Michel Guérin est un écrivain, universitaire et philosophe français, né à Nantes le[2]. Agrégé[3],[4], il enseigne la philosophie dans l’enseignement secondaire de 1970 à 1982[5]. Ses premiers livres paraissent chez Grasset :Nietzsche, Socrate héroïque (1975) etLettres à Wolf ou la Répétition (1976). En désaccord avec la tournure de « pub-philosophie »[6] des « nouveaux philosophes », auxquels il se trouve malgré lui assimilé[7],[8], Guérin publie dans Le Monde une mise au point[9], qu’il répète en 1979 en faisant paraître aux éditions du Seuil un essai,Le génie du philosophe, au sous-titre ouvertement polémique :Défense et illustration de la métaphysique en réponse à quelques anti – et nanti – « philosophes », dits « nouveaux ».
Sur proposition deRégis Debray[Note 1], conseiller culturel du président Mitterrand, Michel Guérin est nommé attaché culturel[Note 2] à Bonn[10], alors capitale de la RFA. Suivront, dans le cadre de ce détachement, deux missions de conseiller culturel/directeur de l'Institut français à Vienne (Autriche), puis Athènes[Note 3],[11].
Michel Guérin est nommé professeur des universités dans le département des Arts plastiques et Sciences de l'art de l'Université de Provence[13]. Il y dirige le LESA[Note 6],[14], Laboratoire d’études en Sciences des Arts et est élu en 2005 à la chaire[15]Théorie de l'art et de la culture de l'Institut universitaire de France.
Michel Guérin est admis à la retraite le et accède à l'éméritat[16] de l'Université d'Aix-Marseille par arrêté de son président.
Cette notion de Figure (cf.Gérard Genette) est associée à l’Idée régulatrice d’une figurologie. Pour l'auteur, la majuscule initiale codifie un usage qui, d’une part fait référence à laFigur chez le poète autrichienRainer Maria Rilke, d’autre part entend se distinguer de la signification banale du mot[18]. Les Figures ne sont ni des concepts, ni des métaphores, ni des images, mais des instruments de pensée, qui contiennent tout ensemble la chose à dire et la façon de la dire[19]. C'est en comparaison avec la peinture qu'on la peut saisir, comme on peut dire deBacon qu'il a peint la Figure de la chair, ouRembrandt, celle de l'individu.
La Figure de X transparaîtra donc dans l'essai qui, en l'écrivant, la rend réelle. La Figure est rythme premier, dans l’acception grecque de forme émergente[20].
La figurologie peut se concevoir comme une post-phénoménologie usant de Figures comme instruments de pensée. De plus en plus nettement, la figurologie se réfléchit commeécriture, où se mêlent de façon indiscernable le fond et la forme[19].
Car la pensée (à la différence des sciences, productrices de connaissances et procédant par détermination) est toujours modale : sa forme, son mouvement, son geste est co-extensif de la chose qu'elle cherche à saisir, créer et rendre. Guérin appelle cela : l’affectivité de la pensée[21]. La philosophie, écrit souvent l’auteur, est « ce qui s’enseigne »[22].
En juillet 2024, un colloque de six jours au château de Cerisy a réuni des universitaires et artistes internationaux pour réfléchir à cette notion et au reste du travail philosophique de l'auteur[23].
L’auteur étudie quatre gestes – ce qu’il appelle « gestique transcendantale » ou encore « quadrature du geste »[24] : faire, donner, écrire et danser. Ces quatre gestes déterminent les principaux domaine de l'anthropologie : la technique et le travail, l'économie, la politique et la culture, l'esthétique et l'art. DansLa Troisième main, les gestes de faire et d'écrire sont analysés dans le rapport qui les lie et les conduit à converger :« L'enquête porte d'abord sur la manière dontLa Troisième main se trouve au principe d'une double extériorisation progressive : celle des fonctions mécaniques du corps par les techniques (exosomatisation) et celle des fonctions du langage par les différentes sortes d'écriture (exologicisation) »[25].
Partagée entre l’opinion (sentire) et la confiance (credere), rythmée par l’oscillation du « croire » et du « décroire » (qui la relance, loin de l’éteindre), la croyance est, chez Michel Guérin, protéique[26]. Une croyance n’est ni vraie ni fausse, elle est (relativement) saine ou pathogénique. Si toutes les croyances ne se rapportent pas à Dieu, il n'en reste pas moins que les croyances sont un sûr moyen de rassembler (religare).
Parallèlement à son travail philosophique, Michel Guérin écrit des livres à ranger parmi les « figurologiques », constituant une illustration des principes philosophiques qu'il théorise comme Figurologie. Parmi eux se trouvent de rares romans, des textes critiques (surStendhal etGoethe), des essais libres, telL'Île Napoléon.
Comme figures ainsi illustrées, on peut retenir :
Celle de l’Âge, dans son essaiLes quatre Mousquetaires ;
DansNihilisme et modernité[27], l'approche est volontiers littéraire, riche de références très nombreuses; elle étudie des notions et des motifs qui apparaissent à chaque époque allant deDiderot àDuchamp.
Le temps de l'art[28] est un recueil d'articles, qui tente de saisir des mouvements et des transitions d'époques. Il développe une réflexion sur le concept de création, depuis que l’art s’est constitué, à la Renaissance, en activité autonome. Dans sa dimension philosophique, l’ouvrage interroge le lien entre l’art et le temps (en analysant la notion d’époque). À travers ses aspects historiques et anthropologiques, il s'emploie à dégager les caractères spécifiques des époques modernes, du Quattrocento à nos jours. Ici, le nihilisme décline le processus séculaire de « dédivinisation » de l’art (André Malraux), et l’auteur « construit une pensée de la perte positive »[29], véritable signature du Moderne.
Guérin ne cesse de montrer l'inactualité essentielle, intemporelle et éternelle de la peinture en analysantRembrandt[30],Cézanne[31] ou des artistes plus contemporains, comme le peintre Patrick Moquet[32] et le sculpteur-photographe François Méchain[33] ou encoreChristian Bonnefoi, dont Michel Guérin a écrit l'avant-propos de son Traité de Peinture (la Part de l'Oeil, Bruxelles, 2023, deux volumes).
Le thème de la transparence (ombreuse), en tant qu’elle relègue au passé le mode phénoménologique, se situe au carrefour de la réflexion esthétique et anthropologique et de l'approfondissement de la Figure, dont le mode de manifestation relève non de l'ap-paraître mais d’un trans-paraître[34].
Dans un certain voisinage intellectuel avec les réflexions d'Arendt ou d'Heidegger sur la notion d’œuvre d'art, Guérin élargit l'horizon en tentant de réfléchir l’œuvre en général.
Les deux volumesLe Temps de l'art (2018) etExpérience et intention (2020) constituent un ensemble thématique qui s'attache à problématiser la question de la création : selon une perspective historique et anthropologique pour le premier volet, qui questionne l'identité de l'art de la Renaissance à la postmodernité[35] et conçoit explicitement cet ensemble de réflexions comme un hommage à la mémoire deWalter Benjamin et d'André Malraux ; selon des critères internes de l'acte de créer pour le second ouvrage, s'efforçant de travailler à partir de deux questions :« Comment commencer ? Comment continuer ? »
Le Génie du philosophe. Défense et illustration de la métaphysique en réponse à quelques anti-et nanti-philosophes (dits nouveaux), Paris, Éditions du Seuil, 1979.
La politique de Stendhal, préface de Régis Debray, Paris, Presses universitaires de France, 1982.
Jour/Goethe-ballet, Arles, Actes Sud, 1983.
Qu'est-ce qu'une œuvre ?, Arles, Actes Sud, 1986.
L'île Napoléon, Arles, Actes Sud, 1989.
La Terreur et la Pitié, 1.La Terreur, Arles, Actes Sud, 1990.
L'Affectivité de la pensée, Arles, Actes Sud, 1993.
Philosophie du geste, Arles, Actes Sud, 1995.
Les Quatre mousquetaires. Essai sur la trilogie de Dumas, Monaco, Éditions du Rocher, 1995.
La Terreur et la Pitié, 2.La Pitié. Apologie athée de la religion chrétienne, Arles, Actes Sud, 2000.
Nihilisme et modernité, essai sur la sensibilité des époques modernes, Nîmes, Jacqueline Chambon, 2003.
La grande dispute, essai sur l'ambition, Stendhal et leXIXe siècle, Arles, Actes Sud, 2006.
La seconde mort de Socrate (le concept d'éducation a-t-il un sens dans le monde actuel ?), Québec (Canada), Presses de l'Université Laval, 2007.
L'artiste ou la toute-puissance des idées, Publications de l'Université de Provence, 2007.
↑Régis Debray préfaceLa politique de Stendhal (PUF, 1982). Il avait écrit un article sur deux livres de Michel Guérin dansLe Nouvel Observateur du. Il s’emploie à élargir le recrutement du personnel culturel extérieur, en faisant appel à des intellectuels supposés plus proches du pouvoir politique du moment que les diplomates de carrière. Le poète et critiqueAlain Jouffroy, entre autres, rejoint au même moment un poste de conseiller culturel à Tokyo.
↑Position de détachement au Ministère des Relations extérieures en date du.
↑Pièce enregistrée en public le à 16 heures, responsable artistiqueYves Gasc, et diffusée une première fois le de 14 heures à 16 heures surFrance Culture. Réalisation Catherine Lemire.
↑Michel Guérin rencontre Guy Lardreau en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand en 1964. Leur amitié jusqu'au décès de Lardreau en 2008 résistera à tous les emportements et divergences. Lardreau rédige en 1976 la préface desLettres à Wolf. Plus tard Guérin édite dans la collection chez Actes SudFictions philosophiques et science-fiction (1988) etPrésentations criminelles de quelques concepts majeurs de la philosophie (1997).
↑Élu par ses collègues, Michel Guérin est nommé directeur de l'EA 3274 en.
↑Voir en particulier l'avant-propos deLa Terreur, « Idée d'une figurologie » et le premier des essais dePour saluer Rilke, « La vérité parle en Figures ». DansQu'est-ce que la philosophie ? (Éditions de Minuit,1991),Gilles Deleuze etFélix Guattari remarquaient : « Dans la pensée contemporaine, Michel Guérin est un de ceux qui découvrent le plus profondément l'existence de personnages conceptuels au cœur de la philosophie ; mais il les définit dans un "logodrame" ou une "figurologie" qui met l'affect dans la pensée » ; ce qui revient à assimiler massivement ce que Deleuze cherche justement à articuler philosophiquement : le concept et l'affect (avec le percept comme troisième terme).
↑, signature de François Mitterrand, scellé du sceau de l'Ordre sous leno 4200 C 92.
↑Bonn, signé le par le Président fédéral, Richard von Weizsäcker et adressé à Michel Guérin, attaché Culturel près l'Ambassade de France en Allemagne.
↑Jacques Chancel lui consacre une « Radioscopie » en direct de Marseille (INA Madelen), le. Un « Gros plan » sur l'auteur et professeur au lycée Thiers paraît dans Le Provençal-Dimanche du.
↑François Aubral et Xavier Delcourt,Contre la nouvelle philosophie, Paris, Gallimard,(ISBN978-2070353804)
↑Roger-Pol Droit, « Les lanciers de la métaphysique »,Le Monde,
↑Bernard-Henri Lévy, « Les nouveaux philosophes »,Les Nouvelles Littéraires,
Le journal Le Monde a bien voulu me compter au nombre des représentants dela nouvelle philosophie, et je l'en remercie. Mais il ne m'est pas possible de laisser croire que je me reconnais dans le tableau qui est brossé et dans les propos que d'autres tiennent. (…) Ceux qui ont lu mes livres savent que je suis et reste sans l'ombre d'une hésitation un homme de gauche. Je n'ai rien à renier ni à encenser des maîtres que je n'ai pas eus : Althusser ne m'a guère plus effleuré que Lacan. (…) Enfin je me déclare complètement étranger à l'affairementphilosophique dont vous rendez compte.
↑Lettre du Ministère des Affaires étrangères adressée à Michel Guérin, conseiller culturel et scientifique près l'ambassade de France en Grèce, datée du, signée par Roland Dumas.
↑« Michel Guérin et l’âge d’or de l’ambition », par Daniel Morvan, Ouest-France,.
↑Archives du Lycée Jules Verne à Nantes / Annales du Concours général.
↑Lettre du Ministère des Affaires étrangères adressée à Michel Guérin, conseiller culturel et scientifique près l'ambassade de France en Grèce, datée du 18 novembre 1992, signée par Roland Dumas. Citation : « Par décret pris sur ma proposition et publié au Journal Officiel de ce jour, vous avez été nommé au grade de chevalier de l'Ordre National du Mérite ».
↑Lettre de Alois Mock, Ministre des Affaires étrangères autrichien, du 24 novembre 1990 à Michel Guérin, Attaché Culturel, l'informant de l'obtention du Grosse Silberne Ehrenzeichen de la République Autrichienne.
↑Journal du Gouvernement de la République hellénique, 5 mai 1994, p. 549 : nomination de Michel Guérin au grade d’officier de l’Ordre du Phénix.