Maryam,Mariam, ouMeryem (enarabe :مريم), est la mère deʿĪsā, c'est ainsi qu'est appeléJésus dans leCoran et la tradition musulmane. Maryam est la formearaméenne du nom « Marie », alors que Myriam en est la forme enhébreu. À la suite duNouveau Testament, l'islam professe la conception virginale de Jésus/ʿĪsā en son sein. Elle est la seule femme nommément citée dans le Coran et la dix-neuvièmesourate porte son nom[1]. Elle est d'ailleurs citée plus souvent dans le Coran que dans le Nouveau Testament. Le prénom Maryam est courant parmi les musulmanes.
Pour Mourad, « Par conséquent, si l’on suppose que le Coran reflète bien le milieu religieux du prophète Mahomet et son mouvement, ils étaient alors en contact avec des groupes chrétiens qui utilisaient, entre autres sources, l’Évangile de Luc ou leDiatessaron et le Protevangile de Jacques. Ceci, à mon avis, va dans une direction: ces groupes chrétiens doivent avoir observé un type de christianisme dominant et ne pouvaient pas être des chrétiens hérétiques »[8]. En outre, après avoir critiqué la non-fiabilité desexégètes musulmansmédiévaux, l'auteur ajoute : « ils n'étaient pas désireux de comprendre exactement la forme de christianisme avec laquelle le prophète Mahomet était entré en contact, probablement par crainte qu'une telle enquête n'implique de leur part l'acceptation d'une influence chrétienne sur Mahomet, le Coran et la religion de l’islam, ce qui devenait graduellement de plus en plus inacceptable dans le discours islamique »[8].
Le Coran fait référence à Maryam comme faisant partie de la maison d'Imran (en hébreuAmram). L'interprétation religieuse est que Maryam est la fille d'Imran[Note 2], dont le nom a été donné à une sourate « la famille d'Imran » dans le Coran[Note 3]. Pour autant, il n'est pas certain, le nom donné au père de Marie par les traditions chrétiennes étantJoachim, que Marie, fille d'Imran soit aussi Marie, mère d'ʿĪsā[8]. A l'inverse, il n'est pas non plus sûr que l'expression « fille de » doit être comprise dans son sens premier. Il est possible que ce soit une notion de descendance et qu'Imran soit le Amran biblique (père de Moïse)[8].
Celui-ci est considéré par les musulmans comme l'un des hommes vertueux présents à Jérusalem à cette époque. La femme d'Imran[Note 4], la mère de Maryam, porte le nom de Hannah (l'équivalent arabe d'Anne), fille de Fanqudh[Note 5]. Elle est également honorée par les musulmans comme femme très vertueuse, à l'instar de sa fille.
Le Coran qualifie Maryam de fille d'Imram[Note 6] et également de sœur d'Aaron[Note 7] ;Aaron,Moïse et Myriam sont d'ailleurs dans la Bible les enfants d'Amram. Il existe ainsi dans le texte coranique une confusion entre ces deux personnages[1]. Pour Gilliot et Mourad, cette identification à Aaron, frère de Moïse, a été établie pour mettre en avant le lignage de Marie puisque c'est en raison de son ascendance aaronique qu'elle peut servir dans leTemple[10],[8]. L'enracinement de l’islam dans l’histoire dans un milieu d'origine syro-araméen et hébréo-chrétien, où le rapprochement entre les « deux Marie » était connu, donne une autre explication à cette assimilation[11].
De fait, il existe une tradition decommentaires bibliques pré-chrétiens qui attribuaient un rôle salvifique à Mariam-Myriam, sœur d'Aaron[12] ; « Après le trépas de Moïse, lamanne cessa de descendre sur les fils d’Israël, et ils commencèrent alors à manger les fruits du pays. Tels furent les trois dons que Dieu fit à son peuple à cause des trois personnages : le puits d’eau de Mara en faveur deMyriam ; la colonne de nuée en faveur d’Aaron ; et la manne en faveur deMoïse. Mais une fois disparus les trois [personnages], ces trois [présents] furent retirés [aux fils d’Israël] »[Note 8]. On retrouve cette tradition chez leschrétiens de Perse, souvent d'origine hébréo-chrétienne[Note 9] ou dans lalittérature rabbinique[13].
La tradition exégétique musulmane était, dès ses débuts, consciente de cette confusion. Elle tenta donc de la justifier, soit par la ressemblance entre les deux figures, soit en inventant un Aaron, frère de Marie, inconnu de la Bible. Enfin, certains commentateurs s'en tiennent à la lettre et identifient les deux personnages comme la même personne[1]. Les confusions des exégètes médiévaux sont multiples puisque Suleiman Mourad, dans une étude sur Marie dans le Coran, remarque qu'al-Tabari, selon l'autorité d'Ibn Ishaq, reconstruit la généalogie d'Imran en copiant la généalogie de Joseph donné par l'évangile selon Mathieu[8].
Le Coran décrit Maryam comme la troisième d'une Trinité faisant référence à laTrinité chrétienne. Cette lecture peut être liée à des hérésies chrétiennes mariolâtres ou à une mauvaise compréhension de la Trinité[14]. Dans ces courants, Marie était associé auSaint-Esprit[1].
La naissance de Maryam est relatée dans la troisième sourate du Coran. Lalittérature islamique(en) raconte qu'Imran et Hannah étaient âgés et sans enfants, mais qu'un jour, la vue d'un oiseau sur un arbre donnant la becquée à son petit suscita le désir d'un enfant dans le cœur de Hannah. Elle priaAllah de satisfaire à son désir d'enfant et s'engagea à vouer l'enfant au service d'Allah, si sa prière était réalisée[Note 10]. Elle pria que son enfant soit protégé de Satan, et latradition islamique rapporte unhadith qui affirme que les seuls enfants nés sans le contact de Satan étaient Maryam et ʿĪsā[Note 11]. Le récit de sa naissance est semblable à celui d'apocryphes comme leDe nativitate Maria appeléProtévangile de Jacques[14].
Le Coran dit que Maryam grandit en prière dans le temple. Elle était confiée au prophète Zechariah (Zacharie dans la Bible). Chaque fois que Zechariah entrait dans la chambre de Maryam, il trouvait auprès d'elle de la nourriture. Il lui demandait d'où cela provenait, et elle répondait qu'Allah donne de la nourriture à qui Il veut sans compter[1],[Note 12].
Des érudits de l'islam ont débattu pour savoir si la nourriture que recevait Maryam avait une origine miraculeuse ou bien normale. Les tenants de l'origine surnaturelle de cette nourriture avancent que si cette nourriture avait une origine naturelle, Zechariah, étant prophète, aurait su que la nourriture vient habituellement d'Allah par des voies naturelles, et n'aurait pas posé de question. Ce rôle de la nourriture se retrouve déjà dans leprotévangile de Jacques[14].
Le Coran reprend le récit chrétien de l'Annonciation et de la fécondation miraculeuse de Marie par le Saint-Esprit[1]. Selon la littérature islamique,Gabriel apparut à Maryam, qui était encore jeune, sous la forme d'un bel homme au visage lumineux, et lui annonça la naissance de ʿĪsā. Après son étonnement immédiat, elle fut rassuré par la réponse de l'ange, qui lui dit que tout était possible à Allah[15]. À d'autres endroit, l'Esprit insufflant la fécondation à Marie est le Verbe de Dieu (Kalima), équivalant au Logos chrétien. La sourate 3, au verset 59, créé un parralélisme entre cette création d'ʿIsa et celle d'Adam, analogie déjà présente dans les textes d'Ephrem de Nisidie[1].
Les commentateurs du Coran remarquent dans le verset de la sourate 3 que Maryam était proche d'être une femme parfaite et qu'elle était dépourvue de presque toute imperfection[15]. Bien que l'islam révère de nombreuses femmes, dontKhadidja etFatimah, la femme et la fille de Mahomet, nombre de commentateurs[Note 13] interprètent ce verset dans un sens absolu, et affirment que Maryam fut la meilleure femme de tous les temps. D'autres commentateurs, cependant, tout en maintenant que Maryam est la « reine des saints », ont interprété ce verset comme indiquant que Maryam fut la meilleure femme de tous les temps, et que Fatimah et Khadidja furent aussi vertueuses qu'elle[16].
Le Coran raconte la naissance virginale de ʿĪsā dans les sourates 3 et 19. Le récit le plus détaillé est dans la sourate 19, versets 17 à 34. L'exégèse dit qu'elle eut lieu peu après l'annonciation. Le récit de la naissance virginale de ʿĪsā est assez différent de son équivalent du Nouveau Testament[Note 14]. Le Coran dit que Maryam était au milieu du désert et que les douleurs de l'enfantement commencèrent alors qu'elle était sous un palmier. Maryam pleura de douleur et se tint au palmier. À ce moment elle entendit une voix qui venait d'en dessous d'elle. Certains estiment que cela fait référence à ʿĪsā qui était encore dans son sein. Cette voix lui disait de secouer le palmier pour en faire tomber des dattes, et de les manger pour être apaisée. Le Coran continue en disant que Maryam fit le vœu de ne pas parler à un homme durant ce jour, car Allah allait faire parler ʿĪsā dans son berceau, son premier miracle. Maryam apporta l'enfant ʿĪsā au temple, où tous les hommes commencèrent à se moquer d'elle, excepté Zechariah, qui croyait en la naissance virginale de ʿĪsā clairement confirmée dans la sourate 21, verset 91. Les Juifs accusèrent Maryam, est-il raconté, d'avoir eu une relation sexuelle hors mariage. C'est alors que ʿĪsā, dans son berceau, parla et prophétisa[Note 15].
Le récit de la naissance sous le palmier, proche du récit contemporain de l'apocrypheÉvangile du pseudo-Matthieu, s'inspire de la mythologie grecque et en particulier de l'accouchement deLeto, donnant naissance àApollon. Pour Mourad, cette référence aux récits grecs doit être apparu dans un groupe chrétien, ancien adorateur d'Apollon. Il pourrait s'agit des chrétiens de Najran[8].
Les traditions islamiques rapportent que Mahomet protégea laVierge à l'Enfant de la Kaaba, lorsqu'il fit nettoyer le sanctuaire de ses idoles et des images divines. Cet épisode illustre la position particulière de Marie et de Jésus pour l'Islam[1]. Selon Michael Marx, le respect à l'égard de Marie renforce l'image positive de Jésus dans le Coran[7].
↑Rachid Lazrak,Jésus : Une grande figure biblique du Coran, Paris/Casablanca (Maroc), L'Harmattan et La Croisée des chemins,, 309 p.(ISBN978-2-343-16831-9,lire en ligne),p. 24.
↑Par exemple, en s.66:12 : « Et Maryam , fille de ‘Imrân , qui se garda vierge, en laquelle Nous insufflâmes [un peu] de notre Esprit… » ; ou en s.3:35-36 : « Quand la femme de ‘Imrân dit : Seigneur ! Oui, je voue à Toi ce qui [est] dans mon ventre mu h arrar 2 ; accepte-le de moi ! Oui, Tu es Celui qui entend, l’Omniscient. Quand elle eut mis [sa fille au monde], elle s’écria : … Je la nomme Maryam . »
↑Par exemple, en dans S.19:28 : « Ô sœur d’Aaron, ton père n’était pas un homme indigne, ni ta mère une prostituée. »
Les noms en italique ne sont pas cités directement dans leCoran mais il leur fait allusion. On retrouve cependant leurs noms dans des récits (hadîth) de latradition islamique pour la plupart.