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En architecture, unmascaron oumasque, est unornement représentant généralement unmasque, unefigure humaine, parfois effrayante, à la fonctionapotropaïque : sa fonction originale était d'éloigner les mauvais esprits afin qu'ils ne pénètrent pas dans la demeure. Ils sont souvent apposés sur uneclé d'arc de fenêtre ou de porte ou sur unlinteau, ou unmodillon. Certains mascarons apposés sur unefontaine crachent de l'eau en jet.
Actuellement, le terme mascaron est devenu un terme générique. Mais auXVIIIe siècle, les hommes de l'art distinguent les mascarons des masques. Ainsi, en 1791, selonAugustin-Charles d'Aviler :
« Le masque : c'est une tête d'homme ou de femme, sculptée à la clef d'une arcade. Il y en a qui représentent des Divinités, desSaisons, les Éléments, les Âges, les Tempéraments avec leurs attributs, comme on en voit auchâteau de Versailles du côté du jardin, à la colonnade. »
« Le mascaron […] est une tête chargée ou ridicule, faite à fantaisie, comme unegrimace, qu'on met aux portes, grottes, fontaines […] Ce mot vient de l'italienmascharone, fait de l'arabemascara, bouffonnerie. »
Malgré l'étymologie discutable[1], ces définitions ont le mérite d'expliciter une différence de fond entre le mascaron et le masque. Le mascaron est une bouffonnerie, une caricature qu'il faut réserver à des ouvrages secondaires. Le masque est une décoration de bon goût sur la façade d'unhôtel particulier, d'un palais. L'Académie royale d'architecture édicta des recommandations en conformité avec ces définitions.
Toutefois, dans la pratique, masques et mascarons finiront par se fondre dans la fonction commune de décoration et de divertissement des passants[2].
L'Antiquité utilise les représentations d'un visage pour chasser lemauvais œil. Ainsi des masques grotesques ou hideux figurent sur les temples, les tombeaux, les cuirasses et lesjambières des guerriers, les marteaux des portes, la vaisselle, les meubles et tous les objets du quotidien.
Cette protection est le premier sens de laMéduse, une des troisGorgones de lamythologie grecque.Persée, armé d'un bouclier, dont l'intérieur servait de miroir pour éviter d'être pétrifié par le regard du monstre, et d'une épée offerte parHermès, put trancher la tête de Méduse. Du sang qui jaillit de son cou émergèrentChrysaor etPégase, tous deux conçus par Poséidon. Persée offrit la tête de Gorgone àAthéna. Elle en orna son bouclier, l'égide, qui la protégea en conservant ce redoutable pouvoir. Le masque de la Méduse qui décore l'architrave du temple deDidymes, destiné à effrayer les ennemis d'Apollon, est stylisé afin d'être perçu de loin et permettre des jeux d'ombre et de lumière. Ainsi ce masque préfigure un souci d'esthétisme qui supplantera peu à peu la simple fonction protectrice[3].
Le culte deJanus, le dieu des passages et des commencements dans le temps et l'espace, considère son double visage comme un masque protecteur. Ainsi Janus garde les portes des villes et le seuil des maisons.[réf. nécessaire]
L'aspect décoratif se retrouve dans lesmasques duthéâtre. Les manifestations théâtrales sont initialement une cérémonie sacrée liée au culte deDionysos. Ainsi lethéâtre de Dionysos est le plus important des théâtres de laGrèce antique, considéré comme le berceau duthéâtre grec antique et de latragédie. Il est situé sur le versant sud de l'acropole d'Athènes. Les grandes fêtes desDionysies s'y tenaient chaque année en l'honneur de Dionysos. Il s'agissait initialement de chants rituels, de danses et de sacrifices rituels résultant dereprésentations théâtrales. Lors des Grandes Dionysies, on consacre les masques dans le temple du dieu. Ces cérémonies sacrées se traduisent dans des frises décoratives représentant le visage de Dionysos (Bacchus), celui desMénades (Bacchantes chez les Romains),Satyres,Silènes etPapposilènes, le tout dans des guirlandes de feuillages et de fruits, décorant des édifices religieux.
L'Empire romain reprend ces éléments décoratifs.
DansAphrodisias, une cité antique deCarie (actuelleTurquie), enAsie Mineure, les sculpteurs imprégnés de l'art hellénistique réalisent des visages réalistes.

Les artistes de laRenaissance relisent les mythes de l'Antiquité païenne qui leur donnent de nouveaux sujets de production. Les découvertes archéologiques (groupe du Laocoon), comme les fouilles desthermes de Caracalla par lesFarnèse, inspirent les sculpteurs et les architectes desXVe et XVIe siècles. Lavilla de l'empereur Hadrien ou encore lePanthéon de Rome offrent des modèles de construction radicalement différents dustyle gothique. Les formes de l'Antiquité reviennent à la mode :colonnes,pilastres,frontons,coupoles, statues décorent les édifices de cette époque.
AuQuattrocento, les dernières influences gothiques tendent à disparaître ; il faut attendre le début duXVIe siècle pour que les têtes décoratives de l'Antiquité reprennent leur place sous forme de mascarons.
Le terme français « mascaron » a pour origine le motitalienmascherone, qui désigne un ornement en forme de masque qui décore les façades.
Cette mode arrive en France avec lesguerres d'Italie. Les ItaliensRosso Fiorentino (né àFlorence en 1494, mort àFontainebleau en 1540) etLe Primatice (né àBologne en 1504 et mort à Paris en 1570) viennent travailler à Fontainebleau pour le roi de FranceFrançoisIer. Rosso, qui a travaillé en Italie jusqu'ausac de la ville de Rome en 1527, maîtrisait la technique dustuc. Le Primatice avait collaboré dansMantoue avecGiulio Romano.
Fontainebleau est alors un centre artistique en pleine effervescence. Une vaste équipe d’artistes œuvre à la décoration duchâteau de Fontainebleau et en particulier de la galerie FrançoisIer. Les artistes réalisent des œuvres originales en se démarquant des maîtres,Raphaël ouGiovanni da Udine. Les mascarons traités en quasironde-bosse, présentent ainsi un relief accentué qui renforce leur expressivité.

Sous le roiHenri II, à Paris, l'hôtel Carnavalet, construit entre 1548 et 1560 pourJacques de Ligneris, présente des masques disposés sur uneclé d'arc. AvecPierre Lescot etJean Goujon, le mascaron vient décorer les façades de la cour carrée dupalais du Louvre.
Les publications deJacques Androuet du Cerceau, dontLes Plus Excellents Bastiments de France, participent à la diffusion des mascarons à travers le royaume. LeXVIIIe siècle généralise les mascarons comme àParis,Versailles,Bordeaux,Nancy ouNantes…
Le mascaron rivalise avec lebas-relief.Louis Le Vau utilise ce dernier en table à l'antique comme au-dessus de la porte d'entrée de l'hôtel Hesselin en 1640. Bullet orne l'hôtel particulier qu'il construit pourAmelot de Chaillou de médaillons en bas-relief. Mais ce décor ne s'impose pas, les mascarons prédominent. SousLouis XIV, l'Académie royale d'architecture s'interroge sur le bien-fondé de l'utilisation des mascarons dans les décors des façades, ces derniers sont finalement acceptés[4].
ÀBordeaux, les premiers mascarons font leur apparition vers la fin duXVIe siècle. Le maître maçonHenri Roche les utilise aux angles des fenêtres de ses hôtels ; l'hôtel de Laubardemont et l'hôtel Martin[5]. Puis les grands travaux de l'intendantTourny, auXVIIIe siècle, diffusent les mascarons dans toute la ville.Ange-Jacques Gabriel les place de façon systématique pour les façades de laplace de la Bourse. Il est suivi parAndré Portier pour les façades des quais.
Les façades bordelaises présentent plus de 3 000 « visages de pierre ». Les inspirations sont multiples : aux traditionnelsNeptune etBacchus s'ajoutent des animaux fantastiques, des figures féminines, des visages du carnaval, des anges, des fauves[6]… Mais les mascarons reflètent aussi l'histoire de la ville avec, par exemple, la reproduction de visages africains en référence auxtraites négrières qui participèrent à la richesse de Bordeaux avec lecommerce triangulaire, la reproduction des symboles de lafranc-maçonnerie, la reproduction de l'étoile de David pour les hôtels particuliers appartenant à la communauté juive.
L'écrivain bordelaisMichel Suffran évoque[réf. nécessaire]« une ville entière de masques » et un« théâtre chimérique ».
L'apparition des mascarons àNancy correspond à l'arrivée de laRenaissance enLorraine ducale, ainsi que celle d'artistes italiens. La majorité des édifices desXVIIe et XVIIIe siècles arborent des mascarons. Les plus connus sont ceux des bâtiments entourant la célèbreplace Stanislas ; ces mascarons, plus ou moins grotesques, sont tous différents.
Les mascaronsnantais se retrouvent essentiellement à l'île Feydeau[7] et auquai de la Fosse.
Cette ville n'est pas en reste pour ce qui est des mascarons. Il y en a un peu partout sur les façades des immeubles du centre-ville mais ce qui est exceptionnel et probablement unique en France, c'est l'immeuble aux têtes[8]. Construit en 1853 et situé sur laplace Jean-Jaurès, ce bâtiment porte sur ses trois façades et son portail pas moins de 67 mascarons de belle taille. Respect de la mixité étonnant à cette époque, il y a autant de mascarons féminins que de mascarons masculins et puisque le nombre est impair le dernier est un lion. Ce qui remarquable également c'est qu'il n'y a pas deux mascarons identiques.
Ci-dessous, la photo reconstituée de la façade de la place Jean-Jaurès où l'on trouve un mascaron au-dessus de chacune des dix-sept fenêtres sur trois étages.
