Ce grand papillon est célèbre pour sesmigrations de grande ampleur en Amérique, où il se déplace par groupes de millions d'individus sur des distances pouvant atteindre 4 000 km[1], deux fois par an, d'août à octobre vers le sud (surtout auMexique), et au printemps vers le nord. Lesécailles des ailes jouent un rôle crucial dans la migration, par un effet de tampon aérodynamique qui diminue le frottement[2],[3].
L'imago du monarque est un grandpapillon, dont l'envergure varie de 8,6 à 12,4 cm[7], pour une masse d'environ 0,5 g[8]. Les ailes et le corps sont légèrement plus petits au sein des populations qui ne migrent pas[9]. Ses motifs alaires consistent en un fond orangé, veiné (les nervures étant surlignées de noir) et bordé de noir, l'apex et la bordure des ailes étant ornés d'une double rangée de points blancs. L'apex des ailes antérieures est noir, avec des taches blanches et orange. Le dessous des ailes est similaire, mais avec l’apex jaune brunâtre, les taches blanches plus grandes pour les ailes antérieures, et une couleur de fond plus pâle pour les ailes postérieures. Les pattes antérieures noires ne sont pas adaptées à la marche. La tête et le thorax sont eux aussi noirs, pointillés de blanc[10].
Au stade adulte, le monarque présente undimorphisme sexuel. Les mâles sont plus grands que les femelles, mais leurs ailes sont plus minces[11]. Ils présentent une teinte orangée plus éclatante. Sur la face dorsale de leurs ailes postérieures, les mâles portent uneandroconie, une tache sur la nervure centrale. Les femelles n'ont pas cette tache, mais présentent une nervure plus large[12].
Il existe une forme rare de monarques qui sont blancs au lieu d'être orange. Cephénotype, appelénivosus, a été observé en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Indonésie et aux États-Unis. Il représente généralement seulement 1 % des individus, à l'exception d'Oahu, une île de Hawaï, où le phénotypenivosus a déjà représenté près de 10 % des individus[13]. Cette coloration est due à unehomozygotie pour unallèle récessif[14] d'un gène impliqué dans la production de lamyosine[15].
Imago mâle déployant ses ailes pour attirer une femelle.
Le papillon-reine (Danaus gilippus), congénère du monarque, ressemble aussi à ce dernier, surtout par sa face ventrale. Les deux espèces peuvent être confondues là où leurs aires de répartition se chevauchent, c'est-à-dire en Amérique centrale, dans le nord de l'Amérique du Sud et le sud de l'Amérique du Nord.
Enfin, certainesvanesses ressemblent très superficiellement au monarque : c'est le cas de la belle-dame (Vanessa cardui), dont la face dorsale présente les mêmes couleurs mais des motifs différents, et qui est de taille nettement inférieure.
Les couleurs vives de cette espèce, tant au stade larvaire (chenille) qu'au stade adulte (imago), sont supposées être un signal d'avertissement pour d'éventuels prédateurs, phénomène appeléaposématisme. Les œufs sont pondus sur des plants d'asclépiades, qui contiennent desalcaloïdes et des cardénolides toxiques pour de nombreux animaux mais pas pour le Monarque. La résistance du Monarque auglucoside produit par les asclépiades, qui bloque lapompe sodium-potassium (uneenzyme responsable du retour ou du maintien au repos des cellules excitables) chez la plupart desanimaux, est due à desmutations de cette enzyme qui présente alors une très faible affinité pour le glucoside[17]. À la suite de l'éclosion de son œuf, la chenille consomme les feuilles d'asclépiade, séquestre et emmagasine lescardénolides (unstéroïde), ce qui la rend indigeste pour ses prédateurs vertébrés, les oiseaux principalement.
Multivoltin, le monarque produit plusieurs générations par an, dont les imagos successifs sont principalement visibles d'avril à octobre, et observe unediapause de la fin de l'automne au printemps.
Ses biotopes sont divers, suivant les saisons. Il se plaît dans toute l'Amérique, mais passe l'hiver dans des forêts desapins sacrés de l'État deMichoacán, au Mexique.
Carte des migrations du MonarqueUn très grand nombre de papillons monarques se reposant sur un arbre au Mexique.
Les papillons monarques migrent de septembre à novembre à partir de leur habitat de plus d'un million dekm2 enAmérique du Nord et partent vers laSierra Nevada mexicaine, où ils se rassemblent sur moins de 20 hectares dans les hautes forêts de l'État du Michoacán pour passer l'hiver[21]. Lors de leur migration, ils se retrouvent chaque année aux mêmes lieux de repos et forment de grandes colonies pendant la nuit. Lorsque les températures sont basses et les vents forts, les papillons monarques se rapprochent et forment des colonies encore plus grandes. Les papillons sont tellement nombreux qu'il est possible de les entendre voler[21]. Lorsque la température est inférieure à 10 °C, les papillons de nuit ne peuvent pas voler et, si le temps n'est pas favorable, ils se reposent également pendant la journée. En cas d'ensoleillement et au-dessus de 13 °C, ils peuvent poursuivre leur migration. Pour la migration du Canada vers le Mexique, les papillons monarques ont besoin de huit à dix semaines, ceux des régions plus méridionales de quatre à six semaines. En moyenne, ils parcourent environ 80 à 120 kilomètres par jour[22]. Au cours de leur migration, de nombreux papillons monarques meurent. À certains endroits, les rives des grands lacs sont jonchées de papillons morts. En tout les papillons vont parcourir en moyenne 4 000 kilomètres[21].
L'un des aspects les plus curieux de la migration des monarques est que leur voyage du sud au nord se fait en plusieurs générations[21], alors que le voyage du nord au sud se fait en une seule. Les monarques naissant en automne entrent dans une phase dediapause, ce qui leur permet de survivre toute la durée de l'hiver. Cela leur permettra de migrer de la région desgrands lacs et du sud de laCalifornie vers l'état duMichoacán au Mexique, où ils vivront à l'état d'inactivité dans des forêts desapins sacrés (ou oyamel). Les monarques y sont présents en nombre si important qu'on ne peut parfois même plus distinguer la moindre parcelle d'écorce où ils se posent. Les monarques se regroupent en essaims la nuit et prennent leur envol le jour, si la température est suffisamment élevée.
Arrivés au Mexique, les papillons pondent leurs œufs sur desaslépiades et meurent[23]. Leurs descendants reprennent alors la migration, cette fois vers le nord et les générations successives remontent progressivement le continent jusqu'à l'automne[23].
Tout ce cycle est nécessaire pour que les monarques prennent des forces pour la reproduction qui aura lieu en mars, juste avant de prendre leur envol pour le nord. Ce voyage prendra plusieurs générations. La durée de vie normale d'un monarque est d'environ deux mois l'été, et de plus de sept mois pour la forme hivernale[24].
Les raisons de cette migration et comment les papillons retrouvent le même lieu que leurs prédécesseurs après plusieurs générations demeurent partiellement énigmatiques. On sait que le monarque utilise un genre de boussole solaire situé dans son cerveau moyen, et deshorloges circadiennes localisées dans ses antennes[22],[25]. Des chercheurs ont montré qu'une légère baisse de température est le signal pour entamer la migration vers le nord[26].
Superficie occupée par le Monarque (population migratrice de l'est) dans les aires d'hivernage au Mexique de 1993 à 2018.
Étant donné la diminution importante des populations de monarques observée au Mexique[29] et en Californie[30] depuis les années 1990, la situation de l'espèce préoccupe plusieurs groupes environnementaux et gouvernements. En juillet 2022, le monarque migrateur (Danaus plexippus plexippus) est ajouté à laliste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature[31]. Au Canada, le Monarque dispose du statut légal d'espèce en péril[32],[33]. Aux États-Unis, l'espèce est en évaluation pour déterminer si elle sera inscrite à l'Endangered species act[34].
La perte d'habitats de reproduction due à la diminution de l'abondance desasclépiades associée à l'usage d'herbicides est considérée comme l'un des principales causes du déclin du monarque[35]. La perte de sites d'hivernage et les changements climatiques contribuent aussi au déclin du papillon[36].
Parmi les autres hypothèses avancées, il y a le parasiteOphryocystis elektroscirrha, dont l'impact négatif affecterait plus les femelles que les mâles[37]. Des programmes descience participative ont été mis sur pied pour étudier la répartition et l'abondance du monarque et des asclépiades, notammentMission monarque au Canada[38] etMonarch Larva Monitoring Project aux États-Unis[39].
↑Davis, A.K., and M. Holden. 2015. Measuring intraspecific variation in flight-related morphology of monarch butterflies (Danaus plexippus): which sex has the best flying gear?Journal of Insects Article ID 591705, 6 pages.https://www.hindawi.com/archive/2015/591705/
↑M. Leboeuf et S. Le Tirant. 2012.Papillons et chenilles du Québec et des Maritimes. Éditions Michel Quintin, Québec 391 p.
↑J. Stimson et M. Kasuya. Decline in the frequency of the white morph of the monarch butterfly (Danaus plexippus plexippus L. Nymphalidae) on Oahu, Hawaii.Journal of the Lepidopterists' Society 54:29–32.
↑Stimson, J. S. & L. Meyers. 1984. Inheritance and frequency of a color polymorphisminDanaus plexippus (Lepidoptera: Danaidae) on Oahu, Hawaii.The Journal of Research on the Lepidoptera 23:153–160.