LaMaurétanie césarienne est uneprovince de l'Empire romain. Anciennement, partie orientale duroyaume de Maurétanie, qui englobait l'actuelleAlgérie centrale et occidentale et une partie du nord marocain.
LaMaurétanie fut d'abord un royaume client deRome sousBocchus etJuba II, « le plus savant des rois ». Le statut du royaume n'était pas cependant celui d'une réelle indépendance : dès le règne d'Auguste, des colonies romaines sont installées dans le royaume.
Maurétanie-Numidie-Afrique, villes et routes, vers 150
La Maurétanie passe sous administration romaine directe à la fin du règne deCaligula. En40, ce dernier élimina le dernier roi de Maurétanie,Ptolémée, en raison de sa participation possible à un complot destiné à le renverser. L'assassinat de Caligula, peu de temps après, l'empêcha d'organiser cette prise de contrôle, et ce futClaude qui transforma le royaume en deux provinces : la Maurétanie césarienne qui tire son nom de sa capitaleCésarée (actuelleCherchell) sur un territoire correspondant au centre et à l'ouest de l'actuelleAlgérie, capitale de l'ancien royaume; à l'ouest laMaurétanie tingitane, comme sa jumelle, avecTingis comme capitale, sur un territoire correspondant au nord de l'actuel Maroc.
Lors de la transformation en province, la région de Césarée ne manifesta pas réellement d'hostilité, à la différence de la Tingitane, soulevée parAedemon, un affranchi de Ptolémée qui s'appuya sur les tribus de Maures. Une fois la révolte écrasée en42, les deux provinces sont confiées à desprocurateurs. Par la suite, ces derniers reçurent un salaire de 200 000 sesterces, le poste de Césarienne étant plus haut placé dans la hiérarchie que celui de Tingitane.
La Césarienne avait une importante garnison militaire romaine, mais constituée uniquement detroupes auxiliaires. Si toutefois la présence delégionnaires était nécessaire, le procurateur pouvait recevoir le titre deprolegat pour pouvoir les diriger. Lors de la guerre contre les Maures, durant le règne d'Antonin le Pieux, l'armée de la province fut appuyée par des troupes légionnaires venues deBretagne et des troupes auxiliaires venues dePannonie. À la fin duIIe siècle, la province comptait environ 16 cohortes et 5 ailes dont une milliaires, soit un total théorique de plus de 10 000 hommes.
En41, le territoire directement contrôlé par Rome ne représente qu'une étroite bande littorale. Par la suite, sousHadrien, le contrôle est reporté à l'intérieur grâce à une ligne de forts reliés par des routes le long d'un axe est-ouest. Certains de ces forts furent à l'origine du développement d'agglomérations, comme celui deRapidum.
Enfin, sousSeptime Sévère le territoire provincial contrôlé directement connaît sa plus grande extension, la frontière étant encore reportée plus au sud, le long de lanova praetentura, route militaire jalonnée de camps dont les plus occidentaux (Numerus Syrorum) surveillaient la zone de contact avec la Tingitane que Rome eut toujours du mal à occuper.
La question du rapport des Maures à la conquête puis à l'administration romaine a suscité de nombreux travaux historiques et parfois d'âpres polémiques. Si une historiographie coloniale française a d'abord dépeint ces Maures comme rebelles et inassimilables, leur révolte furent ensuite assimilées à une résistance (notamment pourMarcel Bénabou, en1976). P.-A. Février a cependant appelé à fortement relativiser cette menace maure, et a mis l'accent sur le caractère très littéraire des sources insistant sur ces révoltes. Si de grandes révoltes sont attestées, comme sousAntonin le Pieux, on n'imagine plus aujourd'hui la Césarienne comme une province où les guerres et les rébellions sont permanentes, et l'on met aussi plus en valeur les liens existant entre Rome et les tribus : alliances, liens de patronage et de clientèle, recrutements militaires, administrations indirectes (par l'intermédiaire desprincipes gentis, puis despraefecti gentis). Ainsi les troubles de227 ne doivent pas nécessairement être vus comme un vaste soulèvement mais comme une conséquence locale d'opération de recensement (selonMichel Christol par exemple). La seconde partie duIIIe siècle voit des soulèvements plus importants se développer à l'est de la province, et donner lieu à de véritables guerres.
AuIIIe siècle, à partir de253 environ, dans la région d'Auzia, des soulèvements importants ont lieu, concernant les peuples deBavares, desQuinquegentiens et desFraxinenses, avec leur chefFaraxen. Ces soulèvements menacent la province voisine deNumidie. L'agitation dure jusqu'à la fin du siècle, avec des périodes plus ou moins violentes. Il revient au tétrarqueMaximien de ramener l'ordre par son expédition de297-298. Nul doute aussi que des alliances avec de grands chefs maures, comme les ancêtres deFirmus etGildon aidèrent aussi à ramener la paix.
Dans le cadre de la réorganisation des provinces la Césarienne fut divisée en deux provinces : la Césarienne à l'ouest de l'ancien territoire et autour de Césarée et la Sitifienne à l'est autour de Sitifis (actuelleSétif), ville prospère dans l'antiquité tardive comme l'on montré les recherches de P.-A. Février. Il semble que le nouveau découpage provincial soit entré en vigueur en303, en même temps que la réorganisation des autres provinces africaines, sur la base d'une subdivision antérieure qui aurait divisée l'ancienne province en deux régions, peut-être des districts militaires.
Si, pour C. Courtois, la dissidence desMaures nomades de l'intérieur avait réduit la Césarienne à nouveau à une étroite bande côtière fortement diminuée à l'ouest, les recherches tendent actuellement à démontrer que le contrôle romain ne fut pas si diminué. La région n'échappe complètement à Rome qu'après l'invasion desVandales auVe siècle. Après les Vandales,Mastigas, chef berbère prend en main une partie de la Maurétanie Césarienne[7].
AuVIe siècle, la reconquête deJustinien Ier établit une tête de pont byzantine autour de Septem Fratres/Ceuta/Sabta. Son gouverneur byzantin est en même temps responsable nominal de l'Espagne et de laGaule. Le dernier, Julien, aurait contribué à faire passer les conquérants arabo-berbères en Espagne en722.
M. Bénabou,La résistance africaine à la romanisation, Paris 1976.
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