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Matrone est unnom commun qui est issu dulatinmatrona, dérivé demater « mère » avec un suffixe augmentatif, selon une dérivation similaire àpater /patronus (père, patron). Dans la société romaine traditionnelle, elle est épouse et mère, respectée par la communauté.
Dans lasociété antique romaine, lamatrone est une femme mariée d'un certain rang social[1]. Elle est la mère de famille, digne et respectable, chargée du bon maintien de lamaison et de l'éducation des enfants. Elles sont dispensées de tout travail domestique ou agricole, sauf dufilage de la laine, selon une tradition que les Romains font remonter à l'enlèvement des Sabines[2],[3]. La mère de famille dispose d'un certain pouvoir à l'intérieur de la maison, elle dirige les servantes et lesesclaves. On l'appelle la « domina ».
Plusieurs mots latins désigent la femme mariée :uxor (épouse) désigne toute femme mariée, sans connotation morale ou religieuse, tandis quematrona est associé à un rang social respectable, informel et entouré d'un prestige quasi religieux, queCicéron a qualifié desanctitas matronarum (sainteté des matrones)[4].Les qualités idéalisées de la matrone romaine apparaissent dans de nombreux textes antiques, mais aussi au travers des qualificatifs élogieux énumérés dans lesépitaphes funéraires des épouses. Les adjectifs les plus fréquents évoquent sa fidélité conjugale (casta, chaste,pudica, pudique,univira) et aussi son habilité à travailler la laine (lanifica)[5],[6].
La chasteté (castitas) limite les relations sexuelles au seul époux. Sa défense est magnifiée par l'exemple pseudo-historique deLucrèce, forcée par chantage mais moralement innocente, qui préfère se suicider plutôt que donner l'exemple d'une femme survivant à cette souillure[7].
La pudeur est garantie par la tenue spécifique de la matrone, fait de la robe longue (stola), éventuellement prolongée sur les pieds par un volant cousu (instita) et de la coiffure particulière en tresses retenues par des bandelettes (vittae)[8], couverte d'un petit voile quand elle sort[9].
Une matrone vertueuse doit être une bonnelanifica, capable defiler et de tisser lalaine, tâches sacralisées chez les Romains par l'épisode mythique deLucrèce, épouse déclarée la plus méritante car trouvée occupée à filer la laine[10]. Dans la Rome archaïque, les secrets du filage et du tissage de la laine devaient être révélés à la future épouse lors des rites prénuptiaux[11], et le cortège nuptial traditionnel de la future épouse emportait unfuseau et unequenouille garnie de laine[12].
L'univira, femme d'un seul homme (du latinunus, un seul, etvir, homme), incarne durant toute la période romaine un des idéaux de l'épouse, en dépit de la multiplication des remariages après divorce. En l'absence de témoignage écrit précis, on ignore si une veuveunivira conserve cette qualité.Plaute,Catulle,Properce,Sénèque,Valère-Maxime évoquent et vantent dans leurs textes l'épouse d'un seul homme. Êtreunivira est la condition obligée pour effectuer certains rites lors des cérémonies nuptiales ou dans les cultes matronaux[13].
À la fin de la période républicaine, les qualités idéalisées de la matroneunivira et fileuse sont tombées en désuétude. Dans une volonté de retour aux vertus anciennes,Auguste astreint sa filleJulie et ses petites-filles au travail de laine[14].

La matrone dispose des moyens d'accès au luxe, mais ce privilège lui fut disputé tout au long de lapériode républicaine. En, période de laseconde guerre punique, lalex Oppia limite à un seul la possession de vêtement de pourpre, et à une demi-once d'or le port d'ornements en or. Les matrones obtinrent en que cette restriction soit abolie, la guerre étant terminée depuis sept ans[15].
Le droit des matrones aux déplacements dans la ville de Rome et dans les villes de l'Italie en voiture attelée (carpentum) fut aussi disputé d'après les anecdotes plus ou moins historiques rapportées parTite-Live. Ce droit de circulation aurait été accordé après laprise de Véies en, pour la consécration àApollon deDelphes d'une partie du butin. En effet, les matrones auraient complété la quantité d'or promise au dieu en offrant spontanément leurs bijoux. En retour, leSénat leur accorda le droit honorifique de circuler encarpentum les jours ordinaires et enpilentum pour se rendre auxjeux et aux sacrifices religieux[16]. Lalex Oppia de limite l'usage ducarpentum aux seuls déplacements pour assister aux sacrifices[17], restriction levée à l'abolition de la dite loi en[18] Enfin,Jules César interdit la circulation dans Rome et de jour à tout véhicule à roues, à l’exception descarpenta lors des cérémonies.
Les matrones romaines célébraient plusieurs cultes publiques ou privés, dont la fondation est justifiée par les auteurs romains par des épisodes plus légendaires qu'historiques, remontant au début de lapériode républicaine, et peut-être plus anciens :
Lors d'événements exceptionnels, les matrones interviennent dans des rituelspro populo, c'est-à-dire pour le bien de la communauté romaine. Lors des moments de crise et selon les décisions duSénat, elles font dans les temples les supplications conjuratoires, balayant le sol de leur chevelure dénouée[27]. La communauté des matrones est sollicitée de même lors de victoires exceptionnelles de l'armée romaine, par des supplications de remerciement[28]. Lors desjeux séculaires organisés parAuguste en puis parSeptime Sévère en 204, un groupe de cent-dix matrones choisies dans l'ordre sénatorial et dans l'ordre équestre récitent des prières, offrent des sacrifices et des banquets rituels aux déesses[29].
Parmi les matrones admirées des Romains, on peut citerVéturia (mère deCoriolan)[30],Cornélia (mère desGracques),Aurelia Cotta (mère deJules César), etAtia (mère d'Auguste)[31].