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| Milice française | |
| Création | |
|---|---|
| Dissolution | Fin août 1944 |
| Pays | France |
| Allégeance | |
| Effectif | 10 000 à 35 000 |
| Fait partie de | Collaboration en France |
| Composée de | Franc-garde |
| Surnom | Milice |
| Marche | Le Chant des cohortes |
| Guerres | Seconde Guerre mondiale |
| Batailles | Bataille de l'Ain et du Haut-Jura Bataille des Glières Bataille du Mont Mouchet Bataille du Vercors Bataille du Mont Gargan Bataille de Leuzeu |
| Commandant historique | Joseph Darnand |
| modifier | |
LaMilice française, généralement simplement appelée laMilice, était une organisation politique etparamilitaire française créée le par lerégime de Vichy, en réponse à une exigence formulée par Adolf Hitler à Pierre Laval le 19 décembre 1942 face au progrès de laRésistance en France. Supplétifs de laGestapo et des autres forces d'occupation allemandes, les miliciens participèrent à la traque desJuifs, des résistants, des réfractaires auSTO et de tous les autres « déviants » dénoncés par le régime de Vichy et lescollaborateurs fascistes. La Milice était ainsi à la fois une organisation politique et une force de police et de maintien de l’ordre.
Le chef officiel de la Milice étaitPierre Laval, chef du gouvernement, mais le véritable responsable de ses opérations était son secrétaire général,Joseph Darnand, officierWaffen-SS ayant déjà fondé en 1941 leService d'ordre légionnaire (SOL), précurseur de la Milice française.
Organisation de typefasciste, la Milice se voulait un mouvement révolutionnaire à la fois antirépublicain, antisémite, anticommuniste, contre le capitalisme international, pour le corporatisme, nationaliste et autoritaire[1]. Noyautant la fonction publique à tous les niveaux au cours de l'année 1944, elle sembla avoir ambitionné de devenir l’équivalent d'unparti unique de l’État français. Sa montée en puissance marqua en tout cas, selonRobert Paxton etStanley Hoffmann, la fascisation finale durégime de Vichy, de même que l'avènement, selonÉric Alary etJean-Pierre Azéma, d'un « État milicien ».
Comme lesnazis, les miliciens se livraient régulièrement à desarrestations arbitraires, desrafles, des exécutions sommaires ainsi qu'à des massacres, et utilisaient latorture. Leur systématiqueviolence et leurs nombreuses exactions, tout comme leurcollaborationnisme jusqu’au-boutiste même lorsque lesAlliés étaient aux portes de Paris, contribuèrent à en faire, en dépit de la sensibilité pro-vichyste d'une partie des Français, une organisation extrémiste suscitant la défiance de la grande majorité de la population.
Essentiellement active sur le plan opérationnel au printemps et l'été 1944, la Milice participa à la quasi-guerre civile caractérisant la France des six derniers mois de l'Occupation, mais elle n'eut jamais plus de 35 000 membres : 29 000 adhérents en automne 1943 selonFrancis Bout de l'An. Parmi lesquels, d’après le chef du service des effectifs (l’enseigne de vaisseau Carus), seulement 10 000 étaient réellement actifs. La Milice ne dépassa ainsi jamais, au total, les 15 000 militants actifs dont seulement quelques milliers participaient véritablement à des opérations anti-partisans.
L’hymne de la Milice était « Le Chant des cohortes »[2] qui était à l'origine l'hymne du Service d'ordre légionnaire.

Joseph Darnand, vétéran de laPremière Guerre mondiale et de lacampagne de France de 1940, activiste d’extrême droite et ancien « cagoulard », prend la tête de laLégion française des combattants dans lesAlpes-Maritimes.
Après l’ouverture de celle-ci aux jeunes partisans du régime qui n’ont jamais combattu, il fonde en août 1941, dans son département, leService d'ordre légionnaire. « Remarqué par les ministresDarlan etPucheu lorsqu’il est à la tête de la Légion française des combattants de Nice, Darnand va bénéficier de leur soutien pour développer son organisation paramilitaire, le Service d’ordre légionnaire (SOL). Ancêtre de la Milice, le SOL s’étend à l’ensemble de lazone Sud et réunit un effectif de 15 000 hommes issus pour la plupart de l’extrême droite[3]. »
L'organisation est fondée sur21 points qui donnent la matrice idéologique du mouvement : « contre le capitalisme international, pour lecorporatisme français », « contre la condition prolétarienne, pour la justice sociale », « contre la lèpre juive, pour la pureté française », « contre la franc-maçonnerie païenne, pour la civilisation chrétienne[3] »[4],[5].
LorsquePierre Laval se rend enPrusse orientale le 19 décembre 1942 pour rencontrerAdolf Hitler, ce dernier lui reproche l’insécurité croissante à laquelle sont confrontés, en France, les forces d’occupation et les représentants des différentes administrations allemandes. Hitler exige alors la création d’une police supplétive qui doit collaborer avec les Allemands pour maintenir l’ordre, en s'affranchissant si besoin de l’intervention de la justice française qu’il juge inadaptée aux exigences du moment et appliquant une législation hors du temps.
La légitimité du régime de Vichy venait par ailleurs, quelques semaines plus tôt, d'être particulièrement entachée par l'opérationTorch, ayant entraîné pour Vichy la perte de son empire colonial. Pierre Laval, en réponse à des accusations de faiblesse, devait ainsi prouver à la fois aux Allemands et aux collaborationnistes qu'il était vraiment le patron de la France. Laval, en accord avecPhilippe Pétain, décide donc de créer, par la loi du, la Milice qui absorbe l'ancien Service d'ordre légionnaire. Il en devient le chef nominal, avecJoseph Darnand comme secrétaire général qui en sera cependant le véritable chef opérationnel.

C'est la loino 63 du (publiée auJournal officiel de l'État français le,no 27,p. 290) qui fonde la Milice française :« Article1er - La Milice française, qui groupe des Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social, économique, intellectuel et moral de la France, est reconnue d'utilité publique.Ses statuts, annexés à la présente loi, sont approuvés.
Article 2 - Le chef du Gouvernement est le chef de la Milice française. La Milice française est administrée et dirigée par un secrétaire général nommé par le chef du Gouvernement. Le secrétaire général représente la Milice française à l'égard des tiers.
Article 3 - Les conditions d'application de la présente loi seront fixées par arrêté du chef du Gouvernement. »
Quant aux statuts de la Milice française, annexés à la loi du, ils précisent :
Article 2 - La Milice française est composée de volontaires moralement prêts et physiquement aptes, non seulement à soutenir l'État nouveau par leur action, mais aussi à concourir au maintien de l'ordre intérieur.
Article 3 - Les membres de la Milice française doivent satisfaire aux conditions suivantes :1° Être français de naissance.
2° Ne pas être Juif.
3° N'adhérer à aucune société secrète.
4° Être volontaire.
5° Être agréé par le chef départemental. »
La Milice choisit comme insigne legamma, symbole du signe du Bélier, de« renouveau et d'énergie » (argent sur fond bleu dans un cercle rouge pour les miliciens ordinaires, blanc sur fond noir pour les francs-gardes, blanc sur fond rouge pour les avant-gardes).
Selon Darnand,« la Milice française n'est pas une police répressive. […] la Milice groupera des personnes de tous les âges, de tous les milieux et de toutes les professions, désireuses de prendre une part effective au redressement du pays. Ouverte à tous, la Milice fera retrouver aux Français cette communauté nationale […] hors de laquelle il ne peut y avoir de salut pour notre pays. »[6].
Dans son discours du, Darnand assure encore que la Milice a d'abord une mission politique etBassompierre commente :« Elle a pour mission de soutenir la politique gouvernementale […] et de lutter contre lecommunisme. ».
Pourtant, l'analyse personnelle deCharles Maurras, qu'il donne dans les colonnes deL'Action française du, est bien explicite :« Avec le concours de [cette] pure et solide police, nous pourrons chez nous frapper d'inhibition toute velléité révolutionnaire et toute tentative intérieure d'appuyer les hordes de l'Est, en même temps que nous défendrons nos biens, nos foyers, notre civilisation tout entière. » Le soutien de Charles Maurras à la Milice s'explique aussi par son agacement au vu des prises de positions de plus en plus germanophiles des responsables du SOL[7].


Francis Bout de l'An dirige la propagande et l'information avec l'organeCombats.Noël de Tissot est chargé des relations entre le haut commandement et les services.
Si le secrétariat général est installé àVichy auprès du Gouvernement, la Milice repose sur une organisation territoriale en zones : régions et départements.
L'état-major auprès du secrétariat général comprend cinq services :
Ce découpage fonctionnel se retrouve au niveau régional et départemental.


Philippe Pétain etPierre Laval ne démentiront jamais leur soutien public à la Milice et à ses actes. En, Laval rappelle qu'il « marche main dans la main avec Darnand » car selon lui « la démocratie, c'est l'antichambre du bolchevisme ». En juin 1944, Pétain déclare « je suis heureux de savoir que grâce à la Milice, j'ai des troupes fidèles un peu partout en France »[8].
Le serment de la Milice mentionne, entre autres, le combat contre la « lèpre juive ». Le mouvement se veut à la fois révolutionnaire, antirépublicain,antisémite,anticommuniste, contre le capitalisme international, pour le corporatisme, nationaliste et autoritaire[1]. Selon les historiensHenry Rousso ouJean-Pierre Azéma, le projet de Darnand et de certains de ses hommes (les « intellectuels pro-fascistes du mouvement ») était de faire de la Milice un succédané departi unique et, à terme, l'ossature d'un authentique régimetotalitaire. La montée en force de Darnand dans lerégime de Vichy, jusque-là avant tout autoritaire et réactionnaire, marque une étape décisive dans la fascisation finale du régime ainsi que dans sa satellisation par les Allemands (Robert Paxton,Stanley Hoffmann).

Au début de 1943, les résistants, en particuliercommunistes FTP, procèdent à de nombreux attentats et règlements de compte contre des miliciens. Pendant près de cinq mois, la Milice, qui de janvier ànovembre 1943 n'est pas armée[9], ne réagit guère à ces attaques et se plaignit d'être sans défense[9]. On dénombre76 miliciens abattus de janvier àseptembre 1943[9]. Excédé, Darnand ne peut rester plus longtemps sans réagir, ainsi il demande expressément que la Milice soit autorisée à porter des armes[9]. Devant le refus réaffirmé des Allemands, il songe même à démissionner enjuillet 1943 et tente sans succès de prendre contact avec la Résistance[9].
En août 1943, Darnand choisit finalement son camp. Il est nomméObersturmführer de laWaffen-SS et prête serment de fidélité personnelle àHitler dans les locaux (hôtel Beauharnais) de l’ex-ambassade d’Allemagne à Paris,rue de Lille. Les nazis restent cependant longtemps réticents à armer les miliciens, chose qu’ils acceptent après la publication au Journal officiel en d’un décret autorisant les Français à s’engager dans laWaffen-SS (créant ainsi laSturmbrigade SS Frankreich). Dès que cette autorisation d'armement est accordée, la Milice organise ses toutes premières expéditions punitives contre les maquisards communistes et autresFFI.
Le, Joseph Darnand est nommé secrétaire d'État. Le1er janvier 1944, il devient responsable du maintien de l’ordre, puis Secrétaire d’État à l’Intérieur le13 juin 1944.
À tous les niveaux, les miliciens essayent de supplanter les autorités officielles et d'investir les rouages de l'État, comme à la tête de la préfecture de l'Hérault au début de l'année 1944, avec la nomination d'un milicien, Jean-Paul Reboulleau, en tant que préfet.
Ainsi, la Milice a été à la fois un parti, une police (le Deuxième Service) et une armée (laFranc-garde).

Le 27 janvier 1944, la Milice - jusque là cantonnée dans la zone sud - est étendue au Nord de la France[10], et les hommes de main de divers partis collaborationnistes y sont versés[11]. Les effectifs de la Milice atteindront ainsi près de 30 000 hommes (jamais plus de 15 000 militants réels, selon ses responsables qui avaient pourtant tendance à gonfler les effectifs pour obtenir des crédits). Elle dispose d’un bras armé, laFranc-garde, et d'une école de cadres, installée dans les anciens locaux de l'École des cadres d'Uriage. Elle est alors considérée comme un corps d'armée malgré laconvention d'armistice de 1940. Elle a aussi un aumônier général.
On peut distinguer trois catégories de miliciens :« La grande majorité des miliciens sont des gens ordinaires qui exercent un métier et ont femme et enfants. Leur activité militante les conduit simplement à participer à des groupes de réflexion, à assister à des réunions ou à des conférences et, parfois, à se mobiliser pour telle ou telle cause humanitaire ou civique. À côté de cescivils, il y a lesmilitaires [formant la Franc-garde]. […] L'objectif essentiel de cette troupe permanente est d'assurer le maintien de l'ordre. Certains miliciens ordinaires peuvent être des francs-gardes bénévoles, lesbénés, susceptibles d'être mobilisés en cas de besoin. […] Il existe enfin une structure milicienne destinée à accueillir les jeunes : l'Avant-garde. »[12] Sur 10 à 15 000 militants actifs, moins de 4 000 appartiendront à la Franc-Garde, permanents et bénévoles compris.
SelonMax Lagarrigue (en), « se retrouvent beaucoup de jeunes marginaux, désœuvrés, chômeurs, paumés, pour beaucoup embarqués dans la Milice par l’appât du gain et le désir d’aventure, sans avoir de réelles motivations idéologiques. »[13].
En fait, selon Pierre Giolitto[14], la majorité des miliciens de base appartenaient à la petite et moyenne bourgeoisie urbaine. Il cite une étude d'André Laurens qui montre qu'en Ariège, ce sont les employés les plus nombreux (12,9 %), suivis par les commerçants (12,2 %), les sans-profession (9,3 %), les ouvriers agricoles (7,6 %), les artisans et agriculteurs (7,6 %), les ouvriers d'usine (5,9 %), les professions libérales, cadres et patrons (4 %).
Henri Amouroux[15] cite une étude de Michel Chanal qui montre que, dans l'Isère, c'étaient les ouvriers d'usine qui venaient en tête (18,6 %), suivis par les employés (13,7 %). Une étude de Monique Luirard indique que, dans la Loire, sur l'ensemble des miliciens passés devant un tribunal en 1945, 69 % étaient ouvriers, employés ou petits fonctionnaires ; 16,9 % sans profession ; 6 % artisans, commerçants ou agriculteurs ; 3,6 % avaient une profession libérale ; 3 % étaient policiers ou militaires ; 1,8 % patrons…
D'après un sondage socioprofessionnel effectué auprès des internés administratifs : 27,3 % étaient employés ou petits fonctionnaires ; 23,4 % artisans ou commerçants ; 19,5 % ouvriers ; 9 % patrons ; 13 % cadres ou professions libérales ; 5,2 % sans profession (femmes) ; 2,6 % cultivateurs.

La Milice finit par se substituer aux forces de police et coopère avec laGestapo, en contribuant par exemple activement à l'arrestation desJuifs. La Milice française participe donc à laShoah en France. Elle dispose d'un service de sécurité dirigé parMarcel Gombert, assisté de Joannès Tomasi, Paul Fréchoux et Henri Millou. Sa Franc-garde participe également, à partir de la fin de l'hiver 1943-1944, à la répression sanglante desmaquis, comme ceux duplateau des Glières ou del'Ain et du Haut-Jura.
La loi du autorise la Milice à constituer descours martiales sommaires : trois juges, tous miliciens, siègent anonymement et prononcent en quelques minutes des condamnations à mort exécutables immédiatement. Elles se chargent notamment de condamner à mort et de faire exécuter les révoltés de laprison centrale d'Eysses (), à qui la vie sauve avait pourtant été promise par les miliciens en échange de leur reddition.
Sont aussi exécutés des hommes politiques hostiles à laCollaboration. Dès, le directeur deLa Dépêche de Toulouse,Maurice Sarraut, est tué par des miliciens envoyés par les Allemands[17]. L'ancien ministre duFront populaireJean Zay l'est aussi en juin 1944. L'ex-ministre de l'IntérieurGeorges Mandel, livré par les Allemands à la Milice, est à son tour exécuté dans laforêt de Fontainebleau en. De mêmeVictor Basch, président dela Ligue des droits de l’Homme, et sa femmeHélène, dont les exécutions sont dirigées, sur place, parPaul Touvier[18] du2e service de la Milice (dont le chef estJean Degans). Parmi de nombreuses autres exactions, la Milice agresse à coups de matraques le professeurÉdouard Guyot, qui meurt des suites de ses blessures en 1948[19], et assassine en mai 1944 le résistant socialiste Edmond Grasset[20].
Déstabilisés par leur impopularité auprès de la nette majorité des Français, les miliciens redoublent d'extrémisme. Les immeubles de la Milice, à commencer par son QG au Petit Casino deVichy, deviennent des lieux detorture et de sévices. Les miliciens pratiquent également ladélation, contribuent à l'organisation de rafles et se livrent parfois, seuls ou en groupes, à d'authentiquesmassacres, comme près deSaint-Amand-Montrond àSavigny-en-Septaine ().
Le capitaine Di Constanzo, de la 2e unité de marche des francs-gardes, ordonne par exemple aux miliciens chargés d'interroger des suspects, à l'asile de Saint-Méen à Rennes à l'été 1944, de leur « faire pisser le sang », « chier leurs tripes » et « dégueuler leurs boyaux »[21].

Le 27 juin 1944, près deSaint-Junien àSaint-VicturnienJean Filiol homme de main froid et sans pitié monte une embuscade contre des résistants a laquelle 9 résistants périrent ainsi que deux habitants du village. Il est aussi celui qui désigne 4 miliciens pour assister l'état major deAdolf Diekmann pour la solution finale leMassacre d'Oradour-sur-Glane
À la suite de l’exécution par laRésistance, le, du secrétaire d'État à l'InformationPhilippe Henriot, membre de la Milice, des miliciens sillonnent les rues deChâteauroux en voiture en tirant sur les passants. De nombreuses autres exactions sont perpétrées à cette occasion, comme l'exécution de sept Juifs à Rillieux-la-Pape parPaul Touvier[22], lemassacre de 36 personnes jetées dans les puits de Guerry en juillet-août 1944 organisé entre autres par le milicienJoseph Lécussan et le FrançaisPierre Paoli (Gestapo)[23],[24].
Manquant toujours d'hommes, Darnand n'a jamais disposé de plus de 35 000 adhérents, la plupart non armés et inactifs. Tout comme laLVF, la Milice se montre dès lors peu regardante sur son recrutement : des jeunes gens qui cherchent à échapper auSTO, mais aussi des aventuriers, des repris de justice, descriminels de droit commun, quoique la grande majorité des miliciens soient des employés, artisans ou commerçants sanscasier judiciaire en France.
Ce personnel inexpérimenté voire peu fiable ainsi que le manque de moyens font de la Milice une force militaire médiocre, qui n'acquiert jamais vraiment la confiance des Allemands[25]. D'autre part, le comportement des miliciens les décrédibilise rapidement vis-à-vis de leurs propres concitoyens. En effet, le fanatisme pro-nazi de certains se double d'une attitude délictueuse : lors de leurs opérations, ils commettent de nombreux vols, viols, cambriolages, rackets, extorsions de fonds et voies de fait contre des civils ou même des fonctionnaires. En 1944, la Milice fait l'objet d'une réprobation quasi générale. L'historienJohn F. Sweets montre dans son étude localeClermont-Ferrand à l'Heure allemande[26] comment les hommes de Darnand sont restés ultra-minoritaires (200 dans une agglomération de plus de 100 000 habitants), profondément méprisés et haïs (un enfant de milicien était aussitôt ostracisé par tous ses camarades d'école).
De février à août 1944, la guerre civile entre miliciens et troupes allemandes d'un côté et résistants de l'autre atteint son paroxysme.
En avril 1943, le chef marseillais de la milicePaul de Gassowski est abattu et aussitôt promu au rang de martyr par la Milice. Néanmoins, si des résistants français exécutent ponctuellement des hommes de Darnand pendant les combats et si des cas de tortures sur des miliciens capturés sont avérés, il n'y a rien eu de systématique de la part de laRésistance.
D'autre part, comme le montre l'historienOlivier Wieviorka, laviolence est une valeur systématiquement proclamée, exaltée et assumée par Darnand et les siens, dans la logique des idéologies de typefasciste. Au contraire, la violence est le plus souvent regardée avec suspicion par la plupart des résistants et ne constitue, pour ceux ayant choisi la lutte armée, qu'un mal nécessaire et provisoire. C'est ainsi que le résistantPierre Dunoyer de Segonzac, qui reconnaît un jour de 1944 Darnand en civil parmi les voyageurs de son train, répugne à le dénoncer aumaquis qui arrête le train quelques minutes plus tard, et lui sauve de fait la vie.
Le,Pétain, dans une lettre à Laval, finit par s'inquiéter des exactions de la Milice, tout en reconnaissant son rôle essentiel dans la collaboration avec la police allemande[27]. Laval transmet cette lettre à Darnand qui répond à Pétain :« Pendant quatre ans j'ai reçu vos compliments et vos félicitations. Vous m'avez encouragé. Et aujourd'hui, parce que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tache de l'Histoire de France ? On aurait pu s'y prendre plus tôt »[27].
La Franc-garde permanente, unité paramilitaire en uniforme, fut constituée en en vue, selon les propos de Darnand dans son discours-programme du, d'être« instruite techniquement et préparée au combat de manière à être toujours prête à assurer le maintien de l'ordre ». Elle devait être composée d'hommes jeunes et sportifs, volontaires et sélectionnés après un an d'appartenance à la Milice. Les francs-gardes, les seuls miliciens en uniforme, adoptèrent la tenue bleue deschasseurs alpins, modèle 1941 (pantalon « ski » sur guêtres et brodequins, vareuse et ceinturon, chemise kaki, cravate noire, béret incliné sur le côté gauche). Le symbole du gamma, blanc sur fond noir, fut porté en insigne métallique à la boutonnière droite et en insigne brodé sur le béret.

Soldée, encasernée, la Franc-garde fut organisée militairement :main (un chef et quatre hommes),dizaine (correspondant au groupe de combat),trentaine (petite section — en principe, au moins une dans chaque chef-lieu de département),centaine (petite compagnie — en principe, au moins une dans chaque chef-lieu de région),cohorte (petit bataillon de trois centaines),centre (petit régiment de plusieurs cohortes). Il existait deux types de centaine : la normale se déplaçant à pied ou à bicyclette et la mobile disposant de motos, autos et camions.
Au début, seuls les cadres furent équipés d'armes de poing. En effet, la Franc-garde ne fut que lentement et progressivement armée : ce ne fut qu'en automne 1943, à la suite de la recrudescence des attentats contre ses membres désarmés, qu'elle reçut quelques pistolets-mitrailleurs britanniques récupérés sur les parachutages alliés, qu'en qu'elle fut autorisée à puiser dans les stocks d'armes légères de l'armée d'armistice et qu'en qu'elle put former une section de mitrailleuses et une de mortiers pour participer à l'attaque dumaquis des Glières. Finalement, chaque dizaine fut dotée de deux pistolets-mitrailleurs britanniquesSten, d'un fusil-mitrailleur françaisMAC 24/29 et de fusils françaisMAS 36. Les deux premières trentaines furent formées à titre expérimental dans les villes où la « dissidence » était la plus active :Lyon etAnnecy.
Les dénominations detrentaine etcentaine ne doivent pas faire illusion sur les effectifs réels. Par exemple, la trentaine d'Annecy, devenue centaine, ne comptait que 72 hommes en. Selon le Service d'information duComité français de la Libération nationale, en, la Franc-garde rassemblait 1 687 hommes, soit une cohorte à Vichy, une centaine à Lyon, Marseille et Toulouse, et une trentaine dans chacun des quarante-cinq départements de la zone Sud. En tout cas, même avec la mobilisation des bénévoles au printemps et en été 1944, l'effectif de la Franc-garde ne dépassa jamais 4 000 hommes.
En principe, toute intervention de la Franc-garde devait être précédée d'une réquisition écrite ou verbale adressée par le préfet à l'officier commandant l'unité requise.
D'autres groupes paramilitaires constitués de citoyens français collaborant avec l'Armée allemande et la Gestapo ont existé, notamment laSelbstschutzpolizei, active en 1943-1944, ainsi que des groupes régionaux comme leBezen Perrot et leKommando de Landerneau en Bretagne.
Lors de laLibération, la Milice fut déclarée dissoute par leGouvernement provisoire de la République française (GPRF), par l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental (article 10)[28].
Dans le courant du mois d’août — le 15 selonJacques Delperrié de Bayac[29] —,Joseph Darnand ordonna le repli général des miliciens. Des membres de la Milice participèrent cependant après cette date à certains combats sur le sol français aux côtés des Allemands, lors de lalibération de Paris ou de lalibération de Nice.
Environ 2 500 miliciens et leurs familles prirent le chemin de l’Allemagne, où 1 800 furent versés dans la33e division SS Charlemagne avec les survivants de laLVF, de laSturmbrigade SS, dite ensuiteFrankreich, et d'autres unités auxiliaires. MaisJoseph Darnand dut en abandonner le commandement à un officier général allemand,Gustav Krukenberg, et partit enItalie du Nord avec500 francs-gardes faire la chasse aux partisans antifascistes.
Les miliciens furent les cibles privilégiées de l'épuration spontanée ou « épuration sauvage » pratiquée par lesFFI au cours des combats de la Libération et immédiatement après le départ des Allemands. De nombreux miliciens furent alors exécutés sommairement, parfois en groupes (pour prendre un cas extrême,77 prisonniers sur 97 en une seule journée auGrand-Bornand, fin, après un jugement expéditif[30]). Le nombre total de miliciens exécutés est compris entre trois cents et six cents, soit près de 10 % de leurs effectifs[31].

Le premier jugement légal rendu par une cour martiale créée par les nouvelles autorités eut lieu à Grenoble le et concerna des élèves de l'école d'Uriage, où les futurs cadres de la Franc-garde devaient être formés[32]. 12 jeunes miliciens, faits prisonniers par la Résistance, ont ainsi été jugés ; six sont condamnés à mort et fusillés le jour même, en place publique. L'exécution eut une résonance internationale, la presse américaine ayant publié les photographies de l’exécution. Les exécutés étaient tous âgés entre 18 et 20 ans[33]. En-dehors de leur engagement politique, il n'y avait aucune charge sérieuse car les exécutés n'avaient jamais participé à des opérations sur le terrain[34]. Suite au tollé provoqué par le procès de Grenoble, le gouvernement interdit dans toute la France les exécutions publiques et expéditives[35].
Alors que la majeure partie du pays est libérée, la Milice continue de sévir à l'arrière du front. Ainsi, àBelfort le, 27 maquisards emprisonnés, remis par les Allemands à la Milice sont exécutés dans la forêt deBanvillars[36].

Joseph Darnand, capturé en Italie par les Britanniques, fut remis aux autorités françaises, puis condamné à mort et exécuté le à l’issue de son procès.
En 1994, après des décennies de cavale, l'ancien chef de la milice lyonnaisePaul Touvier devient le premier Français condamné spécifiquement pourcrimes contre l'humanité : il meurt à laprison de Fresnes en 1996.
Bien qu'aucune production cinématographique ne traite tout spécialement de l'histoire de la milice, celle-ci reste présente dans de nombreux films traitant de l'occupation allemande. On peut citer pour exemples :
L'image prédominante au cinéma est celle d'hommes socialement déclassés faisant preuve d'une grande brutalité (physique ou verbale), et cherchant à se venger du rejet de la société par leur statut de milicien. Dans un registre plus comique, la violence et le fanatisme de la Milice ont notamment été parodié dans :
Dans le huitième et dernier épisode de la sérieLe Pain noir (1974), adaptée de l’œuvre deGeorges-Emmanuel Clancier, Francet Charron (Jacques Denis), l'un des personnages principaux, est arrêté dans son atelier par une bande de miliciens. L'un d'eux tente de l'intimider en brisant une assiette au sol. Par la suite, Charron est exécuté par les Allemands pour avoir aidé des résistants.
La sérieUn village français diffusée par la chaîneFrance 3 entre 2009 et 2017 présente l'apparition et le déclin de la Milice dans sa cinquième et sixième saison. Plutôt secondaire dans la cinquième saison, le rôle de la Milice française s'étoffe dans les douze épisodes de la sixième saison. Ainsi, outre les arrestations et les rafles, la série se penche sur les profils psychologiques de différents miliciens. Alors que certains d'entre eux font preuve d'une violence et d'un fanatisme destructeur, comme André Janvier (chef de la Milice local, interprété parBruno Blairet) ou Xavier (Théo Cholbi), d'autres se montrent plus modérés et soucieux de l'honneur, tel Alain Blanchon (Bruno Fleury) qui succède à Janvier et accepte de se rendre aux résistants. A contrario, Alban Lubac (Fabrice Richert), d'abord réfractaire auSTO, puis malmené par le commissaire Marchetti, semble s'être engagé dans la Milice par dépit. Désorienté par la tournure du conflit et la perspective d'une mort prochaine, il veut à tout prix préserver sa vie et celle de ses proches. Il est notamment traumatisé après avoir été forcé de tuer deux jeunes enfants par Janvier[46].
Tous les personnages miliciens sont finalement fusillés ou pendus. Alors que Blanchon, sur le point d'être exécuté avec ses hommes, provoque un scandale en entonnant leChant des cohortes, Alban tentera jusqu'au bout de se défendre en invoquant son ignorance et ses erreurs, provoquées par les circonstances, et manifestera un repentir sincère.
Louis-Ferdinand Céline évoque la présence de miliciens dans son romanD'un château l'autre (1957) qui relate nombre de faits anecdotiques desévénements de Siegmaringen en 1944-1945. Les miliciens y apparaissent rêveurs, persuadés d'une victoire prochaine, alors que l'Allemagne est encerclée par les Alliés[47].
Dans son romanLes Épées (1948),Roger Nimier évoque le parcours de François Sanders, un jeune homme passé de la Résistance à la Milice française. Il réutilise cette trame narrative dansLe Hussard Bleu, publié en 1950, qui fait de nouveau apparaître Sanders, personnage ambigu, mais aussi Besse, un ancien milicien dont le sort paraît scellé. À travers ces personnages, Nimier interroge la postérité de la Milice française dans l'histoire[48].
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