Maurice Maindron. Similigravure de J. Mauge d'aprèsNadar.
À Paris[2], Maindron vit de sa plume. Après un premier ouvrage surLes Armes (1890), c’est lavulgarisation scientifique qui l’occupe surtout, pour laquelle il produit de très nombreux travaux : outre des dizaines d’articles parus dans diverses revues (La Nature, Le Musée des Familles, La Revue horticole, etc.), et quelques ouvrages tels Les Papillons[3] (1888),Les Hôtes d’une maison parisienne (1891), ouLe Naturaliste amateur (1897), il collabore, de1886 à1890, au deuxième Supplément duGrand dictionnaire universel duXIXe siècle dePierre Larousse, où il donne plus d'un millier d'articles dezoologie.
Après lesHyménoptères, il choisit de travailler sur lesColéoptères, spécialement lesCicindelinae etCarabidae du globe, groupes qu'il étudiera pendant le reste de sa vie. Il en réunit une collection très complète et leur consacre régulièrement des publications scientifiques. Son statut est celui d’un amateur, mais il semble qu’il ait envisagé une carrière professionnelle. En tout cas, il rédige en1895 une notice de travaux scientifiques. Peut-être espérait-il que Künckel d'Herculais succédât à Blanchard, ce qui aurait libéré un poste d’assistant auquel lui-même aurait pu être candidat. Mais l’affaire tourna court : le poste de Professeur échut àEugène Bouvier, et Maindron ne fut jamais nommé au Muséum. Cet épisode joua un certain rôle dans la méfiance que, tout le reste de sa vie, il montrera vis-à-vis de l’établissement et de certains membres de son personnel. Il restera, par contre, très attaché à laSociété entomologique de France qu'il présida en 1910.
Ses collections de coléoptères, léguées à un autre voyageur entomologiste, Guy Babault (1888-1930), sont entrées au laboratoire d'entomologie du Muséum avec la collection de celui-ci. Ses araignées, récoltées à l'intention de son amiEugène Simon, ont été étudiées par ce dernier[4].
On doit à Maurice Maindron 41 notes d'entomologie principalement dédiées auxColéoptères. Ces travaux ont permis la description de genres et de sous-genres de ColéoptèresCarabidae comme:
Au moins 51 espèces nouvelles ont aussi été décrites de diverses régions du monde[5].
1878 a: Observations sur quelques Sphégiens du genrePelopaeus (Hym.) de l'Archipel malais.- 1 planche. Descriptions d'espèces nouvelles:P. Bruinjnii;P. affinis.Annales de laSociété entomologique de France.
1878 b: Description duLeucospis Moleyrei (Hym.), espèce nouvelle deNouvelle-Guinée.Bulletin de la Société entomologique de France.
1878 c: Description duLeucospis histrio (Hym.), espèce nouvelle desMoluques.Bulletin de la Société entomologique de France.
1878 d: Description duLeucospis Gambeyi (Hym.), espèce nouvelle de laNouvelle-Calédonie.Bulletin de la Société entomologique de France.
1879 a: Observations sur quelques Sphégiens (Hym.) de l'Archipel malais.Macromeris splendida Lep.,Larrada modesta Smith,Tachytes morosus Smith,Pison nitidus Smith, 1 planche.Annales de la Société entomologique de France.
1879 b: Quelques mots sur les guêpes solitaires.Journal officiel duSénégal,.
1882 a: Histoire des Euméniens ou guêpes solitaires de l'Archipel malais et de la Nouvelle-Guinée. Mœurs, nidification, métamorphoses, catalogue raisonné et descriptions d'espèces nouvelles:Eumenes dorychus,E. dichrous,Rynchium hoemorrhoïdale var. medium,R. Künckeli,Ancistrocerus Lucasius,Odynerus bicolor. 3 planches.Annales de la Société entomologique de France.
1882 b: Description de l'Odynerus ponticerianus (Hym.), espèce nouvelle dePondichéry.Bulletin de la Société entomologique de France.
1885: Sur la vie évolutive de l'Eumenes petiolatus Fabr. (Hym.), espèce habitant lesIndes orientales. 1 planche.Annales de la Société entomologique de France.
1886 a: Au sujet des mœurs de divers Myriopodes (Scolopendra etStrongylosoma) observés enMalaisie, au Sénégal et dans l'Inde.Bulletin de la Société entomologique de France.
1886 b: Rapports des Insectes et des plantes. La faculté protectrice par imitation. LeCallima paralecta (Lép.), de Malaisie.Journal la Nature.
1886 c: Nids en terre construits par les guêpes solitaires.Journal la Nature.
1887 a: Une sauterelle de Java, leMegalodon ensifer (Orth.).Journal la Nature.
1887 b: Une araignée deMalaisie, laNéphile à ventre doré (Arachn.).Journal la Nature.
1898: Descriptions de deux nouvelles espèces de Carabiques de l'Inde orientale:Chlaenius kolariensis etPheropsophus Cardoni (Col.).Bulletin de la Société entomologique de France.
1899 a: Enumération des Cicindélides (Col.) recueillis en à Kurrachee (Sind).Annales de la Société entomologique de France.
1899 b: Description d'une nouvelle espèce de Carabique (Col.) recueillie dans leSind:Pheropsophus Desbordesi.Bulletin de la Société entomologique de France.
1899 c: Description d'une nouvelle espèce de Carabique (Col.) de l'Asie orientale:Cardiomera Oberthuri.Bulletin de la Société entomologique de France.
1899 d: Description de 3 nouveauxChlaenius (Col.) de l'Asie orientale:C. fraterculus;C. djaïna;C. dureli.Bulletin de la Société entomologique de France.
1899 e: À propos des pelotes habitées par les chenilles deTrichophaga (Lép.).Bulletin de la Société entomologique de France.
1900: Description d'une nouvelle espèce de Carabique (Col.) découverte dans le sud deMadagascar par M. Alf. Grandidier:Calosoma Grandidieri.Bulletin du Muséum de Paris.
1903: Diagnose d'une espèce nouvelle deCicindela (Col.) habitant leMalabar:C. malabarica (en collaboration avec M. Fleutiaux).Bulletin de la Société entomologique de France.
1904: Note sur quelques Cicindelidae etCarabidae de l'Inde, et descriptions de deux espèces nouvelles:Tricondyla Horni;Crepidopterus Favrei (Col.).Bulletin de la Société entomologique de France.
1905 a: Notes synonymiques sur quelques Carabidae (Col.).Bulletin de la Société entomologique de France.
1905 b: À propos des Anthies du sous-genrePachymorpha Hope (Col.). 2 notes.Bulletin de la Société entomologique de France.
1905 c: Notes sur divers Carabidae (Col.) et descriptions d'espèces nouvelles:Glycia rufolimbata;Metabletus xanthomus;Styphromerus Tellinii;Hypolithus incertus.Annales de la Société entomologique de France.
1905 d: Voyage de M. Maurice Maindron dans l'Inde méridionale. Cicindélides (Col.) (en collaboration avec M. Fleutiaux).Annales de la Société entomologique de France.
1906 a: Notes sur divers Carabidae (Col.) de l'Amérique du Sud et descriptions d'espèces nouvelles:Oreodicastes Gounellei;Phloeotherates luctuosus;P. stricticollis;Menidius Gounellei;M. rufocruciatus;Euproctus Baeri;Onota longipennis;O. vitticollis;O. limbipennis;Otoglossa lagenula.Annales de la Société entomologique de France.
1906 b: Description d'une nouvelle espèce dePheropsophus (Col.):P. Krichna, de l'Inde orientale, et remarques sur ce genre.Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 c: Description d'une nouvelle espèce de Carabidae (Col.) de la Nouvelle-Guinée:Colpodes Albertisi.Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 d: Remarques sur les Anchonodérides de l'Inde (Col.), et description d'espèces nouvelles:Lasiocera coromandelica;L. malabarica..Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 e: Description d'une nouvelle espèce de Carabidae (Col.) deSumatra:Catascopus perignitus.Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 f: Notes sur divers Carabidae (Col.) duYunnan, et descriptions d'espèces nouvelles:Carabus Kouanti;Nebria pulchrior;N. Bourderyi.Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 g: Sur le genrePhloeotherates Bates (Col.).Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 h: Remarques synonymiques.Bulletin de la Société entomologique de France.
1906 i: Remarques sur divers Carabidae (Col.) pris enCorse, et notamment sur leNomius pygmaeus Dej.Bulletin de la Société entomologique de France.
1908: Remarques sur les Colpodes (Col.) de Nouvelle-Guinée.Bulletin de la Société entomologique de France.
1909: Descriptions de nouvelles espèces de Carabidae (Col.) de l'Afrique occidentale et de l'Asie orientale:Callistomimus alluaudi;Pristomachaerus yunnanus;P. Nair.Bulletin de la Société entomologique de France.
1910 a: Descriptions de nouvelles espèces de Carabidae (Col.) du Yunnan:Dolichus bicolor;D. viduus.Bulletin de la Société entomologique de France.
1910 b: Description d'une nouvelle espèce de Carabidae (Col.) propre à laNouvelle-Guinée:Ophionea Gestroi.Bulletin de la Société entomologique de France.
Les genres et espèces dédiés à Maurice Maindron sont innombrables et n'ont pas encore fait l'objet d'un travail particulier sur le sujet. Les dédicaces touchent de nombreux domaines de l'histoire naturelle.
Ce bon Monsieur de Véragues, 1895. Couverture illustrée parJob.
Ayant abandonné l’idée d’obtenir un poste au Muséum, il se tourne vers la littérature, et publie — dès cette même année1895 — un premier roman historique, qui sera couronné duprix Maillé-Latour-Landry par l’Académie française en 1896 :Le Tournoi de Vauplassans.
Les titres se succèdent ensuite régulièrement, qu’il s’agisse deromans ou de recueils denouvelles :Saint-Cendre (1898),Récits du Temps passé (1899 -Prix Sobrier-Arnould de l’Académie française),Blancador l’Avantageux (1901),Saint Cendre, curieux roman érotique illustré parAlbert Édouard Puyplat (Fasquelle, 1902),Monsieur de Clérambon (1904),L’Arbre de Science (1906),Le Carquois (1907),La Gardienne de l’Idole noire (1910),Ce bon M. de Véragues (1911),L'incomparable Florimond (1912) etDariolette (1911), roman posthume. S’y ajoutent un volume sur l’art indien (1898), une pièce de théâtre (1905), unDictionnaire du costume du Moyen Âge auXIXe siècle (1907), des souvenirs de voyage dans l’Inde du Sud (1907 et1909), ainsi que de nombreuses nouvelles pour un public adulte et des récits d’aventures pour la jeunesse, commeLe Scarabée d 'ambre,notice dans les collections du musée national de l'éducation (1897).
Il écrit aussi des articles et donne des conférences sur les sujets les plus variés : histoire (la mort deJeanne d'Arc, lesalchimistes,Marie Stuart, etc.), sur les arts appliqués, et notamment les armes, sur les contrées que ses voyages lui avaient permis de connaître (la Nouvelle-Guinée, le Sud de l’Inde, le Sénégal et Djibouti), voire sur des questions politiques (« Le sacerdoce de l’instituteur et l’ordination laïque »), ou sur des sujets d’actualité qui le touchaient particulièrement (« Un poète de l’entomologie :Jean-Henri Fabre »).
Grâce à son activité littéraire, Maurice Maindron se fit apprécier deJosé-Maria de Heredia, l’illustre auteur desTrophées (1893), dont le rapprochait aussi un goût commun pour l’érudition, pour la Renaissance, ainsi que pour les armes et armures. Il sut aussi plaire à l’aînée des trois filles du poète, Hélène-Élisabeth de Heredia (1871-1952), qu’il épousa en1899[5]. Ses deux beaux-frères étaientHenri de Régnier etPierre Louÿs. À partir de ce moment, on devine un changement dans la fortune de Maurice Maindron. Il est possible que José-Maria de Heredia ait tenu à doter convenablement sa fille aînée, et cela malgré une impécuniosité chronique, encore accentuée par les dettes de jeu. En tout cas, le jeune ménage s’installe dans un vieil hôtel du quai Bourbon, où Maindron peut déployer sa bibliothèque, ses collections d’insectes, d’armes et d’objets d’art. Sa vie devient plus brillante. En1900, il est nomméchevalier de la Légion d'honneur. Après sa mort, sa veuve se remarie avec l'homme de lettresRené Doumic.
Dans l’œuvre littéraire de Maurice Maindron, partagée entre des récits historiques placés pour la plupart à l’époque des guerres de religion, et quelques autres textes souvent d’inspiration exotique et situés dans les contrées d’Asie qu’il affectionnait, un seul ouvrage est qualifié de « roman moderne » et semble bien, au moins en partie, autobiographique :L’Arbre de Science[6],[7], publié en 1906 mais dont l’action paraît se situer en 1898-1899. Pour les naturalistes, ce texte est un classique, car il est le premier roman consacré au Muséum. L’intrigue en est simple : elle décrit l’ascension irrésistible d’un jeune arriviste, Lionel Gauguet, aide-naturaliste, qui parvient, grâce à ses appuis politiques et mondains, et en usurpant les travaux d’autrui, à obtenir à l’âge de vingt-sept ans la chaire de mammalogie de l’ « Institut zoologique » (où l’on peut reconnaître le Muséum, plus précisément la Galerie de Zoologie, ouverte en1889). Chemin faisant, le roman brosse de toute la société de l’époque un tableau pittoresque, centré sur le Muséum d’Histoire naturelle, ses laboratoires, ses cours et démonstrations, ses professeurs, assistants, préparateurs et « voyageurs-naturalistes ». Maindron faisait partie de ces derniers, dont il décrit précisément le statut professionnel et social. Au passage aussi, le roman offre un certain nombre de croquis du plus haut intérêt, comme les séances de la « Société carcinologique » (c’est-à-dire laSociété entomologique de France), avec ses figures d’amateurs à la fois ridicules et familières ; comme aussi, dans un genre plus grave, plusieurs scènes où l’auteur dépeint le manque de scrupule et la bassesse de certains personnages, prêts à tout pour nuire à leurs adversaires, réels ou supposés, et pour « arriver » . En somme,L’Arbre de science offre un témoignage unique, même s’il est déformé et brouillé par les obsessions et les rancunes de son auteur, de ce que pouvaient être, il y a cent ans, le Muséum, ses enjeux, ses pratiques et ses hommes — célèbres ou complètement oubliés.
Au cours d'un des deux scrutins du, il s’en fallut de peu que Maindron ne fût élu à l’Académie française, mais ce fut finalement une élection blanche ; Heredia, mort en1905, n’était plus là pour appuyer sa candidature. Il est probable aussi qu’Edmond Perrier (1844-1921), directeur du Muséum, membre de l’Académie des Sciences, très puissant à l’Institut, et qui ne pardonnait pas à Maindron de l’avoir férocement caricaturé dansL’Arbre de science sous le nom de Mirifisc, ait joué un rôle dans cet échec. Maindron trouva une certaine consolation, la même année, dans son élection à la présidence de la Société entomologique de France, qui lui causa — dit son biographe — « une joie réelle ».
Il mourut l’année suivante, peut-être des suites d’une maladie contractée sous les tropiques. Sa collection d’insectes est conservée auMuséum national d'histoire naturelle (service d’Entomologie)... (Henri de Régnier lui rend hommage dans son ouvrage "De mon temps... 1933"):"Au moment où, par ce chaud matin d'été, le convoi se mettait en route vers le cimetière, un beau papillon aux ailes palpitantes voleta et se posa sur les fleurs d'une des couronnes funéraires, adieu ailé au bon entomologiste qu'avait été Maurice Maindron, haut écrivain français".
On trouvera une liste de ses œuvres littéraires dans Talvart (H.) & Place (J.), Bibliographie des auteurs modernes de langue française (1801-1956), tome 13, Paris : Édition de la Chronique des Lettres françaises, Horizons de France, 1956,p. 74-80.
Notice sur les travaux scientifiques de G.-R. Maurice Maindron, Paris : Librairies-Imprimeries réunies, May et Motteroz, 1895, in-4°, 19 p.
Sur José Maria de Heredia et sa famille, voir Bona (Dominique), Les Yeux noirs : les vies extraordinaires des sœurs Heredia, Paris : J.-C. Lattès, 1989, 369 p.