
Lesmeke sont desdanses et deschantstribaux traditionnels desîles Fidji. Ils sont issus de la culture iTaukei, la culture fidjienne antérieure à lapériode chrétienne et coloniale.
Lesmeke sont structurés autour de deux groupes : l'un responsable de la danse (matana) et l'autre responsable de la musique et des chants (vakatara). Les danses sont de style polynésien. Les danseurs et les danseuses portent des costumes ou des ornements floraux, à l'instar des autres participants. Les instruments utilisés sont despercussions, principalement desidiophones en bois (leslali) ou les mains frappées l'un contre l'autre.
Lesmeke sont des danses tribales fidjiennes[1],[2]. Ils sont constitués de danses et de chants (qatana), accompagnés par de la musique. Les thèmes abordés dans les chants sont variés (ils peuvent être guerriers, esthétiques, etc.) et reposent sur lefolklore local.
Issues de la culture iTaukei (culture pré-chrétienne et pré-coloniale), lesmeke sont exécutés par les habitants dans le cadre d'activités sociales ou religieuses[1]. Il existe une relation forte entre lesmeke et lesvanua : les premiers sont des éléments culturels spécifiques des seconds[Note 1],[3].
Les danseurs, musiciens ou chanteurs portent des costumes ou des ornements aux poignets et chevilles (vesa) constitués de guirlandes de fleurs (salusalu)[1].
L'organisation d'unmeke repose sur deux groupes : levakatara (unorchestre et unechorale) et lematana (le groupe de danseurs)[1]. Les musiciens et chanteurs duvakatara sont assis à même le sol, souvent en cercle[2]. Au centre se tient un meneur dont le rôle est de diriger la musique et les chants. De leur côté, les danseurs peuvent être assis ou bien debout pour exécuter les mouvements de chaque chorégraphie.
Les danses peuvent être exclusivement réservées aux femmes, aux hommes ou bien être permises pour les deux genres[2]. Néanmoins, il est très rare qu'une danse soit mixte, c'est-à-dire réalisée par des femmes et des hommes en même temps.
Les danses sont de style polynésien et mettent l'accent sur la fluidité et la synchronisation des mouvements[2]. Généralement, les danses dévolues aux hommes sont plus dynamiques et athlétiques. A l'inverse, les danses réservées aux femmes mettent l'accent sur le contrôle et l'harmonie.
Les danseurs et danseuses adoptent le plus souvent des formations en ligne ou basées sur des alignements plus complexes[2].
Les textes constitutifs des chants sontnarratifs et leur style estpoétique[2]. Ils sont inspirés par le folklore local.
Les chants sont structurés envers, d'un nombre variable et généralement répétés plusieurs fois[2]. Les vers ne possèdent pas de structure interne (exemple : nombre desyllabes constant), hormis unerime finale.
Sur les planslexicaux etgrammaticaux, les chants desmeke peuvent contenir des termes ou des structures primitifs[2].
La musique suit desmélodiestonales[4]. Lesmeke de style ancien respectent une organisationharmonique relativement statique, basée essentiellement sur des accords deseconde et dequinte. Ceux plus modernes présentent davantage de complexité, intégrant par exemple destriades. Lerythme, souventternaire, est mis en correspondance avec l'organisation syllabique des textes chantés[2].
Les chants sont structurés selon différentesparties vocales[2]. Deux partiessolo sont prégnantes : lalaga (la partie qui dirige le chant) et latagica (qui suit lalaga avec un léger décalage et en respectant une harmonie plusaigüe). Le chœur chante à différenteshauteurs. Il est parfois appelédruku (qui signifie « basse »).
Les instruments utilisés pour accompagner les chants et les danses sont principalement despercussions : deslali (idiophone enbois), lesderua (idiophone enbambou) ainsi que de longs bâtons de bois que l'on frappe l'un contre l'autre (à la manière desclaves)[1],[2]. Les membres duvakatara frappent également leurs mains entre elles pour produire des sons (cobo).
Dans la seconde moitié duXXe siècle, la population fidjienne préserve activement les traditions et la culture iTaukei[3]. Des associations culturelles et les écoles permettent aux jeunes générations d'apprendre lesmeke. De grands rassemblements et des compétitions (à l'exemple de compétitions interscolaires) sont organisés et mobilisent fortement la société fidjienne.
Au cours des années 2000 et 2010, des actions culturelles afin de préserver lesmeke sont entreprises, y compris sur des territoires voisins des Fidji comme laNouvelle-Zélande[5].
AuXXIe siècle, des connaisseurs estiment que lesmeke subissent un appauvrissement et même des pertes du fait de la modernité et du tourisme[3]. Selon eux, de nombreuses formes traditionnelles se sont perdues. De plus, certains mouvements sont moins bien compris des danseurs ou trop simplifiés afin d'être plus plaisants et accessibles pour des touristes ignorants de la culture iTaukei. Il en résulte des approximations voire des fusions de mouvements entre différentsmeke, bien que celles-ci ne fassent pas sens sur le plan culturel.
Les défenseurs desmeke traditionnels plaident pour une nouvelle approche de la préservation et de la transmission desmeke[3]. Dans cette optique, ils souhaitent notamment que lesmeke soient replacés dans leur contexte culturel iTaukei, que les écoles s'engagent davantage en faveur de la préservation des formes traditionnelles en limitant la fusion desmeke avec des danses modernes[Note 2].
Constatant ces pertes et reculs, les spécialistes notent également l'appauvrissement engendré sur la langue iTaukei[5]. Lesmeke sont en effet des productions poétiques importantes, permettant une mise à jour de la littérature orale et écrite ainsi que des structures langagières traditionnelles fidjiennes. Les plus pessimistes craignent ainsi une disparition progressive de cette langue, par l'abandon progressif de son utilisation en tant quelangue maternelle.
La première description scientifique desmeke est due à l'ethnologue allemandFriedrich Ratzel en 1896[1].
En se focalisant sur les chants, David Goldsworthy met en relation lesmeke et lessame[6]. Selon son analyse, des éléments structurants issus desmeke sont fusionnés avec des contenus liturgiques ou musicaux importés d'Europe (tels que lespsaumes). Les résultats de cette fusion sont lessame, c'est-à-dire des adaptations locales deschants liturgiqueschrétiens européens.
Pour appuyer son propos, l'auteur indique les points communs entremeke etsame sur l'ensemble des dimensions caractérisant lesmeke[7]. Pour ce qui touche aux aspects généraux, Goldsworthy met en avant deux éléments majeurs : les deux formes de chants sont organisées dans un cadre cérémoniel et le groupe (chœur) est prépondérant en comparaison des individus. A ces deux points, il ajoute également l'organisation et la disposition des chanteurs et chanteuses, qui sont relativement comparables dans les deux cas. Sur les aspects relatifs au chant, une grande attention est apportée aux qualités littéraires des textes. De plus, les textes présentent des structures et caractéristiques similaires (versification, répétition, importance des syllabes et connexion avec la musique, etc.). Enfin,meke etsame présentent une organisation musicale (différentes voies) identique et obéissent à des contraintes mélodiques et harmoniques communes (ex : système tonal).
En complément, l'auteur indique également que lesmeke sont structurellement plus éloignés d'autres formes de chants religieux (christianisme) tels quepolotu etsere ni lotu[7].
Malgré ces similitudes, certaines différences entre les deux formes de chants existent[8]. En plus des différences évidentes concernant les contenus religieux (spiritualité autochtone tribale opposée au christianisme) et l'absence de danse et de musique instrumentale dans le cas dessame, lesmeke et lessame se distingue principalement sur leurs caractéristiques rythmiques (lessame sont généralement d'untempo plus lent et leurs structures rythmiques sont plus complexes - subdivisions différentes de la pulsation).
En conclusion, David Goldsworthy explique que lesmissionnaires chrétiens ont encouragé l'appropriation des chants liturgiques chrétiens par les populations locales à l'aide de cette fusion avec des éléments musicaux traditionnels[9]. Sur le plan culturel, cette relation entre lesmeke et lessame peut donc être intreprété comme une forme de résistance culturelle à la colonisation ainsi qu'une transition entre les périodes pré et post chrétiennes et coloniales.
De par leur importance sociale, religieuse ou festive, certainsmeke sont particulièrement notoires[1].