Les mathématiques se distinguent des autressciences par un rapport particulier auréel car l'observation et l'expérience ne s'y portent pas sur des objets physiques ; les mathématiques ne sont pas unescience empirique. Elles sont de nature entièrement abstraite, fondées sur des concepts définis et desaxiomes déclarésvrais (appelés aussi postulats). Ces axiomes, qui sont des propriétés d'objets abstraits ou des relations que ces objets entretiennent entre eux, constituent lesfondements et ne dépendent donc d'aucune autre proposition. Unénoncé mathématique — dénommé généralement, après être validé,théorème, proposition,lemme, fait,scholie oucorollaire — est considéré comme valide lorsque le discours formel qui établit savérité respecte une certaine structure rationnelle appeléedémonstration, ou raisonnement logicodéductif. Un énoncé qui n'a pas encore fait l'objet d'une démonstration mais qui est néanmoins considéréplausible est appeléconjecture.
Bien que les résultats mathématiques soient des vérités purement formelles, ils trouvent des applications dans les autressciences et dans différents domaines de latechnique. C'est ainsi qu'Eugene Wigner déclare que la« déraisonnable efficacité des mathématiques dans les sciences de la nature est une chose presque mystérieuse »[1],[2].
Le mot « mathématique » vient dugrec par l'intermédiaire dulatin. Le motμάθημα (máthēma) est dérivé du verbeμανθάνω (manthánô) (« apprendre »). Il signifie « science, connaissance » puis « mathématiques » deμαθήματα (mathḗmata) ; il a donné naissance à l'adjectifμαθηματικός (mathematikos), d'abord « relatif au savoir » puis « qui concerne les sciences mathématiques ». Cet adjectif a été adopté en latin (mathematicus) et dans les langues romanes par la suite (« mathématique » enfrançais,matematica enitalien, etc.), ainsi que dans de nombreuses autres langues[3].
La forme neutre pluriel de l'adjectifμαθηματικός a été substantivée enτὰ μαθηματικά (tà mathēmatiká) pour désigner les sciences mathématiques dans leur ensemble. Cette forme, utilisée parAristote, explique l'usage du pluriel pour le substantif en latin chezCicéron (mathematica) puis en français et dans certaines autres langues européennes.
L'usage du pluriel est un héritage de l'époqueantique, où lequadrivium regroupait les quatre arts dits « mathématiques » : l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et la musique. Le singulier (« la mathématique ») est parfois employé en français, mais « le mot donne alors au contexte une teinte d'archaïsme ou dedidactisme ». Toutefois, certains auteurs, à la suite deNicolas Bourbaki, insistent sur l'utilisation du singulier, pour montrer l'uniformisation apportée par l'approche axiomatique contemporaine :Jean Dieudonné semble être le premier à avoir insisté sur ce point, et le vaste traité de Bourbaki (dont il est l'un des principaux rédacteurs) s'intituleÉléments de mathématique, tandis que, par contraste, le fascicule historique qui l'accompagne a pour titreÉléments d'histoire des mathématiques.Cédric Villani préconise l'utilisation du singulier pour affirmer l'unité du domaine[4].
Dans leregistre familier, et notamment scolaire, les mathématiques sont fréquemment désignées par l'apocope « maths », parfois écrite « math ».
Il est probable que l'être humain a développé des compétences mathématiques avant l'apparition de l'écriture. Les premiers objets reconnus attestant decompétences calculatoires sont lesbâtons de comptage, tels que l'os d'Ishango (enAfrique) datant de 20 000 ans avant notre ère. Le développement des mathématiques en tant que connaissance transmise dans les premièrescivilisations est lié à leurs applications concrètes : lecommerce, la gestion desrécoltes, la mesure dessurfaces, la prédiction des événementsastronomiques, et parfois l'exécution de rituels religieux[réf. nécessaire].
Des découpages des mathématiques en deux, trois ou quatre domaines différents sont proposés : algèbre et analyse, ou bien algèbre, analyse et géométrie, ou bienalgèbre,analyse,géométrie etprobabilités. De tels découpages ne sont pas évidents et les frontières les séparant sont toujours mal définies. En effet, de nombreux résultats font appel à des compétences mathématiques variées. Lethéorème de Fermat-Wiles[N 4], établi en 1994, en est un exemple. Bien que l'énoncé en soit formulé de manière dite arithmétique, la preuve nécessite de profondes compétences en analyse et en géométrie.
L'algèbre est l'ensemble des méthodes mathématiques visant à étudier et développer lesstructures algébriques et à comprendre les relations qu'elles entretiennent entre elles. L'algèbre, au sens actuel, trouve historiquement ses origines dans la compréhension deséquations polynomiales et dans les développements des méthodes de résolution : les recherches dans ces domaines ont suscité l'émergence des notions qui fondent lathéorie des groupes, lathéorie de Galois ou encore lagéométrie algébrique.
En un sens très restrictif, l'analyse est la partie des mathématiques s'intéressant aux questions de régularité des applications d'une variable réelle ou complexe : on parle alors plus volontiers d'analyse réelle ou d'analyse complexe. En un sens élargi, elle englobe toutes les méthodes mathématiques qui s'y apparentent, et un certain nombre de méthodes pour comprendre et analyser les espaces de fonctions.
Lagéométrie tente de comprendre en premier lieu les objets dans l'espace, puis par extension s'intéresse aux propriétés d'objets plus abstraits, à plusieurs dimensions, introduits selon plusieurs approches, relevant autant de l'analyse que de l'algèbre.
Lesprobabilités tentent de formaliser tout ce qui relève de l'aléatoire. Bien qu'elles soient anciennes, elles ont connu un renouveau avec lathéorie de la mesure.
Lesstatistiques consistent à recueillir, traiter et synthétiser un ensemble de données, généralement nombreuses.
Latopologie algébrique tend à associer à des objets géométriques de natures diverses des invariants de nature algébrique. Elle se situe donc à la frontière de la géométrie différentielle et de la géométrie algébrique. Toutefois, pour des objets géométriques présentant une certaine structure analytique, ces invariants algébriques peuvent parfois se définir ou se comprendre en faisant uniquement appel à des outils essentiellement d'analyse. La majeure partie de la recherche actuelle en topologie algébrique tend à oublier la structure topologique et à réduire les questions à des problèmes essentiellement d'algèbre.
Lagéométrie différentielle se situe à la frontière de la géométrie et de l'analyse, et ce à plusieurs égards. La définition de ses objets d'étude fait appel aux théorèmes de calcul différentiel, mais l'étude elle-même est grande consommatrice d'analyse. Des liens entre géométrie différentielle et probabilités existent aussi.
Lagéométrie algébrique est l'exemple d'un domaine en un sens strict à la rencontre de l'algèbre et de la géométrie. Elle trouve ses origines dans les travaux sur la résolution des équations cubiques. Le premier objet d'étude de la géométrie algébrique est la variété algébrique, lieu d'annulation d'équations polynomiales : il a une signification à la fois algébrique et géométrique. Ce domaine connut un fort développement auXIXe siècle, avec notamment lethéorème de Bézout. Les développements récents initiés parAlexandre Grothendieck connaissent de nombreuses applications en théorie des nombres, ce qui constitue lagéométrie arithmétique.
Lathéorie des opérateurs relève plutôt de l'analyse, ou encore de l'analyse fonctionnelle (par exemple, pour les problèmes de régularité des solutions d'équations aux dérivées partielles elliptiques, notamment leproblème de Poisson). Mais cette théorie connaît de nombreuses applications en géométrie différentielle où le langage des opérateurs s'avère particulièrement adapté. Le développement de la théorie des opérateurs a fait appel à des méthodes de nature probabiliste, notamment pour ce qui s'appelle lecalcul fonctionnel. Cette théorie trouve des extensions engéométrie non commutative. Les objets d'études se trouvent être des généralisations d'algèbres d'opérateurs.
On fait parfois la distinction entre mathématiques pures et mathématiques appliquées :
Les mathématiques pures ont pour objectif le développement des connaissances mathématiques pour elles-mêmes sans aucun intérêta priori pour les applications, sans aucune motivation d'autres sciences. L'objet de la recherche mathématique peut ainsi être une meilleure compréhension d'une série d'exemples particuliers abstraits, sur lesquels s'appuie et se développe la réflexion mathématique, la généralisation d'un aspect d'une discipline ou la mise en évidence de liens entre diverses disciplines des mathématiques.
Au contraire, les mathématiques appliquées sont la mise en œuvre des connaissances mathématiques pour les besoins de formalisme d'autres sciences (physique,informatique,biologie,astrophysique…), et pour des applications industrielles (ingénierie par exemple). Elles tendent à développer ces outils mathématiques pour répondre à ces demandes, pour résoudre des problèmes posés en termes concrets.
En France, cette distinction structure souvent les équipes de recherche, sans forcément hypothéquer les possibilités d'interactions entre elles. Toutefois, la pertinence de cette distinction est remise en cause par un certain nombre de mathématiciens. L'évolution des domaines et de leurs objets d'étude peut également contribuer à déplacer une éventuelle frontière ou notion de séparation. Selon une boutade d'Ian Stewart, auteur de nombreux ouvrages portant sur les mathématiques populaires, dans son œuvre intituléeMon cabinet des curiosités mathématiques,« La relation entre les mathématiciens purs et appliqués est fondée sur la confiance et la compréhension. Les mathématiciens purs ne font pas confiance aux mathématiciens appliqués, et les mathématiciens appliqués ne comprennent pas les mathématiciens purs »[11]. Les mathématiques appliquées, en un sens mal définies, comprennent entre autres l'analyse numérique, lesstatistiques appliquées et la théorie de l'optimisation mathématique. Certains domaines de recherche des mathématiques sont nés à la frontière avec d'autres sciences (voir ci-dessous).
Les questions traditionnelles que se pose la philosophie au sujet des mathématiques peuvent se classer selon trois thèmes :
la nature des objets mathématiques : s'ils existent par eux-mêmes, ou bien s'ils sont des constructions mentales ? Quelle est la nature d'unedémonstration logique ou mathématique ? Quels sont les liens entre la logique et les mathématiques ?
l'origine de la connaissance mathématique : d'où vient la vérité des mathématiques, et de quelle nature est-elle ? Quelles sont les conditions pour que des mathématiques existent, et leur lien avec l'être humain ? Quels sont les impacts de la structure de la pensée humaine sur la forme et le développement des mathématiques actuelles ? Les limites qu'elle induit ?
la relation des mathématiques avec la réalité : quelle relation les mathématiques abstraites entretiennent-elles avec le monde réel ? Quels sont les liens avec les autres sciences ?
Les mathématiques sont parfois surnommées « reine des sciences ». Cependant, l'expression remonte àCarl Friedrich Gauss :Regina Scientiarum[12] et le motscientiarium signifie en réalité « desconnaissances ».
Censément, les mathématiques utilisent lalogique comme outil pour démontrer desvérités organisées enthéories. Une première analyse laisse espérer qu'une utilisation puissante de cet outil tellement sûr, une réduction toujours plus poussée des bases, lesaxiomes, sur lesquelles s'échafaude l'édifice mathématique, finissent par mener à un corpus de faits incontestables. Plusieurs obstacles se dressent pourtant.
D'une part, en tant qu'activité humaine, les mathématiques s'éloignent du modèle d'une construction suivant scrupuleusement les lois de la logique et indépendante du réel. Citons un fait et un phénomène pour illustrer cela. Tout d'abord, les démonstrations que rédigent les mathématiciens ne sont pas formalisées au point de suivre en détail les lois de la logique, car cela est impossible en un temps raisonnablement court. Comme pour n'importe quelle science, l'acceptation de la véracité d'une démonstration, et donc d'un théorème, reposein fine sur unconsensus de spécialistes au sujet de la validité de l'approximation de démonstration formelle proposée (voirLa Structure des révolutions scientifiques deThomas Samuel Kuhn). L'avènement de l'informatique a cependant changé la donne, au moins marginalement, puisque celle-ci permet de formaliser et de vérifier des démonstrations de plus en plus complexes[13].
Cependant l'activité mathématique est loin de se réduire à la recherche de démonstrations et à la vérification de celles-ci. La confiance que la communauté mathématique place dans un de ses membres qui propose un résultat nouveau intervient dans la réception qu'aura ce résultat, et ce d'autant plus s'il est inattendu ou modifie la façon de voir les choses. On peut prendre pour exemple historique les controverses sur lesgéométries non euclidiennes auXIXe siècle, durant lequel les travaux deLobatchevski ont été largement ignorés ; ou bien, dans un autre ordre d'idée, la difficulté de la réception des travaux du jeune républicainGalois au début du même siècle, notamment parCauchy[14]. La sociologie des mathématiques étudie de tels phénomènes (voirsociologie des sciences).
D'autre part, la solidité même des bases ne peut reposer sur les seules mathématiques. En effet lesthéorèmes d'incomplétude, démontrés parKurt Gödel dans la première moitié duXXe siècle, montrent que, contrairement àce qu'espéraitDavid Hilbert, il est impossible de réduire formellement les bases des mathématiques en un système dont la sûreté se démontre à partir de celles-ci, et cela entraîne que certaines propriétés considérées « vraies » resteront inaccessibles à la démonstration, quels que soient les axiomes choisis.
L'enseignement des mathématiques peut aussi bien désigner l'apprentissage des notions mathématiques fondamentales ou élémentaires de base que l'apprentissage et l'initiation à la recherche (enseignement supérieur des mathématiques). Suivant les époques et les lieux, les choix des matières enseignées et les méthodes d'enseignement changent (mathématiques modernes,méthode de Moore,éducation classique…). Dans certains pays, le choix des programmesscolaires dans l'éducation publique est fait par des institutions officielles. Malgré lescontributions des mathématiciennes à travers les siècles, depuis la fin des années 1990, laNational Science Foundation aux États-Unis note un déclin de la part relative des diplômes de premier cycle octroyés à des femmes en mathématiques ainsi que dans d'autres disciplines des « STGM » (Sciences, technologies, génie et mathématiques)[15]. Plusieurs associations œuvrent pour la promotion des femmes en mathématiques. Aux États-Unis, l'Association for Women in Mathematics est fondée en 1971 parMary Gray,Alice T. Schafer etLenore Blum. En France par exemple, l'organismeFemmes et Mathématiques est soutenue dès sa création en 1987 parHuguette Delavault.
Vers la même époque quelques ouvrages proposaient d'acquérir les mécanismes de résolution par une multitude d'exercices proposés avec leur correction détaillée en regard. En France et pour les mathématiques, il y eut dans le secondaire les ouvrages de Pierre Louquet. Dans le monde anglophone et concernant un grand nombre de disciplines, la série desSchaum's Outlines(en) poursuit ce but.
Aujourd'hui, de nombreuses études permettent de comprendre les facteurs qui ont une influence sur l'enseignement des mathématiques. Des études menées dans des pays industrialisés ont montré que les enfants de parents plus instruits suivent davantage de cours de mathématiques et de sciences dans le deuxième cycle du secondaire et réussissent mieux[17],[18],[19]. D’autres études qui comparent les multiples influences sur les performances des enfants en mathématiques ont constaté que c’est le niveau d’instruction des mères qui a l’effet le plus grand[20],[21],[22]. Il a été montré qu’un statut socioéconomique plus élevé est associé à des scores supérieurs en mathématiques des garçons comme des filles. L’étude PISA 2015 a constaté qu’une augmentation d’une unité de l’indice PISA de statut économique, social et culturel se traduisait par une augmentation de 38 points de score en sciences et de 37 points en mathématiques[17]. Cette augmentation est peut-être liée au fait que les parents fournissent un supplément d’aide à l’apprentissage à l’école et à la maison, avec des attentes scolaires plus élevées, et des convictions moins traditionnelles concernant les rôles de genre et les parcours de carrière dans ces contextes[23]. L’intérêt des enfants pour lesSTIM et leur réussite dans les STIM peuvent aussi être renforcés par les dispositions prises par les parents pour fournir un soutien éducatif, y compris untutorat privé[24].
Une carence d'éducation mathématique induit chez les adolescents des niveaux d'inhibiteurs cérébraux réduits dans une zone clé pour le raisonnement et l'apprentissage. En effet, une étude montre que la pratique des raisonnements mathématiques chez l'adolescent augmente la concentration d'acide γ-aminobutyrique (GABA), unneurotransmetteur inhibiteur, crucial pour laplasticité neuronale, dans legyrus frontal moyen, une zone du cerveau impliquée dans leraisonnement, larésolution de problème, lamémoire et l'apprentissage[25]. SelonRoi Cohen Kadosh(en), professeur de neurosciences cognitives à l’université d'Oxford et un des auteurs de l'étude,« Tous les adolescents n’apprécient pas les mathématiques, nous devons donc rechercher des alternatives possibles, telles que l’entraînement à la logique et au raisonnement qui impliquent la même zone du cerveau que les mathématiques »[26].
La recherche mathématique ne se limite pas qu'à la démonstration desthéorèmes. L'une des méthodes les plus fructueuses de recherche mathématique est la mise en rapprochement de domainesa priori éloignés en mettant en lumière des phénomènes analogues (par exemple, lagéométrie euclidienne et leséquations différentielles linéaires). L'identification de phénomènes analogues peut conduire à vouloir adapter des résultats d'un domaine des mathématiques à un autre, à reformuler des éléments de démonstration en termes équivalents, à tenter uneaxiomatisation d'un objet (par exemple, ce pourrait être la notion d'espace vectoriel) qui regrouperait les deux domaines… Dans ce dernier cas, ce nouvel objet deviendrait alors un objet d'étude par lui-même. Dans certains cas, l'identification d'objetsa priori différents devient nécessaire : le langage des catégories permet de faire ce genre de choses.
Une autre méthode de recherche est la confrontation aux exemples et aux cas particuliers. Cette confrontation peut permettre de réfuter des propriétés qu'on pensait ou espérait être vraies (conjectures). Au contraire, elle peut permettre de vérifier des propriétés ou d'amener à les formaliser. Par exemple, engéométrie riemannienne, l'étude des surfaces (donc des objets endimension 2) et de leursgéodésiques a finalement conduitAnosov à formaliser ledifféomorphisme d'Anosov, une transformation possédant d'intéressantes propriétés dynamiques.
Les mathématiques utilisent un langage qui leur est propre. Certains termes du langage courant, commegroupe,anneau,corps ouvariété peuvent être empruntés et redéfinis pour désigner des objets mathématiques. Mais souvent des termes sont formés et introduits selon les besoins :isomorphisme,topologie,itération… Le nombre élevé de ces termes rend difficile la compréhension des mathématiques par les non mathématiciens.
Les mathématiques entretiennent des rapports particuliers avec toutes lessciences, au sens large du terme. L'analyse de données (interprétation graphique, données statistiques…) fait appel à des compétences mathématiques variées. Mais des outils avancés de mathématiques interviennent dans lesmodélisations.
Toutes lessciences dites dures, à l'exception des mathématiques, tendent à une compréhension du monde réel. Cette compréhension passe par la mise en place d'un modèle, prenant en compte un certain nombre de paramètres considérés comme causes d'un phénomène. Ce modèle constitue un objet mathématique, dont l'étude permet une meilleure compréhension du phénomène étudié, éventuellement une prédiction qualitative ou quantitative quant à son évolution future.
La modélisation fait appel à des compétences relevant essentiellement de l'analyse et des probabilités, mais les méthodes algébriques ou géométriques s'avèrent utiles.
Les mathématiques sont nées d'une volonté de compréhension de l'espace ambiant : la géométrie naît de la modélisation de formes idéalisées, et l'arithmétique des besoins des gestions des quantités.Astronomie etgéométrie se sont longtemps confondues, jusque dans les civilisations islamiques. Les mathématiques et la physique, après s'être différenciées, ont gardé d'étroits liens. Dans l'histoire contemporaine de ces deux sciences, les mathématiques et la physique se sont influencées mutuellement. La physique moderne use abondamment des mathématiques, en faisant une modélisation systématique pour comprendre les résultats de ses expériences :
Cette modélisation peut faire appel à des outils mathématiques déjà développés. Ainsi l'usage des métriques engéométrie différentielle est un outil essentiel sur lequel repose notamment larelativité générale, développée par le mathématicienMinkowski puis par le physicienEinstein. Cet usage est aussi utilisé dans les autres théories post-newtoniennes.
Cette modélisation encourage les mathématiciens à s'intéresser davantage à telle ou telle structure mathématique pour les besoins de la physique.
Un domaine de recherche spécifique, laphysique mathématique, tend précisément à développer les méthodes mathématiques mises à l'usage de la physique.
Le lien étroit entre mathématiques et physique se reflète dans l'enseignement supérieur des mathématiques. L'enseignement de la physique fait appel à des cours de mathématiques pour physiciens ; et il n'est pas rare que les cursus de mathématiques dans les universités incluent une initiation facultative à la physique.
L'essor des techniques auXXe siècle ouvre la voie à une nouvelle science, l'informatique[N 5]. Celle-ci est étroitement liée aux mathématiques, de diverses manières : certains pans de la recherche eninformatique théorique peuvent être considérés comme d'essence mathématique, d'autres branches de l'informatique faisant plutôt usage des mathématiques. Les nouvelles technologies de communication ont quant à elles ouvert la voie aux applications à des branches des mathématiques parfois très anciennes (arithmétique), notamment en ce qui concerne les problèmes de sécurité des transmissions :cryptographie etthéorie des codes.
En contrepartie, les sciences informatiques influencent l'évolution moderne des mathématiques.
L'informatique est également devenue un outil essentiel à l'obtention de nouveaux résultats (un ensemble de techniques connues sous le nom demathématiques expérimentales) et même à la démonstration de certains théorèmes. L'exemple le plus connu est celui duthéorème des quatre couleurs, démontré en 1976 à l'aide d'un ordinateur, car certains des calculs nécessaires sont trop complexes pour être réalisés à la main. Cette évolution bouleverse les mathématiques traditionnelles, où la règle était que le mathématicien puisse vérifier chaque partie de la démonstration. En 1998, laconjecture de Kepler semble avoir également été démontrée partiellement par ordinateur, et une équipe internationale a travaillé depuis sur la rédaction d'une preuve formelle, qui a été achevée (et vérifiée) en 2015.
En effet, si la preuve est rédigée de façon formelle, il devient alors possible de la vérifier à l'aide d'un logiciel particulier, appeléassistant de preuve. C'est la meilleure technique connue pour être (presque) certain qu'une démonstration assistée par ordinateur ne souffre d'aucunbug. En l'espace d'une trentaine d'années, le rapport entre les mathématiciens et l'informatique s'est donc complètement renversé : d'abord instrument suspect à éviter si possible dans l'activité mathématique, l'ordinateur est devenu au contraire un outil incontournable.
Labiologie est grande consommatrice de mathématiques et notamment de probabilités. La dynamique d'une population se modélise couramment par deschaînes de Markov (théorie des processus discrets) ou par deséquations différentielles couplées. Il en va de même pour l'évolution des génotypes : leprincipe de Hardy-Weinberg, souvent évoqué en génétique, relève de propriétés générales sur les processus à temps discret (existence de lois limites). Plus généralement, laphylogéographie fait appel à des modélisations probabilistes. De plus, la médecine use de tests (statistiques) pour comprendre la validité de tel ou tel traitement. Un domaine spécifique de recherche à la frontière de la biologie est né : labiomathématique.
Depuis le début duXXIe siècle, lachimie organique a fait appel à l'informatique pour pouvoir modéliser les molécules en trois dimensions : il s'avère que la forme d'unemacromolécule en biologie est variable et détermine son action. Cette modélisation fait appel à lagéométrie euclidienne ; les atomes forment une sorte depolyèdre dont les distances et les angles sont fixés par les lois d'interaction.
Lesgéologies structurales et climatologiques font appel à des modèles mêlant des méthodes probabilistes et analytiques, pour pouvoir prédire du risque de catastrophe naturelle. La complexité des modèles est telle qu'une branche de recherche est née à la frontière des mathématiques et de lagéophysique, à savoir lagéophysique mathématique. De même, lamétéorologie, l'océanographie et laplanétologie sont grandes consommatrices de mathématiques car elles nécessitent des modélisations.
Lalogique est depuisl'Antiquité l'une des trois grandes disciplines de laphilosophie, avec l'éthique et la physique. Des philosophes commePythagore etThales de Milet ont formalisé les célèbres théorèmesgéométriques portant leur nom. « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre », était-il gravé sur le portail del'Académie dePlaton, pour qui les mathématiques sont un intermédiaire pour accéder au monde desIdées.
Notamment, lesmathématiques financières sont une branche des mathématiques appliquées visant à la compréhension de l'évolution des marchés financiers et de l'estimation des risques. Cette branche des mathématiques se développe à la frontière des probabilités et de l'analyse et use des statistiques.
Beaucoup plus subtil est le cas de l'économie mathématique. Lepostulat fondamental de cette discipline est que l'activité économique peut se comprendre à partir d'un axiome de natureanthropologique, celui de l'acteur individuel rationnel. Dans cette vision, chaque individu cherche par ses actions à accroître un certainprofit, et ce de façonrationnelle. Cette sorte de visionatomiste de l'économie permet à celle-ci de mathématiser relativement aisément sa réflexion, puisque lecalcul individuel se transpose en calcul mathématique. Cette modélisation mathématique en économie permet de percer à jour des mécanismes économiques qui n'auraient pu être découverts que très difficilement par une analyse « littéraire ». Par exemple, les explications descycles économiques ne sont pas triviales. Sans modélisation mathématique, on peut difficilement aller au-delà du simple constat statistique ou des spéculations non prouvées. Toutefois, certains sociologues, commeBourdieu, et même certains économistes, refusent ce postulat de l'homo œconomicus, en remarquant que les motivations des individus comprennent non seulement ledon, mais dépendent également d'autres enjeux dont l'intérêt financier n'est qu'une partie, ou tout simplement ne sont pas rationnelles. Lamathématisation est donc, selon eux, un habillage permettant une valorisation scientifique de la matière.
Cependant une mathématisation des sciences humaines n'est pas sans danger. Dans l'essai polémiqueImpostures intellectuelles,Sokal etBricmont dénoncent la relation, non fondée ou abusive, d'une terminologie scientifique, en particulier mathématique et physique, dans le domaine des sciences humaines. L'étude de systèmes complexes (évolution du chômage, capital d'une entreprise, évolution démographique d'une population…) fait appel à des connaissancesmathématiques élémentaires, mais le choix des critères de comptage, notamment dans le cas du chômage, ou de la modélisation peut être sujet à polémique.
L'écologie utilise également un grand nombre de modèles[31] pour simuler ladynamique des populations, étudier des écosystèmes comme le modèle proie-prédateur, mesurer les diffusions de pollutions[32] ou évaluer les changements climatiques issus du réchauffement[33]. Ces outils permettent de communiquer sur des données chiffrées, pour éventuellement les critiquer ou les confronter entre elles. Se pose alors le problème de la validation de ces modèles, notamment dans le cas où les résultats peuvent influer sur des décisions politiques et où l'existence de modèles contradictoires entre eux permet aux États de choisir le plus favorable à leur décision[34].
Les mathématiques ont entretenu pendant longtemps des liens très étroits avec l'astrologie. Celle-ci, par le biais de thèmes astraux, a servi de motivation dans l'étude de l'astronomie. Des mathématiciens de renom furent également considérés comme des grands astrologues. On peut citerPtolémée, les astronomes de langue arabe,Regiomontanus,Cardan,Kepler, ou encoreJohn Dee. Au Moyen Âge, l'astrologie est considérée comme une science se rangeant dans les mathématiques. AinsiTheodor Zwingler signale dans sa grande encyclopédie, concernant l'astrologie, que c'est une science mathématique traitant du« mouvement actif des corps en tant qu'ils agissent sur d'autres corps » et réserve aux mathématiques le soin de« calculer avec probabilité les influences [des astres] » en prévoyant leurs« conjonctions et oppositions »[35]. Lesthéories astrologiques occidentales contemporaines se targuent de suivre des méthodes scientifiques. En particulier, l'astrologie statistique utilise les tests statistiques pour mettre en évidence d'éventuellescorrélations entre la position des astres et le devenir des êtres humains. Toutefois, ces études initiées parChoisnard etGauquelin, menées à la marge de la recherche scientifique, n'ont, en date de 2009, pas été productives et n'ont réussi à donner aucune preuve recevable d'un lien de cause à effet.
Les mathématiques sont aussi une composante de l'ésotérisme. Très fréquemment, les mathématiciens eux-mêmes ont été tentés de trouver dans la figure ou le nombre un sens caché servant de clé dans la découverte du monde. Dans l'école pythagoricienne, chaque nombre a une signification symbolique et le serment des initiés se serait énoncé devant unetretraktys[36]. De mêmePlaton ne se contente pas d'énumérer lessolides qui portent son nom il attribue à chacun d'eux une nature (eau, terre, feu, air, univers)[37]. L'arithmosophie, lanumérologie, lagématrie, l'arithmancie tentent, à travers des calculs sur les nombres, de trouver des significations cachées à des textes ou d'en extraire des propriétés prédictives. On retrouve cette fascination pour le nombre et la figure encore de nos jours où certains attribuent des vertus cachées à unpentacle ou unnombre d'or.
Page couverture duTraité de l’harmonie réduite à ses principes naturels deJean-Philippe Rameau.
Les notes qui sonnent bien ensemble à une oreille occidentale sont des sons dont lesfréquences fondamentales de vibration sont dans des rapports simples.Par exemple, l'octave est un doublement de fréquence, laquinte une multiplication par3⁄2.
Ce lien entre les fréquences et l'harmonie a été notamment détaillé dans leTraité de l'harmonie réduite à ses principes naturels deJean-Philippe Rameau[39], compositeur baroque français et théoricien de la musique. Il repose en partie sur l'analyse desharmoniques (notées 2 à 15 dans la figure suivante) d'un son fondamental Do grave (noté 1), les premières harmoniques et leurs octaves sonnant bien entre elles.
Les harmoniques sur une portée.
Si la courbe tracée en rouge, qui suit les notes harmoniques, a une allurelogarithmique, cela correspond au rapport entre deux phénomènes :
d'une part, la représentation de la hauteur d'un son par notresystème auditif qui est proportionnelle au logarithme de lafréquence du son (une fréquence double correspond toujours à la même « distance sonore » appeléeoctave) ;
d'autre part, les fréquences harmoniques qui sont des multiples entiers de la fréquence fondamentale.
Fractale possédant une symétrie d'échelle et une symétrie centrale.
Les Occidentaux associent une certainebeauté aux figures symétriques. Unesymétrie d'une figure géométrique est, intuitivement, l'existence d'un motif de la figure qui se répète suivant une règle précise, tout en étant partiellement transformé. Mathématiquement, une symétrie est l'existence d'une action non triviale d'ungroupe, très souvent parisométrie, c'est-à-dire qui préserve les distances sur la figure. En d'autres termes, l'intuition de la règle est mathématiquement réalisée par le fait que c'est un groupe qui agit sur la figure, et le sentiment qu'une règle régit la symétrie est précisément dû à la structure algébrique de ce groupe.
Par exemple, le groupe lié à la symétrie miroir est legroupe cyclique à deux éléments, ℤ/2ℤ. Untest de Rorschach est une figure invariante par cette symétrie, de même qu'unpapillon et plus généralement le corps des animaux, du moins en surface. Lorsqu'on dessine la surface de la mer, l'ensemble des vagues possède une symétrie par translation : bouger notre regard de la longueur séparant deux crêtes de vagues ne change pas la vue que l'on a de la mer. Un autre cas de symétrie, cette fois non isométrique et presque toujours seulement approximative, est celui présenté par lesfractales : un certain motif se répète à toutes les échelles de vision.
Lavulgarisation mathématique a pour objectif de présenter les mathématiques en un langage dénué de termes techniques. Comme l'objet d'étude des mathématiques n'a pas de réalité physique, la vulgarisation use souvent d'un vocabulaire imagé, et de comparaisons ou analogies non rigoureuses, pour faire sentir l'idée des développements mathématiques. Parmi les ouvrages qui se fixent ce but, citonsOh, les maths deYakov Perelman etLe livre qui rend fou deRaymond Smullyan. Toutefois, les mathématiques font rarement l'objet de vulgarisation dans des journaux écrits ou télévisés.
La revueTangente, l'aventure mathématique est le principal magazine de vulgarisation mathématique édité en France.
La revueAccromαth[40] est soutenue par l'Institut des sciences mathématiques et leCentre de recherches mathématiques deMontréal. Elle s'adresse principalement aux élèves et enseignants d'école secondaire et decégep et est distribuée gratuitement auQuébec.
La revue en ligneDélibéré publie chaque semaine depuis décembre 2015 la chronique mathématique de Yannick Cras intitulée « Le nombre imaginaire »[41].
La revueQuadrature[42] éditée chaque trimestre s'adresse aux enseignants, étudiants, ingénieurs et amateurs de mathématiques. Le niveau des articles est variable et certains sont accessibles dès la terminale scientifique ou la première année de licence. Les auteurs sont des mathématiciens, mais aussi des enseignants et des étudiants.Quadrature est éclectique : certains articles présentent des mathématiques toutes récentes, tandis que d’autres donnent un nouveau point de vue sur des sujets traditionnels ou encore ressuscitent des questions de géométrie ancienne.
Si nombre de biographies portent sur les mathématiciens, les mathématiques sont un thème certes peu exploité dans la littérature ou la filmographie, mais présent.
Théâtre et matière, Les moteurs de représentation, Jacques Baillon, L'Harmattan, 2002
Le Théâtre de sciences, Michel Valmer, CNRS Éditions, 2006
Science on stage, fromDr Faustus to Copenhagen, Kirsten Sheperd-Barr,Princeton University Press, 2006.
Le Modèle scientifique dans le théâtre de Tom Stoppard, Liliane Campos, dansEpistémocritique, Revue d'études et de recherches sur la littérature et les savoirs,vol. II, 2008
L'île logique, théâtre et clowns sur la logique, les mathématiques et la physique théorique (CNRS, école Polytechnique), Cédric Aubouy. 2008.
↑Maryam Mirzakhani, connue pour ses travaux en topologie et en géométrie (notamment en géométrie des surfaces de Riemann), est la seule femme récipiendaire de la médaille Fields (13 août 2014).
↑Lors de sa tentative révolutionnaire d’affronter le dernier théorème de Fermat,Sophie Germain démontre le théorème qui porte son nom – lethéorème de Sophie Germain.
↑Ada Lovelace, dans les années 1840, est connue pour avoir conçu le premier programme informatique au monde, en collaboration avecCharles Babbage
↑Simpkins, S. D., David-Kean, P. et Eccles, J. S., « Math and science motivation: A longitudinal examination of the links between choices and beliefs. »,Developmental Psychology,vol. 42,no 1,,p. 70-83(DOI10.1037/0012-1649.42.1).
↑Déchiffrer le code : L’éducation des filles et des femmes aux sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM), Paris, UNESCO,(ISBN978-92-3-200139-9,lire en ligne),p. 47.
↑Déchiffrer le code : L'éducation des filles et des femmes aux sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM), Paris, UNESCO,(ISBN978-92-3-200139-9,lire en ligne).
↑Dictionnaire en économie et science sociale, Ed.Nathan Paris, dictionnaire Larousse en 3. vol, Paris. Les définitions des cycles sont nombreuses, entre autres, en sciences: évolution de systèmes qui les ramènent à leur état initial ou, en sociologie, mouvement(s) récurrent(s) d'activité(s) politique(s) et économique(s).
↑Voir par exemple Anne Laurent, Roland Gamet, Jérôme Pantel,Tendances nouvelles en modélisation pour l'environnement, actes du congrès «Programme environnement, vie et sociétés» 15-17 janvier 1996, CNRS
↑Nicolas Bouleau,Philosophie des mathématiques et de la modélisation : Du chercheur à l'ingénieur, l'Harmattan,,p. 282-283