L'itinéraire d'Antonin nous apprend que les deux provinces romaines limitrophes de Maurétanie tingitane et de Maurétanie césariene ne sont reliées par aucune voie terrestre[C 1] et que les liaisons sont uniquement réalisées par lamer Méditerranée[C 2].
L'existence de la Maurétanie est mentionnée dans plusieurs sources antiques romaines comme l'Itinéraire d'Antonin, un guide qui retrace les villes-étapes de l'Empire romain et leurs distances sous le règne de l'empereur romainCaracalla[C 1], puis mis à jour sous le règne deDioclétien[C 1].
Latable de Peutinger, carte retraçant les principalesvoies romaines ducursus publicus sous leHaut-Empire, est manquante pour cette partie de l'Empire[C 2]. Les dernières limites qui y apparaissent pour le secteur sont au sud-est deGérone et à l'est ducap Matifou[C 2]. L'Anonyme de Ravenne, dénommé aussi Géographe de Ravenne, dans son traité de géographie mentionne plusieurs noms de lieux, mais ils restent parfois difficiles à identifier ou à placer[C 2]. Autre élément, lesbornes milliaires ne vont pas plus loin que Lalla Maghnia en Maurétanienne césarienne[C 2].
Claude Ptolémée, astronome et astrologue grec, dans son livre deGéographie décrit la Maurétanie[C 2]. L'ouvrage de Claude Ptolémée a quelques inexactitudes géographiques comme la côte de Tingis au Cap Bon orientée est-sud-est ou la côte atlantique orientée sud-sud-est[C 3]. Pour établir son récit, il a probablement interrogé des voyageurs commerçants ou fonctionnaires ayant effectué le trajet entre les villes maurétaniennes[C 4].
Les villes les plus importantes de la Maurétanie ont fait l'objet de fouilles archéologiques comme àCaesarea,Tipasa etVolubilis, ce qui a permis de mieux localiser les implantations maurétaniennes puis romaines[5].
Le roiBocchus, qui règne à partir de 111 av. J.-C., choisit dans un premier temps, en 106 av. J.-C., de soutenirJugurtha dans saguerre contre Rome[9]. Puis, il trahit son allié pour rejoindre l'alliance romaine et en particulier celle deSylla[A 3],[9]. Après la victoire romaine, le royaume de Maurétanie reçoit en échange une partie de l'ancien territoire de Jugurtha et son roi reçoit le titre d'« ami et allié du Peuple romain »[A 3],[9].
Bocchus II parvient, après la réunification, à agrandir son territoire en soutenant le gouverneur romain de laprovince d'Afrique, Titus Sextius contreArabion, le dernier roi numide[9].
Bocchus II décède à son tour en 33 av. J.-C. sans héritier et donne son territoire àOctave[11]. Mais la loi romaine ne permet pas à Octave d'acquérir personnellement le royaume, la Maurétanie passe alors en possession du peuple romain et rejoint l'ager publicus[12].
À la mort deBocchus II,Rome annexe la Maurétanie malgré une présence romaine très faible, avec pour objectif de créer un vaste ensemble africain[13].Octave, le dirigeant de la partie occidentale du territoire romain à cette époque, compte s'appuyer sur les deux provinces romaines qui entourent la Maurétanie : l'Hispanie ultérieure et laprovince d'Afrique[13]. Des unités romaines, probablement unelégion, s'installent àCaesarea[13]. Rome installe également des vétérans de ses légions dans quatre villes : Baba,Banasa,Tingis etZilil[A 5].Stéphane Gsell évoque que la gestion de la Maurétanie confiée à deux préfets de l'ordre équestre, mais aucune source ne permet d'affirmer l'existence de ces deux préfets à cette époque[13]. La Maurétanie est désormais un royaume-client comme peuvent le prouver des émissions de monnaies romaines qui font références au pouvoir d'Octave avec la mention sur l'avers « IMP. CAESAR » et sur lerevers « DIVI F. » datant de cette époque émises en Maurétanie[14].
Territoires de Maurétanie et de Gétulie de Maurétanie en possession de Juba II.
Puis, à l'automne 25 av. J.-C., les Romains installent, un prince numide éduqué à Rome,Juba II comme roi-client sur décision de l'empereur romainAuguste[A 2],[B 1],[15]. Les deux souverains ayant fait quelques campagnes militaires communes, probablement lors d'une partie desguerres cantabres en 26-25 av. J.-C., afin de former le futur roi maure[15]. La décision d'Auguste d'établir un royaume-client est motivée par l'engagement des troupes romaines sur d'autres fronts enHispanie et enSyrie, troupes n'étant pas disponibles pour une conquête militaire de la Maurétanie[16].
Juba II reçoit donc les anciennes terres deBogud et deBocchus II, ainsi qu'un autre territoire[B 1]. SelonDion Cassius il s'agirait d'une partie de laGétulie alors queStrabon mentionne les états de son pèreJuba Ier, qui s'est suicidé après la défaite des forces dePompée le Grand à labataille de Thapsus contreJules César[B 1],[9].Paul Orose complète en mentionnant le fait que les Gétules supportent mal d'être dirigés par un roi pro-romain est qu'il s'agit des motivations de leur révolte[B 4].
Le roi maurétanien rencontre cependant de réelles difficultés à garder le contrôle sur la Gétulie de Numidie, ce qui oblige Rome à y stationner des troupes pour des opérations de police afin de contrôler les tribus venant du désert à la recherche de pâturages[17]. En 21 av. J.-C., pendant un an, leproconsul romain d'AfriqueLucius Cornelius Balbus mène une campagne militaire contre les Gétules dans leConstantinois et leHodna pour prêter assistance au royaume maurétanien[18].
Il épouse en 19 av. J.-C. la fille deMarc Antoine, et deCléopâtre VII :Séléné II[19]. Les deux époux sont probablement élevés à la cour impériale par la sœur d'Auguste,Octavie la Jeune[20]. Ils sont tous les deux citoyens romains sous le nom deCaius Iulis Iuba pour Juba II et d'Antonia pour Séléné II[21]. De ce mariage, naitPtolémée de Maurétanie, lui aussi citoyen romain sous le nom deCaius Iulius Ptolemaeus[22].
Pendant le règne de Juba II, la capitale maurétanienne est transférée àCésarée de Maurétanie, l'ancienneIol-Caesarea détruite à l'époque (aujourd'huiCherchell), où se mélange différentes cultures grecque, punique, romaine et indigène[D 2],. Sous le règne de Juba II, le mode de vie à la romaine semble se propager dans le royaume avec l'aide de Rome qui favorise l'urbanisation et instaure une monarchie de type hellénique[D 3],[23].
Le souverain maure obtient également de la part d'Auguste, le droit debattre monnaie, privilège rare concédé parRome, et sans obligation de faire figurer le nom de l'empereur romain[24]. Un privilège exceptionnel lui est même accordé par Auguste, celui d'émettre ses premiersaurei[25]. Cette monnaie en or est normalement réservé à Rome et les « peuples amis et alliés » ne peuvent pas en théorie frapper des monnaies en or[25].
À la mort de Séléné II, probablement le1er mars 5, Juba II gouverne seul le royaume[22]. L'année suivante, il prête l'assistance de ses troupes auxRomains commandés par le proconsulCossus Cornelius Lentulus contre les Gétules et les Berbères[26].
Quand Juba II meurt à la fin de l'année 23 ou au début de l'année 24, son fils Ptolémée de Maurétanie, associé au trône depuis 19 et éduqué dans le monde romain, lui succède[A 6],[15]. Le royaume profite alors d'une situation géographique intéressante sur le plan économique avec la présence de deux provinces romaines à proximité, laBétique au nord et l'Afrique proconsulaire à l'est[A 6].
Ptolémée soutient Rome, en prêtant l'assistance de ses troupes maures lors de larévolte de Tacfarinas en 24[27]. Puis, il doit faire face à une révolte d'une partie de ses sujets qui lui reprochent sa proximité avec Rome[5].
Pendant toute la durée de son règne, il n'a aucune épouse royale, ni d'enfant légitime[15].Urania est sa concubine royale, mais d'une classe sociale inférieure, elle n'aurait obtenue le titre deRegina que pour justifier son titre d'épouse officieuse[15].
Il est exécuté au début de l'année 40 sur ordre de l'empereur romainCaligula[A 2],[15]. À la suite de l'assassinat, une révolte éclate menée par unaffranchi de Ptolémée,Aedemon[28]. La révolte est vite réprimée, même si elle perdure quelque temps après la mort d'Aedemon[A 7]. Entre 40 et 42, Rome ne donne aucun statut juridique ou politique à la Maurétanie[23].
Dans ces deux provinces,Rome tente de sédentariser les nomades de la région et celles vivant au-delà dulimes[C 5]. Objectif qu'elle réussit dans la province de césarienne, mais pas dans la province de tingitane[C 6]. Pour sécuriser les étendues désertiques, l'armée romaine s'appuie des groupes mobiles, probablement issues de la cohorte V des Dalmates, et des forteresses construites dans les oasis[C 6].
En216, l'empereurCaracalla dans sonédit de Banasa accorde une réduction d'impôt aux habitants de la province de Maurétanie tingitane[30]. L'année suivante, la Maurétanie donne à l'empire un souverain,Macrin, qui s'est emparé du pouvoir après l'assassinat de Caracalla en217 et qui est lui-même défait et exécuté parHéliogabale l'année suivante. Ce dernier décide à nouveau de ne nommer qu'un seul gouverneur pour les deux Maurétanie : Titus Flavius Serenus[C 2].
Vers285, pendant lacrise du IIIe siècle les Romains se replient surTingis en évacuant toute la zone au sud duLoukkos[A 9]. La province de Maurétanie tingitane perd la moitié de sa superficie et des villes commeVolubilis,Banasa etThamusida sont livrées à elle-même[A 10]. Sous le règne deDioclétien, la partie nord de la province est gérée administrativement par le gouverneur romain de la province deBétique[A 11].
Toujours sous le règne de Dioclétien, avec la réformetétrarchique en293, le pays est divisé en trois provinces, avec la création de laMaurétanie sétifienne issue d'une scission de la Maurétanie césarienne. LeNotitia Dignitatum (vers400) les mentionne toujours, deux étant sous l'autorité du vicaire dudiocèse d'Afrique secondé par leDux et provinciae Mauritaniae et Caesariensis et du vicaire duDiocèse d'Hispanie secondé par uncomes rei militaris Tingitana.
Lorsque lesVandales deGenséric venus d'Hispanie débarquent en Afrique en 429 près deTingis[A 12], une grande partie de la Maurétanie est devenue pratiquement indépendante. Lechristianisme s'y est répandu rapidement auxIVe et Ve siècles, mais s'est marginalisé lorsque lesArabes ont conquis la région, duVIIe au VIIIe siècle.
L'actuel pays de laMauritanie possède ce nom depuis lacolonisation française en référence à la Maurétanie antique. Cependant, le pays ne se situe absolument pas au même endroit et la région était connue sous d'autres noms avant la domination française.
Virginie Bridoux,Les royaumes d'Afrique du nord de la fin de la deuxième guerre punique à la mort du roi Bocchus II (201-33 av. n. è.), Paris, Thèse de doctorat sous la direction de Maurice Lenoir, Université Panthéon-Sorbonne,.
Virginie Bridoux, « Les établissements de Maurétanie et de Numidie entre 201 et 33 av. J.-C. Synthèse des connaissances »,Mélanges de l'école française de Rome,t. 120,no 2,,p. 369-426(lire en ligne, consulté le).