| Nom local |
|---|
| Pays | |
|---|---|
| Coordonnées |
| Statut |
|---|
| Fondation | |
|---|---|
| Remplacé par |
Massalia (engrec ancienΜασσαλία /Massalia) est unecolonie grecque fondée par desPhocéens vers 600av. J.-C., aujourd'hui appeléeMarseille. Dès leVe siècle av. J.-C., elle devient, avec la coloniephénicienne deCarthage, l’un des principaux ports maritimes de lamer Méditerranée occidentale. Pendant toute l'époque hellénistique, elle est une fidèle alliée desRomains.
Devenue une cité romaine au début duIer siècleapr. J.-C., elle prend le nom deMassilia et conserve son rôle de creuset culturel et de port commercial sur les rives du sud de laGaule, bien que, ayant préféréPompée àJules César, elle ait perdu son indépendance et sa suprématie marchande, notamment au profit d'Arelate (Arles). Les Romains ont laissé à la ville sa culture grecque. Ils préfèrent découvrir cette culture et apprendre la langue grecque à Massalia, plus proche de leurs terres, plutôt que d'entreprendre un long et couteux voyage en direction de laMéditerranée orientale.
Romanisée durant l’Antiquité tardive,christianisée auVe siècle, diminuée à la suite des invasionsgothiques, elle retrouve une relative prospérité auVIIe siècle et donne jour à unefondation chrétienne, l’abbaye Saint-Victor de Marseille, appelée à un rôle majeur dans tout le sud-est de la France jusqu’auXIIe siècle.

La fondation de la cité proprement dite, qui fait de Marseille « la deuxième ville la plus ancienne de France »[1](Béziers étant la première), remonte à 600av. J.-C., soit deux ou trois générations après l’élévation des premières murailles de l'oppidum voisin visible sur l'actuelsite de Saint Blaise et plus de deux siècles après celle deLatiscum. Elle est le fait de colonsgrecs venus dePhocée enAnatolie occidentale, qui eux-mêmes proviennent de colonsathéniens etphocidiens. La date de fondation est donnée par différents auteurs antiques :Aristote dans laConstitution des Marseillais (vers 350av. J.-C.)[2] etJustin dans l'Abrégé des histoires philippiques, rédigé probablement auIIIe siècle et qui résume une histoire écrite par le gallo-romainTrogue Pompée ; les découvertes archéologiques ne s'opposent pas à cette datation.
La région est alors peuplée par lesLigures, peupleceltique autochtone[Note 1] auquel se sont ajoutées de nouvelles populationsceltes dans le dernier millénaire avant notre ère. Dans son ouvrage de géographie rédigé auVe siècle av. J.-C.,Hécatée de Milet évoque : « Massalia, ville de la Ligustique, près de la Celtique, colonie des Phocéens »[4].
Les habitants de cette côte purent entrer aussi en contact avec des navigateurs et marchandsphéniciens,étrusques ouibères[5].
D'après les auteurs anciens, lesSégobriges sont la tribu celte qui a occupé les collines autour du site de Marseille[Note 2]. Si l'on n'a pas trouvé de traces d'occupation permanente ligure sur le site de Marseille même, alorslagunaire etmarécageux (calanque formant l'embouchure de l'Ybelcos, actuel Huveaune), lescarottages dans lessédiments de ce qui deviendra leVieux-Port de Marseille ont montré qu'avant la fondation de lacolonie grecque, ces rivages ont été le lieu d'activités saisonnières (pêche, ramassage descannes, exploitation du sel), sans que l'on puisse trouver de traces d'exploitation des sols (déforestation, cultures, décapages)[6].

Les textes anciens donnent peu d'indications sur l'origine, les institutions et les cultes dePhocée (aujourd'hui Foça, près d'Izmir enTurquie). Sa population aurait été composée d'Athéniens et de Phocidiens (habitants dePhocide, territoire sacré de laGrèce antique). Elle est membre de laConfédération ionienne,dodécapole de cités grecques d'Anatolie, cités prospères grâce au développement des relations avec les colonies qu'elles ont créées autour de la Méditerranée[7].
L'historien romainJustin raconte ainsi lemythe de la fondation de Marseille :
« À l'époque du roiTarquin, des jeunes gens phocéens, venant d'Asie, arrivèrent à l'embouchure duTibre et conclurent un traité d'amitié avec les Romains ; puis ils s'embarquèrent pour les golfes les plus lointains deGaule et fondèrent Marseille, entre lesLigures et les peuplades sauvages de Gaulois (...). Et en effet, les Phocéens, contraints par l'exiguïté et la maigreur de leur terre, pratiquèrent avec plus d'ardeur la mer que les terres : ils gagnaient leur vie en pêchant, en commerçant, souvent même par la piraterie, qui était à l'honneur en ces temps-là. C'est pourquoi, ayant osé s'avancer en direction du rivage ultime de l'Océan, ils arrivèrent dans le golfe gaulois à l'embouchure duRhône. »
— Justin,Abrégé des histoires philippiques,XLIII, 3-6.
Ainsi, auVIe siècle av. J.-C., Phocée devint la « métropole » (cité-mère) de la colonisation grecque enMéditerranée nord-occidentale. Les Phocéens fondent successivement Massalia puis, à partir de cette première cité, Agathé Tychè (Agde),Olbia (Hyères),Athénopolis (golfe de Saint-Tropez), Antipolis (Antibes), Nikaïa (Nice) ou encore Monoïkos (Monaco) sur la côte méditerranéenne métropolitaine. Puis sont établiesAlalia (actuelleAléria), comptoir sur la côte orientale de laCorse, etÉlée dans leGolfe de Salerne, ainsi que de puissantes colonies enEspagne, lesemporions[Note 3] deHemeroskopion (province d'Alicante) etEmpúries.
Cette migration de peuplement grecque a été confirmée récemment par une analyse génétique sur trois ans des dons du sang. Cette étude publiée en 2011 montre que 4 % des hommes dans la région marseillaise et 4,6 % de ceux de la région d'Aléria enCorse, autre destination des navigateurs phocéens, portent lehaplogroupe E-V13 caractéristique de la Grèce, corroborant une ascendance masculine fortement influencée par ces populations[8]. Dans l'agglomération marseillaise comme dans leVar, des échantillons sanguins de donneurs réguliers de l'Établissement français du sang volontaires ont été étudiés pour savoir si leur chromosome Y portait le « signal phocéen ». En effet, en Grèce et dans ses anciennes colonies d'Asie Mineure, comme Phocée etSmyrne, une mutation est apparue : le « marqueur E-V13 », caractéristique de la population locale. Ce pourcentage supérieur à 4 % du marqueur E-V13, compte tenu des 26 siècles écoulés et des vagues de migration qui se sont succédé, est considérable. Ce marqueur « peut retracer l'impact démographique et socio-culturel de la colonisation d'environ un millier de personnes à partir de l'antique Marseille »[9].

Les conditions exactes de la fondation font défaut à l'histoire de la ville. On ne retient aujourd'hui qu'unelégende, reprise parTrogue Pompée, dont le récit nous est résumé parJustin, etAristote, cité parAthénée de Naucratis.
Les Phocéens recherchent alors des emplacements susceptibles de devenir desemporia (comptoirs) sur la côte. Cette activité correspond à un effort de création d'un réseau commercial et non à une colonisation de peuplement. Les marins voyagent dans des bateaux rapides à rames, lespentécontères, ce qui facilite les implantations. Moins nombreux, ils ont besoin de peu de terres pour s'installer. En naviguant parcabotage, ils auraient découvert la baie du Lacydon (l'actuelVieux-Port de Marseille), unecalanque profonde, large et bien orientée (est-ouest), abritée du vent dominant, lemistral, par des collines élevées, propice à un établissement commercial.
Justin poursuit son récit ainsi :
« Les commandants de la flotte furent Simos et Protis. Ils vont ainsi trouver le roi des Ségobriges, appelé Nannos, sur les territoires duquel ils projetaient de fonder une ville. Il se trouva que ce jour-là le roi était occupé aux préparatifs des noces de sa fille Gyptis, qu'il se préparait à donner en mariage à un gendre choisi pendant le banquet, selon la coutume nationale. Et ainsi, alors que tous les prétendants avaient été invités aux noces, les hôtes grecs sont aussi conviés au festin. Ensuite, alors que la jeune fille, à son arrivée, était priée par son père d'offrir de l'eau à celui qu'elle choisissait pour époux, elle se tourna vers les Grecs sans tenir compte de tous les prétendants et offrit de l'eau à Protis qui, d'hôte devenu gendre, reçut de son beau-père un emplacement pour fonder la ville. Donc, Marseille fut fondée près de l'embouchure du Rhône, dans un golfe isolé, comme dans un recoin de la mer. »
— Justin,Abrégé des Histoires Philippiques,XLIII, 8-10.
Sur les rives du Lacydon, rivière qui débouche au nord-est de la calanque[10], les Phocéens posent les fondations d'une ville qu'ils appellent Massalia. De nombreuses hypothèses sur l’origine de ce nom ont été formulées (bien que considérées comme fantaisistes par certains auteurs, commePaul Mariéton[11]). Une proposition souvent rencontrée donneMas-Salia, la résidence desSalyens. Mais, si le premier mot est provençal, le second est latin, ce qui semble écarter cette proposition.
Aussi, certains ont penché pour l'utilisation du mot grecMασσα /Massa. En effet, les Phocéens ont conservé la tradition d'Anatolie d'apposer le nom deMassa à des villes, à des châteaux, à des rivières, etc. On trouve par exemple plus de trenteMassa enItalie, sachant que les motsMαζα /Maza ouΜασα /Masa correspondent au latinLibum, une offrande de gâteaux sacrés. Quant à la finale-λεις /-leis, il s'agirait d'unformatif des adjectifs[Quoi ?], les Marseillais étant des sacrificateurs, et la ville, celle des sacrifices[réf. nécessaire].
La topographie première du site de Marseille grecque est encore largement perceptible de nos jours, malgré les importantes modifications duXIXe siècle. Promontoire environné par la mer, il est dominé par trois buttes successives : la butte Saint-Laurent (26 mètres d'altitude en 1840), la butte des Moulins (42 mètres, associée à la butte de la Roquette, 38 mètres), et enfin la butte des Carmes (environ 40 mètres). Les cols entre ces hauteurs recueillent les écoulements d'eau.
Dernier élément de topographie naturelle, la zone duFort Saint-Jean présente, jusqu'au remblaiement volontaire pour la construction du fort, une pente vers la mer au nord qui n'est plus perceptible maintenant[12]. Plusieurstalwegs se déversent dans le port : l'un entre la butte des Carmes et la colline Saint-Charles, un second beaucoup plus important dans l'axe de laCanebière actuelle et enfin un troisième au sud (axe de la rue Breteuil, appelée vallée Fogaresse au Moyen Âge).
Les relations entrePhocéens etLigures n'ont pas toujours été harmonieuses, ainsi que l'indiqueJustin dans un autre passage de l'Abrégé des histoires philippiques où il narre les tentatives desSégobriges de conquérir la ville sous la conduite du fils du Roi Nann, Comannus. Leur défaite permet aux Massaliotes d'agrandir leur terroir (lachôra). Ils dominent la basse-vallée de l’Huveaune et jusqu’aumassif de Marseilleveyre. Rapidement, vignes et oliviers sont plantés pour développer une production locale de ces produits de base et en développer l’exportation. En parallèle, les premières fabrications d’amphores deMassalia apparaissent.
Les fouilles archéologiques ont révélé les vestiges des premières traces de l'habitat grec directement au contact d'un sol vierge sur la partie la plus occidentale du site (butte Saint-Laurent). Dans l'état actuel de nos connaissances, la ville grecque ne semble pas avoir succédé à une occupation plus ancienne indigène. Très vite la ville s'agrandit et s'étend jusqu'au versant oriental de la butte des Moulins. Enfin, elle englobe la troisième butte (dite des Carmes) avant la fin duVIe siècle av. J.-C. Une dernière extension à l'époque hellénistique lui permet d'atteindre une surface d'environ 50 hectares, que la ville ne dépassera pas avant leXVIIe siècle.
La fortification grecque de la fin duVIe siècle av. J.-C. a été retrouvée en deux points de la ville : auJardin des Vestiges et sur la butte des Carmes, lors de fouilles d'urgence dans les années 1980. Une reconstruction a lieu à l'époque grecque classique, dans la seconde moitié duIVe siècle av. J.-C. Enfin, vers le milieu duIIe siècle av. J.-C., l'ensemble de la fortification est reconstruit en grand appareil de calcaire rose. Ce rempart est encore visible dans le Jardin des Vestiges (tour penchée et mur dit deCrinas)[13]. L'intérieur de la ville est découpé en îlots, avec des rues à angle droit qui constituent des ensembles cohérents, adaptés à la topographie naturelle du site. Ainsi, le long du rivage les voies ont-elles des axes variables, tandis que les pentes de buttes sont quadrillées de façon régulière[14].
Peu de monuments de l'époque nous sont connus ;Strabon[15] signale l'Ephésion (consacré àArtémis) et le sanctuaire d'Apollon Delphinios. Quelques découvertes archéologiques se rapportent à des édifices religieux : un chapiteau de la fin duVIe siècle av. J.-C., trouvé en remploi dans un mur moderne, et des stèles avec déesses assises (provenant peut-être d'un sanctuaire àCybèle)[16].

Au pied de la place deLenche, les caves de Saint-Sauveur sont le seul édifice conservé depuis l'antiquité dont on a toujours eu connaissance ; certains y voient une fontaine antique (F. Salviat), mais plus récemment on a proposé la fonction degrenier à blé ou d'arsenal (H. Tréziny). Dégagé par F. Benoit après la Seconde Guerre mondiale, ce monument n'a pas été gardé intact depuis et est aujourd'hui inaccessible. Il marquait la limite topographique entre une partie basse (au sud), proche du port, et le col entre les buttes Saint-Laurent et des Moulins (au nord, matérialisé actuellement par la place de Lenche). On suppose que l'agora grecque se situait à l'emplacement du forum romain, donc au sud des Caves de Saint-Sauveur[17]. Les fouilles ont révélé par ailleurs un établissement thermal duIVe siècle av. J.-C. à la rue Leca[18] et de nombreux vestiges d'habitat et de rues (en particulier rue des Pistoles ou près de lacathédrale de la Major).
À l'extérieur des murs, les fouilles récentes ont mis en évidence unecadastration établie dès la fin duVIe siècle av. J.-C., ainsi que l'exploitation de carrières d'argile, qui se trouvaient abondamment dans le substrat géologique (site de l'Alcazar) ; par la suite se développe au même emplacement une culture de lavigne et probablement d'autresplantations[19]. Les nécropoles nous sont connues soit par des découvertes anciennes, soit par la fouille du Parc Sainte-Barbe en 1990[20]. Ainsi se dessine un paysage suburbain varié, où le domaine des morts alternait avec celui des vivants.
Des fouilles préventives de mi-avril à mi-juin 2017 ont mis au jour une carrière antique dans le quartier Saint-Victor auboulevard de la Corderie. Elle a été exploitée durant trois périodes, du début duVIe siècle av. J.-C., voire avant, jusqu'au début duVe siècle av. J.-C., auIIe siècle av. J.-C., durant lapériode hellénistique, et la troisième période d'exploitation est romaine. C'est la carrière de Saint-Victor dont il est question dans des textes, connue pour son calcaire pour la réalisation desarcophages, d'éléments d'architecture,etc.
Un demi-siècle après la fondation, fuyant les invasions de l'Anatolie par lesPerses conduits parCyrus le Grand en 546av. J.-C. et la destruction de leur ville, de nombreuxPhocéens rejoignent leurs colonies dont Massalia, accentuant son caractère de cité grecque et lui donnant une nouvelle impulsion, ce que certains historiens ont appelé la« seconde fondation » de Marseille[21].
Massalia devient alors la principale ville grecque de la région et prend dans sa dépendance les autres colonies établies sur la côte. La fin duVIe et Ve sièclesav. J.-C. marquent le succès de l’expansion commerciale de Marseille sur le littoral et dans l’arrière-pays marseillais, puisque la domination semble aller jusqu’au pourtour de l’étang de Berre, audelta du Rhône, avec la création de places fortes commeThéliné (Arles) etAoueniotès (Avignon).

Le surgissement de Massalia et des colonies rattachées, cité puissante pouvant mettre en cause la domination deCarthage et desPhéniciens ainsi que desÉtrusques sur les routes maritimes et commerciales conduit les Phocéens à l'affrontement avec les Phénico-puniques dont l'expansion est continue auxVIIIe – VIe siècles[22].
Labataille d'Alalia s'inscrit dans la série de conflits impliquant Étrusques, Carthaginois et Grecs pour la délimitation des domaines d'influence enMéditerranée occidentale. Étrusques et Phéniciens, puis Carthaginois, avaient déjà installé des colonies enCorse,Sardaigne etEspagne pour les premiers, enSicile, enAfrique, en Sardaigne et en Espagne pour les seconds, et pratiqué le commerce le long des côtes gauloises (par exemple, des céramiques étrusques datant de la première moitié duVIe siècle ont été retrouvées enProvence sur le site dit desTamaris[23]). L'arrivée des Grecs, à partir de 750av. J.-C., et le début de la colonisation, bouleversent lestatu quo. L'implantation simultanée de plusieurs colonies issues de différentesmétropoles grecques inquiète les Étrusques, mais ils ne parviennent pas à les repousser. Jusque vers 650av. J.-C., les Phéniciens ne s'opposent pas à cette implantation mais leur attitude change quand les Phocéens atteignent l'Espagne. Dès ce moment, Carthage assure l'essentiel de la résistance et commence à unifier les cités phéniciennes sous sa direction ; ce processus est achevé vers 540av. J.-C. et Carthage devient l'une des principales puissances méditerranéennes occidentales.
Une nouvelle vague de Phocéens arrive après 546av. J.-C. à Alalia, accroit son potentiel de centre commercial d'importance et peut exercer une menace éventuelle sur les colonies étrusques voire carthaginoises[24]. Lapiraterie pratiquée par les Phocéens fut, d'aprèsHérodote, le prétexte déclencheur d'une réaction de Carthage. Celle-ci s'allie pour la circonstance auxÉtrusques pour affronter les Phocéens lors d'une bataille navale au large d'Alalia, vers −540[25].
Les Phocéens deMassalia arment quarante navires qui viennent renforcer ceux d'Alalia et livrent bataille à la flotte carthagino-étrusque. Ils sont défaits et Alalia passe aux mains des Carthaginois. Cependant, les Massaliotes s'estiment vainqueurs en ce qu'ils se voient reconnaitrede facto le contrôle de la côte ligure de l'est avec deskatoikia jouant le rôle de places fortes comme Olbia (Hyères) ou des comptoirs comme Antipolis (Antibes), jusqu'à l'ouest avec leursemporions. Ils bâtissent le Trésor des Marseillais àDelphes pour célébrer cette victoire. Les conflits de Massalia avec les Carthaginois vont durer tout au long duVe siècle av. J.-C. et consolident l'alliance de Marseille avec Rome contre l'ennemi commun.
Au cours duVe siècle av. J.-C., Marseille connait une grande prospérité grâce à la paix en Méditerranée occidentale qu'a entraînée la défaite carthaginoise àHimère en Sicile (480av. J.-C.), suivie peu après par celle des Étrusques àCumes (474) face auxSyracusains. Cette défaite sonne le glas du dynamisme des cités étrusques méridionales et les routes commerciales au large de la Campanie passent sous le contrôle de Syracuse. Pendant près de soixante-dix ans, les navires massaliotes peuvent sillonner tranquillement la mer tyrrhénienne avant que les tensions ne reprennent à la fin du siècle, entraînant la région dans un conflit qui devait durer un demi-siècle dans toute laGrande Grèce.
LesIVe et IIIe sièclesav. J.-C. semblent être plus difficiles pour Massalia. Les Carthaginois restent des concurrents redoutables tant en Méditerranée occidentale qu'orientale. La chute d'Athènes et les problèmes politiques et économiques que connaissent la Sicile et Syracuse en particulier, ont alors affecté le commerce maritime massaliote. Cela a sans doute déterminé une certaine récession économique que ne peut compenser l'expansion du rôle de Marseille dans le commerce gaulois.

Grand port maritime ouvert sur toute la Méditerranée, Marseille abrite de nombreux marins et explorateurs renommés. AuVIe siècle av. J.-C., le MassalioteEuthymènes quitte la cité pour explorer, au-delà descolonnes d'Hercules, les côtes de l’Afrique jusqu'à l'embouchure dufleuve Sénégal. Il a constaté et fait connaître aux Grecs l'existence desmarées.
Deux siècles plus tard, vers 340-325av. J.-C., l’explorateur et géographePythéas effectue un voyage dans les mers du nord de l'Europe, atteint l’Islande et leGroenland et s'approche ducercle polaire. Il fut longtemps considéré comme un affabulateur, en particulier selon l'opinion du géographe grecStrabon, mais l'authenticité de son périple est aujourd'hui reconnue.
Marseille, comme le retracent les découvertes archéologiques, connaît une forte croissance et devient une cité prospère, vivant des relations commerciales fortes avec la Grèce, l'Anatolie puisRome et l'Égypte. À cette époque, Massalia compte entre 30 000 et 40 000 habitants, ce qui en fait l’un des plus grands centres urbains deGaule. Sa prospérité est entièrement fondée sur le commerce.
Sachant que les principales routes commerciales entre le nord et l'ouest de l’Europe et l’Orient empruntent les fleuves (en particulierRhône etSaône) de ce que Strabon nomme« l’isthme gaulois »,Massalia occupe une place stratégique. L’ambre, l’étain descendent le Rhône quand remontent le vin et les articles de luxe comme lacéramique et la vaisselle. On a pu dire que le renommécratère de Vix est une manifestation du rôle de 'Massalia dans le trafic de transit et peut-être un don des marchands massaliotes au prince gaulois qui contrôle le seuil deBourgogne[26].
C'est aussi probablement par la cité phocéenne que sont introduits en Gaule les premiers vignobles[27]. Les fouilles de 2006 et 2007 sur la colline Saint-Charles ont ainsi mis au jour les vignobles les plus anciens de France. Pas moins de trois niveaux de traces agraires liées à l'exploitation de la vigne à partir duIVe siècle avant notre ère y ont été découverts[28].
Loin de se limiter à l’import-export des biens d’origine grecque, la ville développe les productions locales, et surtout la céramique et les amphores. L’étude des céramiques a permis d’établir que, jusqu’en 535av. J.-C., Massalia importe la vaisselle courante de Phocée et jusqu’à 500av. J.-C., la céramique de luxe d’Athènes. Après ces dates, les produits locaux se substituent aux importations[29].
Enfin, Massalia est à l’origine de la monnaie dans la région en émettant des pièces pour le commerce local dès 490av. J.-C., puis des oboles d’argent vers 450av. J.-C., enfin desdrachmes d’argent au début duIVe siècle av. J.-C.
Colonie grecque rayonnante, Marseille est le point de départ de la diffusion de lacivilisation hellénistique et de l'écriture chez les peuples gaulois, qui ont appris à transcrire leur propre langue en caractères grecs. L'historienJean-Louis Brunaux remarque que lesdruides furent les principaux bénéficiaires de cette éducation mais n'utilisent l'écriture que pour les échanges commerciaux et les notations scientifiques. D'aprèsVarron, qui écrit auIer siècle av. J.-C. : à Massalia, on parle le grec, le latin et le gaulois[30].

La ville s'administre alors librement et la constitution marseillaise se réfère à celles des cités ioniennes. Elle est citée parAristote comme un exemple d'oligarchie modérée et derépublique stable :
« Quant aux causes extérieures qui renversent l'oligarchie, elles peuvent être fort diverses. Parfois, les oligarques eux-mêmes, mais non pas ceux qui sont au pouvoir, poussent au changement, lorsque la direction des affaires est concentrée dans un très petit nombre de mains, comme à Marseille, àIstros, àHéraclée du Pont et dans plusieurs autres États. Ceux qui étaient exclus du gouvernement s'agitèrent jusqu'à ce qu'ils obtinssent la jouissance simultanée du pouvoir, d'abord pour le père et l'aîné des frères, ensuite pour tous les frères plus jeunes. Dans quelques États, en effet, la loi défend au père et aux fils d'être en même temps magistrats; ailleurs, les deux frères, l'un plus jeune, l'autre plus âgé, sont soumis à la même exclusion. À Marseille, l'oligarchie devint plus républicaine ; à Istros, elle finit par se changer en démocratie. »
— Aristote,Politique, Livre V, chapitre VI, 1305 a 1-12.
La ville est gouvernée par un directoire de quinze « premiers » choisis parmi uneboulè de 600 sénateurs. Trois d’entre eux ont la prééminence et l’essentiel du pouvoir exécutif. Aristote évoque une famille aristocratique, les Protiades, descendant des premiers fondateurs, qui possède alors une influence souveraine. Le gouvernement de Marseille est encore oligarchique au temps oùStrabon écrit, au début duIer siècle[31].
« Le gouvernement aristocratique de Massalia est le meilleur du genre : ils ont établi une assemblée de six cents citoyens, appelés "timouques", qui conservent cette charge leur vie durant. Quinze d’entre eux sont placés à la tête de cette assemblée, qui ont pour tâche d’expédier les affaires courantes : de nouveau, trois magistrats de ce groupe exercent l’autorité suprême, sous la direction de l’un d’entre eux. On ne peut devenir timouque si l’on n’a pas d’enfants et si l’on n’est pas issu de trois générations de citoyens. Les lois, ioniennes, sont affichées publiquement. »
— Strabon,Géographie, Livre IV, 1,5. (trad. A. Hermary, dans Hermary et alii, 1999, p. 175)[32].
Les relations de Rome avec les « États indépendants » sont relativement complexes. Rome a eu des relations amicales avecMassilia depuis au moins leVe siècle av. J.-C.[33]
En 396av. J.-C., après leurvictoire contre la cité étrusque de Véies, les Romains déposent uncratère d’or dans le Trésor des Marseillais àDelphes. En 389, récompense de sa participation à la rançon versée aux Gaulois lors de la prise de la ville parBrennos l'année précédente, un traité« sur pied d'égalité » (foedus aequo jure percussum) comme le précise Justin, est signé entre les deux cités qui nouent une alliance formelle. Les visiteurs massaliotes à Rome se voient reconnaître certains privilèges, comme le droit à l'hospitalité publique, un privilège honorifique (un emplacement pour assister aux spectacles parmi les sénateurs) et l’immunitas (la possibilité de commercer à Rome sans payer de taxes). Ainsi, pendant des centaines d'années, Marseille conserve son indépendance nominale, bien que vivant sous une sorte de protection. L'alliance formelle dure de 389 à 49av. J.-C., avec le début de laguerre civile de César.
La croissance forte de Marseille et du réseau des colonies massaliotes est citée comme l'une des raisons qui provoquent la création de la fédération desSalyens à la fin duIIIe siècle av. J.-C., à partir de la réunion des « Celto-ligures » de Provence, entre leVar et leRhône, autour de centres proto-urbains. Les voisins les plus proches des Salyens, en effet, sont les Massaliotes au sud (lesCavares[Note 4] et lesAlbiques[Note 5] occupent quant à eux les territoires situés au nord des Salyens).
La fédération salyenne s'avère être un voisin « encombrant » pour les Massaliotes, ce qui avait provoqué de nombreuses tensions économiques et sans doute culturelles, dont rendent compte les auteurs antiques (notammentTite-Live etStrabon). Dans un premier temps, de telles tensions avec les indigènes ont entraîné plusieurs interventions militaires des Grecs dans l'arrière-pays marseillais : celles-ci sont attestées par l'archéologie, notamment à travers la destruction violente de sites comme l'oppidum deL'Arquet.
Sur la côte, les pirates ligures obligent parallèlement la cité grecque à renforcer constamment la protection de ses lignes commerciales maritimes par la création de places coloniales de défense (engrec ancien, ἐπιτειχίσματα /épiteichismata,fortifications ). L'archéologie montre les traces des interventions militaires terrestres autour de l'Étang de Berre dès les alentours de 200. Ce sentiment d'insécurité est provoqué par « les Gaulois salluviens qui pillent le territoire »[34] et qui « exercent leur brigandage sur terre et sur mer… »[35]. Massalia vit ainsi dans une grande méfiance vis-à-vis des étrangers et se dote d'un puissant arsenal. Danger permanent très bien souligné par l'historien et poète latinSilius Italicus qui dépeint les Marseillais de la fin duIIIe siècle avant notre ère:
«Cette colonie grecque, environnée de peuples féroces qui l'effraient sans cesse par leur religion barbare, retient au milieu de ces nations belliqueuses les coutumes et les mœurs de la Phocide, son antique patrie, et reçoit avec amitié les étrangers[36].
À partir de 181, Marseille commence à faire appel aux armées deRome, devenue la grande puissance méditerranéenne, pour l'aider à mettre fin aux pillages des celto-ligures et à défendre ses colonies.
Avide d'affirmer son emprise dans la région pour des raisons économiques et stratégiques, Rome prétend répondre à l'appel de Massalia et accapare presque intégralement le vaste arrière-pays massaliote, après quelques campagnes menées entre 125 et 121av. J.-C., notamment par le consul puis pronconsulSextius Calvinus et les consulsCnaeus Domitius Ahenobarbus etFabius Maximus Allobrogicus.Aquae Sextiae (Aix-en-Provence) est une colonie fondée en 122 par leslégionnaires commandés par Sextius Calvinus, elle succède à l'ancienne capitale voisine des SalyensEntremont, détruite l'année précédente par les armées romaines.
La région conquise porte le nom deGaule transalpine. Cnaeus Domitius, qui y est nommé proconsul, s'efforce de 120 à 117av. J.-C. de créer une liaison terrestre, laVia Domitia entre les territoires ibériques, c'est-à-dire l'Espagne actuelle et laGaule cisalpine. Il fonde une colonie romaine àNarbonne en 118av. J.-C. La colonie grecque de Massalia, alliée, et son arrière-pays réduit forment alors une enclave libre au sein de la Gaule transalpine.
En 109av. J.-C., les Gaules cisalpine et transalpine sont ravagées par lesCimbres, lesTeutons, lesAmbrons durant l'épisode de laguerre des Cimbres, jusqu'à leur écrasement en 102av. J.-C. parCaius Marius à labataille d'Aix.

Cliente de Rome, Massalia refuse officiellement de prendre parti entrePompée etJules César en 49av. J.-C., mais en accueillant la flotte de Pompée, dirigée par Ahenobarbus, elle affiche clairement sa préférence. Assiégée par trois légions pendant deux mois (légions dirigées par César puis par son légatTrebonius), elle est prise[37] aprèsdeux batailles navales, au large de Marseille puis de Tauroenton (au fond de la baie de l’actuelSaint-Cyr-sur-Mer) ou Tauroeis (à l'extrémité orientale de la baie, devant l'actuel havre duBrusc, àSix-Fours-les-Plages), escales des Marseillais, qui s'achèvent par la destruction de sa flotte de guerre. Elle est privée ensuite de ses colonies et doit se soumettre à Rome.
Cependant, ainsi que le précise Strabon :
« César et les princes, ses successeurs, en souvenir de l'ancienne alliance de Rome avec Massalia, se sont montrés indulgents pour les fautes qu'elle avait commises pendant la guerre civile, et lui ont conservé l'autonomie dont elle avait joui de tout temps, de sorte qu'aujourd'hui elle n'obéit pas, non plus que les villes qui dépendent d'elle, aux préfets envoyés de Rome pour administrer la province. »
— Strabon,Géographie,I, 5
Les Romains la rattachent à la provincenarbonnaise.Arles, colonie fondée à la suite de cette crise, devient la principale ville romaine de la région.

À l'époque d'Auguste, Massalia connaît une nouvelle grande phase de construction. L'agora-forum est reconstruit comme en témoignent les fragments de dallages découverts par Ferdinand Benoît au sud des Caves de Saint-Sauveur. Le forum est bordé à l'ouest par un autre grand édifice, le théâtre, dont quelques gradins ont été conservés jusqu'à nos jours dans l'enceinte du collège du Vieux-Port[38]. Des thermes sont également installés le long du port à la même époque. Les vestiges, remontés sur laplace Villeneuve-Bargemon, sont visibles quasiment à leur emplacement d'origine derrière la Mairie.
Pendant leHaut Empire romain, la zone portuaire s'étend considérablement[39]. Elle s'étend sur la rive nord du port, suit la corne du port (Jardin des Vestiges) dont le quai est reconstruit à l'époque flavienne, et se prolonge au fond duVieux-Port actuel. Dans cette zone, les fouilles de la place Général-de-Gaulle ont dégagé une grande esplanade empierrée qui peut correspondre à des salines aménagées. De nombreux entrepôts àdoliasont connus. Une partie de l'un d'entre eux est exposé au rez-de-chaussée duMusée des docks romains[40].
Des fouilles archéologiques menées entre 1995 et 2010 ont montré la vitalité économique de la ville. Cependant, contrairement à bien des cités de Narbonnaise commeArles,Vaison-la-Romaine ouNîmes, aucun monument romain d'envergure ne subsiste aujourd'hui. Les deux premiers siècles témoignent d'une certaine opulence économique du fait de l’excellent réseau commercial maintenu autour de la Méditerranée. Mais en plus Marseille prend une réelle importance culturelle en entretenant la culture grecque. De nombreux romains viennent à Marseille suivre les cours de ses fameuses écoles derhétorique. Petit à petit, leur nombre s'accroît et la ville seromanise.
Avec les troubles politiques qui marquent le début duIVe siècle et de manière croissante leVe siècle de l'Empire romain, Massalia semble entrer dans une période de stagnation. En 309 ou 310[41],Maximien a été dépêché au sud d'Arles avec une partie de l'armée de l’empereurConstantin pour contrer les attaques deMaxence dans le sud de la Gaule. À Arles, il annonce la mort de Constantin et prend lapourpre impériale. En dépit des pots-de-vin qu'il offre à tous ceux qui voudraient le soutenir, la majeure partie de l'armée de Constantin lui demeure fidèle, et Maximien est contraint de s'éloigner. Constantin reçoit bientôt la nouvelle de cette révolte, abandonne ses actions militaires contre les tribus franques, et progresse rapidement vers le sud pour affronter Maximien qui fuit à Massilia, car la ville est plus adaptée pour résister à un long siège qu'Arles. Mais cela joue peu en sa faveur car soit les citoyens marseillais demeurés loyaux, soit les soldats de Maximien, lui ouvrent les portes. Maximien est fait prisonnier, dépouillé de son titre pour la troisième et dernière fois[42],[43],[44],[45], mais Constantin lui fait grâce de vie[41].

Marseille n'a conservé pratiquement aucun monument de sa longue histoire antique. Ainsi, l'histoire de ses premiers temps a relevé pendant de long siècles des seuls extraits de rares sources d’auteurs antiques. Les premièresHistoires de Marseille se fondaient quasi exclusivement sur les sources littéraires, comme l'Histoire de la ville de Marseille d'Antoine de Ruffi, publiée en 1642. En revanche, en 1773, Jean-Baptiste Bernard Grosson présente les connaissances archéologiques de l'époque dans son ouvrageRecueil des Antiquités et Monuments Marseillois.
Pendant lesXIXe et XXe siècles, le développement de l'archéologie a profondément renouvelé la connaissance du premier millénaire de la ville. La publication deMassalia, histoire de Marseille dans l'Antiquité parMichel Clerc en 1929 fait le point sur un siècle de découvertes occasionnées par les fouilles entreprises pendant les travaux de rénovation urbaine entre 1850 et 1910. Une synthèse actualisée des découvertes est réalisée parFernand Benoit dans le fasciculeV de laCarte archéologique de la Gaule romaine, éditée en 1936. Puis, après-guerre, celui-ci se consacre à des fouilles de la nécropole chrétienne sur le site de Saint-Victor avant de fouiller sur l'emplacement des immeubles dynamités par l'armée allemande sur la rive nord du Vieux-Port, mettant au jour les docks romains, ce qui lui donnera l’occasion de créer leMusée des docks romains.
Avec les rénovations urbaines des années 1960-1970, la connaissance de Marseille antique est totalement changée. La plus grande période prolifique en matière archéologique est la restructuration du centre et en particulier la mise au jour du port grec sur l'emplacement de la Bourse entre 1967 et 1976.
Histoire de Marseille par période | ||||||
|---|---|---|---|---|---|---|
| Précédé par | Suivi par | |||||
|
|
| ||||
Agglomérations gallo-romaines en France | |
|---|---|
| Auvergne-Rhône-Alpes |
|
| Bourgogne-Franche-Comté |
|
| Bretagne |
|
| Centre-Val de Loire |
|
| Grand Est |
|
| Hauts-de-France |
|
| Île-de-France |
|
| Normandie |
|
| Nouvelle Aquitaine |
|
| Occitanie |
|
| Pays de la Loire |
|
| Provence-Alpes-Côte d'Azur |
|