des technologies et des stratégies du Bloc de l'Est, ce dernier s'opposant à plusieurs grands projets industriels de pays qui vont à ce sujet s'opposer à Moscou.
La Roumanie est l'un des premiers à se lancer dans cette voie dès 1958, de manière symbolique et très suivie par les milieux industriels, par le biais d'un [[ArcelorMittal Galați#La Roumanie en3e force, entre l'Est et l'Ouest|projet de site sidérurgique géant]], lecombinat de Galati, qui sera ensuite érigé à partir du début desannées 1960 avec destechniciens et de la technologie étrangère, avec en particulier un laminoir automatisé par le FrançaisJeumont-Schneider[4]. Le site emploiera la décennie suivante, avec ses hauts fourneaux, 40000 personnes, et facilitant l'approvisionnement duChantier naval de Galați mais allant à l'encontre des souhaits de l'Union soviétique, oùNikita Khrouchtchev, soutenu par laTchécoslovaquie etl'Allemagne de l'Est, plus industrialisées, souhaitait que la partie sud duComecon privilégie des économies plus agraires. La réticence des Soviétiques contribua à l'ouverture de la Roumanie vers l'Occident[5]. Les Roumains tiennent à ce projet précis, fidèle au programme d'industrialisation du pays formulé en 1948[6], alors que Khrouchtchev veut plus de production agricole, dans un pays qui a de grandes cultures céréalières depuis leXIXe siècle[6].
Le monde en 1980, polarisé entre les deuxsuperpuissances. Les États non partisans sont les non-alignés.
Alors que l'organisation avait à l'origine pour but d'être aussi solide et unie que l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) ou lePacte de Varsovie, elle a dans les faits peu de cohésion, et plusieurs de ses membres ont été à un moment ou à un autre étroitement liés avec une grande puissance. Par exemple,Cuba était très proche de l'URSS lors de laguerre froide. L'Inde s'est aussi rapprochée de l'URSS durant quelques années pour combattre la Chine. Le mouvement a également fait face à des dissensions internes quand l'URSS a envahi l'Afghanistan en 1979 .
D'un côté les États clients de l'URSS approuvaient l'invasion de l'Afghanistan, et de l'autre, certains membres (surtout les États à majorité musulmane) la condamnaient.
Lors de laconférence d'Alger (5-), le mouvement lance un programme intitulé le « Nouvel ordre économique mondial » (NOEI), qui est adopté par consensus lors de l'Assemblée générale des Nations unies le[7],[8],[9]. Ce programme propose des mesures concernant les matières premières, le financement du développement, l'industrialisation, les transferts de technologie et le contrôle des firmes multinationales. Cette initiative sera mise en échec par le contexte de crise sévissant alors et l'opposition de fait des pays développés. Dans l'esprit du NOEI, se développe, à partir de 1973, lacoopération arabo-africaine entre deux organisations internationales (l'OUA et laLigue arabe) qui toutes deux souscrivent aux principes du non-alignement[10].
Créé dans le contexte de la guerre froide, le mouvement a dû trouver un nouveau souffle à son issue à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique. De plus, les États issus de l'éclatement de la Yougoslavie (l'un des membres fondateurs) ont montré peu d'intérêt pour l'organisation depuis la dissolution du pays. Enfin en 2004,Malte etChypre se sont retirés lors de leur entrée dans l'Union européenne. Néanmoins, l'organisation continue de jouer un rôle important. Elle a par exemple refusé de suivre les instances duconsensus de Washington, lequel regroupe leFonds monétaire international (FMI), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et laBanque mondiale, considérant que ce serait nuisible aux intérêts de ses membres.
Loin de s'estomper, le legs de l'ère de la guerre froide se poursuit. De nouvelles tendances s'inspirent des acquis des luttes de décolonisation. Ainsi, le politologueAziz Salmone Fall, dans le sillage deBen Barka, avec sonGroupe de recherche et d'initiative pour la libération de l'Afrique (GRILA) prône un renouveau de laConférence tricontinentale, un développement autocentré aux fondements écosystémiques, et plaide pour un mondialisme polycentrique[11],ou plus exactement pour le multilatéralisme.
En 2009, bien que non-alignée, l'Inde fait partie des pays fondateurs du groupe des BRIC. Elle y est progressivement rejointe par d'autres pays non-alignés : en 2011 par l'Afrique du Sud au sein des BRICS, puis en 2024 par l'Iran, l'Égypte, l'Éthiopie et lesÉmirats arabes unis pour former lesBRICS+, suivis en 2025 par l’Indonésie.
↑"Un test de la politique de Bucarest : le futur combinat de Galatz" Article par Philippe Ben le 4 août 1965 dansLe Monde[1].
↑Dragoș Petrescu, "Conflicting Perceptions of (Western) Europe: The Case of Communist Romania, 1958-1989", inEurope in the Eastern Bloc: Imaginations and Discourses, José M. Faraldo, Paulina Gulińska-Jurgiel, Christian Domnitz (eds.), p.204. Böhlau Verlag, Cologne, 2008.(ISBN978-3-412-20029-9).
↑a etb"Nicolae Ceausescu: Vérités et mensonges d'un roi communiste" par Catherine Durandin, en 1990.