Le climat, l'isolement et la nature des sols du Mauna Loa sont à l'origine de nombreusesespècesendémiques de lafaune et laflore. Bien qu'elles soient protégées et qu'une grande partie du volcan fasse partie duparc national des volcans d'Hawaï, ces espèces sont aujourd'hui fortement menacées par les activités humaines. Les conditions atmosphériques particulières qui règnent au sommet du Mauna Loa ont permis l'installation en 1957 d'un observatoire qui joue un rôle notable dans la mesure de la qualité de l'air et de la quantité degaz à effet de serre et dans les recherches sur la haute atmosphère. C'est aussi le site d'une batterie d'instruments pour l'observation de lacouronne solaire.
Alors que les Hawaïens gravissent la montagne depuis plusieurs siècles, probablement pour faire des offrandes à leurs divinités, lesEuropéens ne réussissent leur première ascension qu'en 1794. Depuis, plusieurs itinéraires et quelques refuges ont été aménagés. D'abord utilisés uniquement pour les recherches scientifiques, ceux-ci sont de nos jours fréquentés par les randonneurs qui, après une ascension longue et difficile jusqu'au sommet, peuvent contempler la grande caldeira.
Le Mauna Loa est également appeléMount Loa enanglais etMowna Roa enhawaïen[2].Mowna Roa signifie « longue montagne » etMokuʻāweoweo, le nom de lacaldeira sommitale, « section du poisson rouge »[3].
Vue satellite de l'île d'Hawaï avec le Mauna Loa au centre de l'image. Le rift qui traverse la montagne et les coulées de lave récentes sont clairement visibles.
Le Mauna Loa culmine à 4 169 mètres d'altitude[1] ce qui en fait le second sommet de l'archipel d'Hawaï derrière leMauna Kea, qui culmine à 4 207 mètres d'altitude[5]. Couronnée par lacaldeira Mokuʻāweoweo, la crête de cette montagne allongée est constituée de deuxrifts partant vers l'est-nord-est et le sud-ouest depuis la caldeira[6]. La montagne forme la majeure partie de l'île d'Hawaï[6]. Ses pentes très peu marquées et régulières sont caractéristiques desvolcans boucliers émettant deslaves très fluides[6]. La caldeira sommitale large de six kilomètres et longue de huit kilomètres est incluse dans leparc national des volcans d'Hawaï, qui englobe également une bonne partie du Kīlauea au sud-est[6].
Le Mauna Loa est le plus haut volcan du monde avec une élévation de l'intégralité de sa structure qui totalise dix-sept kilomètres au-dessus de sa base : plus de quatre kilomètres au-dessus duniveau de la mer, lequel est situé à environ cinq kilomètres au-dessus duplancher océanique régional, auxquels il faut ajouter huit kilomètres enfouis dans lalithosphère océanique sous la forme d'unesubsidence locale en raison du poids de l'île d'Hawaï[7]. La superficie de sa partie émergée, 5 271 km2, représente plus de la moitié de la surface de l'île[7].
Le Mauna Loa est unvolcan né à l'aplomb dupoint chaud alimentant les autres volcans de l'île d'Hawaï et ayant formé les autres îles etmonts sous-marins d'Hawaï et de lachaîne sous-marine Hawaï-Empereur[6]. Ce point chaud est caractérisé par la remontée d'unmagma très pauvre ensilice, donnant en surface deslavesbasaltiques extrêmement fluides, généralement de typepāhoehoe ouʻaʻā. Ces laves, émises par le Mauna Loa au niveau durift orienté sud-ouest - est-nord-est et passant au sommet par lacaldeira Mokuʻāweoweo, lui ont donné sa forme typique devolcan bouclier aux pentes très peu marquées et régulières[6]. Formant desfontaines et deslacs de lave au moment de leur sortie au cours d'éruptions majoritairement fissurales, ces laves donnent ensuite naissance à de grandescoulées de lave progressant parfois jusqu'à la mer en empruntant des tunnels de lave, ce qui lui permet de conserver sa température très élevée qui atteint1 200 °C. Au bout de quelques jours, l'activité volcanique se concentre généralement sur un seul cratère[9]. Avec celles du Kīlauea, les éruptions du Mauna Loa ont servi à définir letype hawaïen, caractérisé par l'émission de coulées de lave fluide, la formation de lacs et de fontaines de lave, le tout rarement accompagné d'explosions violentes. Les éruptions se déroulent principalement au niveau de trois zones distinctes de la montagne. Au cours des deux cents dernières années, environ 38 % des éruptions ont eu lieu au sommet, 31 % dans la zone du rift est-nord-est et 25 % dans la zone durift Sud-Ouest ; les 6 % restants correspondent à des émissions au niveau de cratères secondaires sur le versant nord-ouest[10].
Le Mauna Loa est relativement jeune, ses premières éruptions remontant à une date comprise entre un million d'années et 600 000 ans[11]. La montagne a connu deuxeffondrements majeurs, dont le dernier s'est produit il y a 105 000 ans[6], coïncidant avec un changement de type éruptif il y a 100 000 ans environ[11] et la fin prévisible de la phase de croissance de type volcan bouclier avec présence detholéite[12]. Le Mauna Loa fait partie des volcans les plus actifs sur Terre, comme en témoigne la fréquence de ses éruptions, trente-neuf depuis la première observée en 1750[13], ainsi que la jeunesse des roches de ses pentes dont 90 % ont moins de 4 000 ans[6] et 98 % ont moins de 10 000 ans[11]. Son histoire géologique récente a été largement étudiée par la méthode de ladatation aucarbone 14 des échantillons decharbon de bois retrouvés dans les coulées[14]. Ces analyses mettent en évidence des cycles dans l'activité du Mauna Loa inédits chez les volcans boucliers hawaïens, et montrent qu'il y a 8 000 à 11 000 ans, les éruptions sont plus intenses qu'aujourd'hui, alors qu'il y a 6 000 à 7 000 ans, le volcan devient sensiblement inactif[10]. Il y a 1 500 ans débute une nouvelle période d'intense activité volcanique, avec la mise en place d'unlac de lave couvrant un quart de la surface du volcan ainsi que de grands épanchements de lave[6]. Cette activité diminue il y a 750 à 1 000 ans, ce qui permet la formation de la caldeira Mokuʻāweoweo mesurant de trois à cinq kilomètres de diamètre, et la mise en place des deuxrifts l'encadrant au sud-ouest et à l'est-nord-est et par lesquels s'échappent des coulées de lave couvrant au total un quart de la montagne[6],[15]. Une analyse des coulées de lave montre que l'activité éruptive des deux rifts est en train de décroître, alors que celle de la caldeira Mokuʻāweoweo augmente[11]. Les données sismologiques ont révélé la localisation sous le volcan deschambres magmatiques alimentant les éruptions. En effet, certains types d'ondes sismiques, connues sous le nom d'ondes S, ne se propagent pas à travers les roches visqueuses et le magma joue alors le rôle d'écran. Ces « zones d'ombres » indiquent qu'une chambre majeure se trouve trois kilomètres sous le sommet, et que des poches secondaires se situent sous les zones de rift[16].
LeKīlauea, qui se situe sur le versant sud-est du Mauna Loa, a été considéré à l'origine comme un cratère secondaire du volcan. Cependant, des différences chimiques entre leslaves des deux volcans prouvent qu'ils possèdent deschambres magmatiques séparées. Bien qu'ils soient aujourd'hui considérés comme distincts, des corrélations existent dans leur activité volcanique.
La relation la plus évidente entre les deux volcans consiste dans le fait que, généralement, une période d'activité forte de l'un coïncide avec une période d'activité faible de l'autre. Par exemple, entre 1934 et 1952, le Kīlauea est en sommeil alors que le Mauna Loa est actif, tandis qu'entre 1952 et 1974, seul le Kīlauea est actif[17]. Pourtant, l'éruption du Mauna Loa en 1984 commence pendant une éruption du Kīlauea, sans toutefois qu'elle n'ait d'effet sur celle-ci. Ceci étant, occasionnellement, l'éruption de l'un des volcans semble bel et bien influencer l'activité du second. L'inflation du sommet du Mauna Loa constatée en 2002 a commencé le, à savoir le même jour que l'apparition d'une nouvelle large coulée de lave dans le cratèrePuʻu ʻŌʻō du Kīlauea. Lesgéologues ont suggéré qu'une poussée demagma dans la longue cheminée du Mauna Loa a pu accroître la pression à l'intérieur du Kīlauea et déclencher l'éruption[17].
Lesalizés soufflent d'est en ouest au-dessus de l'archipel d'Hawaï, qui chevauche letropique du Cancer, et la présence du Mauna Loa affecte fortement le climat local. À basse altitude, le versant oriental du volcan, exposé au vent ascendant, reçoit une grande quantité de précipitations, faisant deHilo la ville la plus arrosée desÉtats-Unis. Les chutes de pluie permettent le développement d'une végétation luxuriante. Le versant occidental, abrité du vent, possède un climat plus sec. À haute altitude, un phénomène d'inversion se produit avec un vent sec descendant faisant barrage aux remontées d'air humide marin, réduisant la quantité de précipitations et éclaircissant très nettement le ciel[18]. Au-dessus de 3 000 mètres d'altitude, les températures, plus basses, entraînent des chutes de neige, à tel point que le sommet du Mauna Loa est considéré comme une région périglaciaire, où les cycles de gel et de dégel jouent un rôle majeur dans la transformation du paysage[19]. Alors qu'à 1 000 mètres d'altitude, la température moyenne annuelle est de16 °C et la quantité d'eau est de 2 500 mm, à 3 700 mètres d'altitude, elles ne sont respectivement plus que de6 °C et 500 mm[20].
Les modèles climatiques de l'archipel sont régulièrement affectés par le phénomèneEl Niño, qui se traduit au Mauna Loa par une sécheresse anormale, particulièrement durant la saison hivernale. Ainsi, au début de l'année 1998, le versant oriental exposé au vent a connu la plus importante sécheresse enregistrée sur l'île, et les six premiers mois ont tous été les plus secs des douze années précédentes. Durant l'hiver suivant, la tendance s'est reproduite dans une plus faible mesure, mais l'été 1999 a été plus sec encore que le précédent. Ce phénomène affecte la végétation du volcan[18].
Carte desécosystèmes actuels de l'île d'Hawaï.Metrosideros polymorpha pousse aussi bien dans les forêts ténues que denses du Mauna Loa.Pandanus tectorius avec ses fruits, qui peuvent être consommés crus ou cuits.
La végétation atypique du Mauna Loa est divisée en une dizaine de zones très compartimentées, et relativement étagées en raison des variations de températures et de quantités de précipitations, mais dépendant également du type de sol, c'est-à-dire de la présence delave pāhoehoe, delave ʻaʻā ou decendres[20]. La zone dukiawe et des buissons de plaine se situe en dessous de 300 mètres d'altitude et abriteProsopis pallida, localement appelékiawe,Leucaena leucocephala oukoa haole, desDigitaria spp. etHeteropogon contortus oupili[19]. En dessous de 500 mètres d'altitude, la forêt dense des goyaviers et des buissons abrite des goyaviers,Nephrolepis exaltata, des herbes et desfougères,Aleurites moluccanus oukukui etPandanus tectorius ouhala[19]. En dessous de 750 mètres d'altitude, la forêt ténue desgoyaviers (Psidium guajava) et des buissons abrite, outre cette espèce d'arbre,Leucaena leucocephala,Lantana camara,Desmodium incanum etCynodon dactylon[19]. Jusqu'à 1 000 mètres d'altitude, on trouve la zonelantana-koa haole avecLantana camara,Leucaena leucocephala,Dianella sandwicensis ouukiuki, lefiguier de Barbarie (Opuntia ficus-indica) oupanini,Sida fallax ouilima et des herbes rouges locales[19]. Entre 750 et 1 200 mètres d'altitude, une forêt ténue mixte mélangeMetrosideros polymorpha ouOhia lehua,Acacia koa,Desmodium incanum etCynodon dactylon[19]. La forêt humide dense deohia lehua, entre 500 et 2 100 mètres d'altitude, est composée deMetrosideros polymorpha et deCheirodendron trigynum ouolapa[19]. La forêt ténue d'Acacia koa se situe entre 1 200 et 2 100 mètres d'altitude et abrite aussiMetrosideros polymorpha, différentes herbes dontAgrostis avenacea ouheupueo, ainsi queStyphelia tameiameiae oupukiawe,Dodonaea viscosa ouaalii etSophora chrysophylla oumamane[19]. En s'élevant en altitude, on trouve entre 2 100 et 3 000 mètres la forêt ténue demamane-nalo et des buissonssubalpins avecSophora chrysophylla,Styphelia tameiameiae,Dodonaea viscosa etVaccinium reticulatum ouohelo[19]. Au-delà de 3 000 mètres d'altitude, la végétation disparaît et laisse place à un désert rocailleuxalpin où seules subsistent desmousses, une espèce locale du genreAgrostis etArgyroxiphium kauense, une plante totalementendémique au Mauna Loa[19].
Carte des écosystèmes originels de l'île d'Hawaï. Avant la colonisation humaine se trouvait une savane aujourd'hui disparue, et une grande forêt de plaine dont il ne subsiste que quelques fragments.
Ces espèces, comme toutes les autres espèces d'origine de l'archipel, se sont implantées il y a quelques millions d'années et ont évolué pour devenir endémiques en raison d'un isolement de 4 000 kilomètres de toute autre terre[21]. Aujourd'hui, la plupart de ces espèces végétales ont été éradiquées, réduites ou dégradées, en particulier sur la côte et à basse altitude, où la population est dense. 75 % des 175 espèces autochtones rescapées sont fragilisées par leurfragmentation et leur raréfaction, phénomènes accentués par la prolifération desmammifèresongulés et des espèces végétales implantées par l'homme, et sont en danger de disparition[22]. Ainsi, trois espèces sont particulièrement menacées :Asplenium fragile var.insulare,Phyllostegia racemosa oukīponapona etPlantago hawaiensis ouiaukāhi kuahiwi[18]. En revanche, lesfeux de forêts historiquement déclenchés par les éruptions ou consécutifs à la sécheresse sont un phénomène naturel auquel se sont adaptées plusieurs espèces et qui a encouragé le développement des prairies, même si l'homme a une part de responsabilité grandissante dans les incendies[18].
LeBernache néné est une espèce sauvée de l'extinction par un programme de réimplantation.
Les mammifères herbivores les plus présents et qui menacent la végétation des zonesmontagnardes etsubalpines sont lesporcs d'origine asiatique introduits par lesPolynésiens il y a 1 500 ans, lessangliers, leschèvres et desbovins introduits par lesEuropéens à la fin duXVIIIe siècle, et lesmouflons importés en 1963 dans unranch au sud de la montagne et qui ont colonisé la zone le long du rift Sud[18]. Lors d'une étude datant de 1981, vingt-deux espèces d'oiseaux ont été recensées au Mauna Loa, dont huit espèces endémiques. La seule espèce vivant au-delà de lalimite des arbres est leSolitaire d'Hawaï (Myadestes obscurus) ouʻomaʻo[20]. Un temps au bord de l'extinction, laBernache néné (Branta sandvicensis) ounēnē compteaujourd'hui[Quand ?] 500 individus surBig Island répartis sur le Mauna Loa, leMauna Kea etHualālai, grâce à un programme de réimplantation par l'élevage. LaBuse d'Hawaï (Buteo solitarius) ouio est une espèce endémique menacée qui niche sur les flancs du Mauna Loa et du Mauna Kea en dessous de 3 000 mètres d'altitude. LaCorneille d'Hawaï (Corvus hawaiiensis) oualala ne compte pas plus d'une douzaine d'individus et est maintenantéteinte à l'état sauvage. Avant cela, les individus étaient dispersés au-dessus de 3 000 mètres d'altitude sur les pentes du Mauna Loa et du Hualālai. Alors que l'habitat duPsittirostre palila (Loxioides bailleui) oupalila, une espèce deDrepanidinae vivant dansSophora chrysophylla, s'est réduit au Mauna Kea, lePicchion cramoisi (Himatione sanguinea) ouʻapapane, une autre espèce du genre, reste très commune[23]. La faune cavernicole est caractéristique de l'île et en particulier du Mauna Loa où les éruptions fréquentes consolident et renouvellent l'habitat[21]. En effet, les nombreuxtunnels de lave, mais aussi les troncs d'arbres morts, constituent un milieu très propice pour beaucoup d'espèces d'insectes (Cixiidae,Caelifera, etc.) ainsi que quelques-uns de leurs prédateurs[21], dontLasiurus cinereus semotus, lachauve-souris d'Hawaï, présente depuis le niveau de la mer jusqu'à 3 900 mètres d'altitude[23]. Les animaux cavernicoles sont classifiés en trois catégories : lestroglobies vivant obligatoirement dans des grottes et incapables de survivre à l'air libre, les troglophiles vivant et se reproduisant dans des grottes mais capables de vivre dans d'autres milieux sombres et humides, et enfin les trogloxènes qui se réfugient régulièrement dans des grottes mais vivent généralement à l'air libre notamment pour se nourrir[21]. Pourtant, et malgré de nombreusesniches écologiques non occupées notamment chez lesarthropodes, seulement 250 espèces d'insectes ont été introduites durablement sur les 5 000 espèces d'origine sur l'archipel[21].
La quasi-totalité deséruptions du Mauna Loa sont d'indice d'explosivité volcanique de 0 ou 1 et émettent descoulées de lave fluide depuis les deuxrifts ou lacaldeira Mokuʻāweoweo[13]. Seules quelques éruptions dérogent à ce cas général, comme entre le et le lorsqu'une éruption d'indice d'explosivité volcanique de 2 émet d'importants volumes de lave accompagnés d'explosions, ou encore du au lorsque de grandes coulées de lave et des explosions d'indice d'explosivité volcanique de 2 engendrant destsunamis provoquent des dégâts matériels et des morts[13].
Au total, trente-trois éruptions sont connues et documentées depuis 1843[24]. En 1935, une éruption menaceHilo, obligeant le dix bombardiers — desKeystone B-3, desKeystone B-4[25] et cinq[26] ou six[27]bombardiersKeystone LB-5 des23e et72e escadrons de bombardiers de l'United States Army Air Corps — basés àPearl Harbor à décoller et à larguer vingt bombes d'environ 300 kilogrammes afin de dévier les coulées de lave ; ce qui est déclaré comme un succès à l'époque est désormais mis sur le compte du hasard. Un autre bombardement a lieu en[25]. L'US Air Force mène des tests approfondis avec 36 grosses bombes aériennes (jusqu'à 900 kilogrammes) sur les laves préhistoriques du Mauna Loa en 1975 et 1976[28].
Une coulée de lave au Mauna Loa durant l'éruption de 1984.
L'éruption de 1950 est la plus intense des éruptions documentées sur le plan du débit. En effet, elle s'épanche sur vingt kilomètres le long du rift au sud-ouest de lacaldeira Mokuʻāweoweo et émet 376 millions de mètres cubes de roche en vingt-trois jours seulement, soit autant que l'éruption de 1859 en dix fois moins de temps ou moitié moins que l'éruption de 1876 mais en cinquante fois moins de temps[29]. De plus, ses laves atteignent la mer en moins de quatre heures[29]. Depuis la précédente éruption, un an auparavant, la pression est restée élevée et les séismes fréquents. Peu après21 h, le, lessismographes s'affolent et vingt minutes plus tard, les premières laves apparaissent[29]. Desfontaines propulsent de la matière en fusion à 45 ou 60 mètres de hauteur, parfois 90 mètres[29]. En un peu moins de trente heures, pas moins de quatre, voire cinq, coulées différentes dévalent vers l'ouest (Hoʻokena, Honokua, Kaʻohe et Kaʻapuna), dont trois atteignent la mer, et deux autres vers le sud (Punaluʻu et Kahuku), sur une longueur comprise entre huit et vingt-quatre kilomètres[29]. LaHawaii Route 11, une station d'essence, le bureau de poste et plusieurs habitations sont détruites dès la mi-journée du. Les scientifiques de l'observatoire volcanologique d'Hawaï estiment la vitesse de progression de la coulée Kaʻapuna dans lestunnels de lave entre16 et48km/h[29]. Elle atteint à son tour la mer le à15 h 30 et y progresse sur une longueur de 800 mètres, comme en témoigne la vapeur d'eau qui s'échappe des flots[29]. La dernière coulée arrête sa progression le, et l'activité volcanique au niveau des fissures du rift disparaît vingt-trois jours après le début de l'éruption[29].
L'éruption du au[13],[30] met fin à neuf ans de repos — si ce n'est une augmentation progressive de l'activité sismique durant les trois années qui précédent l'éruption, jusqu'à un paroxysme le avec une secousse de 6,6 sur l'échelle de Richter au niveau de la faille de Kaʻoiki[30]. Le vers23 h, le rythme des secousses atteint une fréquence de deux ou trois par minute avant que, finalement, un jet de matière en fusion ne soit expulsé de la caldeira Mokuʻāweoweo le à1 h 30[30]. Au cours de cetteéruption effusive fissurale d'indice d'explosivité volcanique de 0, un volume de lave de 220 millions de mètres cubes est émis sous la forme de coulées, parties de la caldeira Mokuʻāweoweo et des deux rifts qui l'encadrent, en direction du sud-ouest et de l'est-nord-est[13]. Ainsi, entre le et le, les coulées menacent une nouvelle fois rapidement la ville de Hilo mais s'arrêtent finalement à quatre kilomètres de la banlieue[31] et à trois kilomètres de la prison de Kulani[30]. Grâce aux digues, la coulée principale est déviée et divisée en plusieurs coulées secondaires, elles-mêmes ralenties par les pentes douces, la végétation dense, la faible température et la viscosité de la lave, ainsi que la diminution de la puissance de l'éruption qui cesse au bout de trois semaines[30].
L'activité sismique reste faible jusqu'en 2002, année au cours de laquelle une inflation soudaine du volcan est détectée avec un écartement des parois de la caldeira mesuré à un rythme de cinq centimètres par an, indiquant une remontée demagma dans la chambre située cinq kilomètres sous le sommet. Une série de profonds séismes se déroule durant la seconde moitié de 2004 avec une fréquence passant d'une secousse par jour en juillet à quinze à la fin de l'année, avant de revenir à un rythme plus modéré. Ces manifestations laissent à penser aux volcanologues qu'une éruption peut survenir dans les années à venir[32]. Celle-ci débute le vers23 h 30 heure locale (Hawaii Standard Time) à l'intérieur de la caldeira sommitale avec l'ouverture de fissures qui laissent s'échapper des coulées de lave[33] ; ces dernières recouvrent le fond de la caldeira et débordent sur les flancs du volcan par le sud-ouest et le nord-est[33]. L'activité se déplace progressivement dans les heures qui suivent en direction du rift Nord-Est par l'ouverture de nouvelles fissures tandis que les plus anciennes se tarissent[33]. Aucune menace pour les populations n'est à constater, seule une alerte pour lesgaz volcaniques, lescendres et lescheveux de Pélé est émise[34],[35]. La région où progressent les coulées de lave comportant peu d'infrastructures, les risques matériels sont très faibles. Toutefois, des coulées coupent la route d'accès à l'observatoire du Mauna Loa dans les premières heures de l'éruption et continuent leur avancée vers laSaddle Road qui traverse le centre de l'île plus au nord[36]. Après quelques jours de baisse d'intensité de l'activité volcanique, l'éruption se termine le[37].
Avant même l'arrivée des premiersEuropéens, des autochtones gravissent déjà le Mauna Loa, probablement pour faire des offrandes à la déessePélé[3]. Ils ont tracé un sentier d'une longueur de quarante-huit kilomètres sur un versant raide du volcan, depuis l'ancien village de Kapapala à 600 mètres d'altitude jusqu'au bord sud-est de lacaldeira Mokuʻāweoweo[3]. L'entreprise était probablement très difficile sans chaussures, vêtements chauds, sacs à dos ni provisions alimentaires. Le nom d'origine de ce sentier, aujourd'hui abandonné, s'est perdu et il a été rebaptisé par les Hawaiiensʻainapo[3], la « terre noircie ».
Le premier étranger à tenter d'atteindre le sommet estJohn Ledyard, de l'expédition du capitaineJames Cook en 1779, depuis l'ouest ; il doit cependant rebrousser chemin[3]. Lapremière ascension officielle du Mauna Loa est réussie le par lebiologisteArchibald Menzies, lelieutenantJoseph Baker, l'aspirant George McKenzie et un homme dont le nom n'est pas mentionné[38],[39], alors que leHMS Discovery passe l'hiver à l'abri dans les eaux tropicales. L'équipe met une semaine complète à gravir la montagne, par le sentierʻainapo[3]. À l'aide d'unbaromètre, Menzies calcule l'altitude du volcan, avec une marge d'erreur de quinze mètres. En 1840, une expéditionaméricaine de trois cents hommes dirigée parCharles Wilkes gravit le Mauna Loa[3]. Un groupe de cinquante membres campe durant vingt-huit jours auPendulum Peak, à 800 mètres au nord de l'extrémité de l'ʻainapo, pour cartographier l'ensemble des cratères du volcan[3]. Les restes du campement de base sont visibles dix mètres au sud duMauna Loa Cabin[3].
En 1915, une compagnie de soldats noirs-Américains reçoit l'ordre de construire leMauna Loa Trail depuis l'emplacement d'origine duHawaiian Volcano Observatory, actuellement transformé en maison du volcan (Volcano House), jusqu'à la caldeira Mokuʻāweoweo, le long du rift est-nord-est, sur une longueur totale de quarante-deux kilomètres, afin de faciliter l'observation des éruptions, comme l'a suggéré trois ans auparavantThomas Jaggar, volcanologue et fondateur de l'observatoire[3]. Toujours en 1915, l'armée construit leRed Hill Rest House à proximité du cône dePuʻu ʻUlaʻula, puis en 1934 un autre refuge est bâti auNorth Pit à 3 960 mètres d'altitude, déplacé à un endroit plus protégé en 1940[3].
Les éruptions volcaniques provoquent rarement des catastrophes àHawaï. La seule victime connue d'une éruption depuis le début duXXe siècle est morte auKīlauea en 1924 alors qu'une explosion inhabituelle projeta deséjectas sur les spectateurs[40]. En revanche, les destructions matérielles sont courantes. À ce titre, le Mauna Loa fait partie de la sélection du projet « Volcan de la décennie », c'est-à-dire qu'il a été identifié parmi les volcans remarquables du fait de leurs fréquentes éruptions et de la proximité des populations. De nombreuses villes et villages à proximité du volcan ont été bâtis sur d'anciennes coulées de lave datant de moins de deux cents ans, et il y a une forte probabilité pour que de futures éruptions endommagent des installations humaines.
Une coulée delave ʻaʻā recouvrant la végétation durant l'éruption de 1984.
Les risques endurés par les populations autour du Mauna Loa sont de deux ordres. En premier lieu, lescoulées de lave, avançant généralement à la vitesse de la marche, présentent peu de danger pour les vies humaines mais peuvent occasionner de nombreux dégâts matériels. Les éruptions au Mauna Loa peuvent cependant être plus intenses que celles du Kīlauea, l'éruption de 1984 ayant par exemple émis autant de lave en trois semaines qu'une éruption normale du Kīlauea en trois ans[41]. De telles émissions peuvent générer des coulées de lave plus rapides. Deux des éruptions du Mauna Loa ont détruit des villages : en 1926, Hoʻōpūloa Makai était ravagé par une coulée de lave, tandis qu'en 1950, la plus importante éruption du Mauna Loa jamais observée a émis des coulées de lave jusqu'à la mer et a rayé Hoʻokena Mauka de la carte le[42]. La brève mais intense éruption de 1984 a menacé la ville de Hilo, partiellement construite sur les laves de 1880 et particulièrement exposée à de futures coulées, sans toutefois atteindre aucun bâtiment[43].
En second lieu, la possibilité d'un éboulement soudain et massif des flancs du volcan représente un risque rare mais beaucoup plus grand. De profondes failles permettent à des pans entiers de la montagne de glisser progressivement, l'évènement le plus connu étant leHilina Slump (« effondrement de Hilina »), en 1975, qui a provoqué un déplacement de plusieurs mètres sur le versant sud du Kīlauea, et une secousse d'unemagnitude de 7,2 sur l'échelle de Richter[44]. Parfois, un forttremblement de terre peut entraîner unglissement de terrain suivi d'untsunami. Labaie de Kealakekua, sur le versant nord-ouest du Mauna Loa, a été créée de la sorte. Unecartographie sous-marine a révélé de nombreux glissements le long de la chaîne hawaiienne et deux tsunamis géants ont été identifiés : l'île deMolokaʻi a subi un raz-de-marée de 75 mètres de hauteur il y a 200 000 ans etLānaʻi a été frappée par un tsunami de 300 mètres de haut il y a 100 000 ans[31].
Untiltmètre au Mauna Loa, servant à prévoir les éruptions imminentes.
Le Mauna Loa est unvolcan intensivement surveillé[45]. L'observatoire volcanologique d'Hawaï (HVO) a été établi en 1912 afin d'observer les volcans de l'archipel et a développé de nombreuses techniques dans le but de prévenir de leurs éruptions imminentes.
Parmi les instruments les plus importants figurent plus de soixantesismographes, tous répartis surBig Island, permettant aux scientifiques de mesurer l'intensité et la localisation des centaines deséismes qui se produisent chaque semaine. Leur nombre peut commencer à augmenter des années avant que l'éruption ne débute réellement. En effet, les éruptions de 1975 et 1984 ont chacune été précédées par une à deux années d'activité sismique accrue, à une profondeur inférieure à treize kilomètres. Les heures qui précédent une éruption sont agitées par un autre type d'activité sismique, appelé secousse harmonique, qui se caractérise par un grondement continu contrastant avec les chocs brusques habituels, et qui serait causée par le mouvement rapide dumagma souterrain. Ces secousses volcaniques indiquent généralement une éruption imminente, bien qu'il arrive que des intrusions superficielles de magma n'atteignent pas la surface.
La forme de la montagne est un autre indicateur important de l'activité souterraine. Destiltmètres mesurent les changements les plus infimes dans la topographie externe du volcan, et des instruments mesurent la distance entre différents points de la montagne. Lorsque le magma remonte dans lachambre magmatique sous le sommet et lesrifts, la montagne enfle. Au cours de l'année précédant l'éruption de 1975, une étude a mis en évidence une augmentation de la largeur de lacaldeira Mokuʻāweoweo de 76 millimètres, puis une valeur similaire avant l'éruption de 1984[31].
L'ascension du Mauna Loa est longue et difficile, en raison de l'instabilité des sols composés de lave et de l'altitude pouvant provoquer unmal aigu des montagnes, mais aussi parfois des vents violents et de la neige[3]. Il existe deux itinéraires d'approche de la montagne, un sur le versant nord-ouest et l'autre sur le versant sud-ouest, qui rejoignent tous deux leNorth Pit, d'où l'on peut atteindre d'une part le refuge sommital et d'autre part le sommet lui-même[3]. Ils sont jalonnés decairns, ouahu, et de panneaux indiquant les intersections, les altitudes et les curiosités géologiques[3]. Deux refuges sont à la disposition des randonneurs : lePuʻu ʻUlaʻula Rest House, récemment rénové, sur le versant sud-ouest à 3 056 mètres d'altitude, et leMauna Loa Cabin, comportant douze couchettes, sur le bord oriental de lacaldeira Mokuʻāweoweo à 4 035 mètres d'altitude[3].
LeMauna Loa Trail est l'itinéraire le plus fréquenté. Il démarre à 2 030 mètres d'altitude, sur le versant sud-est, au bout de la route du Mauna Loa (Mauna Loa Road), à la limite duparc national, escamotant toute la partie basse mais restant globalement fidèle sur la partie haute au tracé d'origine de l'itinéraire historique[3]. Le départ se fait dans la forêt, mais rapidement la végétation se raréfie à cause de l'altitude et des coulées de lave. Au bout de trois kilomètres, à 2 250 mètres d'altitude, le sentier passe près du cône préhistorique deKulani, recouvert de végétation et surmonté de deux antennes. Au kilomètre 7,6, à 2 690 mètres d'altitude, une large tranchée au sud du sentier a été formée par l'effondrement d'untunnel de lave. Trois cents mètres plus loin, l'itinéraire suit régulièrement la coulée dePuʻu ʻUlaʻula jusqu'au dôme et au refuge à 3 060 mètres d'altitude, au kilomètre 12[3]. Six kilomètres plus loin, à 3 450 mètres d'altitude, après avoir franchi de nombreuses coulées de lave, le sentier dépasse le cône deDewey, apparu le, du nom de l'amiral aux commandes de la flotte engagée dans labataille de la baie de Manille quelques jours auparavant[3]. Deux kilomètres plus tard, à 3 560 mètres d'altitude, au niveau duSteaming Cone, apparu en 1855, leahu est cimenté, vestige d'une ancienne ligne téléphonique qui reliait l'observatoire auNorth Pit dans lesannées 1930[3]. Un peu plus loin, à trente mètres au sud du sentier, le « trou d'eau » (Waterhole), où le liquide gèle en hiver et fond en été, s'est formé dans un ancien tunnel de lave effondré[3]. Au kilomètre 23,5, à 3 760 mètres d'altitude, le sentier traverse l'axe du rift en direction de l'ouest sur de fragiles coulées de lave solidifiée de l'éruption de 1984[3]. À 3 965 mètres d'altitude, après deux jours et vingt-huit kilomètres de marche, l'itinéraire atteint leNorth Pit. Il est alors possible d'emprunter leCabin Trail ou leSummit Trail ou bien d'envisager de redescendre pour deux nouvelles journées de marche[3].
L'Observatory Trail est un itinéraire plus raide que le précédent. Il démarre à l'observatoire météorologique du Mauna Loa (Mauna Loa Weather Observatory), à 3 360 mètres d'altitude, après avoir emprunté, sur le versant nord-ouest de la montagne, une route construite en 1951 par des prisonniers de l'établissement de Kulani et ouverte au public en 1963[3]. Une journée est nécessaire pour accéder auNorth Pit et une autre journée pour redescendre, en arpentant un sentier qui suit en grande partie piste accessible auxvéhicules tout-terrain[3]. Cet itinéraire fait 6,2 kilomètres de long et propose un dénivelé positif de 600 mètres[3].
LeCabin Trail relie leNorth Pit auMauna Loa Cabin sur 3,2 kilomètres et un dénivelé positif de 70 mètres. Les premiers mètres descendent au fond de la caldeira et la traversent en partie en direction du sud, avant de remonter vers le refuge, à 4 035 mètres d'altitude, situé à l'opposé du point le plus élevé du volcan par rapport à la caldeira[3].
LeSummit Trail relie leNorth Pit au sommet du Mauna Loa, situé à l'ouest de la caldeira, sur 4 kilomètres et un dénivelé positif de 200 mètres. Le sentier suit une direction sud-ouest en passant à proximité de l'ancien observatoire construit en 1951, où ne subsistent que les fondations et untiltmètre qui envoie ses informations enFM[3].
La protection environnementale au Mauna Loa est complétée par troisréserves forestières d'État :Mauna Loa au nord,Kapapala au sud-est etKaʻū au sud[49]. Ce dispositif a été créé le par un arrêté du Gouvernement territorial d'Hawaï pour freiner l'extension des ranchs et la culture de lacanne à sucre et desananas. Aujourd'hui, la protection est assurée par la division pour lasylviculture et la vie sauvage (DOFAW) duDepartment of Land and Natural Resources dans le cadre des chapitres 104 et 183 de la Constitution de l'État d'Hawaï[50]. Les buts des réserves sont la protection et la gestion des bassins versants boisés pour la production d'eau douce, la protection de l'intégrité biologique des écosystèmes, l'offre touristique et le renforcement de l'économie en aidant à la production de produits forestiers de grande qualité en complément d'une industrie forestière durable[51].
↑abcde etfThomas R. Belfield et Linda W. Pratt,Rare plants of the Mauna Loa special ecological area, Hawai’i Volcanoes National Park. Pacific Cooperative Studies Unit, Honolulu, Technical Report 130, University of Hawaii at Manoa,(lire en ligne).
↑Eric C.Cannon, RolandBürgmann et Susan E.Owen, « Shallow Normal Faulting and Block Rotation Associated with the 1975 Kalapana Earthquake, Kilauea Volcano, Hawaii »,Bulletin of the Seismological Society of America,vol. 91,no 6,,p. 1553–1562(ISSN0037-1106,DOI10.1785/0120000072).
La version du 13 juin 2008 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.