Le sommet, objet de fascination et d'inspiration de nombreuses œuvres culturelles, a depuis plusieurs siècles représenté un objectif pour toutes sortes d'aventuriers, depuis sapremière ascension en 1786. De nombreux itinéraires, très fréquentés, permettent désormais de le gravir sous réserve d'une préparation sérieuse.
Afin de déterminer son altitude précise et mesurer son évolution, liée aux variations d'épaisseur de la crête neigeuse du sommet, des géomètres experts en font l'ascension tous les deux ans. La dernière mesure connue, en 2023, est de 4 805,59 mètres.
La première mention du « mont Blanc » daterait de 1685, avec la première mesure géodésique par le géomètre et astronome genevoisNicolas Fatio et son frère Jean-Christophe, qui donne un calcul de l'altitude de la montagne (2 426 toises, soit 4 728 m)[4],[5]. Toutefois, il utilise l'oronyme « montagne Maudite »[4]. Comme le rappelle l'historienne Thérèse Leguay « pendant longtemps la haute montagne [est] source d'épouvante »[6], d'où cette expression pour désigner ce haut sommet enneigé.
Le sommet n'est jamais clairement nommé dans les différents écrits ou cartes desXVIe et XVIIe siècles[7]. Dans son ouvrageLes glaciers du Mont-Blanc, le glaciologue Robert Vivian établit une chronologie des différentes représentations cartographiques ou citations de la montagne, par exemple dans laDescrittione del Ducato di Savoia novamente posto in luce in Venetia, l'anno MDLXII (1562)[7]. Une mention plus précise figure dans un ouvrage du conseiller du duc de Savoie,Emmanuel-Philibert de Pingon (Inclytorum Saxoniae, Sabaudiaeque principum arbor gentilitia), en 1581, qui présente les différentes parties des provinces duduché de Savoie[7]. Dans la partie consacrée à laprovince du Faucigny, la montagne est désignée par « Glaciales Montes »[7].
Quelques années plus tard, une « carte du Faucigny » est réalisée parJean de Beins (v. 1600), dans laquelle l'ingénieur militaire français mentionne une « montagne Maudite »[7], parfois de « Mont-Mallet »[8]. Dans les productions suivantes, la montagne est désignée par l'abréviation « la Mont. Maudite », puis « la Mont Maudite » (sans le point)[7]. Le travail cartographique de l'ingénieur militaire et cartographe piémontaisGiovanni Tommaso Borgonio pour leTheatrum Statuum Sabaudiæ, en 1682, et des représentations au 1/190 000, mentionne : « Dans le Faucigny, on dit seulement qu'il y a des montagnes d'une prodigieuse hauteur (…) c'est là où est celle (…) que les habitants appellent la montagne Maudite parce qu'elle est toujours couverte de neige et de glace. »[7],[9]. On trouve aussi parfois la mention « les Glacières » désignant l'ensemble de la montagne[7].
L'oronyme de la montagne devient « mont Blanc » sur les croquis dressés en 1742[4],[10],[11] par le naturaliste genevoisPierre Martel[8]. LeDictionnaire historique et géographique portatif de l'Italie, paru en 1775 à Paris, possède d'ailleurs une entrée pour le mont Blanc précisant les différentes appellations avec en premier nom « Monte Maledetto, Mont Maudit, ou Mont Blanc, appelé aussi les Glacières »[12]. Un des sommets du massif, lemont Maudit, conserve cette dénomination. La première carte à proprement parler à faire figurer le nom du mont Blanc est celle de Suisse établie par le Britannique William Faden en 1778[11].
Vue du lacLéman et, en arrière-plan, desAlpes deHaute-Savoie avec le mont Blanc au centre, depuisla Barillette.Vue du mont Blanc depuis l'Ouest lyonnais en été.
Vue du mont Blanc, du mont Maudit et du mont Blanc du Tacul depuis leglacier du Géant.Panorama depuis le mont Blanc vue à 360°
Le sommet du mont Blanc est recouvert par un dôme de neige allongé grossièrement d'ouest en est, alors que ses versants forment une pyramide dont les faces sont orientées au nord, au sud-ouest et au sud-est. Le versant septentrional présente un dénivelé de 3 800 mètres avec lavallée de Chamonix. Il alimente principalement leglacier des Bossons ; leglacier de Taconnaz naît entre l'aiguille du Goûter et ledôme du Goûter, sur l'arête nord-ouest du mont Blanc. Les versants sud-ouest et sud-est, plus rocheux, présentent un dénivelé maximal de 3 300 mètres avec leval Vény un peu en amont de lafrazione d'Entrèves. Ils alimentent, d'ouest en est, leglacier du Dôme et leglacier du Mont-Blanc qui s'épanchent tous deux vers leglacier du Miage, leglacier du Brouillard et leglacier de Frêney qui naissent en contrebas du sommet et ne confluent plus jusqu'au fond de la vallée, et enfin leglacier de la Brenva[2].
Vue de l'arête sommitale du mont Blanc en août 2007.
L'altitude du mont Blanc est définie par la hauteur d'accumulation de neige surplombant le sommet rocheux. Ce dernier est situé à 4 792 m[20] et serait recouvert par une calotte de neige et de glace d'une épaisseur d'environ 15 à 30 m. L'épaisseur de cette calotte dépend des précipitations et du vent qui sculpte la crête sommitale comme unedune. L'altitude de la crête fluctue donc au gré des saisons. Plus les vents sont faibles et les précipitations importantes et plus la calotte s'épaissit et le point culminant est élevé. Celui-ci est ainsi plus haut en été qu'en hiver car le vent est moindre. Ces conditions météorologiques influencent plus généralement la morphologie de l'arête sommitale en modifiant la répartition de la couverture neigeuse ce qui a aussi pour effet de modifier la position du sommet de celle-ci par rapport au sommet rocheux selon un axe orienté ouest-sud-ouest – est-nord-est. De manière générale, le sommet rocheux est décalé à l'ouest par rapport à la cime neigeuse. En 2004, il se trouvait, d'après des instrumentsradar et descarottages, à 40 mètres à l'ouest de cette dernière[21], et les relevées depuis 2001 montrent que le sommet enneigé s'éloigne vers l'est. Le sommet en 2009 était ainsi situé 34 m plus à l'est qu'en 2003[11].
Depuis le lever topographique du capitaine Jean-Joseph Mieulet en 1863, l'altitude officielle du plus haut sommet desAlpes est longtemps demeurée définie à 4 807 mètres (altitude ellipsoïdale géopotentielle). Depuis 2001, des mesures sont effectuées tous les deux ans pour suivre l'évolution de l'altitude.
Les conditions météorologiques peuvent changer très rapidement (neige, brouillard). Au sommet, la vitesse du vent peut atteindre150km/h et la température−40 °C[13] (minimum absolu de−43 °C)[33]. Le vent renforce l'effet de froid (refroidissement éolien) : la température apparente chute de10 °C tous les15km/h de vent[34]. Il peut contribuer à lui seul à l'échec d'une ascension, même par des professionnels.
L'essentiel des pentes du mont Blanc se situant au-dessus de 3 000 mètres d'altitude, elles se trouvent au-delà de la limite de l'étage nival, caractérisé par la présence denévés. Le manteau neigeux important, les conditions climatiques extrêmes, l'acidité des roches et l'absence d'humus[35] rendent les conditions de vie presque impossibles. Pourtant, dans les creux de falaises abrités, certaines plantes arrivent à subsister comme larenoncule des glaciers[35],[36], l'arabette naine[36] et des espèces desaxifrages[36], notammentcelle à deux fleurs[35]. Cependant, les formes de vie se limitent essentiellement à desmousses etlichens.
Le mont Blanc est en arrière-plan sur le tableauVue générale de Bonneville peint parTurner.
AuXVIIe siècle, lors dupetit âge glaciaire, des processions et exorcismes sont organisés afin de mettre fin à l'avancée de laMer de Glace qui s'approche dangereusement deChamouny[38]. Jusqu'auXVIIIe siècle, le massif inspire de la crainte aux habitants de la vallée et ses sommets ne sont parcourus que par quelques chasseurs dechamois etcristalliers[39].
Toutefois, il éveille la curiosité de la bourgeoisiegenevoise[39]. Elle se rend auMôle, bien visible au sud-est de la ville, en présence d'Anglais, pour observer le mont Blanc de plus près[40]. Toutefois, en l'absence de cartes décrivant l'organisation interne de cette partie desAlpes, ils sont rapidement désorientés :« Qu'on tire de Genève une ligne passant par le sommet du Môle, la montagne maudite sera située en un point quelconque du prolongement de cette ligne jusqu'à sa rencontre avec lavallée du Rhône, mais, nécessairement, toujours au nord de lavallée de Chamonix au lieu d'être au midi »[40]. Cette erreur perdure pendant un demi-siècle, expliquée ainsi parCharles Henri Durier :« On aperçoit fort bien le mont Blanc des environs de Genève mais en avançant vers les Alpes, on le perd de vue, et les premières sommités couvertes de neige que l'œil retrouve au sortir deBonneville, ce n'est pas le mont Blanc, ce sont les dents deMorcle et duMidi, c'est leBuet surtout, qui couronne l'extrémité de la vallée, le Buet qui est effectivement au nord de Chamonix dans la directement de Genève au Môle et qu'on a pris pour la haute montagne qu'on avait aperçue de loin… Le peuple de Genève nomma le mont Blanc la montagne maudite, le peuple prit le Buet pour la montagne maudite : les géographes suivirent ! »[40].
Ainsi, Durier explique que le mont Blanc lui-même est identifié trop tardivement pour que des mythes religieux et une symbolique poétique lui soient associés ; il entre directement dans l'ère durationalisme scientifique[41].
Dès 1760, Saussure offre une récompense de48 livres (environ 1 000 euros) pour la première ascension en pensant ainsi percer le mystère de la formation géologique des Alpes[44]. Il faut cependant attendre le pour assister à une première tentative sérieuse par quatre guides de la vallée. Ils suivent l'itinéraire des Grands Mulets mais doivent rebrousser chemin épuisés par la chaleur et inquiétés par le mauvais temps qui menace[44],[45]. Une nouvelle tentative a lieu en 1783 par le même itinéraire, également gênée par la réverbération du soleil. À leur retour, ils conseillent à Saussure d'emporter un parasol et du parfum[44]. La même année,Marc-Théodore Bourrit engage ces trois guides et inviteMichel Paccard pour une nouvelle tentative vite avortée en raison du mauvais temps[46],[47]. En, Paccard et un guide entreprennent de monter à l'aiguille du Goûter en partant du hameau deBionnassay mais ils progressent difficilement et doivent redescendre. Quelques jours plus tard, Bourrit fait une tentative par le même itinéraire. Deux de ses guides parviennent à atteindre les rochers Vallot, mais l'arête des Bosses qui les sépare du sommet leur parait trop escarpée[45]. L'année suivante, Saussure organise une grande expédition par le même itinéraire, à laquelle se joignent Bourrit et son fils. Ils progressent sur l'arête de l'aiguille du Goûter mais ils sont finalement bloqués par l'accumulation de neige fraîche. En, cinq guides de Chamonix se séparent en deux groupes pour étudier l'accès le plus commode audôme du Goûter. Trois partent de Chamonix et passent la nuit à lamontagne de la Côte.Jacques Balmat, lecristallier, se joint à eux sans y être invité. Deux autres partent de Bionnassay et dorment dans l'abri aménagé par Saussure l'année précédente. Ils se rejoignent aucol du Dôme et parviennent jusqu'aux rochers Vallot, mais l'arête des Bosses leur semble impossible à franchir et ils décident de redescendre. Jacques Balmat reste en arrière pour explorer les rochers à la recherche de cristaux. Surpris par la nuit, il est forcé de dormir sur place. Au grand étonnement des habitants de la vallée, Balmat redescend sain et sauf le lendemain.
Le,Jacques Balmat etMichel Paccard se mettent en route, discrètement, depuisles Bossons[48],[49] et partent bivouaquer en haut de lamontagne de la Côte. Le 8 août, ils suivent l'itinéraire des Grands Mulets et parviennent vers 15 heures sur le Grand Plateau. De là, ils partent vers l'est et franchissent les pentes raides au-dessus des rochers Rouges Supérieurs[47]. Ils apparaissent alors distinctement depuis la vallée, observés à la lunette par le baronAdolf Traugott von Gersdorff(de). Ils atteignent les Petits Rouges qu'ils quittent à17 h 45, puis les Petits Mulets et parviennent au sommet à18 h 23. Ils y restent trente-trois minutes puis entament la descente. À 23 heures, ils quittent le glacier et s'arrêtent pour dormir. Le lendemain, ils se réveillent à 6 heures et poursuivent vers le village. Paccard souffre d'ophtalmie et doit être aidé par Balmat pour le reste de la descente. Au village, Balmat apprend que sa fille est morte le jour où il atteignait le mont Blanc. Cet exploit marque les débuts de l'alpinisme tel qu'on le connaît aujourd'hui. Jacques Balmat, accompagné de François Paccard, se déplace par la suite à Genève pour toucher la récompense de Saussure, auquel se rajoutent460 livres offertes par le baron Adolf Traugott von Gersdorff, ainsi que240 livres par le royaume de Piemont-Sardaigne pour service rendu car« cette brillante action amènera un grand nombre de voyageurs à visiter les glaciers et enrichira la province »[50].
Presque un an plus tard, Saussure entreprend de monter lui-même au sommet, accompagné de dix-neuf personnes, dont Balmat. Il y parvient le. Il procède au premier calcul de l'altitude du mont Blanc depuis son sommet. Après un calcul de la moyenne avec trois mesures précédemment effectuées, il annonce comme altitude 2 450 toises, soit 4 775 mètres[11],[42],[51].
De nouvelles mesures parnivellement trigonométrique réalisées dans les années 1820, d'abord parPlana etCarlini dans le cadre des opérations austro-piémontaises, fixent l'altitude à 4 801,9 mètres, corrigée par les ingénieurs géographes à la valeur de 4 811,6 mètres. Puis lecommandant Filhon, avec l'aide des travaux de triangulation ducommandant Corabœuf menés vingt-cinq ans plus tôt, obtient 4 810,9 mètres d'altitude[11].
La première femme à atteindre le sommet est la ChamoniardeMarie Paradis, le. De son propre aveu, elle est « traînée, tirée, portée » par les guides sur la fin de l'ascension. Cette première reste néanmoins un exploit, compte tenu des conditions de l'époque. La seconde ascension féminine est réussie parHenriette d'Angeville, par ses propres moyens, vêtue d'une simple robe, le[52].
Jusqu'en 1827, les ascensionnistes utilisent sensiblement la même voie que Balmat et Paccard en passant du Grand Plateau au sommet par la face Nord au-dessus des rochers Rouges. Le passage du Corridor plus à l'est est ensuite emprunté pour rejoindre l'itinéraire des Trois Monts au niveau du Mur de la Côte[46],[53]. L'arête des Bosses, qui est la voie normale actuelle, n'est parcourue pour la première fois qu'en 1861.
La première ascension est aussi à l'origine de la première controverse alpine, qui a pour conséquence de minimiser fortement le mérite qui revient à Paccard dans cette entreprise[47]. Elle débute par des échanges par voie de presse entreBourrit etPaccard[54]. Bourrit est en effet le premier à faire le récit de l'ascension et il minimise le rôle de Paccard. Selon lui, Balmat aurait découvert la voie, réalisé toute la montée en tête pour arriver le premier au sommet, puis serait redescendu pour aider Paccard, exténué, à atteindre le sommet ; Paccard n'aurait même pas payé son dû à Balmat. Il conteste cette version et fait signer à Balmat une attestation sous serment avec témoins décrivant le vrai récit de l'ascension. Pressé par Saussure et von Gersdorf, Bourrit est forcé d'édulcorer quelque peu son récit. Mais il est bien plus influent que Paccard auprès des éditeurs genévois, et Paccard ne réussit pas à publier son récit de l'ascension. C'est la version de Bourrit qui est largement reprise pendant plus d'un siècle.
La première ascension de Balmat et Paccard est par ailleurs largement éclipsée par celle de Saussure un an plus tard, qui reste4 h 30 min au sommet et qui publie son récit dansRelation abrégée d'un voyage à la cime du Mont Blanc[55]. La controverse est relancée parAlexandre Dumas : en 1832, cinq ans après la mort de Paccard, il dîne avec Balmat qui fait un récit encore plus à son avantage de l'ascension de 1786. Dumas publie ce récit dans son livreImpressions de Voyage en Suisse[56] qui assied la légende de Balmat, conquérant du mont Blanc, et relègue dans l'oubli la participation de Paccard. Pour preuve, la statue érigée à Chamonix en 1887, à la gloire de Balmat et Saussure. Il faut attendre 1986 pour que la statue en l'honneur de Paccard soit érigée.
Ce récit à la gloire exclusive de Balmat est remis en question par des membres de l'Alpine Club. En 1860,Edward Whymper pose ainsi la question « Qui est le docteur Paccard ? »[57]. Ils reconstituent notamment le récit perdu du docteur Paccard[46]. De nos jours encore, les récits de cette première ascension historique sont influencés par les versions de Bourrit et Dumas.
Premier accident mortel et création des compagnies de guides
Le premier accident mortel a eu lieu en1820, lors de la dixième ascension[58]. Cette expédition a été rapportée parAlexandre Dumas qui en a recueilli le récit détaillé auprès du guide Marie Coutet, rescapé de l'expédition[59] : les clients sont le colonel britanniqueJoseph Anderson et le docteurJoseph Hamel, météorologue de l'empereur de Russie.Paul Verne évoque l'événement dans son récitQuarantième ascension au Mont Blanc[60]. Après deux nuits et une journée passées aux Grands Mulets, les clients exigent de monter au sommet malgré les conditions météorologiques défavorables et les guides, au nombre de treize, n'osent refuser. La caravane progresse avec de la neige fraîche jusqu'aux genoux. Les alpinistes progressent en file indienne, leur trace coupe uneplaque à vent et déclenche uneavalanche qui les emporte. Les trois guides de tête tombent dans une crevasse deux cents mètres plus bas et périssent. Leurs restes sont retrouvés en1861, en bon état de conservation, au bas du glacier des Bossons.
Toutefois, la peine et la consternation poussent les guides à s'unir l'année qui suit le drame. Le, un manifeste de la chambre des députés deTurin, approuvé parCharles-Félix de Savoie, rend officielle la création de laCompagnie des guides de Chamonix. Ses statuts prévoient que le voyageur est conduit sur les montagnes par des guides de première classe qui ont l'expérience et le contact nécessaires. La seconde classe est constituée par des guides de moindre expérience qui travaillent surtout comme porteurs. Les statuts définissent enfin une troisième catégorie, celle des aspirants-guides apprenant le métier[58]. En 2018, la Compagnie compte dans ses rangs plus de220 membres professionnels, guides et accompagnateurs en moyenne montagne[61].
Selon qu'on consulte une carte éditée en France ou en Italie, on ne lit pas le même tracé de la frontière au sommet du mont Blanc : sur les cartes italiennes, le sommet est un point de la ligne séparant les deux États, et est donc binational ; en revanche, les cartes françaises font apparaître une bande de terre française approximativement triangulaire qui pointe vers le sud au niveau du mont Blanc : selon ces cartes, le sommet du massif serait donc entièrement en France, la frontière passant par lemont Blanc de Courmayeur. Lescartes nationales suisses[65], couvrant aussi tout le massif, montrent de manière neutre les deux territoires contestés autour du mont Blanc ainsi qu'autour dudôme du Goûter (ceci après avoir suivi les conventions françaises jusqu'en 2018). Les tenants et aboutissants de cette situation sont liés à l'existence d'une frontière à travers le massif qui remonte à l'annexion de la Savoie par la France, donc à1860, régie par letraité de Turin et ses protocoles annexes[66]. La « carte au 1/50 000 de la frontière de la Savoie depuis le mont Grapillon, du côté suisse, jusqu'au mont Thabor où la limite de la Savoie rejoint la frontière de la France » annexée à la convention de Turin (annexe III) fait clairement passer la frontière par la calotte sommitale du mont Blanc. Très tôt néanmoins, à partir de1865, les cartes françaises présentent une nouvelle version du tracé : la carte topographique d'état-major du capitaine Jean-Joseph Mieulet fait en effet apparaître le triangle de terres françaises qui figure jusqu'à aujourd'hui sur les cartes éditées du côté français. Les cartes italiennes, notamment l'Atlas sarde de1869 font, elles, état du tracé passant par le sommet.
« Point de vue français » : la carte du capitaine Mieulet de 1865.
Côté français, l'arrêté préfectoral du partage le secteur dudôme du Goûter et du mont Blanc entre les trois communes deSaint-Gervais-les-Bains,Les Houches etChamonix-Mont-Blanc. Cet arrêté adopte l'interprétation du tracé frontalier des cartes d'état-major françaises et divise d'ailleurs le triangle litigieux au sud du mont Blanc entre les deux communes de Chamonix et de Saint-Gervais. Des pièces analysées par un érudit italien montrent que la préparation de cet arrêté a été étudiée jusqu'au niveau ministériel (une note datée du et établie par le ministère des Affaires étrangères français y a été consacrée).
À partir de1892, l'ingénieurHenri Vallot, cousin de Joseph Vallot et avec son aide, se lance dans la réalisation d'une carte au 1:20 000 du massif du Mont-Blanc[69]. Quelques décennies avant lui, vers le milieu du siècle,James David Forbes,Alphonse Favre(en) etEugène Viollet-le-Duc avaient respectivement effectué quelques relevés et mesuré l'altitude du sommet[11],[70] : 4 810 mètres[11]. Une mire en bois est alors installée au sommet pour permettre d'affiner la mensuration du mont Blanc. L'altitude est affinée à 4 807,20 mètres parnivellement trigonométrique entre 1892 et 1894 par Henri et Joseph Vallot[11]. Ce travail considérable de cartographie, effectué avec les moyens encore rudimentaires de l'époque, n'est achevé qu'après la mort des deux cousins par Charles Vallot, le fils d'Henri, qui lance par ailleurs la collection duGuide Vallot, réputée parmi les alpinistes.
Peu avant de mourir, Joseph Vallot confie l'observatoire à A. Dina qui — avec sa fondation — y développe un projet d'observatoire astronomique. Il est ensuite légué par sa veuve, madame Shillito, à la France qui le confie à l'Observatoire de Paris[71]. Puis, en 1973, leCNRS devient gestionnaire des deux observatoires de Chamonix[71]. En 1975, l'observatoire d'altitude est alors transmis au laboratoire de géophysique et de glaciologie de l'environnement (LGGE), alors que l'observatoire de Chamonix devient un« camp de base » pour les chercheurs du CNRS[71].
Le refuge Vallot actuel.
Ce refuge non gardé duClub alpin français n'est plus destiné qu'à la survie des alpinistes, en cas de mauvais temps. L'observatoire Vallot, situé une cinquantaine de mètres plus bas, n'est pas un refuge. Confié par leCNRS à l'Institut des géosciences de l'environnement, il est régulièrement utilisé par des scientifiques qui y mesurent les retombées des aérosols atmosphériques, pratiquent des forages sur le site ducol du Dôme et étudient la physiologie en haute altitude.
En, l'observatoire est mis en vente, avant annulation le de la vente par leministre du Budget, à la demande duCentre de recherches sur les écosystèmes d'altitude (CREA) et de divers acteurs mobilisés pour qu'on tienne compte d'une condition imposée par Joseph Vallot lors de sa donation à l'État : l'usage scientifique du bâtiment. Un autre appel d'offres est lancé, prenant cette fois en compte laservitude d'usage scientifique qui doit rester attachée au lieu. La mairie de Chamonix et le CREA proposent de racheter le site qui serait consacré à la science[71]. Finalement, en 2016, la mairie de Chamonix se porte acquéreur de l'observatoire[72].
En1891,Jules Janssen, académicien des sciences, envisage la construction d'un observatoire au sommet pour y effectuer des mesures sur le spectre solaire.Gustave Eiffel accepte de procéder à l'exécution du projet, à condition de pouvoir construire sur une fondation rocheuse et que celle-ci soit au plus à 12 mètres de profondeur. Des explorations préliminaires sont lancées pour trouver un point d'ancrage sous la direction de l'ingénieur suisse Imfeld, qui fore deux tunnels horizontaux de 23 mètres de long à 12 mètres sous la calotte sommitale. Il ne rencontre pas la roche, ce qui entraîne l'abandon du projet d'Eiffel[73].
L'observatoire est malgré tout construit en1893 ; il repose sur des vérins destinés à compenser les éventuels mouvements de la glace. Le tout fonctionne peu ou prou jusqu'en1906, quand le bâtiment commence à pencher sérieusement. La manœuvre des vérins permet de compenser l'assiette. Mais, trois ans plus tard, deux après la mort de Janssen, une crevasse s'ouvre sous l'observatoire qui est abandonné. Il disparaît dans les glaces et seule la tourelle est sauvéein extremis[73]. La construction de l'observatoire est le contexte de la légende des trois pruneaux de Jacques Balmat narrée parBlaise Cendrars dans son romanLes Confessions de Dan Yack.
Le,Agénor Parmelin est le premier aviateur à survoler le massif en se maintenant pendant un quart d'heure à 5 540 mètres d'altitude, et à passer entre le sommet et lemont Blanc de Courmayeur[76].
Les 19 et, Stephen Lewis Courtauld et Edmund Gifford Oliver avec les guides Henri etAdolphe Rey etAlfred Aufdenblatten effectuent la première remontée intégrale de l'arête de l'Innomée[77],[78]. En,Marguette Bouvier est la première femme à effectuer la descente à skis au moins partielle, par des conditions météorologiques dantesques, avec le guideArmand Charlet[79]. Le, Arturo Ottoz et Toni Gobbi réussissent la première hivernale de la voie Major[80].
Vue aérienne du sommet du mont Blanc depuis l'est.
Le, l'aviateurHenri Giraud se pose sur le sommet du mont Blanc sur un « terrain » de 30 mètres de long[81]. Le, Dominique Jacquet et Jean-Pascal Oron atterrissent enparachute sur le sommet après un largage à 6 100 mètres et établissent ainsi le premier record mondial[82]. Le à13 h 30, sept parapentistes français réalisent une première en se posant au sommet du mont Blanc[83] : cinq d'entre eux sont partis de Planpraz à 1 900 mètres d'altitude, de l'autre côté de la vallée de Chamonix, un autre est parti deRochebrune à Megève et le dernier de Samoëns. Ils profitent de conditions climatiques dues à la canicule qui leur permettent de réaliser leur exploit en passant par l'aiguille du Tricot (3 600 mètres), puis portés par desascendances thermiques exceptionnelles, de monter jusqu'à 5 200 mètres[84].
Entre 1986 et 1988, une série de records est établie au départ deChamonix-Mont-Blanc : le le Grenoblois Laurent Smagghe amène le record aller-retour à6 h 47 min 19 s, Pierre Lestas le porte à6 h 22 min le, Laurent Smagghe arrive ensuite en6 h le, le Jacques Berlie améliore le record en l'établissant à5 h 37 min 56 s[85],[86]. Le Laurent Smagghe reprend le record en5 h 29 min 30 s[87] puis deux ans plus tard, le Pierre André Gobet fixe le record à5 h 10 min 44 s[88],[89]. Le, leCatalanKílian Jornet réalise l'ascension au départ de Chamonix-Mont-Blanc en3 h 30 min et4 h 57 min 40 s aller-retour[88],[89]. Le, il réalise l'ascension du mont Blanc deux fois dans la même journée en moins de douze heures : départ des Houches à5 h 30, ascension par la voie normale (via le refuge du Goûter), atteinte du sommet à9 h 50 puis descente côté italien via lerefuge Gonella et leglacier de Miage puis remontée pour atteindre le sommet une deuxième fois à15 h 20[90]. Le, l'EspagnolManuel Merillas effectue l'aller-retour au départ de Courmayeur en6 h 35 min 32 s[91].
Naufragés de 1956 et création du peloton de gendarmerie de haute montagne
En, deux jeunes alpinistes, Jean Vincendon, unParisien de24 ans, et François Henry, unBelge de22 ans, ont comme projet l'ascension hivernale du mont Blanc par l'éperon de la Brenva. Ils ont bien préparé leur expédition mais ils vont se heurter à une succession de malchances et de mauvais choix qui leur seront fatals, d'autant plus que la période de mauvais temps prolongée est exceptionnelle[92]. Ils partent le. Au début de leur ascension, les conditions météorologiques se détériorent et les alpinistes décident de renoncer, lorsqu'ils croisent sur les pentes un de leurs héros, l'ItalienWalter Bonatti. Cette rencontre va les inciter à reprendre leur ascension, mais la tempête qui s'installe les bloque sur unsérac en bordure du Grand Plateau[92].
Un long calvaire de cinq jours commence pour les deux jeunes alpinistes, suivis aux jumelles depuis le sommet duBrévent et à la longue-vue depuis Chamonix. Plus de deux cents journalistes accourent de France et de Belgique pour couvrir l'événement. Les professionnels de la montagne déclarent le :« On ne va pas risquer nos vies pour ces imprudents ! Vouloir faire la Brenva en hiver est pure folie. »Lionel Terray organise une caravane de secours sans l'accord des guides de Chamonix. Cependant, profitant d'une brève accalmie, unhélicoptèreSikorsky S-58 de l'armée française, avec deux pilotes et deux sauveteurs secouristes, tente de les sauver mais s'écrase. Lionel Terray choisit de secourir en priorité l'équipage de l'hélicoptère vers lerefuge Vallot. Avant de partir, il transfère les deux jeunes alpinistes dans la carlingue de l'appareil, leur donne de la nourriture et de labenzédrine pour les aider à ne pas s'endormir[92]. Mais la tempête s'installe et toute nouvelle expédition est rendue impossible. De leur côté, les autorités rechignent à engager des moyens militaires importants pour sauver les deux jeunes imprudents alors que le contingent est engagé dans laguerre d'Algérie. Le, les autorités déclarent la fin des opérations de secours. Cette affaire vaudra à Lionel Terray son exclusion de laCompagnie des guides de Chamonix et va secouer le monde de la montagne car« elle reste le symbole d'un manquement, celui de la communauté des guides, qui a failli au devoir sacro-saint du secours »[93].
Finalement, le, la caravane de secours découvre les corps des deux alpinistes dans l'hélicoptère[92]. La Compagnie des guides de Chamonix est montrée du doigt, pourtant les guides avaient à plusieurs reprises déjà tiré la sonnette d'alarme en soulignant que« toujours plus d'amateurs alpinistes, c'était aussi toujours plus d'accidents » et qu'ils ne pouvaient plus faire face. La polémique qui s'ensuit et les tergiversations des autorités civiles et militaires sont à l'origine de la professionnalisation des secours et de la création duPeloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM). En 1958, les autorités décident de la création d'une organisation professionnelle de secours en montagne confiée à laGendarmerie nationale et au corps desCompagnies républicaines de sécurité sous l'autorité du préfet. Le premier groupe constitué d'une douzaine de gendarmes est installé à Chamonix le[94].
Les mesures montrent depuis 2001 une tendance à la baisse du point culminant mais leréchauffement climatique n'est pas considéré à ce jour comme responsable, car les conditions climatiques au sommet demeurent favorables à la préservation de la glace voire à son engraissement. Les températures moyennes au sommet sont généralement négatives (−15°C) et atteignent rarement des valeurs positives et uniquement sur de courtes durées[20]. De même, des mesures en 2004 ont fourni une température de la glace en profondeur de−17°C[11].
Vue aérienne du mont Blanc depuis 9 000 mètres d'altitude.
Les 6 et, les mesures montrent un décalage de l'arête sommitale de75 centimètres vers le nord-ouest par rapport à la campagne de 2001[11]. Lors de cette campagne, les mesures de plus de500 points de repère ont été prises, afin d'étudier le volume de neige de la calotte sommitale au-dessus de 4 000 mètres dans son ensemble et de la modéliser. L'impact de lacanicule européenne d'août 2003 est exclu car elle n'a pas entrainé de fonte significative desglaces au-dessus de 4 000 m d'altitude[95],[96].
De nos jours, ce sommet accueille près de 20 000 alpinistes chaque année[pas clair] et jusqu'à500 alpinistes certains jours[103]. L'itinéraire le plus fréquenté, lavoie normale par le refuge du Goûter, est considéré comme long mais « peu difficile » pour un alpiniste entraîné et acclimaté à l'altitude[104].
L'éloignement et les dangers objectifs caractérisent[104] toute course d'alpinisme qui ne doit pas être faite sans une bonne connaissance de lahaute montagne et la préparation physique et matérielle qui convient[34]. La voie normale présente notamment des passages délicats comme le couloir du Goûter avec des chutes de pierres. L'altitude élevée expose l'alpiniste aumal aigu des montagnes qui peut entraîner la mort et l'acclimatation préalable à l'altitude est nécessaire.
La forte fréquentation du mont Blanc explique le grand nombre d'incidents par rapport à d'autres sommets alpins[103]. Chaque année, l'ascension du mont Blanc fait ainsi de nombreuses victimes (cinq à sept morts par an pour la voie normale). En 2006,120 interventions ont été réalisées par lepeloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), dont 80 % pour épuisement (mauvaise préparation physique, manque d'acclimatation) ; 30 % des alpinistes présentent des blessures (gelures, blessures par crampons) ou des troubles liés à l'altitude lors de leur retour au refuge. Le taux de réussite est de 33 % seulement sans l'aide d'un guide (50 % avec)[34]. Malgré ce taux d'échec élevé, l'importante affluence fait que 2 000 à 3 000 personnes réussissent l'ascension chaque année.
Certaines agences proposent désormais des stages de quelques jours aux débutants, comprenant une initiation à l'alpinisme, une période d'acclimatation à l'altitude et l'ascension du mont Blanc sous la direction d'un professionnel (guide de montagne). Ce concept, permettant la pratique d'une nouvelle forme d'alpinisme « sans lendemain » met fin à une certaine philosophie de la montagne selon laquelle l'ascension du mont Blanc s'adresserait à des alpinistes déjà expérimentés et rompus aux techniques de l'alpinisme. Le retour d'expérience dans ce domaine ne confirme pas, à ce stade, la pertinence d'une telle approche de la montagne ni la probabilité de réussite dans une entreprise où l'objectif affiché reste une chasse au trophée plutôt qu'un rite de passage[105],[106].
l'itinéraire historique, par lesGrands Mulets, plutôt utilisé l'hiver en ski, ou en été pour la descente vers Chamonix. Il est actuellement peu fréquenté car considéré comme dangereux et exposé aux chutes deséracs. Un itinéraire alternatif passe au-dessus des séracs ;
la voie normale italienne, ou la route des aiguilles Grises. Après la traversée duglacier du Miage, nuitée aurefuge Gonella. Le lendemain, passage par le col des Aiguilles Grises, puis par le dôme du Goûter où l'on retrouve l'arête des Bosses ;
Vue du mont Blanc depuis l'aiguille du Midi en septembre 2007.
Le site dumassif du Mont-Blanc fait l'objet d'un projet de classement sur la liste dupatrimoine mondial de l'Unesco en tant que « site exceptionnel unique au monde » et en tant que haut lieu culturel, lieu de naissance et symbole de l'alpinisme[111],[112]. Ce projet ne fait pas consensus et devrait faire l'objet de demandes conjointes des trois gouvernements français, italien et suisse[113].
Le seuil de surfréquentation[Lequel ?] du mont Blanc est atteint, avec 300 à400 départs par jour en été[34]. Lors du sommet duConseil national de la montagne qui s'est tenu àSallanches, fin, il a été estimé que 25 000 à 30 000 personnes se sont lancées en 2005 à la conquête du mont Blanc. Avec l'ouverture des nouveaux marchés (Russie,Chine,Inde), ce sont 50 000 à 100 000 personnes qui pourraient demain tenter l'aventure, le chiffre de 200 000 ayant même été avancé[114]. Ces perspectives sont cauchemardesques pour les défenseurs du site et pour certains responsables politiques de la vallée, comme le maire deSaint-Gervais-les-Bains, commune dans laquelle se situe le mont Blanc. Lors de l'été 2003, avec la sécheresse et la fréquentation accrue du site,plusieurs dizaines de tonnes de détritus et déchets divers ont été laissées par les alpinistes qui campaient dans le secteur du refuge du Goûter. L'association Pro-mont Blanc a édité en 2002 le livreLe Versant noir du mont Blanc, qui expose les problèmes actuels et futurs qui se posent pour conserver le site en l'état[115].
Le maire deSaint-Gervais-les-Bains a proposé la mise en place d'un permis d'ascension — comme cela se fait au Népal —, dont la délivrance serait liée au nombre de places disponibles dans les refuges du Goûter — qui va être agrandi avec la construction d'un nouveau bâtiment — et de la Tête rousse. Cependant certains alpinistes, dont certains très connus, sont contre l'idée de ce permis d'ascension, qui serait contraire à leur conception de la liberté. Selon le président des guides :« La montagne doit rester un espace de liberté… Chacun doit pouvoir accéder aux sommets sans contrainte financière. De nombreux collègues ne seraient sans doute jamais devenus guides si une telle réglementation avait existé », et le célèbre alpinisteChristophe Profit demande même la suppression des refuges :« Car si les gens plantent leur tente là-haut, c'est parce qu'il y a un hébergement à proximité. Sans refuge, le problème serait réglé »[114].
Depuis 2019, un système de réservation nominative permet de réguler la fréquentation des refuges situés sur les voies d'accès au mont Blanc et de mieux y répartir le public.
Différentes formules permettent de faire l'ascension du mont Blanc avec ou sans stage d'acclimatation à l'altitude. Les activités de laCompagnie du Mont-Blanc s'étendent sur tout le massif. Elle a été créée en 2000 pour regrouper les domaines skiables des différentes sociétés de lavallée de Chamonix et fusionner toutes les remontées mécaniques des environs. Elle emploie215 personnes (jusqu'à 600 avec les saisonniers)[118]. La montagne apporte également des retombées économiques indirectes bénéficiant à toute la vallée de Chamonix, par exemple avec l'installation de nombreuses entreprises liées auxsports d'hiver et le doublement du nombre de marques et enseignes[119].
Le label « mont Blanc » est porteur, à tel point que des entreprises sans lien direct apparent ont choisi un nom similaire. Depuis 1906, la société allemandeMontblanc (Montblanc International GmbH) commercialise d'abord desstylos, puis desmontres, de lamaroquinerie, deslunettes et desparfums[120]. La marque est déposée. Le symbole le plus fort de la marque est l'étoile blanche à six branches stylisée, dont chaque branche représente un glacier du massif. Le nombre 4810 est également un symbole récurrent.
La boisson Tonimalt, jadis à base demalt, lait, miel et cacao, aujourd'hui commercialisée parNestlé, était vendue sous l'appellation Mont Blanc et l'étiquette de la boite représentait ce sommet[121]. Les crèmes dessertMont Blanc sont fabriquées par la laiterie deChef-du-Pont (Manche), rachetée par Activa Capital en 2003 à Nestlé[122]. L'entreprise propose également depuis 2006 des gourdes et des bâtonnets glacés.
Les sept premières photos prises au sommet du mont Blanc ont été faites en1861 par Joseph Tairraz (1827-1902) premier guide-photographe de la montagne professionnel.
Documentaire :La Terre, son visage de Jean-Luc Prévost - éd. Société nationale de télévision française, 1984, série Haroun Tazieff raconte sa terre, vol. 1 ; il présente la traversée ouest-est du mont Blanc qu'il a faite jadis en compagnie d'amis cinéastes.
Jean-François Ducis (1733-1816), dans une lettre adressée àHérault de Séchelles, écrit :« Quel piédestal pour la liberté, que ce mont Blanc ! […] Je l'avoue, je donnerais vingt mondes en plaine pour douze lieues en rochers et en montagnes »[124].
Mary Shelley (1797-1851) en villégiature en1816 àCologny près deGenève, en compagnie de son amant et de leur ami communLord Byron, découvre les montagnes alpines qui offrent à sa plume tant d'occasions de peindre des paysages qui forcent l'admiration. Lemassif du Mont-Blanc est tout à côté et sa présence, en particulier le secteur du Montanvert, est réelle dans son œuvre majeureFrankenstein[125],[126], lorsqu'elle décrit :« le rugissement furieux de la rivière […] les précipices […] les immenses montagnes […] révélaient en ces lieux la présence de forces évoquant celle de la toute-puissance […], les géants prestigieux des Alpes [sont des] pyramides et des dômes blancs et étincelants […] un autre monde, habitat d'une espèce inconnue de nous. »
Victor Hugo (1802-1885) vient admirer le mont Blanc dans les années 1820 et rédige son récit de voyage en1825[127]. En1877, dans son recueil épiqueLa Légende des siècles, il lui consacre le poèmeDésintéressement.
George Sand (1804-1876), venue en Savoie en1836 accompagnée de son amiFranz Liszt et du savant et philosophe genevoisAdolphe Pictet, parcourt lavallée de Chamonix[128]. Elle commence sa description, puis laisse filer son imagination dans desmétaphores :« La pomme de terre est l'unique richesse de cette partie de la Savoie. Les paysans pensent qu'en établissant une couche de fumée sur la région moyenne des montagnes, ils interceptent l'air des régions supérieures et préservent de son atteinte le fond des gorges (…) cette ligne de feux, établis comme des signaux tout au long du ravin, m'offrit au milieu de la nuit un spectacle magnifique. Ils perçaient de taches rouges et de colonnes de fumée noire le rideau de vapeur d'argent où la vallée était entièrement plongée et perdue. Au-dessus des feux, au-dessus de la fumée et de la brume, la chaîne du mont Blanc montrait une de ces dernières ceintures granitiques, noire comme de l'encre et couronnée de neige. Ces plans fantastiques semblaient nager dans le vide. Sur quelques cimes que le vent avait balayées, apparaissaient, dans un firmament pur et froid, de larges étoiles. Ces pics de montagnes, élevant dans l'éther un horizon noir et resserré, faisait paraître les astres étincelants. L'œil sanglant du Taureau, le farouche Aldébaran, s'élevait au-dessus d'une sombre aiguille, qui semblait le soupirail du volcan d'où cette infernale étincelle venait de jaillir. Plus loin, Formalhaut, étoile bleuâtre, pure et mélancolique, s'abaissait sur une cime blanche et semblait une larme de compassion et de miséricorde tombée du ciel sur la pauvre vallée, mais prête à être saisie en chemin par l'esprit perfide des glaciers. »
Le BritanniqueJohn Ruskin (1819-1900) écrit de nombreuses pages sur les sentiments qu'il éprouve face aux sommets alpins et au mont Blanc. Il les considère comme magiques et habités d'une force divine, mystique, seule l'émotion de la contemplation donnant accès à leur essence sacrée. Il joue un grand rôle dans l'élaboration d'une mythologie du mont Blanc[129].
↑Mary Shelley, Percy Bysshe Shelley,Histoire d'un voyage de six semaines, « LettreIV », p. 103-112.
↑Anne Rouhette, « Apogée ou appendice ? « Mont Blanc » et le mont Blanc dans Histoire d’un voyage de six semaines, de Mary Shelley et Percy Bysshe Shelley (1817) », vol. 2, 2015,DOI10.52497/viatica506.
↑Odile Parsis-Barubé,Figures romantiques de la mobilité et de l’immobilité montagnardes : les voyages aux Alpes et aux Pyrénées de Victor Hugo (1825-1843) in Louis Bergès,La Montagne explorée, étudiée et représentée : évolution des pratiques culturelles depuis leXVIIIe siècle.
↑Nicolas Bourguinat,Le Voyage au féminin, « Franz Liszt et Marie d’Agoult sur les routes de Suisse en 1835 : un voyage d’un autre genre », pages 37-58.
Michel Tailland, « Les mises en récit d'un demi-siècle d'ascensions anglo-saxonnes au Mont-Blanc, voyage initiatique entre science et aventure (1787-1851) », dansBabel. Littératures plurielles, 2003,no 8,p. 37-56[lire en ligne].
La version du 20 novembre 2007 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.