Lamosquée Kalenderhane àIstanbul est une ancienneéglise grecque orthodoxe dédiée selon toute probabilité à la Vierge sous le nom deTheotokos Kyriotissa (litt : la mère de Dieu assise sur son trône) et datant duXIIe siècle. Elle est également connue commemosquée sous le nom deKalender Haneh Jamissi et comme église sous celui deSainte-Marie-Diaconissa. Sur le plan architectural, elle représente un des rares exemples encore existant d’église byzantine en croix grecque surmontée d’un dôme datant de la période intérimaire de l’architecture byzantine.
La mosquée est située dans le district deFatih, à Istanbul, dans le quartier Vefa, immédiatement au sud de l’extrémité est de l’aqueduc de Valens et à moins d’un kilomètre au sud-est de l’église-mosquée de Vefa.
Le sanctuaire de l’actuelle mosquée avec le mihrab et le minbar.
Le premier édifice construit sur ce site fut sans doute un bain romain. AuVIe siècle[N 1] une église-halle*[N 2] fut construite sur cet emplacement dont l’abside* s’appuyait sur l’aqueduc de Valens. Un peu plus tard, peut-être auVIIe siècle, une église plus imposante fut construite au sud de la première. Enfin une troisième église réutilisant le sanctuaire* et l’abside* (détruite subséquemment par lesOttomans) de la deuxième fut édifiée à la fin duXIIe siècle à la fin de l’ère coménienne[1]. On peut la dater d’entre 1197 et 1204, car Constantin Stilbes fait allusion à sa destruction lors d’un incendie en 1197 et elle existait lors de l’arrivée des croisés[2]. L’église était entourée d’autres édifices faisant également partie du monastère, mais ces derniers disparurent durant la période ottomane. Après laconquête de Constantinople par les croisés en 1204, l’église fut transférée au culte catholique romain et devint en partie la responsabilité du clergé franciscain[3].Après laconquête finale de Constantinople par les Ottomans en 1453,Mehmet II fit personnellement don de l’église à la confrérie des derviches dite Kalenderi. Ces derniers l’utilisèrent commezaviya* etimaret*; depuis lors l’édifice fut connu sous le nom de Kalenderhane (litt en turc : Maison des Kalenderi).
Cewaqf* possédait de nombreuses propriétés enThrace ainsi que plusieurs maisons de bains à Istanbul etGalata[3]. Quelques années plus tard, Arpa Emini Mustafa Efendi y ajouta unemektep* et unemédrasa*.
En 1746, Haci Beşir Ağa (mort 1747), le Aizlar Ağasi dupalais de Topkapi[N 3] compléta la transformation de l’église en mosquée en faisant construire unmihrab*, unminbar* et unmahfil*[3]. Ravagée par des incendies et ébranlée par des tremblements de terre, la mosquée fut rénovée successivement en 1855, en 1880 et en 1890. Elle fut abandonnée dans les années 1930 après que leminaret* eut été détruit par la foudre et la médrasa démolie[3].
Dans les années 1970, l’édifice fut restauré grâce aux efforts conjoints de Cecil L. Striker et Doğan Kuban, lesquels en firent l’étude et, en dix ans, la remirent dans l’état où elle était auXIIe siècle[4]. Leminaret* et lemihrab* furent reconstruits, ce qui permit à la mosquée d’être rouverte au culte[5].
Les travaux de restauration permirent également de résoudre le problème de savoir à qui l’église avait été dédiée à son origine. Van Millingen, qui fit en 1912 un relevé des églises chrétiennes de Constantinople, mentionnait diverses possibilités suggérées par ses prédécesseurs, entre autres celle de laTheotokos tēs Diakonissēs (litt: La Vierge des diaconesses, d'après le quartier où elle était située)[6]. Une autre possibilité était celle duChristos ho Akatalēptos (litt: Le Christ qui ne peut être connu). Toutefois, la découverte d’une fresque du donateur dans la chapelle du sud-est et une autre fresque située au-dessus de l’entrée principale dunarthex*, portant toutes deux le mot « Kyriotissa » (litt : sur son trône), suggère fortement que l’église était dédiée à laTheotokos Kyriotissa[7].
L’édifice est construit selon un plan centré* en croix grecque dont les bras supportent une voute en berceau*, le tout couronné par une coupole* à seize croisées d’ogive*. La structure extérieure est typique de la période intermédiaire byzantine faite d’unemaçonnerie où alternent rangées de briques et rangées de pierre. L’entrée se fait par un esonarthex* et un exonarthex* du côté ouest, tous deux ajoutés par la suite.
Une galerie* supérieure surplombant l’esonarthex* selon le même plan que celle de l’église du Christ pantocrator fut retirée en 1854[1]. Les bas-côtés* sur les côtés nord et sud le long de la nef furent également détruits, possiblement aussi auXIXe siècle. Les arcs triples qui unissaient originellement les bas-côtés* à la nef principale portent maintenant les fenêtres inférieures de l’église.
Le sanctuaire se trouve du côté est; toutefois, lemihrab* et leminbar* sont situés dans un coin afin de respecter l’orientation en direction deLa Mecque.
Ont également survécu laprothesis* et lediakonikon*, deux petites chapelles latérales typiques de la période intermédiaire et de la période tardive de l’architecture ecclésiale byzantine.
La décoration intérieure de l’église, en grande partie conservée, consiste en splendides panneaux de marbre coloré et moulures*, ainsi qu’en superbes cadres travaillés pouricônes. Deux de ses éléments sont uniques à Istanbul : une mosaïque d’un mètre carré représentant « La présentation du Christ », seul exemplaire d’un sujet religieux précédant la période iconoclaste à avoir survécu, ainsi qu’un cycle de fresques duXIIIe siècle représentant la vie de saintFrançois d’Assise, découvert dans une chapelle au sud-est de l’édifice et peint pendant la période de l’occupation latine[7]. C’est la plus ancienne représentation de ce saint que nous possédions et a probablement été peinte peu après la mort de celui-ci en 1226. Ces deux artefacts ont maintenant été retirés, restaurés, et peuvent être vus au Musée archéologique d'Istanbul.
Avec lamosquée Gül d’Istanbul, l’égliseHagia Sophia de Thessalonique et l’église de la Dormition (Koimesis) d’Iznik (autrefois Nicée)[N 4], la mosquée Kalenderhane représente l’un des principaux exemples d’église en croix grecque avec dôme* de la période intermédiaire de l’architecture byzantine[8].
Abside (La plupart des définitions sont tirées de Vogüe, « Dictionnaire technique » [1965]) : Extrémité de la nef en forme de demi-cercle, voutée en forme de coquille.
Bas-côté : Nef latérale d’une église de hauteur moindre que la nef principale. Lorsqu’ils sont de la même hauteur, ils sont appelés collatéraux.
Coupole : Voute hémisphérique ou d’une forme se rapprochant plus ou moins de la demi-sphère et dont l’extérieur porte le nom dedôme.
Croisée d’ogive : croisement de deux arcs d’ogive qui forment l’ossature de la voute.
Diakonikon : Absidiole latérale sud (à droite de l'iconostase) placée sous la surveillance d'un diacre où sont conservés les vases sacrés et les vêtements liturgiques dans les édifices religieux orthodoxes. Elle correspond à lasacristie chez les chrétiens d'occident. Avec leprothesis, il forme lepastoria.
Église-halle : Église dont le vaisseau central et les collatéraux (vaisseaux latéraux) sont de hauteur égale (et pouvant éventuellement être de largeur égale ou non), et communiquent entre elles sur toute cette hauteur.
Galerie : Passage (souvent fort étroit) recouvert placé soit à l’intérieur, soit à l’extérieur d’un édifice et servant de passage d’un lieu à un autre.
Imaret : Un des noms utilisés pendant l’Empire ottoman duXIVe siècle auXIXe siècle pour désigner un établissement donnant à manger aux pauvres.
Mahfil : Plateforme surélevée dans une mosquée, opposée auminbar, où lemuezzin coordonne les chants et prières en réponse aux prières de l’imam.
Médrasa (oumadrassa) : école ou université coranique.
Mektep (oukuttab) : école primaire musulmane.
Mihrab : Niche architecturale souvent décorée de deux colonnes et d’une arcature, qui indique laqibla, c'est-à-dire la direction de lakaaba à La Mecque vers où se tournent les musulmans pendant la prière.
Minaret : Tour dépassant tous les autres bâtiments fournissant un point élevé au muezzin pour les cinq appels quotidien à la prière.
Minbar : Chaire d'où lekhatib (imam oumollah) fait son sermon (khutba) lors de la prière du vendredi (jumu`ah) dans une mosquée.
Moulure : Ornements se développant en longueur sur un profil qui ne change pas et paraissant « moulés » les uns aux autres. Ils se profilent en creux ou en relief sur les membres d’architecture dont ils permettent de déterminer le style et l’époque.
Narthex : Élément architectural typique des premières églises et basiliques chrétiennes, consistant en un lieu situé à l’ouest de la nef, opposé à l’autel principal et servant de vestibule. Il est souvent divisé dans les églises byzantines en deux parties distinctes : le narthex intérieur ou esonarthex et le narthex extérieur ou exonarthex précédant l'atrium. Dans les églises orthodoxes, ces deux parties du narthex avaient des fonctions liturgiques différentes.
Plan centré : Plan d’église massé par opposition à l'église à plan basilical (voir illustration). Ce type de plan s'accompagne souvent d'une coupole.
Prothesis : Partie de l’église attenante au sanctuaire où sont disposés les objets qui serviront pendant le culte. Avec lediakonikon, elle forme lepastoria.
Sanctuaire : Dans une église ou un temple, le sanctuaire est la partie où se trouve l'autel et où s'accomplissent les rites sacrés. Le sanctuaire ne doit pas être confondu avec le chœur qui est l'espace où se tiennent les moines ou le clergé pour le chant de l'office divin, quoique dans les petites églises, le sanctuaire et le chœur ne forment qu'un.
Voute en berceau : voute formée par un arc de cercle prolongé en cylindre dont la directrice est une droite; c’est la plus simple des voutes.
Waqf : Donation faite à perpétuité dans le monde musulman par un particulier à une œuvre d'utilité publique, pieuse ou charitable, ou à un ou plusieurs individus. Le bien donné en usufruit est dès lors placé sous séquestre et devient inaliénable. Équivaut à « fondation » dans le monde occidental.
Zaviya (ouzaouia): École ou monastère religieux musulman.
↑Une datation précise a pu être faite grâce à la découverte d’une pièce de monnaie trouvée lors d’excavations stratigraphiques.
↑Les mots suivis d’un astérisque sont définis dans le glossaire plus bas.
↑Commandant des gardiens du harem au palais du sultan. Durant ses dernières années, il fut le mécène de nombreuses fondations religieuses (Müller-Wiener (1977)p. 156.
↑Cette dernière fut détruite en 1920, mais avait été étudiée quelques années avant sa destruction [Krautheimer (1986)]