La reineVictoria rend visite au bébé peu après sa naissance, écrivant qu'elle est « très belle, avec de beaux traits et une grande quantité de cheveux ». Elle est baptisée en la chapelle royale du palais de Kensington le 27 juillet 1867 parCharles Thomas Longley, archevêque de Canterbury. Elle est surnommée May par sa famille[1].
Elle grandit au palais de Kensington et auWhite Lodge àRichmond Park, qui est accordé à sa famille par la reine Victoria en prêt permanent. L'éducation de Mary est « joyeuse mais assez stricte»[2]. Elle est l'aînée de quatre enfants et la fille unique, et « a appris à exercer sa discrétion, sa fermeté et son tact » en résolvant les querelles de ses trois jeunes frères,Adolphe,Francis etAlexandre[3]. Ils jouent souvent avec leurs cousins, les enfants du prince de Galles, qui ont le même âge[4]. Elle est éduquée à la maison par sa mère et sa gouvernante, tout comme ses frères jusqu'à ce qu'ils soient envoyés dans des internats[5]. La duchesse de Teck passe un temps inhabituellement long avec ses enfants pour une femme de son époque et de sa classe, et enrôle Mary dans diverses activités caritatives[6]. Mary parle couramment l'anglais, l'allemand et le français.
Mary, à droite, avec ses frères et sa mère.
Bien que sa mère soit la petite-fille du roi George III, Mary est un membre secondaire de lafamille royale britannique. Son père, issu d'un mariage morganatique, sans héritage ou patrimoine, n'a droit qu'au titre d'Altesse sérénissime[7]. Le Parlement accorde cependant à la duchesse de Teck une pension annuelle de 5 000 £, qui reçoit en outre 4 000 £ de sa propre mère[8], mais elle fait don généreusement à des dizaines d'organismes de bienfaisance. Malgré cela, la famille est très endettée et se rend à l'étranger pour faire des économies en 1883. Les Teck voyagent alors à travers l'Europe, visitant leurs divers parents et séjournant àFlorence, où la princesse Mary peut apprécier et visiter les galeries d'art, les églises et les nombreux musées[9].
En 1885, les Teck reviennent à Londres et s'installent à Chester Square. Mary est proche de sa mère et lui sert de secrétaire non officielle, aidant à organiser les réceptions et les événements sociaux. Mary est aussi proche de sa tante, la grande-duchesse de Mecklembourg-StrelitzAugusta de Cambridge, à qui elle écrit chaque semaine. Pendant laPremière Guerre mondiale, la princesse héritière de SuèdeMargaret de Connaught fait parvenir ses lettres à sa tante qui habite en Allemagne[10].
En 1886, Mary commence sa première saison et est présentée à la cour. Son statut de seule princesse britannique célibataire ne descendant pas de la reineVictoria en fait une prétendante appropriée pour le princeAlbert Victor, duc de Clarence, fils aîné duprince de Galles. Albert Victor et Mary sont cousins : Mary est la petite-fille d'Adolphe de Cambridge, frère d'Édouard-Auguste de Kent, le père de la reine Victoria, qui est la grand-mère d'Albert Victor.
Le 3 décembre 1891 àLuton Hoo, alors résidence de campagne de l'ambassadeur danois Christian Frederick de Falbe, Albert Victor demande Mary en mariage, ce qu'elle accepte. Le fait que la reine Victoria et Mary possèdent le même caractère et le même sens du devoir n'est sans doute pas étranger à ce choix. Cependant, Albert Victor meurt de pneumonie six semaines plus tard[11]. La reine Victoria continue cependant d'appuyer la princesse Mary comme candidate convenable pour épouser un futur roi et elle favorise le projet deGeorge, frère du prince défunt, d'épouser Mary[12]. Bien que ce soit en grande partie un mariage arrangé, Mary et George tombent bientôt profondément amoureux. George n'a semble-t-il jamais pris de maîtresse et, chaque fois qu'ils sont séparés par les circonstances, il écrit à Mary presque tous les jours.
Devenue duchesse d'York, elle réside avec son époux àYork Cottage, une maison du domaine royal deSandringham dans le Norfolk. Ils jouissent aussi d'une résidence dans les appartements dupalais Saint James à Londres. Ce cottage est une demeure modeste pour la royauté, mais elle est la préférée du duc d'York, qui aime mener une vie simple[13]. Le couple a six enfants :Edouard,Albert,Mary,Henry,George, etJohn.
Les enfants sont confiés à une nourrice, selon l'usage des familles de la classe supérieure de l'époque. La première nourrice est licenciée pour insolence et la seconde pour avoir maltraité les enfants. Cette deuxième femme, soucieuse de montrer que les enfants la préfèrent à n'importe qui d'autre, pince Edouard et Albert à chaque fois qu'ils sont sur le point d'être présentés à leurs parents afin qu'ils se mettent à pleurer et lui soient rapidement rendus. Elle est remplacée par son assistante Charlotte Bill, efficace et très appréciée[14].
Mary et George semblent avoir été parfois des parents distants. Au début, ils ne remarquent pas les mauvais traitements infligés par la nourrice aux jeunes princes Edouard et Albert[15], et leur plus jeune fils, le prince John, est confiné dans la propriété de Sandringham aux soins de Charlotte Bill pour que le public ne découvre pas son épilepsie. Malgré son image publique austère, Mary est toutefois une mère attentionnée qui enseigne l'histoire et la musique à ses enfants et qui les réconforte lorsqu'ils souffrent de la stricte discipline de son mari.
Edouard écrit affectueusement à propos de sa mère dans ses mémoires :« Sa voix douce, son esprit cultivé, sa chambre confortable débordant de trésors personnels étaient tous des ingrédients inséparables du bonheur associé à cette dernière heure de la journée d'un enfant… Telle était la fierté de ma mère dans ses enfants que tout ce qui arrivait à chacun de nous était de la plus haute importance pour elle. À la naissance de chaque nouvel enfant, Maman commençait un album dans lequel elle enregistrait minutieusement chaque étape progressive de notre enfance »[16]. Il exprime cependant un point de vue moins charitable dans des lettres à sa femme après la mort de sa mère :« Ma tristesse était mêlée d'incrédulité qu'une mère ait pu être si dure et si cruelle envers son fils aîné pendant tant d'années et pourtant si exigeante et sans relâche à la fin. J'ai bien peur que le sang dans ses veines ait toujours été aussi froid qu'il l'est maintenant dans la mort. »[17].
En tant que duc et duchesse d'York, George et Mary exercent diverses fonctions publiques. En 1897, elle succède à sa mère en tant que marraine de la London Needlework Guild.
Le, la reine Victoria meurt. Albert devient le roiÉdouard VII. Pendant huit mois, le couple, connu désormais par le titre de duc et duchesse de Cornouailles, parcourt l'Empire britannique, visitant Gibraltar, Malte, l'Égypte, Ceylan, Singapour, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'île Maurice, l'Afrique du Sud et le Canada. Aucune personnalité royale n'avait entrepris une tournée aussi ambitieuse auparavant. Avant son départ, Mary fond en larmes à l'idée de laisser ses enfants, qui sont confiés à leurs grands-parents, pendant si longtemps[18]. À leur retour le, George est crééprince de Galles. La famille déménage sa résidence londonienne dupalais Saint James àMarlborough House.
Mary accompagne son mari lors de voyages en Autriche-Hongrie et dans le Wurtemberg en 1904. À partir d'octobre 1905, le prince et la princesse de Galles entreprennent une autre tournée de huit mois, cette fois-ci en Inde, et les enfants sont à nouveau confiés à leurs grands-parents[19]. Ils traversent l'Égypte à l'aller et au retour et s'arrêtent en Grèce au retour. La tournée est presque immédiatement suivie d'un voyage en Espagne pour le mariage d'Alphonse XIII et deVictoire-Eugénie de Battenberg. Une semaine seulement après leur retour en Grande-Bretagne, Mary et George se rendent en Norvège pour le couronnement du beau-frère et de la sœur de George,Haakon VII etMaud de Galles[20].
Édouard VII souhaite que son fils soit préparé à son futur rôle, à la différence de sa mère la reine Victoria qui l'avait tenu à l'écart des affaires de l'État. Cependant, le prince de Galles n'est pas doté de grandes qualités intellectuelles et Mary l'aide à s'initier à son futur métier de roi.
Portrait de couronnement de la reine Mary, réalisé en 1911.
Le, Édouard VII meurt et le prince de Galles devient roi du Royaume-Uni. La nouvelle reine, qui jusqu'alors se faisait appeler Victoria Mary, abandonne son premier prénom et décide de porter dorénavant celui de Mary[21],[22]. Leurcouronnement à l'abbaye de Westminster par l'archevêque de CantorbéryRandall Davidson a lieu le. Ils se rendent un peu plus tard en Inde pour ledurbar de Delhi, le ; ils visitent le pays et se présentent à leurs nouveaux sujets en tant qu'empereur et impératrice des Indes[23].
Au commencement du règne, quelques conflits naissent entre Mary et la reine douairièreAlexandra, sa belle-mère. Bien que les deux reines soient proches, elles sont toutes deux dotées d'une forte personnalité et d'un sens aigu de leurs prérogatives ; de plus, Alexandra exige la préséance sur Mary aux funérailles d'Édouard VII, met un temps excessif pour quitter lepalais de Buckingham et conserve certains des bijoux royaux qui auraient dû être attribués à la nouvelle reine[24].
Pendant laPremière Guerre mondiale, la reine Mary institue une politique d'austérité au palais, où elle rationne la nourriture, et rend visite aux militaires dans les hôpitaux, ce qui lui cause une grande tension émotionnelle[25]. Après trois ans de guerre contre l'Allemagne, et avec un fort sentiment anti-allemand en Grande-Bretagne, la famille impériale russe, déposée par un gouvernement révolutionnaire, se voit refuser l'asile, en partie parce que la tsarineAlix de Hesse-Darmstadt est d'origine allemande[26]. La nouvelle de l'abdication du tsar donne espoir à ceux qui, en Grande-Bretagne, souhaitent remplacer leur propre monarchie par une république[27].
La reine et sa fille la princesse Mary durant la Première Guerre mondiale.
Deux mois après la fin de la guerre, le plus jeune fils de Mary,John, meurt à l'âge de treize ans. Elle décrit son choc et son chagrin dans son journal et ses lettres :« Notre pauvre petit Johnnie chéri est mort subitement […] La première rupture du cercle familial est dure à supporter, mais les gens sont si gentils et sympathiques que cela nous aide beaucoup, le roi et moi[28]. »
La reine Mary est le plus loyal soutien moral de son époux pendant leur règne. Elle apporte son aide au roi pour concevoir et préparer ses interventions et utilise sa vaste connaissance de l'histoire et de la royauté pour le conseiller sur les questions d'État. Le roi apprécie sa discrétion, son intelligence et son jugement[29]. Elle maintient un air de calme assuré tout au long de ses engagements publics dans les années suivant la guerre, marquées par des troubles sociaux, l'indépendance irlandaise et le nationalisme indien[30].
À la fin des années 1920, les problèmes pulmonaires de George V sont exacerbés par son tabagisme excessif. La reine Mary accorde une attention particulière à ses soins. Lors de sa grave maladie en 1928, on demande à l'un des médecins, Sir Farquhar Buzzard, qui a sauvé la vie du roi. Il répond alors :« La reine[31]. » En 1935, George V et la reine Mary fêtent leur jubilé d'argent, dont les célébrations s'étendent à tout l'Empire britannique. Dans son discours de jubilé, George rend hommage publiquement à sa femme, après avoir dit à sa plume :« Mettez ce paragraphe à la toute fin. Je ne peux pas me faire confiance pour parler de la reine quand je pense à tout ce que je lui dois[32]. »
George V meurt le et leur fils aîné,Édouard, prince de Galles, monte sur le trône sous le nom d'Édouard VIII. Bien que soutenant loyalement son fils, la reine douairière ne peut comprendre qu'il renonce au trône afin d'épouserWallis Simpson[33]. Mary refuse de rencontrer Wallis tant en public qu'en privé[34]. L'abdication d'Édouard ne diminue pas son amour pour lui, mais sa désapprobation ne faiblira jamais[35]. Elle apporte un soutien moral au timide et bégayant prince Albert, duc d'York, devenu roi sous le nom deGeorge VI, ainsi qu'à la nouvelle reine,Elizabeth Bowes-Lyon, assistant même à leur couronnement, devenant la première reine douairière du Royaume-Uni à le faire[36].
La reine Mary avec ses petites-filles, les princesses Élisabeth et Margaret, en 1939.
Mary s'intéresse à l'éducation de ses petites-filles, les princessesÉlisabeth etMargaret, et les emmène souvent dans diverses excursions dans les galeries d'art et les musées de Londres, les parents des princesses pensant qu'il n'est pas nécessaire qu'elles soient accablées par une éducation trop exigeante[37].
Pendant laSeconde Guerre mondiale, George VI souhaite que sa mère soit évacuée de Londres, bien qu'elle soit très hésitante. Finalement, elle donne son accord et décide de se rendre avec sa nièceMary Somerset, duchesse de Beaufort, fille de son frèreAdolphus, àBadminton House[38]. Là-bas, Mary soutient l'effort de guerre en visitant les usines d'armement et les hôpitaux et camps militaires. En 1942, son plus jeune fils survivant, le princeGeorge, duc de Kent, est tué dans un accident d'avion alors qu'il est en service actif. Mary retourne àMarlborough House en juin 1945.
Mary est une collectionneuse passionnée d'objets ayant un lien avec la royauté[39]. Elle fait l'acquisition de bijoux à des estimations supérieures au marché lors de la succession de la tsarine douairièreDagmar de Danemark et achète à près de trois fois l'estimation les émeraudes Cambridge à Lady Kilmorey, la maîtresse de son défunt frère le princeFrancis. Mary est parfois critiquée pour l'acquisition agressive d'objets d'art pour compléter la collection royale : à plusieurs reprises, elle déclare à ses hôtes qu'elle admire un de leurs objets précieux, dans l'attente que l'objet lui soit offert[40]. Sa connaissance approfondie et ses recherches sur la collection royale ont aidé à identifier les artefacts et les œuvres d'art égarés au fil des ans[41]. La famille royale a en effet prêté de nombreuses pièces au cours des générations précédentes. Une fois identifiés les objets non retournés grâce à d'anciens inventaires, elle écrit aux détenteurs, demandant qu'ils soient retournés[42]. Mary commande également de nombreux bijoux, dont des bagues qu'elle offre à ses dames d'honneur à l'occasion de leurs fiançailles.
En 1952, son fils George VI meurt et sa petite-fille monte sur le trône sous le nom d'Élisabeth II. La mort d'un troisième enfant l'affecte profondément. Mary fait remarquer à la princesseMarie-Louise de Schleswig-Holstein :« J'ai perdu trois fils, mais je n'ai jamais eu le privilège d'être là pour leur faire un dernier adieu[43]. »
Victime de problèmes de santé dans les derniers mois de sa vie, la reine Mary meurt dans son sommeil le, à l'âge de 85 ans, dans sa résidence londonienne deMarlborough House. La reine douairière meurt deux mois avant lecouronnement d'Élisabeth II. Son souhait était que le couronnement ne soit pas ajourné[44]. Après des funérailles d'État, la reine Mary est inhumée en lachapelle Saint-Georges du château de Windsor, au côté de son époux.
Sir Henry Channon a écrit qu'elle était« au-dessus de la politique … magnifique, pleine d'humour et de sagesse, en fait presque sublime, bien que froide et dure. Mais quelle grande reine. »