La même année, à l'âge de22 ans, après son adhésion à l'organisationNation of Islam[7], il change son nom de naissance,Cassius Marcellus Clay, Jr. enCassius X puisMuhammad Ali.
En 1967, Mohamed Ali est critiqué pour son refus d'être enrôlé dans l'armée américaine lors de laguerre du Viêt Nam qu'il justifie en disant :« Aucun Vietcong ne m'a jamais traité de nègre »[8]. Arrêté et reconnu coupable de fraude, il n'est pas emprisonné, mais dépossédé de son titre mondial et de sa licence de boxe pendant près de quatre ans, jusqu'à ce que sonappel soit finalement reçu par laCour suprême américaine.
Mohamed Ali est également connu pour sonstyle de combat peu orthodoxe pour un poids lourds, incarné par sonslogan« vole comme un papillon, pique comme une abeille » et employant des techniques telles que le « Shuffle Ali », le « rope-dope »[11], ainsi que, en amont du combat, le « trash-talking » (en haranguant ses adversaires, il mène à leur encontre une véritable « guerre psychologique » et médiatique, pour les déstabiliser)[8].
Grâce à ses compétences et sa personnalité hors du commun, Mohamed Ali est devenu un des athlètes les plus célèbres dans le monde entier[12]. Élu à six reprises meilleur boxeur de l'année parRing Magazine (un record) et intégré à l'International Boxing Hall of Fame, Ali est considéré comme l'un des plus grands boxeurs de l'histoire[13].
En 1999, il est couronné « Sportif du siècle » parSports Illustrated et « Personnalité sportive du siècle » par laBBC[14],[15]. Il est nommé sportif duXXe siècle par une assemblée de journalistes internationaux, précédantPelé. Il reçoit, àBerlin en, la médaille de la paixOtto Hahn[16],[17], au nom de l'Organisation des Nations unies « pour son engagement en faveur du mouvement américain contre la ségrégation et pour l'émancipation culturelle des Noirs à l'échelle mondiale ». Il est décoré en 2005 de lamédaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile aux États-Unis[18].
Au-delà de ses performances sportives, il atteint une notoriété inégalée chez un sportif par son goût du spectacle, sa personnalité provocatrice, ses prises de positions religieuses et politiques, puis son destin personnel. Il est atteint de lamaladie de Parkinson à partir de 1984, qu'il expose devant le monde entier lorsqu'il allume la vasque olympique àAtlanta pour lesJeux olympiques d'été de 1996.
Il meurt le à l'âge de74 ans, à la suite de problèmes respiratoires.
Biographie
Généalogie
L’arrière-grand-père de Mohamed Ali étaitIrlandais : Abram « Abe » Grady. Il vivait dans la ville d'Ennis jusqu’à ce qu’il immigre aux États-Unis (Kentucky) en 1860. Sur place, il épousa une ancienne esclave noire, Susan « Susie » Walker[19]. De leur union naquit le grand-père de Mohamed Ali, John Lewis Grady Sr., qui à son tour eut Odessa Lee Grady Clay, la mère du boxeur[20].
Enfance, formation et débuts
Cassius Marcellus Clay, Jr naît le àLouisville dans leKentucky, d’Odessa Lee Clay(en) (1917-1994) et deCassius Marcellus Clay Sr.(en) (1912-1990)[21]. Il grandit dans un quartier noir de Louisville. Sa mère travaille comme femme de ménage et comme cuisinière des familles blanches aisées et son père vend des gravures religieuses et commerciales.
Sans être riches, les Clay peuvent donner une éducation correcte à leurs enfants. Alors qu’il est âgé de12 ans, en 1954, le jeune Cassius Clay est victime d’un vol de bicyclette. Énervé, il rencontre un policier,Joe E. Martin(en), à qui il fait part de son intention d’infliger une correction au voleur. Le policier lui dit qu’il ferait mieux de commencer par apprendre à boxer. Le jour suivant, Cassius suit son conseil et commence à prendre des cours de boxe sous la houlette de Martin. Quelques semaines plus tard, il dispute son premier combat et remporte sa première victoire. Ali mettra au crédit de Martin de lui avoir appris à voler comme un papillon et piquer comme une abeille.
Durant son enfance, il fréquente l’église baptiste du mont Sion[22]. Il se fait baptiser à 12 ans[23].
Carrière de boxeur
Boxeur amateur
Vainqueur en amateur desNationalGolden Gloves dans la catégoriemi-lourds en 1959, puis enpoids lourds l'année suivante, il remporte la médaille d'or des poids mi-lourds auxJeux olympiques d'été de 1960 àRome[24]. Il passe alors professionnel sous la tutelle d'Angelo Dundee et se fait rapidement connaître pour son style peu orthodoxe, ses résultats spectaculaires et son auto-promotion incessante. Il se fait connaître sous le surnom de « Louisville Lip » (la lèvre de Louisville) en composant des poèmes prédisant à quelle reprise il mettrait son adversaire K.O. Il n'hésitait pas à chanter ses propres louanges avec des phrases telles que « Je suis le plus grand » ou « Je suis jeune, je suis mignon et je suis totalement imbattable ». Il conservera pendant toute sa carrière ce verbe haut qui est une de ses plus grandes caractéristiques.
À Louisville, le, il gagne aux points sonpremier combat professionnel contre Tunney Hunsaker[25]. Clay part ensuite pour laFloride avec son entraîneur Angelo Dundee. Le jeune médaillé d'or de 19 ans remporte quelques victoires et va même jusqu'à réaliser une exhibition contre l'ex-champion du mondeIngemar Johansson qui prépare son troisième combat contreFloyd Patterson. Cassius repart ensuite dans son fief deLouisville et continue à vaincre tous ses adversaires.
En 1962, alors qu'il n'est âgé que de 20 ans, sa notoriété commence à se répandre à travers l'Amérique. Cassius Clay boxe pour la première fois dans les villes deNew York etLos Angeles. Le, il remporte un succès tonitruant contreArchie Moore en quatre rounds. Clay avait prédit avant le combat qu'il stopperait son adversaire à la4e reprise[26].
L'année 1963 lui ouvre la voie jusqu'au titre de champion du monde. Il gagne aux points avec difficulté contre Doug Jones dans ce qui va devenir lecombat de l'année[27] et fait à nouveau parler de lui en obligeant l'arbitre à arrêter son combat contreHenry Cooper pour blessure au5e round[28], Cooper qui avait néanmoins au round précédent envoyé Clay à terre.
Nommé boxeur de l'année 1963, Clay devient naturellement l'outsider du champion du mondeSonny Liston ; malgré dix-neuf victoires dont quinze par K.O. et aucune défaite, le boxeur deLouisville n'est pas considéré comme un adversaire capable de vaincre Liston, jugé alors comme invincible.
La revanche, le àLewiston dans leMaine, est particulièrement controversée. À la suite d'unjab manqué, Liston est contré par un direct du droit d'Ali (son fameux « phantom punch » pour les sceptiques ou « anchor punch » pour Ali lui-même) et tombe à terre. Attendant le compte de l'arbitre, Liston reste à terre et se relève trop tard, l'arbitre étant trop occupé à ramener dans le coin neutre un Ali qui fanfaronnait autour du ring. Le combat reprend quelques instants avant que l'arbitre informé de son erreur par le chronométreur ne mette fin au combat (Liston était encore à terre après dix secondes). Le public siffle les deux boxeurs ; les journalistes accusent Liston de s'être « couché »[31] dans ce combat prétendument truqué.
Cassius Clay devient Mohamed Ali
Mohamed Ali à un meeting d'Elijah Muhammad, imam afro-américain et dirigeant de l'organisation politico-religieuseNation of Islam (1964).
Entre les deux matchs, il devient également célèbre pour des raisons dépassant le domaine sportif : il rejoint l'organisationNation of Islam (« Nation de l'islam ») et change son nom en Cassius X, la lettre X faisant référence au rejet de son nom d'esclave en l'absence de son véritable nom d'origine africaine, pratique courante au sein de cette organisation[32].Malcolm X fut le seul musulman à le soutenir avant son premier combat contre Liston (Malcolm X a d'ailleurs assisté au premier combat), puis il reçoit le nom de « Mohamed Ali » de la part d'Elijah Muhammad, chef du mouvement.
Une lutte de pouvoir s'engage autour d'Ali entre Elijah et Malcolm X. Finalement, Ali tourne le dos publiquement à Malcolm lors d'un voyage auNigeria en 1964 et est managé par Herbert Muhammad, le propre fils d'Elijah. La notoriété du boxeur profitera à la Nation of Islam. Ali se rend enÉgypte en 1964 et est accueilli par son président,Gamal Abdel Nasser, comme l'ambassadeur de la communauté noire des États-Unis. Ce n'est qu'après l’assassinat de Malcolm X en 1965 qu'il regrettera son geste. Ali quitte la Nation de l'Islam pour se convertir à l'islam sunnite en 1975. Dans une autobiographie écrite en 2004 avec sa fille Hana Yasmeen Ali, Mohamed Ali attribue sa conversion à l'islam sunnite à la prise du contrôle de Nation of Islam parWarith Deen Muhammad, le fils d'Elijah Muhammad, après la mort de ce dernier en 1975.
Champion incontesté
Du au, Ali domine incontestablement la catégorie des lourds commeJoe Louis etRocky Marciano avant lui. Après sa seconde victoire contre Liston, il fait une dizaine d'exhibitions à travers le monde en compagnie de ses deuxsparring partners (partenaires d'entraînement) :Jimmy Ellis et Cody Jones. Le, à Las Vegas, il affronte l'ancien championFloyd Patterson qui avait subi de graves revers contre Sonny Liston (perdant deux fois au premier round). Le champion conserve son titre au bout de douze rounds et envoie le challenger au sol à plusieurs reprises[33].
Alors que traditionnellement le champion fait deux combats par an, Ali combat cinq fois en 1966. Il bat aux points le CanadienGeorge Chuvalo àToronto en mars, puis retrouve en mai Henry Cooper, le boxeur qui l'avait envoyé à terre, et le met K.O. àLondres. Toujours dans cette ville, il dispose de Brian London en trois rounds le[34], bat le champion allemandKarl Mildenberger àFrancfort le[35] et finit l'année par un K.O. contre Cleveland Williams àHouston[36].
La fédération WBA qui n'apprécie pas les positions politiques d'Ali, et prend prétexte de l'illégalité de son combat revanche contre Liston pour lui retirer sa ceinture, sans son accord, et sacrerErnie Terrell champion du monde. Le titre est pour la première fois divisé. Ali reste cependant lechampion incontesté et conserve sa ceinture WBC. Il récupère le titre WBA le dans un combat de réunification àHouston contre Ernie Terrell. Ali regagne aisément son titre, mais ne parvient pas à briser Terrell qui, la garde haute, tiendra jusqu'au bout des quinze rounds[37]. Le, Ali met ensuite K.O.Zora Folley, un puncheur jugé dangereux pour le champion[38].
Ses problèmes judiciaires à propos de son incorporation dans l'armée américaine l'empêchent de participer à un autre championnat du monde. Il ne peut qu'accomplir une exhibition àDétroit le. C'est sa dernière apparition sur le ring avant 1970.
En 1969, il participe au combatThe Super Fight, un combat virtuel contreRocky Marciano.
Objecteur de conscience opposé à la guerre du Vietnam et interdit de ring
En 1966, il refuse de servir dans l'armée américaine engagée dans laguerre du Viêt Nam et devientobjecteur de conscience[39]. Il argumente qu'il n'a« rien contre le Viêt Nam »[40] et qu'« aucun Viet Cong ne m'a jamais traité de nègre », propos un temps traités d'apocryphes[41] mais qu'il a réellement prononcés[42]. Le, il refuse symboliquement l'incorporation dans un centre de recrutement. Le, il passe en justice. Le, il est condamné à une amende de 10 000 dollars et à cinq ans d'emprisonnement, il perd sa licence de boxe et son titre. Ali fait appel, il n'ira pas en prison, mais aura des problèmes financiers jusqu'à ce que son affaire soit résolue par laCour suprême en 1971.
Les prises de position d'Ali contre leservice militaire ou sa conversion à l'islam le transforment d'un champion fier, mais populaire en l'une des personnalités les plus connues et controversées de son époque. Ses apparitions publiques aux côtés des dirigeants de la Nation of IslamElijah Muhammad etMalcolm X ainsi que ses déclarations d'allégeance à leur cause au moment où l'opinion américaine les considère avec circonspection, quand ce n'est pas avec hostilité, font également d'Ali une cible d'indignation et de suspicion. Il paraît même parfois provoquer de telles réactions en soutenant des opinions allant du support auxdroits civiques jusqu'au soutien sans réserve à la lutte contre laségrégation raciale.
En 1970, Ali renonce officiellement à son titre, permettant àJoe Frazier, nouvelle étoile montante de la catégorie, de réunifier le titre aux dépens deJimmy Ellis. Il remporte son procès devant la Cour suprême des États-Unis, qui lui reconnaît le droit de refuser le service militaire. Il récupère alors sa licence et reprend la boxe.
Après quelques combats d'exhibition, Ali fait son retour contre le grand espoir blancJerry Quarry qu'il bat en trois rounds, en neuf minutes, le, sur le ring du Civic Auditorium àAtlanta. Il reçoit un million de dollars pour ce match contre 500 000 dollars pour Jerry Quarry. La moitié de ses gains iront néanmoins pour les impôts. Legouverneur de l'État de Géorgie, Lester Maddox, un raciste notoire, avait lutté jusqu'à la dernière minute pour empêcher le match d'avoir lieu[43],[44].
Photo de presse de Mohamed Ali après sa défaite contreJoe Frazier (mars 1971).
Suit le combat contre Frazier. Ali prenant le risque de se mesurer à un boxeur de très haut niveau après trois ans d'absence des rings. Très attendu et médiatisé, ce combat est surnommé « le combat du siècle ». Premier championnat du monde entre deux champions invaincus totalement opposés dans le style, il est le premier des grands affrontements qui marqueront l'histoire de la boxe dans les années 1970.
La rencontre a lieu le auMadison Square Garden de New York. Cet affrontement est la première défaite d'Ali,« sûr de son bon droit, et qui pensait sa reconquête du titre légitime », ainsi qu'il l'écrira plus tard dans son autobiographieL'Âme du papillon, en ajoutant qu'il avait sous-estimé Joe Frazier, pensant que le boxeur dePhiladelphie serait bien moins motivé que lui.
La Cour suprême l'innocente définitivement le. Les huit juges l'acquittent à l'unanimité.
La longue route vers la reconquête du titre
Après s'être remis de sa défaite, Ali, accomplit quatorze combats et trente-neuf combats d'exhibition entre le et le. Le but était de revenir au plus haut niveau par une activité pugilistique intense et d'engranger assez de victoires pour être désigné challenger mondial numéro 1.
Durant cette période, Ali affronte les meilleurs boxeurs américains pour le titre de champion d'Amérique du Nord, tels queJimmy Ellis[48] (son anciensparring partner),Buster Mathis[49], Jürgen Blin[50], Mac Foster,Bob Foster[51] (champion du monde des mi-lourds) etJoe Bugner[52].
Ali choisit d'affronter ces trois boxeurs du plus « facile » au plus « dur ». Tout d'abord Norton. Ali prend sa revanche le àLos Angeles (et non à San Diego, afin de priver Norton des supporters de sa ville natale). Ali gagne de justesse aux points[60]. Il prend ensuite sa revanche aux points contre Frazier le au Madison Square Garden de New York. Ali, qui s'est astreint à un rythme de combats élevé depuis leur première rencontre[61], fera bien meilleure impression que l'ex champion en manque d'activité. Ali et Frazier en viendront aux mains devant les caméras lors d'une émission de télévision. Depuis, leur rivalité est restée légendaire.
Il lui reste à présent à accomplir le plus dur : reprendre le titre àGeorge Foreman, impitoyable puncheur invaincu en quarante combats, dont trente-sept par K.O.
La presse donne peu de chance à Ali de venir à bout de Foreman qui, de façon expéditive et brutale, a gagné contre Frazier et Norton, les deux seuls hommes à avoir vaincu Ali, et si celui-ci a pris sa revanche, il ne l'a pas fait par K.O.
Étudiant avec soin le style de Foreman, il trouve son point faible : le manque d'endurance (le champion ayant gagné l'essentiel de ses combats dans les premiers rounds, Ali comprend qu'il lui faut tenir et faire durer l'affrontement). Ali parcourt la capitale et le bord dufleuve Congo en courant pour renforcer son endurance sous les acclamations du public qui scande « Ali Bomayé! » (« Ali tue-le ») alors que Foreman se contente de s'entraîner en frappant au sac et en martyrisant sessparring partners. Ali s'entraîne à encaisser des coups violents avec son amiLarry Holmes (qui, par la suite, deviendra champion) et lance une opération de désinformation envers Foreman en faisant croire à tout le monde qu'il allait vaincre par sa vitesse et sa mobilité. Ali devient rapidement le favori de la foule de Kinshasa pour son action envers la cause des Noirs, ce qui vexera Foreman.
Ce fut sa plus grande victoire tactique, qui fut récompensée commecombat de l'année, et Ali fut nommé une fois de plus « boxeur de l'année ». Il a également reçu laHickok Belt de 1974 récompensant le meilleur athlète professionnel de l'année, ainsi que le trophée du sportif de l'année du magazineSports Illustrated.
L'apogée
En 1975 et 1976, il effectue quatre combats par an, toujours dans le souci de se maintenir au plus haut niveau.
En 1975, il est à nouveau boxeur de l'année et atteint son apogée par sa troisième rencontre contre son éternel rival Joe Frazier (de nouveau élu combat de l'année). Cependant, les quatre adversaires qu'il rencontre cette année-là réussissent tous à l'ébranler à leur façon. Ali commence l'année contreChuck Wepner àCleveland, un combat de rentrée facile contre un adversaire anonyme destiné à être vaincu en trois rounds. Pourtant, Wepner étonne tout le monde en n'étant arrêté qu'au15e round par K.O. après avoir résisté avec hargne et s'être permis le luxe d'envoyer Ali à terre[63] (Sylvester Stallone, alors inconnu, assista au match, ce qui lui donnera l'idée de créer le filmRocky qui sortira l'année suivante).
Ali pense venir à bout sans dommage deRon Lyle le, un boxeur à la carrure semblable à celle de Foreman. Il réutilise la même technique qu'auZaïre mais le challenger ne tombe pas dans le piège et l'oblige à boxer au centre du ring. Il s'impose toutefois par arrêt de l'arbitre au11e round[64]. La revanche contre Joe Bugner enMalaisie ne lui apporte rien, Bugner restant toujours aussi solide[65].
À l'approche du combat, le champion en rajoute en provocation et attise la colère de Frazier. Dans une fournaise de 49 degrés[66], Frazier se montre plus acharné qu'auparavant. Particulièrement violent, cet affrontement sera qualifié par les deux boxeurs d'état le plus proche de la mort. Ali domine le début du combat, mais baisse de rythme sous les coups de Frazier, qui le travaille au corps. Après un passage à vide où il semble au bord de l'évanouissement, Ali réussit à prendre l'avantage dans les13e et14e rounds. Dans la minute de repos avant le dernier round,Eddie Futch, entraîneur de Frazier, oblige son boxeur particulièrement atteint au visage à abandonner[67]. Peu après, Ali subit un bref malaise avant de quitter le ring. Après ce match, Ali reconnaîtra Frazier comme étant un très grand boxeur et arrêtera ses provocations. Il présentera même ses excuses au fils de Frazier pour toutes les menaces et insultes qu'il avait pu dire au clan Frazier. Cependant, Frazier ne pardonnera jamais Ali pour tout le tort causé même si, en 1988, dans un documentaire consacré aux champions des années 1970, ils se réconcilient et se provoquent avec amusement en allant jusqu'à faire semblant d'engager leur quatrième combat et en réclamant d'urgence un arbitre. Ils apparaissent aussi dans des émissions (notammentThe Dick Cavett Show) riant et plaisantant ensemble.
Après les combats intenses de 1974 et 1975, Ali baisse de régime. En 1976, il met K.O. deux faire-valoir (ses dernières victoires avant la limite), dont le Belge Jean-Pierre Coopman, le 20 février, par KO au5e round[68], et ne remporte qu'un seul succès appréciable contre le jeuneJimmy Young[69]. La polémique arrive à la fin de l'année lors de son troisième affrontement contreKen Norton. Ali est déclaré vainqueur aux points après un combat serré qui fut qualifié par la presse comme l'un des plus grands vols de l'histoire de la boxe[70]. En apprenant la décision à la fin du combat, Norton s'effondre en pleurs et Ali, d'habitude porté sur la vantardise et la fanfaronnade en fin d'affrontements, se contente de sourire timidement à la presse. À la suite de ces résultats mitigés, le titre de meilleur boxeur de l'année lui fut ravi par sa plus prestigieuse victime, George Foreman, qui accomplit un retour éclatant contre Ron Lyle.
Cette même année 1976, Mohamed Ali se rend au Japon pour combattre le catcheurAntonio Inoki. Selon les conditions du combat, tenues secrètes, Inoki n'avait pas le droit de frapper au visage avec les pieds ; il n'était autorisé à frapper avec les jambes que dans les membres inférieurs. Le catcheur a donc passé la quasi-totalité du combat à se jeter au sol, cherchant à faucher les jambes d'Ali en envoyant deslow kicks, empêchant ainsi son adversaire de développer sa boxe. Ces coups ont causé des blessures sérieuses à Ali, qui perdit beaucoup de sa mobilité au niveau des jambes. À l'issue de ce combat, prototype desarts martiaux mixtes perçu comme une opération publicitaire, il y eut égalité entre les deux combattants[71].
Vieillissant, Ali retourne au rythme « habituel » des champions, de deux combats par an. En 1977, il réussit à conserver son titre contreAlfredo Evangelista[72] etEarnie Shavers[73] qui le malmena particulièrement. Trop préoccupé à perdre du poids, il ne se concentre plus sur son entraînement.
Perte et troisième reconquête du titre
Mohamed Ali perd finalement son titre le, à36 ans, contre le champion olympique 1976Leon Spinks, dont c'était seulement le huitième combat professionnel[74]. Il gagne la revanche comme à son habitude, devenant ainsi champion du monde poids lourds pour la troisième fois[75]. Conscient de son déclin athlétique, il prend sa retraite le pensant que les titresWBA etWBC, divisés à la suite du refus de Spinks de combattre Ken Norton, seraient réunifiés. Il n'en sera rien (il faudra attendre queMike Tyson le réunifie en 1987) et Ali accepte l'offre de Don King d'affronterLarry Holmes, son anciensparring partner devenu champion WBC.
Le, à la recherche d'un nouveau record en tant que seul boxeur à gagner le titre en poids lourds quatre fois, il perd avant la limite pour la seule fois de sa carrière, lorsqu'Angelo Dundee refusa de le laisser reprendre le combat au11e round[76]. Le combat contre Holmes, organisé comme « The Last Hurrah », est considéré avec dédain par de nombreux fans et experts car nombre d'entre eux ont vu une « version amoindrie » d'Ali. Holmes était le partenaire d'entraînement d'Ali et, pour cette raison, certains virent le résultat de ce combat comme un « passage de témoin », un combat de trop semblable à ceux deRocky Marciano contreJoe Louis ou de Larry Holmes contre Mike Tyson. Holmes admettra même par la suite que, bien qu'il dominât le combat, il retenait un peu ses coups par pur respect pour son idole et ancien employeur.
Malgré l'apparent caractère définitif de sa défaite contre Holmes, ainsi que sa condition physique suspecte, Ali boxera encore une fois : le, il affronte en effet le challenger en pleine ascension et futur championTrevor Berbick dans ce qui fut dénomméThe Drama in the Bahamas. Ali étant alors vu comme un boxeur diminué, peu de salles américaines témoignèrent de l'intérêt pour ce combat et peu de fans montrèrent d'enthousiasme à s'y rendre ou à le regarder. Comparé aux combats qu'Ali avait disputés plus tôt dans sa carrière dans des endroits renommés, le match eut finalement lieu dans une quasi-indifférence àNassau. Il fait une prestation légèrement meilleure que celle offerte contre Holmes quatorze mois auparavant mais perd néanmoins par décision unanime à la dixième reprise au profit de Berbick qui, à27 ans, était de douze ans son cadet[77].
Palmarès professionnel
Liste des combats professionnels de Mohamed Ali
Tableau récapitulatif
61 combats
56 victoires
5 défaites
Avant la limite
37
1
Sur décision
19
4
Décision possible :KO •TKO (KO technique) •UD (décision aux points unanime) •MD (décision aux points majoritaire) •SD (décision aux points partagée) •D (match nul) •NC (sans décision) •RTD (abandon)
Mohamed Ali a unstyle peu commun pour un boxeur poids lourds. Il tient généralement les mains le long de son corps, plutôt qu'en position haute pour protéger son visage et est ainsi rarement en position degarde classique, faisant confiance à ses réflexes ainsi qu'à son allonge exceptionnelle (2,10 m d'envergure) pour esquiver les coups de son adversaire[78]. Là où il fut un poids lourd hors du commun, c'est dans son jeu de jambes[79] avec des déplacementssouples, fluides,concentré, précis, et dans ses coups rapides et puissants à la fois, qu'il résumait par la formule[a] :
« voler tel un papillon, piquer telle une abeille. »
Ali a été diagnostiqué de lamaladie de Parkinson en 1984, à l'âge de seulement 42 ans ; par la suite, ses fonctions motrices commencèrent à décliner lentement.Sa conversion officielle à l'islamsunnite et sa prise de distance avec l'historique Nation of Islam expliquent en partie son retour en grâce auxÉtats-Unis[réf. nécessaire] où il fut accueilli à la Maison-Blanche parGerald Ford et médaillé parGeorge H. W. Bush.
En 1985, on lui demanda de négocier la libération de ses compatriotes enlevés auLiban[réf. nécessaire]. En 1990, à la veille de laguerre du Golfe, il se rend àBagdad et rencontreSaddam Hussein, auprès de qui il plaide pour la paix et lui demande en vain de ne pas étendre le conflit[81]. Il obtient néanmoins la libération de 15 de ses compatriotes capturés par l'Irak au cours de l'opérationBouclier du désert[81]. La popularité de Mohamed Ali dans le tiers monde servira la propagande du régimebaasiste irakien[81].
Le, il allume lavasque olympique à Atlanta, exposant alors devant des centaines de millions de téléspectateurs du monde entier l'état dans lequel il se trouve compte tenu de la maladie de Parkinson qui l'affecte, soulevant également une grande vague d'émotion parmi les spectateurs dans le stade, qui ont la surprise de le voir apparaître à la fin de la cérémonie d'ouverture des Jeux du centenaire[82]. Durant les mêmes Jeux, le président du CIOJuan Antonio Samaranch lui remet une nouvelle médaille d'or pour remplacer celle qu'il avait gagnée en 1960 et qu'il avait jetée dans l'Ohio[83] parce qu'on refusait de le servir dans un restaurant à cause de sa couleur de peau. SelonL'Équipe, cela est pure légende et Ali aurait reconnu avoir tout simplement égaré sa médaille[84].
En 2002, Il obtient son étoile surHollywood Boulevard. Alors que les étoiles des stars sont traditionnellement sur le sol duWalk of Fame, la sienne est la seule à être incrustée dans un mur duKodak Theater, au 6801, où se déroule la cérémonie desOscars du cinéma. En effet, Ali avait déclaré au comité chargé de l'attribution des étoiles :« Je ne veux pas que les gens marchent sur le nom duProphète. »[84],[85].
En 2012, Mohamed Ali assiste à lacérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été àLondres, où il tient symboliquement le drapeau olympique ; il s'agit d'une de ses dernières apparitions publiques[86]. L'ancien champion apparaît pour la dernière fois en public, en, à Phoenix, à l'occasion d'un dîner de charité visant à recueillir des fonds pour la recherche contre la maladie de Parkinson[87].
Après avoir été hospitalisé à deux reprises (fin 2014 et début 2015), pour une pneumonie et une infection urinaire, Ali est hospitalisé le pour des problèmes respiratoires, à l'HonorHealth Scottsdale Osborn Medical Center deScottsdale dans la banlieue dePhoenix. Il meurt dans cette clinique le lendemain, dans la soirée, à l'âge de74 ans, après avoir lutté pendant32 ans contre la maladie de Parkinson[88]. Ses obsèques ont lieu les et auCave Hill Cemetery àLouisville dans leKentucky. Son cortège funéraire a parcouru les rues de la ville avant l'inhumation dans l'intimité familiale.
Vie privée
Mohamed Ali a eu neuf enfants avec cinq femmes : Maryum née en 1968, Jamillah et Rasheda nées en 1970 et Muhammad Ali Jr. né en 1972 (avecKhalilah Ali), Miya née en 1972 (avec Patricia Harvell), Khaliah née en 1974 (avec Wanda Bolton), Hana née en 1976 etLaila née en 1977 (avec Veronica Porché)[89]. Laila pratique elle aussi la boxe et présente, par ailleurs, le jeu téléviséAmerican Gladiators.
Il a également adopté un garçon appelé Asaad Amin en 1986 qui était alors âgé de cinq mois (avec Yolanda Williams).
Même après sa conversion à l’islam, il venait occasionnellement avec son père aux services de l’église baptiste missionnaire du roi Salomon de Louisville et a soutenu des projets sociaux de l’église[90].
Divers
L'équipe qui encadrait Mohamed Ali s'appelait l'Ali Army.
Ali donnait un surnom à presque tous ses adversaires : Liston fut surnommél'ours noir ; Floyd Pattersonle lapin ; Foreman sera qualifié demomie et Frazier degorille[91].
En 1963, six mois avant son championnat du monde contre Sony Liston, il enregistre l'albumI Am the Greatest[92] ; l'année suivante, sa version deStand by Me (extraite de l'album), est publiée en45 tours[93].
1962 :Requiem pour un champion deRalph Nelson. Il joue son propre rôle dans ce film de fiction sur la boxe; apparaissant assez brièvement dans le pré-générique, au cours d'un combat, où il met K.O. le personnage principal Mountain Rivera interprété parAnthony Quinn.
2021 :Mohamed Ali mini-série documentaire en quatre parties d'une durée totale de7 h 25 min réalisée parKen Burns, sortie aux États-Unis le, diffusée sur la chaîne Arte les et[97].
↑« La révolution technique de Mohamed Ali », surL'Équipe(consulté le) :« Par sa vitesse, son jeu de jambes et ses esquives d'un temps nouveau, Mohamed Ali [...] a inspiré des générations de boxeurs. »
Ère moderne : dernier combat après 1988 ; anciens temps : entre 1893 et 1942 (première ère) et entre 1943 et 1988 (deuxième ère) ; pionniers : avant 1893.