Elle appartient à la région géographique duRif, en périphérie de l'agglomération deNador, et forme uneexclave au nord de l'Afrique, avecCeuta et d'autres exclaves (Plazas de soberanía)[3].
Administrée en tant que partie de laprovince de Malaga avant le, elle détient depuis le statut d'une ville autonome, assez proche de celui d'unecommunauté autonome espagnole. La ville de Melilla est revendiquée par leMaroc, considérée par ce dernier comme étant occupée. Pourtant, la majorité de sa population est attachée à rester espagnole. Plusieurs sondages comme celui duCentre de recherches sociologiques montrent que les habitants Rifains de Melilla ont un sentiment patriotique en faveur de l'entité autonome de Melilla et de l'état espagnol très élevé[4].
L’exclave espagnole de Melilla est établie sur la côteméditerranéenne duMaghreb sur la partie orientale et la plus méridionale ducap des Trois Fourches au Maroc. Cette région est située sur la partie la plus orientale duRif Marocain. La ville occupe le centre du golfe duGourougou, du nom du volcan qui le domine.
Cette exclave a pour origine un site fortifié sur un promontoire rocheux séparant deux types de côtes. Au nord, d’impressionnantes falaisesbasaltiques, au sud, une côte basse régularisée par l’action maritime qui se poursuit, en territoire marocain par une vaste lagune dénomméeMar Chica (« Petite Mer ») où est établie la ville deNador.
En 927, la ville est rattachée à l’émirat de Cordoue, temporairement. Puis, la ville est de nouveau soumise par lesZirides (vers 979),Almoravides (vers 1079), lesAlmohades en 1141, ensuite lesMérinides en 1217 et puis lesWattassides (Vers 1465) qui la conservent jusqu'au, date ou le caïd du roi de Fès est expulsé par les habitants[7]. Enfin, en janvier 1495, les habitants de la ville expulsent la garnison du sultanZiyyanide deTlemcen, peu après les habitants abandonnent la ville à la suite des nombreuses disputes entre le sultan deTlemcen et celui deFès[8],[7].
Le, la ville est prise par lesEspagnols, ce qui marque ainsi le début des expansions espagnoles dans la rive sud de la mer Méditerranée (occupation d’Oran,Bougie,Bône,Bizerte,La Goulette, etc.).
Édifice du Cinquième Centenaire.
En 1774-1775, alors qu'elle réussit à reprendreEl Jadida auxPortugais en 1769, l'armée du sultan marocainalaouiteMohammed ben Abdallah voit ses attaques contre Melilla — mais aussiCeuta etAl Hoceïma — repoussées par les Espagnols ; un échange de prisonniers est ensuite effectué entre les deux pays (ce qui, à l'époque, représentait une « première » entre leMaroc et des pays européens)[9].
En 1808, l'Espagne, étant confrontée à de graves problèmes de ravitaillement dans sa lutte contre les Français pendant laGuerre d'Espagne, envisage de céder Ceuta, Melilla et les îles espagnoles d'Afrique du Nord au Maroc contre des vivres[10].
En 2017, une statue deFrancisco Franco – la dernière statue de Franco sur la voie publique en Espagne – est encore en évidence à Melilla. Le, sa statue (inaugurée en 1977 pour commémorer son action en tant que colonel dela Légion après ledésastre d'Anoual en 1921), fut déplacée de cinquante mètres pour permettre la réalisation de travaux. Le gouvernement (conservateur) de la cité autonome de Melilla a refusé qu'elle quitte la voie publique et soit transférée au musée militaire comme le réclamait l'opposition locale.
La statue fut finalement retirée en 2021[11],[12],[13].
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En 2009, la ville de Melilla est limitée par une frontière en forme de demi-cercle matérialisée par un double système de grillages ponctué demiradors[14], l’ensemble a été financé par l'Union européenne. Le tout est sévèrement contrôlé par lagarde civile espagnole qui dispose d’un système électronique de détection. Cette frontière est percée de trois points de passage vers leMaroc pour les véhicules et les piétons.
Cette frontière marquée par un rideau de fer trouve pour justifications les tentatives permanentes de passages clandestins de populations d'Afrique, espérant atteindre l'Union européenne, et l'introduction de produits dérivés ducannabis et, depuis une période récente, lacocaïne sud-américaine transitant par les grands ports marocains dontCasablanca en particulier.
Cette frontière est cependant difficile à contrôler en raison d’un accord hispano-marocain datant duProtectorat espagnol de 1912 sur leRif et qui autorise les habitants de laprovince de Nador à la franchir en présentant seulement leurpasseport sansvisa. Inversement, les habitants de Melilla peuvent se rendre dans cette même zone aux mêmes conditions (leurcarte d'identité établie à Melilla). Cet accord de réciprocité oblige lapolice de l’air et des frontières espagnole à procéder à un contrôle systématique d'identité à la gare maritime ou à l’Aéroport de Melilla pour tous les passagers quelle que soit leur nationalité, s’ils veulent regagner l'Espagne. Néanmoins, Cet accord n’est plus d’actualité depuis la crise du Covid-19[15]
Depuis quelques années, et avec la montée en puissance des villesmarocaines de l'Oriental et l'amélioration de la situation économique du nord du Maroc (laRoute nationale 16, le port deTanger Med et de Mediterrania Saïdia), Melilla a perdu de son attrait commercial d'autant plus que les tarifs douaniers côté marocain ont fortement chuté, ce qui a entrainé l'alignement des prix des produits sur ceux de Melilla qui sont sans taxe.
La ville rifaine deNador (environ 300 000 habitants selon des statistiques marocaines, voire plus de 500 000), jointive de Melilla, avec ses structures économiques, ne peut que sous-traiter les activités économiques dutertiaire de l’exclave espagnole. Ce rôle de Melilla était dominant et était donc fort différent de celui de son homologue espagnol de l’ouest,Ceuta. Le nord-ouest rifain dispose en effet d’une véritable capitale économique régionale qui lui est propre et qui n’est autre queTanger ; Ceuta demeure donc un centre secondaire bien que davantage connu que Melilla.
Depuis l’indépendance duMaroc en 1956, Melilla n’a plus accès auxmines de fer du Rif qui en faisaient une importanteville ouvrière liée à lasidérurgie au point qu’elle portait le surnom de « la Bilbao du Sud ». Ces mines ont d’ailleurs été fermées peu après leurnationalisation par l’État marocain. Conservant son rôle de grande ville de garnison espagnole, Melilla a converti ses anciens quartiers industriels dans les années 1960 et 1970 en quartiers balnéaires formant un front de mer résidentiel dense sur la plage.
Économiquement, la ville est censée vivre dusecteur tertiaire où l’on note la curieuse absence d’une importante activitétouristique de masse à laquelle on s’attendrait ici ; letourisme existant n’étant que de transit se dirigeant vers leMaroc ou en sortant. De loin, c’est lesecteur public qui sert ici de locomotive économique (masse salariale desfonctionnaires et assimilés, des administrations centrales et locales où dominent la défense nationale, l'éducation, le médico-social et les administrations publiques). Le secteur commercial, les transports et le secteur bancaire dominent le secteur privé. En fait, Melilla vit sous perfusion de lignes budgétaires issues de Madrid et deBruxelles (Commission européenne) et cette situation fait largement penser à celle qui existe dans les territoires etdépartements français d’outre-mer[non neutre].
Melilla semble donc vivre très au-dessus de ses moyens réels[non neutre] (les équipements publics sont par exemple impressionnants dans ce cadre très particulier) mais elle paraît compléter ses revenus par les dividendes de son statut deport franc et une étonnante frénésie de constructions immobilières ouvertementspéculatives dont les origines financières sont parfois obscures.
L'assemblée de Melilla, située sur la place de l'Espagne.
Depuis le début des années 2000, la ville souffre de laconcurrence de plus en plus accrue de sa voisine,Nador. L'aéroport de Nador dépasse désormais celui de Melilla. Par ailleurs, un nouveau port,Nador West Med, est en cours de réalisation. Ce port fera deNador, un important pôle portuaire sur la côtemarocaine.
Jusqu'à l'année 2020, chaque jour, entre 3 000 et 5 000 personnes — majoritairement des femmes, dont beaucoup sontanalphabètes — transportaient sur leur dos des paquets de dizaines de kilos contenant des marchandises decontrebande, qu'elles faisaient passer entre Melilla et le Maroc. Elles essayaient de traverser la frontière autant de fois que possible dans une même matinée pour gagner en fin de journée l’équivalent de quelques dizaines d’euros. Le métier était considéré comme des plus pénibles. En 2018, deux d’entre elles sont mortes en traversant la frontière et 84 ont été blessées d’après le rapport parlementaire marocain, un chiffre qui sous-estime la réalité selon desONG espagnoles[16]. Deux plus tard, en mars 2020, profitant de la crise sanitaire, cette pratique a été totalement abolie depuis[17].
Melilla aurait exporté chaque année pour450 millions d’euros de marchandises au Maroc. En, les autorités marocaines ferment la douane commerciale de Melilla par où passaient des exportations légales — 47 millions d’euros en 2017 — vers le Maroc[16].
La gouvernance décentralisée de la ville repose sur deux organes :
l'Assemblée, constituée de25 membres élus pour quatre ans et qui exerce le « pouvoir normatif » ;
leprésident, qui préside le conseil de gouvernement, l'Assemblée et exerce le rôle demaire.
Melilla ne constitue donc pas une communauté autonome, à l'image de l'Andalousie, mais bénéficie d'institutions spécifiques, hybrides entre celles d'une ville et celles d'une autonomie.
Partie intégrante de l'Union européenne, Melilla n’y est cependant pas incluse dans son espace fiscal, échappant ainsi à touteTVA sur les prix à la consommation des marchandises et des services. Depuis 1863, c’est tout le territoire de l’exclave qui est unport franc alors qu’autrefois, il se limitait au rocher supportant lacitadelle et à ses quais.
La population s'élève en 2015 à 85 584 habitants selon les chiffres de l'Institut de la statistique espagnole[18]. En 1896, on ne dénombre que93 habitants deconfession musulmane[19]. Ce chiffre est de 6 200 en 1950 et de 12 900 en 1970[19]. La population musulmane est estimée à 30 % de la population en 1975[19]. En 2015, les musulmans représentent environ la moitié de la population totale[19].
La population est une constellation de communautés très différenciées qui se mélangent peu.
Le groupe le plus important (environ 50 % de la population) est constitué d’éléments d’origine ibérique et deconfession catholique, lui-même subdivisé en un élément dominant d’origine andalouse et d’un élément secondaire d’origine catalane. Dans ces deux groupes, l’influence de l’Église catholique est en chute vertigineuse depuis la fin de l’èrefranquiste.
Cet élément ibérique est politiquement actif sur le plan local et reste très marqué par l’épisode franquiste. C’est en effet à Melilla que le soulèvement militaire a débuté en inaugurant laGuerre d'Espagne. La ville a donc été la première victime des bains de sang de la répressionnationaliste dès le (mille fusillés, cinq mille prisonniers et autant d’incarcérés dans lescamps de concentration selon les dernièresrecherches universitaires).
Toujours marquée par ces répressions opérées par des troupes marocaines de l’armée coloniale espagnole (lesRegulares et laLégion), cette population est restée méfiante vis-à-vis des musulmans, au point de manifester dans certains de ses secteurs une indéniablexénophobie, bien que publiquement non reconnue.
L’élémentberbère (de nationalité espagnole) constitue numériquement le second groupe. Il occupe une place notable dans le petit commerce et certains secteurs desprofessions libérales. Seuls les éléments les plus anciens et les mieux intégrés participent à la vie politique locale. Cependant, l’immense majorité musulmane de nationalité espagnole, socialement défavorisée, semble politiquement trèspassive, simplement satisfaite de la protection de son statut économique protégé que lui confère sa nationalité.
Les Berbères de nationalité marocaine qui résident en grand nombre à Melilla constituent un groupe qui, historiquement, avait combattu la présence espagnole avant de subir les terribles répressions des « années de plomb » sous HassanII. De plus, trente mille Marocains franchissent légalement la frontière tous les jours (achatshors taxe, travail légal ou « au noir », commerce plus ou moins licite, etc.) en vertu d’un accord ancien entre l’Espagne et le Maroc.
La ville comporte encore une influente communautéjuivesépharade, reliquat decelle qui avait été expulsée en1492, très bien intégrée, socialement, économiquement comme politiquement très présente. Outre la langue locale, elle parle lahakitia, variante duladino, incorporant des motsarabes. Dans le cadre espagnol, cette communauté constitue une particularité remarquable.
Melilla etCeuta sont les seules frontières terrestres de l’Union européenne sur le continent africain et font régulièrement l’objet de tentatives d’entrée de la part de migrants cherchant à rejoindre l’Europe[20].
Il existe une pression très importante de la part desémigrantsafricains qui veulent entrer à Melilla, qui fait partie du territoire de l'Union européenne. La frontière est sécurisée par unedouble clôture de 6 mètres de haut. Cependant, des émigrants parviennent à la traverser illégalement. Le, plus de800 clandestins prennent d'assaut cette clôture, et une centaine d'entre eux parvient à pénétrer sur le territoire espagnol. Cette vague migratoire s'est ensuite reportée sur lesîles Canaries.
En juin 2022, 2 000 migrants d'origine africainetentent d'entrer à Melilla depuis le territoire marocain[20]. Vingt-trois migrants sont morts« dans des bousculades et en chutant de la clôture de fer qui sépare Melilla » au cours d'un assaut décrit comme violent[20].
En décembre 2022, la clôture est franchie pour la première fois en parapente vers Melilla[21],[22].
Église du Sacré-Cœur (Sagrado Corazón). Cetteéglise possède unorgue assez exceptionnel, représentant sans doute l'instrument le plus important d'Afrique du Nord qui soit en état de marche (construit par le facteur d'orgue grenadin Pedro Ghis en 1925, puis relevé et augmenté au début de ce siècle par le facteur Acitores de Torquemada, province de Palencia) ;
Église de l'Immaculée Conception (Purísima Concepción), la plus ancienne et érigée auXVIe siècle.
La ville compte un important patrimoine architecturalArt nouveau etArt déco. Ces constructions se concentrent essentiellement en centre-ville. Melilla fait partie depuis 2012 duRéseau Art Nouveau établi àBruxelles pour être, après Barcelone, la ville espagnole possédant le plus riche patrimoine Art nouveau.
La souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla n'est reconnue ni par l'Union africaine[23], ni par l'Organisation de la coopération islamique, ni par laLigue arabe, ni par l'organisation de l'Union du Maghreb arabe, les pays membres de ces quatre organisations considérant que l'Espagne doit décoloniser ces territoires et les restituer au Maroc. De plus, Melilla ne bénéficie pas de la protection de l'OTAN[24]. Cette souveraineté est, à l'opposé, reconnue par les textes d'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne. Les terres espagnoles enAfrique du Nord ne font cependant pas partie des territoires à décoloniser selon la liste officielle de l'ONU.
On note d'autre part que Melilla occupe une place notable dans la littérature ibérique. Elle est associée à la grande production théâtrale classique duXVIIe siècle espagnol depuis la publication en 1634 deLa Manganilla de Melilla deJuan Ruiz de Alarcón y Mendoza, un auteur majeur qui a très largement inspiré le théâtre classique français et italien (Molière,Racine,Goldoni). Beaucoup plus tard, la ville marqua le grand dramaturge franco-espagnolFernando Arrabal, né à Melilla en 1932. Son film¡Viva la muerte! relatait sa vision d’enfant de Melilla après que son père, un officier républicain, y fut enlevé puis fusillé à Ceuta aux premiers jours du soulèvement franquiste. SaLettre au général Franco, relative aux mêmes évènements, a connu un certain retentissement dans toute l’Espagne. Enfin, plus récemment avecLas semanas del jardín. Un círculo de lectores,Juan Goytisolo, un des plus grands noms de la littérature espagnole contemporaine, surprenait la critique, tant espagnole que française, pour son enquête menée par un cercle de lecteurs sur un poète espagnol disparu, républicain et homosexuel, interné dans un asile psychiatrique à Melilla en à la suite du soulèvement franquiste.
Globalement, la ville joue en fait le rôle d’un guichet et d’un sas de décompression économique entre unespace Schengen réputé riche et un pays en cours de développement économique.
Par ailleurs, les revendications dont fait l’objet l’exclave de Melilla sont agitées de nos jours par deux éléments bien distincts. D’une part, celui de l’appareil d'État marocain qui l’utilise dans ses discrètes négociations relatives à l’ancienSahara espagnol annexé parRabat depuis laMarche verte en refusant le projet de référendum proposé par l’ONU. La proposition par l’ONU d’un référendum est en effet soutenue par la diplomatie deMadrid avant que lePSOE ne monte au pouvoir, alors queParis ne semble guère y tenir pour maintenir au Maroc son influence économique et politique en offrant son soutien au pays. De plus, Madrid etRabat ont d’importants contentieux sur les droits de pêche de la côte atlantique depuis la fin de l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc, propriétaire avec laMauritanie d'une des zones économiques exclusives (ZEE) les plus poissonneuses du monde, grâce à laremontée d'eau. La renégociation de cet accord était d'importance pour l'Espagne, car elle constitue 80 % de la flotte de pêche européenne, ce qui revient à dire que l'accord UE-Maroc est une affaire plus bilatérale qu'autre chose. Paris joue la carte de Rabat, Madrid reprochant alors à Paris de ne pas faire jouer la solidarité européenne en laissant de fait la place aux Coréens sur les côtes atlantiques. L'Espagne a en effet refusé de transférer ses prises sur les côtes marocaines pour un contrôle de taille (les prises ont diminué de moitié en volume mais aussi en taille des poissons, l'écosystème ne pouvant supporter ce niveau de prises), mais aussi car le Maroc souhaitait que ces prises puissent être transformées sur ses terres pour récupérer la marge de transformation.
Quant au rôle deWashington dans la région, il est récent. Depuis la réélection du présidentBush, le département d’État a renforcé ses liens avec Rabat en optant avec Madrid pour une politique déjà appliquée face à la diplomatie française. Le retrait espagnol de la scèneirakienne depuis l’arrivée d’un gouvernement socialiste auPalais de la Moncloa en est la cause essentielle. Depuis, le souverain chérifien laisse la presse marocaine affirmer que Washington ne freinerait pas les revendications marocaines sur Ceuta et Melilla.
Washington n’a jusqu’ici jamais démenti ces rumeurs, reprises récemment dans la presse locale de Melilla. D’autre part, et c’est cet aspect qui est sans doute le plus inquiétant, depuis l’émergence d’une forme violente de l’intégrisme islamiste inspirée par lewahhabisme, Melilla est devenue avec Ceuta une revendicationdjihadiste traitant ces deux villes de « cancers infidèles et chrétiens en terre d’Islam » L’argumentaire utilisé par le wahhabisme n’a rien d’économique, d’historique ou de social, mais politique : il s'agit de lancer des feux partout, rendre inquiets les Occidentaux, et forcer au conflit des civilisations cher àSamuel Huntington. Si la population musulmane à Melilla est traditionnellement modérée et peu sensible à ce type de propagande (elle-même étant définie par le wahhabisme comme « traîtresse à l’islam »), il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est travaillée par des groupes belliqueux incontrôlés venus du Maroc, ce que confirment certains incidents dans les mosquées de la ville, où les imams légalistes se font régulièrement physiquement agresser.
À Melilla, l’opinion publique locale, toutes cultures confondues, semble tétanisée face à ces incidents. Quant à la position de Madrid depuis la mise en place d’une démocratie parlementaire, elle est très stable, à quelques variantes près selon la couleur politique en responsabilité, même si ces variantes sont aujourd’hui exagérément grossies par la presse locale, la municipalité et le conseil régional de Melilla (ces instances politiques étant majoritairementPP à l’heure actuelle). La population locale est en outre massivement très attachée à son appartenance à laCommunauté européenne que lui confère la tutelle espagnole, et dont elle tire grand bénéfice. Son niveau de vie économique est par exemple exceptionnellement élevé dans le cadre géographique qui est le sien.
Le, lors d’une visite officielle du souverain espagnolJuan CarlosIer, une nouvelle crise diplomatique hispano-marocaine s’ouvrait. En effet, cette visite est aussitôt critiquée par les autorités marocaines qui considèrent Ceuta, Melilla ainsi que le reste des territoires nord-africains espagnols (plazas de soberania) comme les derniers territoires marocains sous occupation espagnole et sont dénommés par le Maroc les « résidus du colonialisme espagnol ». Cette visite coïncide de plus avec le32e anniversaire de lamarche verte qui symbolise, pour le Maroc, la récupération de ces provinces du sud. Cette visite coïncide aussi avec l’intervention du jugeBaltasar Garzón, qui considéra comme recevable une plainte de certains Sahraouis favorables à la thèse indépendantiste duFront Polisario. La visite du souverain espagnol fut suivie de plusieurs manifestations à côté des postes frontaliers de Ceuta et Melilla et dans plusieurs villes marocaines devant l’ambassade et les consulats espagnols, des drapeaux espagnols ont été brûlés et des slogans anti-espagnols ont été scandés par des manifestants. Le rappel en consultation àRabat de l’ambassadeur marocain àMadrid souligna aussitôt une crise diplomatique entre les deux États. Devant les enjeux des intérêts ainsi ébranlés, le président du gouvernement espagnol,José Luis Rodríguez Zapatero, envoya une lettre au roiMohammed VI par l’intermédiaire du ministre des Affaires extérieuresMiguel Ángel Moratinos ; le contenu de cette lettre n’a pas été divulgué ni par les autorités marocaines ni par leurs homologues espagnoles. Après cet évènement, le Maroc décida immédiatement de renvoyer un diplomate sur ce poste dès les premiers jours de l’année 2008, cette décision fut critiquée par quelques journaux marocains qui demandaient une excuse officielle de la part du gouvernement espagnol et du roi Juan Carlos comme condition indispensable avant le retour de l’ambassadeur marocain à Madrid.
Máximo Cajal,Ceuta, Melilla, Olivenza y Gibraltar. ¿Dónde acaba España?, Madrid, Siglo XXI de España, 2003.(ISBN84-323-1138-3)
François Papet-Périn,"La mer d'Alboran ou Le contentieux territorial hispano-marocain sur les deux bornes européennes de Ceuta et Melilla". Tome 1, 794 p., tome 2, 308 p., thèse de doctorat d'histoire contemporaine soutenue en 2012 à Paris 1-Sorbonne sous la direction de Pierre Vermeren.
Yves Zurlo (préface de Bernard Bessière),Ceuta et Melilla : histoire, représentations et devenir de deux enclaves espagnoles, Paris, Budapest et Turin, L'Harmattan, « Recherches et documents. Espagne », 2005, 320 p. Texte remanié d'une thèse de doctorat en espagnol, soutenue en 2002.(ISBN2-7475-7656-6)