Unmiracle est un fait extraordinaire, dépourvu d'explicationscientifique, qui est alors vu commesurnaturel et attribué à une puissancedivine. Il est accompli soit directement, soit par l'intermédiaire d'un serviteur de cette divinité.
Il s'agit là d'une notion religieuse non reconnue par la science, pour laquelle le concept de phénomèneinexplicable (généralement associé aux miracles) n'existe pas. La science ne connaît que des phénomènesinexpliqués, c'est-à-dire non encore élucidés en l'état actuel du savoir.
Les historiens qui se situent du côté de la science réfutent le concept de « surnaturel » pour expliquer quelque événement que ce soit. Leur approche est celle que définitErnest Renan : « C'est au nom d'une constante expérience que nous bannissons le miracle de l'Histoire. »
Par là même, lalecture historico-critique des textes religieux, en particulier de laBible, diffère fondamentalement de l'interprétationapologétique des mêmes textes, qui recherche unepreuve de sa propre foi tout en acceptant la notion de miracle. Mieux encore, pour l'exégète comme pour l'historien, mais aussi pour lethéologien, le miracle est avant tout porteur d'une signification. Si le miracle n'a pas de sens, il ne peut être considéré comme tel. Le miracle, dans lejudaïsme comme dans lechristianisme, est un message queDieu adresse à l'homme. L'exégèse se donne pour tâche de déchiffrer ce message.
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Enhébreu biblique, un même mot, נס (nés), désigne à la fois un miracle et un étendard. Les commentateursjuifs n'ont pas manqué d'observer que les miracles étaient des signes visibles de loin, comme les étendards.
Ces signes, qui expriment la volonté divine, se manifestent dès le commencement de l'histoire du peuple d'Israël, qu'il s'agisse de la substitution du bélier lors de laligature d'Isaac ou de la voix deYHWH dans l'épisode duBuisson ardent. Cependant, le miracle le plus souvent évoqué dans lejudaïsme, tant dans leTanakh que dans les commentaires, la liturgie et les rites, reste celui de lasortie d'Égypte, l'événement fondateur dePessah.
Un miracle, dans la Bible hébraïque, peut également faire office de châtiment divin, comme leDéluge ou lesplaies d’Égypte.
Dans lesévangiles, lesmiracles de Jésus occupent une place importante. C'est ainsi que 205 versets sur les 425 de l'Evangile de Marc leur sont consacrés[1]. Les miracles sont notamment desguérisons par la foi et desexorcismes[2]. La transformation de l'eau en vin auxnoces de Cana est le premier miracle mentionné[3]. Il y a également eu des résurrections, comme larésurrection de Lazare, ou des provisions miracles, comme lamultiplication des pains. D'autres sont rapportés dans lesActes des Apôtres, comme la guérison d'un boiteux par la prière de Pierre et Jean.
Augustin d'Hippone (354-430) définit le miracle :" tout phénomène ardu, insolite et étonnant au-dessus du pressentiment et des capacités naturelles de l'homme, opéré par Dieu comme signe du salut et argument de la foi.". Il répond à l'objection selon laquelle le miracle irait contre la loi inscrite par Dieu dans la nature, dans l'idée que Dieu se contredirait. Or, selon Augustin, le miracle est surnaturel relativement aux hommes, mais naturel selon Dieu. .
Le thème de l'hostie ensanglantée, qui a pour fonctioncatéchétique de prouver laprésence réelle du Christ dans l'eucharistie, se double d'un second thème, omniprésent au Moyen Âge : celui de laprofanation. Cette « fiction théologique », pour reprendre la formule deJean-Louis Schefer[4], suit toujours un scénario identique, que l'on retrouve par exemple dans la légende dumiracle des Billettes. Elle permet d'incriminer les Juifs et de porter contre eux l'accusation dedéicide.
Pour que lecatholicisme juge miraculeux un phénomène extraordinaire, il faut que ce phénomène ait eu un effet conforme au dessein de Dieu. Le miracle se caractérise avant tout par son rapport à l'avancement de lafoi : si l'effet a été positif, il est possible de parler de miracle. Inversement, si l'effet est négatif, le phénomène extraordinaire sera interprété comme l'intervention possible d'un esprit, mais non comme l'intervention effective de Dieu.
Concernant les guérisons miraculeuses, le papeBenoît XIV (1740 à 1758) a édicté sept critères de reconnaissance[5] : la maladie doit être grave ou incurable ; le diagnostic réel de la maladie doit être certain et précis (posé par des médecins officiels) ; la maladie doit être organique ; aucun traitement ne doit être à l’origine du processus de guérison ; la guérison doit être soudaine et instantanée ; cette guérison doit être totale et non pas une régression de certains symptômes ; la guérison doit être définitive.
Pour les catholiques, il existe peu de miracles en Occident latin (250 récits de miracles depuis le début du christianisme)[3].
John Paul Meier rappelle les exigences de l'investigation historique pour les écrits relatant des miracles : s'appuyer sur la critique des sources, celle des formes et de la rédaction. L'investigation requiert la réponse à la question de savoir si le rapport concernant le miracle est un ajout tardif survenu au cours de la tradition orale, ou lors de l'intervention d'un auteur ultérieur, ou bien si ce rapport remonte bien au personnage censé avoir accompli le miracle ou en avoir été bénéficiaire. Si cette dernière possibilité est confirmée, il reste à examiner l'état d'esprit des témoins supposés du miracle, ainsi que le psychisme de l'auteur du miracle ou de son bénéficiaire. Toutefois, cette méthode ne permet pas d'aller au-delà, et de répondre à la question de savoir si ces miracles en question peuvent avoir eu lieu[8].
Selon leDictionnaire Jésus, les miracles rapportés dans l'Ecriture sainte présentent trois dimensions. D'abord un aspect psychologique subjectif rendu par l'adjectif merveilleux, ensuite un aspect objectif correspondant à l'adjectif prodigieux, selon lequel le miracle impossible à réaliser par l'homme, relève des opérations divines; enfin un aspect sémiologique relevant d'un signe exprimant des vérités importantes liées au salut apporté par Dieu[9].
Rudolf Bultmann (1884- 1976) est un penseur luthérien allemand de sentiment profondément religieux dont l'exégèse a marqué fortement, et marque toujours certains courants religieux pas seulement protestants, mais aussi catholiques. Bultmann récusait la réalité des miracles rapportés par l'Ecriture Sainte, leur reprochant d'être en contradiction avec les lois d'airain de la nature. Au merveilleux récusé des miracles, il a fait place à la merveille de la conscience qui perçoit l'action de Dieu dans les évènements soumis aux lois universelles. Selon lui, un éveil de la conscience produit par la foi, n'a que faire de les lois régissant les phénomènes. La foi se situe dans la pure subjectivité de l'âme qui adhère à la spiritualité du christianisme. La logique de l'approche de Bultmann est de ne retenir des miracles que leur signification salutaire vivifiante et hautement spirituelle[10].
Dans lareligion sunnite, leskarāmāt (کرامات, plur. dekarāmah, lit. « générosité, grandeur d'âme[19] ») désignent des miracles accomplis par unsaint. Selon la terminologie de la théologie islamique, le mot, pris au singulier (karama) prend un sens voisin de « charisme », faveur ou don spirituel accordé par Dieu[20]. Ces miracles sont indifféremment des réalisations défiant les lois de la Nature (par exemple latéléportation chez Taï al-Arz), des prophéties vérifiées ou la « divination du secret des cœurs[20]. »
Historiquement, la« foi dans les miracles des saints (karāmāt al-awliyāʾ, littéralement « miracles des fidèles »)était un précepte de l'islam sunnite[21]. » Cela se reflète dans les récits des miracles des wali, rapportés par les principaux auteurs de l’Âge d'or islamique[22] (entre 700 et 1400), ainsi que par quelques éminents érudits duXVe siècle[22]. Selon l'orthodoxie sunnite, tous les miracles accomplis par un saint ne sont possibles que par la grâce de Dieu[22] et constituent, soit un« bouleversement de l'ordre naturel » (k̲h̲āriḳ li’l-ʿāda), ou, en d'autres termes,« un prodige qui abolit l'ordre divin (sunnat Allāh) qui est le cours naturel des événements[20]. » Pour autant, le sunnisme a toujours affirmé qu'un miracle, aussi extraordinaire soit-il, ne saurait être le signe d'une mission prophétique : cette clause est conforme à l'affirmation que la doctrine de Mahomet est l'uniquesceau des prophètes[20].
La doctrine deskarāmāt al-awliyāʾ, figée par l'orthodoxie et prônée par les plus éminents écrits de la tradition sunnite commeLa doctrine d’Al-Tahawi (vers l'an 900) ouLa doctrine de Nasafi (vers l'an mil), est puisée aux deux sources mêmes de l'Islam : leCoran et leshadith[20]. Dans la mesure où le Coran cite les miracles de saints non-prophètes, telsAl-Khidr (18:65-82), lesdisciples de Jésus (5:111-115) ou lesSept Dormants d'Éphèse (18:7-26), d'éminents érudits des premiers temps de l'Islam en ont deduit qu'il existait une catégorie d'hommes vénérables, d'un rang inférieur à celui desprophètes, et néanmoins capables de réaliser des miracles[22]. Les références spontanées desHadîth aux miracles d'un Djouraïdj̲[23],[24],[25],[26] (forme arabisée du mot grecGrēgorios) pré-islamique, n'ont fait qu'amplifier cette interprétation des miracles des saints[22]. L'érudithanbaliteIbn Taymiyyah (mort en 1328), en dépit son opposition auxpèlerinages, a néanmoins admis que« Pour tous les érudits musulmans, les miracles des saints sont absolument réels et non-déformés. Et le Coran les cite en différents endroits, les Dits du Prophète les mentionnent, et quiconque renie, lui ou ses disciples, le pouvoir miraculeux des saints, n'est qu'un apostat[27]. » Comme l'a rappelé un universitaire contemporain[28], pratiquement tous les érudits musulmans classiques et médiévaux ont estimé que« la vie des saints et leurs miracles sont incontestables. »
Mais auXXIe siècle, la reconnaissance des miracles des saints est mise en cause par certaines branches dusalafisme, duwahhabisme et dunéo-islam égyptien, qui considèrent que le concept de saints musulmans,« admis pendant plus d'un millénaire, est plutôt an-islamique et rétrograde... que partie intégrante de l'Islam[29]. » Les islamistes, en particulier, ont tendance à rabaisser la tradition des miracles des saints au rang de superstition[20]. Toutefois, malgré ces courants de pensée dissonants, la doctrine classique continue de prospérer et joue même un rôle essentiel dans le culte quotidien de vastes régions de pays musulmans comme lePakistan, l’Égypte, laTurquie, leSénégal, l’Irak, l’Iran, l’Algérie, laTunisie, l’Indonésie, laMalaisie et leMaroc[20], ainsi que dans les pays comptant une importante minorité musulmane comme l'Inde, laChine, laRussie et lesBalkans[22].
LeDictionnaire de la philosophie Lalande avait initialement proposé pour la définition du miracle deDavid Hume, à savoir« une dérogation aux lois de la nature ». Plusieurs collaborateurs l’ayant trouvée inadéquate, le dictionnaire a alors proposé:« Ce qui est non conforme à l'ordre habituel des faits de même nature ». Mais le dictionnaire a ajouté que« l'usage le plus général est de ne qualifier de miracle un tel phénomène que si on le "considère comme la manifestation dans le monde d'une action intentionnelle supérieure à la puissance humaine"[31]. »
Le sociologueGérald Bronner, en travaillant statistiquement sur les travaux de Brendan O'Regan et Caryle Hirshberg[33], n'obtient pas de différences statistiques significatives entre lesmiracles de Lourdes et les rémissions spontanées en milieu hospitalier (soit 1 cas pour 350 000)[34].
D'après l'historienThierry Murcia, la plupart des miracles thérapeutiques relatés dans le Nouveau Testament s'expliqueraient naturellement ou médicalement. Concernant la nature des pathologies qui y sont présentées, le texte poserait des problèmes de traduction et Jésus aurait eu des connaissances médicales dont il se serait servi pour guérir les malades venus le trouver[35].
Laloi de Littlewood stipule qu'une personne peut s'attendre à vivre un événement avec une chance sur un million (défini par la loi comme un « miracle ») à une fréquence d'environ un par mois.
↑Cf.Jonathan A.C. Brown, « Faithful Dissenters »,Journal of Sufi Studies,no 1,,p. 123
↑abcde etfB. Radtke, P. Lory, Th. Zarcone, D. DeWeese, M. Gaboriau, F.M. Denny, Françoise Aubin, J.O. Hunwick et N. Mchugh, article “Walī”, in:Encyclopaedia of Islam,op. cit..
↑Buk̲h̲ārī.Saḥīḥ al-ʿamal fi ’l-ṣalāt, Bāb 7,Maẓālim, Bāb 35
↑Spontaneous remissionan, Brendan O'Regan, Caryle Hirshberg. Sausalito, CA : Institute of Noetic Sciences, 1993. Analyse exhaustive des publications scientifiques de 1574 cas de guérisons inexpliquées en milieu hospitalier entre 1864 et 1992
↑Gérald Bronner,Coïncidences : Nos représentations du hasard, Broché, Ed Vuibert, 2007
↑Thierry Murcia,Jésus, les miracles en question, 1999 -Jésus, les miracles élucidés par la médecine, 2003. Voir également, du même auteur :Les miracles de Jésus ont-ils une réalité historique ?, 2000[1] ; « Le statère trouvé dans la bouche d'un poisson (Matthieu 17, 24-27) », dans laRevue biblique 117, 3, 2010, p. 361-388 ; « La question du fond historique des récits évangéliques. Deux guérisons un jour de Kippour : l'Hémorroïsse et la résurrection de la fille de Jaïre et le possédé de Gérasa/Gadara », dansJudaïsme ancien / Ancient Judaism 4, 2016, p. 123-164.