| Naissance | |
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| Sépulture | Cimetière du Mont Carmel (Queens)(en) |
| Nationalités | russe(jusqu'en) américaine Palestine ottomane |
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Menahem Mendel Beilis[1] (enrusse :Менахем Мендель Бейлис ;1874-1934) est unjuifukrainien accusé d'avoir commis uncrime rituel en1911. Le procès, à l'issue duquel il est acquitté, déclenche une vague de critiques contre la politiqueantisémite de l'Empire russe.

Menahem Mendel Beilis est né dans une famille juive pieuse, mais lui-même n'a que peu de connaissances religieuses et travaille régulièrement pendant lechabbat ainsi que lesjours de fête à l'exception deRoch Hachana et deYom Kippour. En1911, Beilis, cet ancien soldat et père de cinq enfants, est employé comme directeur dans la fabrique de briques Zaitsev àKiev.
Le, un jeune ukrainien de treize ans, Andrei Yuchchinsky, disparaît sur le chemin de l'école. Huit jours plus tard, son corps mutilé est découvert dans une grotte, à proximité de la fabrique de briques.

Beilis est arrêté le, après qu'un allumeur de réverbères a attesté que le garçon a été enlevé par un juif. Un rapport soumis à l'empereurNicolas II par les autorités judiciaires affirme que Beilis est le meurtrier de Yuchchinsky.
Menahem Beilis passe plus de deux ans en prison dans l'attente de son procès.
Pendant ce temps, une campagne antisémite malveillante est lancée par la presse tsariste contre la communauté juive, avec accusation de crime rituel. De nombreuxintellectuels russes et ukrainiens écrivent pour dénoncer cette campagne et les fausses accusations contre les Juifs. Parmi eux :Maxime Gorki,Vladimir Korolenko,Alexandre Blok, Alexander Kuprin,Vladimir Vernadsky,Mykhaïlo Hrouchevsky, Pavel Milyukov, Alexander Koni. À l'étranger, Beilis obtient également des soutiens en les personnes d'Arthur Conan Doyle,Thomas Hardy,H. G. Wells,George Bernard Shaw et lesarchevêques de Canterbury etde York[2].

Le procès a lieu à Kiev du25 septembre au. Le procureur général A.I. Vipper fait une déclaration ouvertement antisémite dans son discours de clôture.

L'accusation est composée des meilleurs juristes du gouvernement. Un des témoins de l'accusation, présenté comme « expert religieux » dans les rituelsjuifs est leprêtre catholiqueJustinas Pranaitis, venu spécialement de la ville lointaine deTachkent. Il a été appelé en raison de son livre, datant de1892,Le Talmud démasqué (future traduction française), ouvrage fallacieux etantijuif publié enlatin avec l'imprimatur de l'archevêque métropolitain deMoguilev, dont les nombreuses inexactitudes et autres mensonges sont toujours cités de nos jours par les antisémitescomplotistes[3],[4] Pranaitis atteste que le meurtre de Yuchchinsky est un rituel religieux, associant le meurtre du jeune garçon à unsacrifice - uneimposture admise par de nombreux Russes de cette époque. Un autre témoin, présenté comme expert, est le professeur Sikorski de l'université de Kiev,psychologue médical, qui considère aussi le cas comme un « meurtre rituel ».

Grâce au concours de la communauté juive, Beilis est représenté par les plus fameux avocats deMoscou, deSaint-Pétersbourg et de Kiev :Vasily Maklakov, Oscar Grusenberg, N. Karabchevsky, A. Zarundy, D. Grigorovitch-Barsky, Arnold Margolin. Deux éminents professeurs russes Troitsky et Kokovtzov, parlent au nom de la défense et font l'éloge des valeurs juives et démontent les contrevérités de l'accusation, tandis que le philosophe Alexander Glagolev, chrétienorthodoxe, professeur au séminaire théologique de Kiev, affirme que :« laloi de Moïse interdit de répandre le sang humain et d'utiliser du sang dans l'alimentationcacher ».

Durant son contre-interrogatoire, Pranaitis, le supposé expert en Talmud, se ridiculise en montrant son incapacité à définir des mots ou concepts simples de la littérature juive[5].
L'allumeur de réverbères, sur le témoignage duquel repose toute l'accusation de Beilis, avoue avoir été embrouillé par l'Okhrana, la police politique secrète. Après une délibération qui dure plusieurs heures, lejury, composé uniquement dechrétiens d'origine paysanne[2],acquitte Beilis.Parmi le jury, il n'y a aucun représentant de l'intelligentsia[réf. nécessaire].
La presse libérale révèle alors que dès le début de l'enquête, la police avait réussi à déterminer que le matin de sa disparition, Andrei Yuchchinsky avait décidé de faire l'école buissonnière et de rendre visite à son ami, Génia Tchébériak à Lukianovka. La mère de Génia (Zhenya), Vera Cheberyak était connue de la police comme faisant partie d'une bande de voleurs comme receleuse et avait très rapidement été soupçonnée du meurtre. Quelques années avant, elle avait aveuglé son amant, un accordéoniste français, avec de l'acide sulfurique, mais avait échappé aux sanctions. La rumeur avait même circulé que Vera Cheberyak avait profité dupogrom de 1905 pour piller des quantités fabuleuses de biens, profitant du désordre[2].
Pour sa part, l'officier de police P. N Lyubimov indique dans son compte-rendu d'observation que les défenseurs de Beilis et autres « serviteurs sont tout aussi obéissants des Juifs »[6].
Le tsar de RussieNicolas II, qui sera assassiné avec sa famille cinq ans plus tard par lesBolcheviks, en 1918, déclare : « Il est certain qu'il existe un rituel (juif) d'assassinat. Mais je suis heureux que Beilis ait été acquitté car il est innocent »[2].
Le procès Beilis est suivi dans le monde entier et les polices russes sont sévèrement critiquées.
L'affaire Beilis est souvent comparée à l'affaireLeo Frank, dans laquelle un Juif américain, directeur d'une fabrique de crayons d'Atlanta, est accusé duviol et de l'assassinat de la jeune Mary Phagan, âgée de 12 ans, etlynché en1915 par la foule, après que sa sentence a été commuée en prison à vie[7].
Après la fin de son procès, Beilis devient une grande célébrité. Une indication de l'étendue de sa gloire est la citation suivante : « Quiconque voulait voir les grandes stars de la scèneyiddish deNew York, le week-end deThanksgiving en 1913, avait trois possibilités :Mendel Beilis au "Dewey Theater" de Jacob Adler,Mendel Beilis au "National Theater" de Boris Thomachefsky ouMendel Beilis au "Second Avenue Theater" de David Kessler »[8],[9]. Beilis est régulièrement interviewé et publie à compte d'auteur un récit de ce qu'il a vécu intituléThe Story of My Souffrances, rédigé en yiddish (éditions de 1925 et 1931) ; le livre est traduit ensuite enanglais (1926, 1992 et 2011) et enrusse[10].

Après son acquittement, Beilis quitte la Russie avec sa famille pour se rendre enPalestine alors province de l'Empire ottoman. En1920, sa situation financière étant désespérée, il s'installe auxÉtats-Unis où il s'essaye comme imprimeur puis vendeur d'assurances sans beaucoup de succès.
Il meurt à New York en1934. Il sera enterré[11] deux jours plus tard dans le même cimetière que celui où repose Leo Frank, accompagné de milliers de personnes venues lui rendre hommage[12].
Bernard Malamud écrit un romanL'Homme de Kiev (en anglais :The Fixer) sur ces événements en 1966[2] mais la famille de Beilis lui reproche d'y avoir présenté Menahem et son épouse Esther de façon mensongère et humiliante[13],[2]. B. Malamud lui répond que son livre « ne cherche pas à dépeindre Mendel Beilis ou sa femme » et, qu'effectivement, ils ne ressemblent pas aux héros de son livre. Néanmoins, la confusion entre la personne (Beilis) et le personnage (Yakov Bok) se fait dans les esprits, notamment à la fin duXXe siècle[14], après que le cinéaste américainJohn Frankenheimer tourne en1968 le filmL'Homme de Kiev, tiré de l'ouvrage de B. Malamud, avec entre autresAlan Bates etDirk Bogarde.
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