Unemomie (dulatin médiévalmummia(en), « substance liquide extraite des corps embaumés utilisée comme drogue médicinale », lui-même issu de l’arabe مومياء,mūmyāʾ, « mélange de poix et de bitume, substance dont lesanciens Égyptiens se servaient pour embaumer leurs morts », dérivé dupersan موم,mūm, « cire, substancesbalsamiques »[1],[2]) est uncadavre qui a été préservé de la destruction et de laputréfaction par des raisons naturelles ou par des techniques humaines.
Le plus souvent, il s'agit d'une intensedessiccation et d'unedésinfection (pour éviter la prolifération desmicro-organismes qui provoquent la putréfaction du cadavre). C'est une dessiccation naturelle dans unegrotte sépulcrale qui est à l'origine de la plus ancienne momie attestée : la momie de Fallon. Découverte en 1940 dans laGrotte de l'Esprit (Nevada,États-Unis), sa datation en 1996 aucarbone 14 a créé une immense surprise, son âge précédemment attribué de 2 000 ans s'est vu repoussé à 9 415 ans (plus ou moins 25 ans)[3].
Précédemment le record était détenu par les têtes momifiées de « Rosalia » et « Chulina »[4], datées d'environ 6 000 ans au carbone 14. Trouvées en 1936 dans un abri de laquebrada de Chulin (Mexique), elles ont été datées en 2005 avec une méthode dedatation de l'École polytechnique fédérale de Zurich.
Selon lestextes des sarcophages, lesÉgyptiens de l'Antiquité qui croyaient que la préservation du cadavre despharaons (puis des notables et même de certains animaux comme leschats — des animaux momifiés ont été retrouvés par milliers dans les sites sacrés de l'Égypte antique) — lui assurait une vie éternelle dans l'au-delà, utilisaient un ensemble complexe de techniques dont le retrait desviscères et ducerveau, le lavage aunatron, le remplissage du corps avec desgoudrons, desbitumes et desplantes, la protection externe de la momie étant complétée par un emballage dans un réseau de plusieurs bandelettes.
Momie (sˁḥ)
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En réalité, alors que la véritable momification destinées aux privilégiés apparaît à laIVe dynastie avec la fonction d'embaumeurs attitrés, des techniques de préservation des corps (notamment l'inhumation à même le sable chaud qui séchait les corps) existent dès -4500 tandis que des techniques de momification plus simples se sont répandues à partir duIer millénaire avant notre ère et concernent toutes les couches de société[5]. Des momies partielles (mâchoires ou mains momifiées de femmes àHiérakonpolis) ont même été trouvées dès 3600 avant notre ère[6].
Il y avait aussi des momies chrétiennes en Égypte antique. L'adoption progressive du christianisme par la population égyptienne n'a pas brutalement mis un terme à la pratique de la momification. C'est à partir de la fin duIIe siècle que l'on rencontre des traces de christianisation, notamment àAlexandrie, puis progressivement dans le reste du pays. La pratique de la momification n'a jamais été interdite par les textes canoniques chrétiens. Le fait que les chrétiens croient à la résurrection des morts s'accorde d'ailleurs parfaitement avec la volonté de préservation des corps. Néanmoins la technique est différente. On ne note aucune trace d'éviscération abdominale, alors que l'extraction des viscères était un geste primordial dans la momification. Lenatron était aussi utilisé. Mais les défunts n'étaient pas embaumés de la même manière.
Une étiquette en bois inscrite attachée à la momie, à l'époque romaine, servait à identifier le corps parmi les dizaines entassés lors des inhumations collectives.
Depuis les années 1970, on a retrouvé enChine plusieurs corps embaumés dans un état de conservation exceptionnel. La souplesse des membres, la conservation de toutes les parties du corps est tellement exceptionnelle, que les chercheurs chinois les appellent des « corps frais », car ils n'ont rien de l'état desséché des momies égyptiennes.
Une momie chinoise fut découverte en 1972 par l'archéologue Paul Fabre et son fils Francois-Maurice Fabre : c'est le corps d'une femme, découvertin situ, dont les membres ont conservé toute leur souplesse (Voir chapitre suivant).
La même année, huit corps momifiés sont découverts àQilakitsoq, auGroenland.
En 1974, à Mawangdui à 300 km au nord deJingzhou, une momie est découverte, présentant des caractéristiques de conservation elles aussi exceptionnelles. Son sang a pu être analysé (groupe AB). Le personnage ainsi embaumé se nommait Su-Hi, et était magistrat, mort en -167[note 1].
En 2002, àLianyungang, sur la côte, une autre momie (d'une femme) semblable a été découverte, dans le même tombeau que trois autres cercueils ne contenant que des ossements. Malheureusement la chaleur ambiante et le peu de connaissance des archéologues de la région dans le domaine ont rapidement abîmé le corps lors de sa découverte.Zhou Yangchen, un spécialiste de Shanghai, possédant plusieurs momies similaires, dont la momie du militaireYan Fuzheng, dans des chambres froides les a aidés à limiter les dégâts.
Mais le mieux conservé de ces corps est sans conteste celui deXin Zhui, découvert en 1972 près de la ville deChangsha dans leHunan et autopsié parPeng Longxiang. Le corps a été conservé pendant 2 150 ans.
L’état de conservation était exceptionnel, comme les autres momies chinoises, elle avait les particularités suivantes :
les membres étaient restés souples ;
tous les viscères étaient restés en place, parfaitement conservés ;
le cerveau lui-même était parfaitement intact, ayant simplement diminué de volume.
Il y a environ 500 ans, neuf membres d'une même famille ont été étranglés dans ledésert de Gobi. Les assassins ont abandonné les corps, les cordes encore accrochées à leurs cous brisés. Des bergers les ont découverts en 1974, momifiés par l'air du désert. Les victimes, de jeunes enfants et un homme quadragénaire, aident aujourd'hui les scientifiques à reconstituer la vie rude (et la mort) des nomades au début de ladynastie Ming. L'analyse complète prendra des années, mais l'ADN et les résultats d'autres tests livrent déjà des indices. Il pourrait s'agir d'un châtiment et non d'un crime, avance Bruno Frohlich,anthropologuelégiste à laSmithsonian Institution, qui étudie les momies depuis 2004. Une faute commise par un individu a pu entraîner la punition de toute sa famille.
En 1995, la momieinca surnomméeJuanita fut découverte auPérou, près d'Arequipa, par l'anthropologue et andinisteJohan Reinhard. Elle se trouvait à environ 6 300 mètres d'altitude, sur le volcan Ampato, et ne put être découverte que grâce à la fonte de cinquante mètres de glace due à l'éruption d'un volcan voisin. Le corps de la jeune fille, vieux de plus de 500 ans, est remarquablement bien préservé (d'abord par la glace, aujourd'hui artificiellement) et peut parfois être vu au muséeSantuarios Andinos d'Arequip. Lesmomies Chinchorro(en) sont antérieures de plus de deux millénaires aux momies égyptiennes[14]. Les corps sont décharnés, les organes internes sont extraits et les principaux muscles enlevés. Puis ils sont écorchés avec des os et leur intérieur est desséché à l'aide de braises ou de cendres. Ils sont ensuite raidis par des perches de bois, les rotules et les articulations des coudes sont râpées et bloquées par des pièces de bois maintenues par des cordelettes. Puis les corps sont remodelés, les membres sont enserrés de nattes de joncs, les cavités bourrées de laine, de plumes, de branchages ou d'herbes, et d'une pâte à base de cendres. Lors de l’étape finale, les préparateurs funèbres ajustent la peau (sans doute conservée dans de l'eau de mer) sur le tout, refixent les cheveux sur le crâne et peignent le corps avec une pâte noire à base de manganèse (d’où leur nom de momies noires) ou d’ocre rouge (d’où leur nom de momies rouges)[15]. Les momies Chinchorro sont considérés comme la première forme de momification dans le monde.
De nombreuses autrescivilisations sont connues pour avoir pratiqué l'embaumement des corps à plus ou moins grande échelle :
les corps desNazcas, inhumés dans le désert, se sont momifiés naturellement ;
près d'une vingtaine de corpsIncas ont été retrouvés dans les montagnes, préservés par la glace. Il s'agissait d'enfants souvent nobles sacrifiés pour apaiser les dieux, lors d'éruptions volcaniques, de tremblements de terre ou lorsque l'Inca était gravement malade.
Lord Evandale, dandy anglais romantique, découvre avec son collègue égyptologue Rumphius, sous les bandelettes d'une momie, le corps d'une splendide égyptienne accompagné d'un mystérieux manuscrit. Lord Evandale en tombe amoureux alors que Rumphius va s'évertuer à déchiffrer le papyrus qui raconte la vie de la mystérieuse égyptienne. Ils entreprennent alors par l'imagination la remontée des siècles...
collectif,Quatre momies et demie, Somogy éditions d'art,
Catalogue d'une exposition organisée au musée Joseph-Déchelette de Roanne en 2015 sur les différents usages et utilisations des momies égyptiennes depuis leur redécouverte au Moyen Âge jusqu'à aujourd'hui
Juliette Cazes,Momies ! Corps conservés à travers le monde, Paris, Éditions du trésor, 192 p.