L'ancien nom de cette mer étaitPont-Euxin (dugrec ancien :Εὔξεινος Πόντος /Eúxeinos Póntos, « mer amicale » ). L'adjectif correspondant est« pontique ». Le termeocéanographique d'« euxinisme » y fait référence, qui désigne uneanoxie des eaux profondes, plus salées qu'en surface, car provenant de la Méditerranée par un courant de fond inverse de celui des eaux de surface, plus douces et alimentées par les fleuves se jetant dans la mer Noire.
Cette mer communique au sud-ouest par le détroit duBosphore avec lamer de Marmara, cette dernière étant reliée à lamer Méditerranée par le détroit desDardanelles. Sur ses côtes ouest et nord, elle communique avec de nombreuxlimans (lagunes navigables dont lasalinité et laturbidité varient avec la saison, et qui servaient defrayères pour le poisson). Au nord-nord-est, lamer d'Azov, reliée par ledétroit de Kertch, est considérée comme le plus grand deslimans.Son climat spécifique doux et humide, aux épaisbrouillards aux saisons intermédiaires, subit des influencesméditerranéennes au sud-ouest et en été (chaud, sec et ensoleillé),continentales au nord et en hiver (froid glacial, la mer peut geler, les chutes de neige sont fréquentes), etsubtropicales au sud-est. Pendant les tempêtes, surtout hivernales, les vagues sont courtes, mais hautes, et peuvent venir de plusieurs directions à la fois, rendant lanavigation difficile.
Depuis1996, le est la« journée internationale pour la protection de la mer Noire »[1].
selon l'autre, minoritaire, ladite croûte téthysienne aurait d'abord été soulevée et le bassin pontique résulterait d'unprocessus d'effondrement plus récent (Miocène) ; cette hypothèse s'appuie sur la présence d'un système defailles et de fossés desubduction sur le pourtour du bassin.
Dans lesannées 1960, en analysant aucarbone 14 des coquillages d'eau douce trouvés dans les carottages des sédiments de la mer Noire sous les sédiments marins actuels, les chercheurs bulgares, roumains et soviétiques avaient découvert que l'actuelle mer Noire a été il y a près de 8 000 ans unlac d'eau douce appelé « lac Pontique » qui se trouvait à150 mètres au-dessous du niveau général des mers. À l'époque, leBosphore n'était pas undétroit mais unisthme qui séparait ce grand lac de lamer de Marmara, elle-même isolée de lamer Égée par l'isthme desDardanelles. Après la chute durideau de fer et avec le développement d'internet, les géologues américains Walter Pitman et William Ryan découvrent en1997 les publications bulgares, roumaines et soviétiques modélisant les effets de la déglaciation post-würmienne qui, élevant le niveau de lamer Méditerranée, finit par entraîner le déversement d'eaux salées en mer de Marmara puis dans la mer Noire, mais sans donner d'opinion sur la vitesse du phénomène, ni sur son caractère répétitif ou unique.
L'hypothèse de Pitman et Ryan n'a toutefois pas convaincu la majorité des chercheurs : des études géologiques publiées en 2007 récusent l'idée d'un déversement catastrophique unique, pour modéliser une série d'oscillations des niveaux des bassins pontique, marmarien et égéen, avec des périodes de déversements multiples, graduels et pas toujours dans le même sens[8],[9]. Actuellement, trois reconstructions très différentes de l'histoire de la mer Noire coexistent donc : l'hypothèse catastrophiste de Pitman et Ryan, une hypothèse gradualiste à déversement unique mais lent, et l'hypothèse des déversements multiples, qui recueille l'assentiment de la majorité des auteurs[10].
Le « cap des olives » (Maslen nos, Αϰροτίρι Ελάιων) enBulgarie.Courantologie de la mer Noire avec les deux tourbillons principaux et les tourbillons côtiers générant leclimat pontique, d'aprèsGrigore Antipa.
En devenant salée, la mer Noire, désormais reliée à lamer Méditerranée, est cependant restée une mer particulière : la mort dubiotope lacustre a provoqué une séparation des eaux profondes et des eaux superficielles (voir ci-dessous) et la salinité est restée très en dessous de la moyenne mondiale : 12 à 16 grammes de sel par litre au lieu de 35. De ce fait, un courant d'eau salée coule toujours en profondeur à travers le Bosphore (la « cascade » d'eau marine ne s'est jamais arrêtée) tandis qu'en surface, les eaux moins salées de la mer Noire coulent vers la mer de Marmara. La faible salinité et le climat continental expliquent que les eaux les moins salées du nord-ouest gèlent fréquemment en hiver contraignant notamment l'utilisation de brise-glace pour dégager le port d'Odessa en janvier et février[11].
Les eaux de cette mer, au-delà de200 mètres de profondeur, sontanoxiques, c’est-à-dire sansdioxygène dissous. L'eau profonde concentre assez desulfure d'hydrogène (H2S) toxique pour que les bois, cuirs et tissus des épaves soient préservés de l'action bactérienne, au profit des chercheurs d'épaves. Ce phénomène, également présent enmer Caspienne, enmer Baltique et dans lelac Tanganyika, est appeléeuxinisme[12].
De 2005 à 2009, le projet européenHermes[13] explore les écosystèmes marins sur 15 000 kilomètres de marge continentale profonde pour notamment mesurer les formes du méthane en mer Noire et Baltique. On devrait ainsi mieux comprendre les écosystèmes microbiens anoxiques, et leurs bilans énergétiques et en termes de puits/sources de carbone et GES.
La grande majorité des espèces animales et végétales présentes dans la mer Noire sont d'origine méditerranéenne. Seules150 espèces sont considérées comme « autochtones », c'est-à-dire présentes avant la dernière transgression du Bosphore qui a de nouveau permis les échanges d'eau vers la Méditerranée. Parmi les espèces d'origine méditerranéenne, seules celles supportant une faible salinité ont pu s'adapter[11].
Aujourd'hui une population d'environ onze millions de personnes, par ordre d'importance notammentTurcs,Ukrainiens,Russes,Bulgares,Roumains,Géorgiens ouAbkhazes vivent à moins d'un kilomètre de la mer Noire, notamment dans les villes suivantes :
Le tableau suivant donne le nom de la mer Noire dans les langues riveraines[29] ; s'il n'y a pas de traduction, c'est que le terme signifie seulement « mer noire ».
Le périple desArgonautes, tableau de Constantin Volanakis.La Neuvième Vague, d'Ivan Aïvazovski.
L’étymologie du nomgrec antique « Πόντος » - Pòntos, signifiant « large mer », est la même que pour lesîles Pontines de lamer Tyrrhénienne (Italie). Dans l’Antiquité, lesGrecs la désignèrent d’abord parSkythikos Pontos (la « mer Scythique »). LesScythes, peuple de langueiranienne, la désignaient commeaxšaēna(« indigo »). Les Grecs comprirent d’abord ce terme commeaxeinos (dea- privatif etxeinos « étranger ») signifiant dans leur langue : « inamicale aux étrangers ». Plus tard, quand ses courants et ses vents leur devinrent familiers, elle fut désignée commePontos (Pontos signifiant « la mer », « le flot »)Euxeinos (eu- « bien » etxeinos « étranger » c’est-à-dire mer « amicale » ou « accueillante », traduit enfrançais parPont-Euxin)[30].
LesRomains l'appelèrentPontus Euxinus ouMare Scythicum et lesGrecs byzantinsκαικίας : kaikías, mot désignant le « vent du nord », terme repris par lesBulgares en « mer Cécile » (« море Сесил »).
Kara, le « noir » désigne lenord (analogue au « minuit » des Polonais ou des Hongrois) ;
Ak, le « blanc » désigne lesud (le midi, moment où le soleil est au zénith, et que l'on retrouve en France et en Italie) ;
Kızıl, le « rouge » désigne l’ouest (le couchant et son ciel crépusculaire) ;
Yeşil, le « vert » ouSarı, le « jaune » désignent l’est (le levant, lieu de l'aurore, mot partageant lui-même et avec le métal or l'idée de lueur).
Le Pont-Euxin étant situé au nord de laTurquie aurait donc été désigné enturc :Karadeniz, « mer Noire », sombre, alors que lamer Méditerranée, au sud, a été appeléemer Blanche, claire (Akdeniz) (qui ne doit pas être confondue avec lamer Blanche des Russes). Les savants turcs eux-mêmes sont divisés sur le sujet, car chez les anciens turcophones de lasteppe, le nord était désigné parAk (blanc comme la neige) et le sud parkızıl (rouge comme la chaleur). La logique désignant le nord (obscur) par le noir, le sud (la clarté) par le blanc et l'ouest (soleil couchant) par le rouge ne serait apparue que tardivement, enAsie Mineure.
Lorsque l'écriture apparaît, avec l'âge du bronze et l'âge du fer, des noms de populations sont mentionnés. Tout autour de la mer Noire,Hérodote place lesCimmériens, dont le nom (Κιμμέριοι) signifie engrec « ceux du bout du monde » (Κιμὴ). Il évoque également lesTaures de Crimée. EnAnatolie et dans leCaucase apparaissent lesGoutéens, les Colques qui ont donné leur nom à laColchide, lesChalybes, peuple de forgerons, les Scythènes implantés autour deTrébizonde, à proximité de la passe de Zigana, les Driles belliqueux plus à l'ouest, constructeurs de forteresses en bois, les Mosynèques (ou Moses) qui vivaient dans des tours en bois dont la plus haute servait de résidence à leurs rois qui y demeuraient cloîtrés, les Tibarènes, peuple de la côte bâtisseur de forteresses et de grands navires[34] ou encore lesMacrons tributaires dugrand roi perse[35]. Ces populations pouvaient être indo-européennes ou caucasiennes. Dans lesBalkans, auxbouches du Danube et dans lasteppe pontique sont mentionnés lesThraces, desGètes et lesScythes, mais avant eux avaient vécu à l'ouest de la mer Noire d'autres Indo-européens, dont certainsprirent la mer pour aller jusqu'enÉgypte, tandis que d'autrespassèrent en Anatolie (lesPhrygiens) et d'autres encore enGrèce : ce sont les ancêtres desMycéniens,Achéens,Ioniens etDoriens.
Aidé par lesTatars, l'Empire ottoman conquiert ensuite l'ensemble des rives de laMare maggiore et en fait cette fois un « lac turc » appeléKara deniz (« mer Noire »), mais quant aux populations vivant sur la côte même, jusqu'en1923 ce sont principalement desGrecs pontiques qui se maintiennent, soit deux millénaires et demi de présence continue. Leur vocabulaire maritime et halieutique (touchant à lapêche) a imprégné toutes les autres langues riveraines, et leurs traditions (construction navale, architecture, costumes, musique, cuisine) se sont transmises aux peuples successeurs, même si ceux-ci n'en sont pas toujours conscients et même si le voyageur étranger trop pressé, aveuglé par les apparences de la modernité, ne perçoit pas forcément cette continuité[38].
LesPontiques (enlatin :Epistulae ex Ponto) sont unrecueil delettres endistique élégiaque où le poète latinOvide se plaint de son exil àTomis : ces 46 lettres, composées probablement entre12 et16[39], sont regroupées en quatre livres dont les trois premiers sont parus en13, et le quatrième probablement après la mort du poète en17 ou18[40].
La mer Noire est le sujet principal d'un roman deJules Verne (qui n'y est jamais allé) où le personnage deKéraban-le-Têtu, un richestambouliote, choisit de faire le tour entier de la mer Noire plutôt que de payer un péage pour traverser leBosphore.
Depuis 1990, plusieursreportages radio ou télé ont été réalisés par des occidentaux en suivant l'itinéraire deKéraban-le-Têtu, tous fidèles aux approximations et aux caricatures de Jules Verne (c'est-à-dire de l'Occident, friand d'anecdotes, d'administrations pointilleuses, de situations ubuesques, de bandits, de trafiquants, de conflits…) mais ignorant les œuvres d'auteurs riverains ou connaisseurs commeÖmer Asan,Isaac Babel,Elias Canetti,Panaït Istrati,Constantin Paoustovski ouYeşim Ustaoğlu, et par conséquent peu sensibles aux milieux naturels, à l'ambiance et au patrimoine culturel commun de cette mer, qui, par-delà les langues et les cultures actuelles, témoignent d'un « melting-pot pontique » antérieur, d'abordscythe,caucasien etcimmérien, ensuitegrec, puisgénois et enfinturc, bien avant de devenir un théâtre d'affrontements géopolitiques modernes.
La mer Noire est le sujet de prédilection d'Ivan Aïvazovski : ses plus célèbres toiles peignent des scènes marines qui se déroulent presque toutes en mer Noire ; en particulier, le tableauLa Neuvième Vague montre une scène de naufrage s'y déroulant.
↑abc etdBernard Lory, « La mer Noire, à nulle autre pareille - Esquisse géographique »,Cahiers d'Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien,no 13,,p. 135-140(lire en ligne).
↑Source : [Hotspot Ecosystem Research on the Margins of the European Seas].
↑Projet européenHermes:« Hotspot Ecosystem Research on the Margins of the European Seas » lancé en janvier 2005, avec45 partenaires de15 pays coordonnés par le Southampton Oceanography Centre avec Ifremer et de l'Institut océanographique de Brêm, et15 millions d’euros sur4 ans).
↑Sergeeva N.G. & Anikeeva O.V. 2008. Goodayia rostellatum gen.n., sp.n. (PROTOZOA) – a monothalamous foraminiferan from the Black Sea. Vestnik zoologii, 42(5): 467-471.
↑Caspers, H. La macrofauna benthique du Bosphore et les problèmes d’infiltration des éléments Méditerranéens dans la mer Noire. Rapp. Comm. int: Mer Médit., 19 (2): 107-115. 1968
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↑Émile Janssens,Trébizonde en Colchide,Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres, t. XL, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 1969,p. 32.
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