LesMoldaves (enroumain :moldoveni) sont, endroit international (qui est undroit du sol selon lequel une personne a lanationalité inscrite sur sonpasseport, sans que ses origines ethniques entrent en ligne de compte), lescitoyens de la république deMoldavie, quelles que soient leurs langues, traditions, croyances et origines.
AuXXIe siècle, 56 % des Moldaves (4 734 000 personnes) vivent sur 46 % du territoire de l'ancienne Moldavie (en Roumanie)[1] et 44 % (3 660 500 personnes) vivent sur 54 % du territoire de l'ancienne Moldavie (3 288 500 personnes en république de Moldavie, soit 36 % de l'ancienne principauté[2], et 372 000 personnes en Ukraine, soit 18 % de l'ancienne principauté[19]).
enMoldavie occidentale restée autonome,moldoveni (« moldaves ») désigne les « Roumains de la Moldavie », tandis que ceux de la Bessarabie (les Mолдавянинь -Moldavianiny) sont dénommésBasarabeni (« Bessarabiens ») ;
enURSS, Mолдавянинь -Moldavianiny est remplacé en 1924 par Mолдаване -Moldavane dont l'emploi traduit la nouvelledéfinition soviétique, différente de la définition impériale russe, puisqu'elle implique que les « Moldaves » forment« un peuple et une langue aussi différents des Roumains que le sont les Français des Italiens »[21].
Gris : aire de distribution des Moldaves ; jaune : États dont la langue officielle est ledaco-roumain (appelé roumain en Roumanie et aussi moldave en Moldavie).Carte de 1900 montrant l'aire de répartition de la langue (daco-)roumaine en bleu (en rouge les frontières en 2025).Relations entre citoyenneté, langue et appartenance géo-historique dans l'espace roumanophone.Carte soviétique de 1946 de la « nationalité » ukrainienne (en rouge) et roumaine (en violet) incluant les Moldaves.
Après le (fondation enUkraine soviétique de larépublique autonome moldave) la polysémie se complexifie encore plus : certains responsablesbolcheviks commeGrigori Kotovski soutiennent qu'elle doit propager lecommunisme enRoumanie voisine, donc l'identité de sa population roumanophone devait être reconnue comme roumaine : jusqu'en 1938, les écoles enseignèrent enroumain écrit en caractères latins, l'accent étant mis sur l'idéologie communiste, et la Roumanie voisine étant présentée comme une « mère-patrie gémissant sous le joug de lamonarchie, des bourgeois et desaristocrates ». MaisGueorgui Tchitcherine, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, estimait que cette politique« risquait de favoriser lechauvinismeroumain » et qu'il fallait l'abandonner pour définir les Moldaves comme« une ethnie différente des Roumains, de langue romane différente, issue dumélange desVolokhs avecles Oulitches et les Tiverzes » et pour affirmer que ces Moldaves« mi-slaves, mi-romans, vivent principalement en République socialiste soviétique autonome moldave, où ils sont libres, et enBessarabie, sous le joug roumain, où ils attendent leur libération de l'URSS » de manière à justifier les revendications territoriales soviétiques sur la Bessarabie. Tchitchérine, contrairement à Kotovski, soutenait en effet la position de Staline : celle de la« construction du socialisme d'abord dans un seul pays » : l'URSS. Kotovski étant mort entre-temps, la « ligne Tchitcherine » finit par être adoptée le. Un « alphabet moldave » écrit en caractèrescyrilliques russes fut adopté, et toute mention de la Roumanie autrement que comme une « puissance impérialiste occupant indûment un territoire soviétique » (la Bessarabie) fut dès lors assimilée à une trahison (punissable de la peine de mort)[22].
C'est dans ce contexte qu'apparut enrusse le néologismesoviétique молдаване (moldavane) dont le sensethnique et politique définit ainsi l'identité des Moldaves : « leur longue cohabitation avec les autres peuples devenus soviétiques en fait un peuple différent des Roumains même s'ils partagent les mêmes ancêtresVolokhs »[22]. Ce second sens, qui fait des Moldaves uneethnie romane orientale aussi distincte desRoumains que le sont lesItaliens ou lesEspagnols, n'est d'ailleurs pas figé : concerne-t-il seulement les Moldaves de l'ex-URSS (eteux seuls)[23],[24] ou bien l'ensemble des Moldaves (tous, en Roumanie comme dans l'ex-URSS)[25] ?
Dans la déclaration d'indépendance de la République deMoldavie en1991, les nouvelles autorités abolissent explicitement la définitionethnique (russe etsoviétique) du mot « Moldaves », revenant à la définition géo-historique d'avant 1812, et utilisant les mots « Roumains » et « Roumain » pour désigner les autochtones romanophones du nouvel État et leur langue. Mais, confrontées à la levée de boucliers des colons soviétiques (un tiers de la population qui s'organise en un mouvementpro-russeInterfront), aux coupures d'électricité et de gaz (en provenance de Russie) et militairement vaincues par la14e armée russe du généralAlexandre Lebed (lors de laguerre du Dniestr de1992) les autorités moldaves cèdent et revoient laConstitution. Par son article 13, elles acceptent à nouveau la définition ethnique russo-soviétique des mots « Moldaves » et « Moldave » pour les autochtones et leur langue[26].
Selon cet article 13 jusqu'à ce qu'il soit modifié en mars 2023, ceux-ci pouvaient se définir, lors des recensements, soit comme « Moldaves », soit comme « Roumains » (alors qu'en Moldavie roumaine, ils peuvent être les deux à la fois, « Moldaves » désignant leur appartenancegéographique à larégion de Moldavie, et « Roumains » leur appartenanceethnique à l'ensemble roumanophone). S'ils se désignaient comme « Moldaves », les autochtones de la république de Moldavie étaient considérés comme des « citoyens titulaires » (cetățeni titulari) mais perdaient le droit de se référer librement à la culture et l'histoire des Roumains par-delà les frontières, comme ont toujours pu le faire leurs concitoyens russes ou ukrainiens en lien avec la Russie ou avec l'Ukraine. En revanche, s'ils se désignaient comme « Roumains », les autochtones pouvaient se référer librement à la culture et l'histoire des Roumains par-delà les frontières mais perdaient le statut de « citoyens titulaires » et étaient considérés comme « minorité nationale » dans leur propre pays[27].
l'autre, dit« moldaviste », adopté dans l'article 13 de laconstitution de la Moldavie[18], est utilisé enCommunauté des États indépendants (CEI) et par les cercles pro-russes de Moldavie : il affirme que les « Moldaves » sont seulement l'ethnie majoritaire de la république de Moldavie considérée comme« différente des Roumains »[32].
La définitionmoldaviste :
exclut du mot « moldave » les Moldaves de Roumanie qui représentent pourtant plus de la moitié des « Moldaves » en tant qu'autochtones duterritoire de l'ancienne principauté[33], puisque, selon ce point de vue, on ne peut pas être simultanément moldave et roumain. Seuls les Moldaves deRoumanie peuvent être simultanément « moldavesetroumains » (comme on peut êtrechampenoiset français)[34];
amalgame les notions d'« ethnie » (telle qu'elle était définie enURSS) et decitoyenneté et donne au mot « moldave » deux sensstatistiques divergents : uniquement unroumanophone dans lesanciens États soviétiques, mais tout citoyen de la Moldavie y compris de langue russe, ukrainienne, bulgare ou autre dans ladiaspora.
En raison de ces confusions, le mot français « moldave » est utilisé endroit et enhistoire-géographie de manière divergente et contradictoire, avec des sens différents selon le contexte et l'auteur :
endroit international, ce nom désigne les citoyens de la république de Moldavie, quelles que soient leurs origines et langues, et eux seuls ;
endroit des États issus de l'ex-URSS (dont la république de Moldavie elle-même jusqu'au 2 mars 2023), ainsi que dans les sourcesslavistiques etsoviétologiques, ce nom désigne les roumanophones citoyens de ces États, et eux seuls, considérés comme uneethnie[35] ;
enhistoire etgéographie, ainsi que dans les sourcesromanistiques oubalkanologiques, ce nom désigne les régions, les productions et les populations autochtones de l'anciennePrincipauté de Moldavie, région historique aujourd'hui partagée entre trois États modernes :Moldavie,Roumanie etUkraine : dans ce sens historico-géographique, les populations moldaves ne sont pas une ethnie mais font partie d'un groupe linguistique et culturel plus étendu : lesroumanophones.
Pour échapper à cette polysémie induite par lagéopolitique, d'autres langues rendent le français « moldave » par deux mots différents :
l'autre plus récent, traduit du russe moderne Молдаване (Moldavane) par l'allemandMoldawier ou l'anglaisMoldovan, a le sensethnique et politique voulu par les pro-russes[22], selon lequel l'identité propre et spécifique des Moldaves est une « construction imaginaire »[36] basée sur « des traits historiques propres qui la distinguent de ses voisins même s'ils parlent plus ou moins la même langue et même si leurs origines sont communes »[37].
↑La notion de « Roumain » ou « Aroumain » n'apparaît pas avec la Roumanie moderne (comme l'affirment l'historiographie occidentale, soviétique et pro-russe) mais la précède : les premières mentions du nom de « romain » datent duXVIe siècle, alors que deshumanistes italiens commencent à rendre des récits écrits sur leurs voyages enMoldavie,Transylvanie etValachie. Ainsi, Maria Holban cite dansCălători străini despre Țările Române (« Voyageurs étrangers dans les pays roumains »), vol. II, p. 158-161:
Tranquillo Andronico qui écrit en 1534 que les roumains (enroumain :Valachi) « s’appellent eux-mêmes romains » (enroumain :nunc se Romanos vocant) in : A. Verress, Acta et Epistolae, I,p. 243.
En 1532 Francesco della Valle accompagnant le gouverneur Aloisio Gritti et remarquant que les roumains ont préservé leur nom de romains et qu'« ils s’appellent eux-mêmes roumainsRomei dans leur langue ». Il cite même une phrase :Sti rominest ? (« sais-tu roumain ? », roum. :știi românește ?) :...si dimandano in lingua loro Romei… se alcuno dimanda se sano parlare in la lingua valacca, dicono a questo in questo modo: Sti Rominest ? Che vol dire : Sai tu Romano… (in : Cl. Isopescu, « Notizie intorno ai romeni nella letteratura geografica italiana del Cinquecento », inBulletin de la Section Historique, XVI, 1929,p. 1-90.
Ferrante Capeci écrivant vers 1575 que les habitants des « provinces valaques de Transsylvanie, Moldavie, Hongro-valaquie et Mésie » s’appellent eux-mêmes roumains (romanesci) (Anzi essi si chiamano romanesci, e vogliono molti che erano mandati quì quei che erano dannati a cavar metalli… in Maria Holban,Călători străini despre Țările Române, vol. II,p. 158-161.
Pierre Lescalopier remarquant en 1574 que « tout ce pays la Walachie et Moldavie et la plupart de la Transilvanie a esté peuplé des colonies romaines du temps de Trajan l’empereur… Ceux du pays se disent vrais successeurs des Romains et nomment leur parlerromanechte, c'est-à-dire romain… » (Voyage fait par moy, Pierre Lescalopier l’an 1574 de Venise a Constantinople, fol 48 in Paul Cernovodeanu,Studii și materiale de istorie medievală, IV, 1960,p. 444).
Lesaxon transylvain Johann Lebel notant en 1542 que les Valaques se désignent eux-mêmes sous le nom deRomuini :Ex Vlachi Valachi, Romanenses Italiani, /Quorum reliquae Romanensi lingua utuntur.../Solo Romanos nomine, sine re, repraesentantes./Ideirco vulgariter Romuini sunt appelanti (Iohannes Lebelius,De opido Thalmus, Carmen Istoricum, Cibinii, 1779,p. 11-12.
Le chroniqueur polonais Orichovius (Stanislaw Orzechowski) observant en 1554 qu’« en leur langue ils s’appellentromin, selon les romains et valaques en polonais, d’après les italiens » (qui eorum lingua Romini ab Romanis, nostra Walachi, ab Italis appellantur in : St. Orichovius,Annales polonici ab excessu Sigismundi, in I. Dlugossus, Historiae polonicae libri XII, col 1555).
Le croateAnton Verancsics remarquant vers 1570 que les Valaques se nomment eux-mêmes romains :…Valacchi, qui se Romanos nominant… gens quae ear terras (Transsylvaniam, Moldaviam et Transalpinam) nostra aetate incolit, Valacchi sunt, eaque a Romania ducit originem, tametsi nomine longe alieno… (in : « De situ Transsylvaniae, Moldaviae et Transaplinae », inMonumenta Hungariae Historica, Scriptores ; II, Budapest 1857,p. 120).
Lehongrois transylvain Martinus Szent-Ivany citant en 1699 les expressions :Sie noi sentem Rumeni (« nous aussi, nous sommes roumains », pour le roumainȘi noi suntem români) etNoi sentem di sange Rumena (« nous sommes de sang roumain », pour le roumain « Noi suntem de sânge român ») : Martinus Szent-Ivany,Dissertatio Paralimpomenica rerum memorabilium Hungariae, Tyrnaviae, 1699,p. 39.
Dans son testament littéraire,Ienăchiță Văcărescu versifiant :Urmașilor mei Văcărești!/Las vouă moștenire:/Creșterea limbei românești/Ș-a patriei cinstire (« À vous mes descendants Vacaresques/Je vous laisse en héritage/L'essor de la langue roumanesque/Et à notre patrie l'hommage »).
Et le poète Pitar Hristache versifiant dans sonIstoria faptelor lui Mavroghene-Vodă și a răzmeriței din timpul lui pe la 1790 (« Histoire des faits et gestes duprince Mavroguène et de la révolte de son temps autour de 1790 ») :Încep după-a mea ideie/Cu vreo câteva condeie/Povestea mavroghenească/De la Țara Românească (« Je commence selon l'idée qui est mienne/Avec quelquesptilaques/L'histoire mavroguénienne/Du pays valaque »).
↑« Mолдаване » (« Moldaves ») in : Большая советская энциклопедия (« Grande encyclopédie soviétique ») et Iurie Stamati, « Entre internationalisme et patriotisme : les slaves et l’ethnogenèse des Moldaves dans l’historiographie soviétique de 1924 à 1940 » inRevue des Études slaves n° 85-2, 2014, p. 361-372,[3]
↑ab etcGheorghe Negru:Politica lingvistică din R. S. S. Moldovenească ("Politique ethnolinguistique en R.S.S. Moldave"), ed. Prut international, Chișinău 2000,(ISBN9975-69-100-5), 132 pp.
↑Gheorghe Negru,Politica lingvistică din R. S. S. Moldovenească ("Politique ethnolinguistique en R.S.S. Moldave"), ed. Prut international, Chișinău 2000,(ISBN9975-69-100-5), 132 pp., et site historique[7].
↑Le point de vue pro-russe et lui seul, est adopté dans de nombreux articles de Wikipédia dont celui en anglais.
↑Le droit des états issus de l'ex-bloc communiste est undroit du sang : le passeport n'indique que lacitoyenneté, tandis que la carte d'identité et les autres actes d'état-civil indiquent aussi la « nationalité » qui signifie dans ces pays « origine ethnique » : ainsi, « Moldaves » ne désigne que les autochtones roumanophones (naţionalitatea moldovenească) de la république de Moldavie.
↑Ernest Geller,Soviet and Western Anthropology (1980),Nations et Nationalisme (1983) etLe Nationalisme (1997)
Christoph Pan, Beate Sibylle Pfeil, Michael Geistlinger,National Minorities In Europe, Purdue University Press, 2004(ISBN978-3700314431) : « The Peoples of Europe by Demographic Size », table 1,p. 11f.