Mark Twain est issu d’une famille installée de longue date sur le continent américain, dont la trajectoire a épousé le front pionnier dessiné par les colons. L’environnement de l’enfance de Twain est donc le monde de la « Frontière » américaine. Toutefois, la famille Clemens, tout comme Twain lui-même une fois parvenu à l’âge adulte, ne compte pas aux rangs des aventuriers et des défricheurs partis à l’avant-garde du mouvement de colonisation vers l’Ouest. Elle s’est glissée dans le sillage de ce vaste mouvement de population et s’est installée sur des terres déjà travaillées par les colons où la vie sociale est déjà relativement stabilisée.
Sa mère, Jane Lampton, est née dans leKentucky au sein d’une famille qui fait vraisemblablement partie des premières générations de pionniers à franchir la chaîne des Appalaches ; la légende familiale lui prête une lointaine ascendance avec les Lampton, ducs de Durham.
La branche paternelle de la famille est originaire duSud du pays. Son grand-père, fermier enVirginie, migre vers le Kentucky au début duXIXe siècle pour y devenir percepteur (commissioner of revenue)[2]. Le père de Twain, John Marshall Clemens, fait des études dedroit dans l'Est puis revient dans lecomté d'Adair au Kentucky où il épouse Jane Lampton en 1823. Il exerce la fonction d’avocat et court sa vie durant après la fortune. Sa quête le mène successivement dans leTennessee, àGainesboro puis àJamestown dans lecomté de Fentress, où il investit ses économies dans 75 000 acres de terres[3]. Le faible nombre d’affaires de justice à traiter le pousse à la reconversion : il se fait marchand, en ouvrant un bazar, typique de la frontière. Il tente sa chance dans plusieurs localités du Tennessee puis rejoint John Adams Quarles, le beau-frère de sa femme, dans leMissouri sur les conseils de ce dernier. Le village deFlorida (comté de Monroe) dans lequel la famille s’installe est le théâtre de la naissance de Samuel Langhorn Clemens, le cinquième enfant de la famille[4].
Mark Twain a prétendu ultérieurement avoir eu un frère jumeau (d'où viendrait son pseudonyme), et il a répété à plusieurs reprises une histoire inventée de toutes pièces où son frère se serait noyé dans une baignoire :« Vous comprenez, nous étions jumeaux — le défunt — etmoi — et on nous a mélangés dans la baignoire quand nous n’avions que deux semaines, et l’un de nous s’est noyé. Mais nous ne savions pas lequel. Certains pensent que c’était Bill. D’autres pensent que c’était moi[5],[6]. »
Samuel Clemens âgé de 15 ans.
En, son père meurt d’unepneumonie. Sa disparition bouleverse la vie de la famille Clemens. Au mois de de l’année suivante, le futur Mark Twain, âgé de douze ans, quitte l’école et devient apprentitypographe dans l’imprimerie locale[7]. À défaut d’être agréable, le métier qu’il expérimente est à cette époque susceptible d’offrir des revenus réguliers. Chaque village de quelque importance possède en effet au moins un journal. À partir de 1850, le jeune homme travaille pour leWestern Union, un hebdomadaire dont son frère aîné, Orion, est le fondateur[8]. Il y rédige ses premiers papiers et s’imprègne des techniques et des thèmes journalistiques de son temps, à une période où l’abondance de la production et un système d’échange gratuit facilitent la circulation de l’information au sein de la profession.
La découverte de l’Est
Twain sans moustache, 1863.
À dix-huit ans, Twain quitte le Missouri, non pour rejoindre le Grand Ouest mais pour arpenter le Nord-Est des États-Unis en s’embauchant comme typographe àNew York,Philadelphie,Washington puisSaint-Louis. Il rejoint le syndicat des typographes et fréquente le soir les bibliothèques publiques, découvrant un monde que l’école d’Hannibal ne lui avait pas laissé entrevoir[9]. Ses impressions de voyage paraissent sous forme d’articles dans un journal deMuscatine, la nouvelle entreprise de son frère Orion[10].
En, il s’installe comme imprimeur àKeokuk enIowa où son frère le rejoint peu après. Leur collaboration dure jusqu’à l’hiver 1856-57. Samuel prend alors la direction deCincinnati[11]. Le récit de son séjour paraît cette fois dans un journal de Keokuk sous le pseudonyme de « Thomas Jefferson Snodgrass »[12].
Mark Twain en 1867.
Sur le Mississippi
Se tournant vers le Sud, il s’embarque ensuite sur leMississippi en direction deLa Nouvelle-Orléans, avec l’intention probable de gagner l’Amazonie. Au cours du voyage, la rencontre avec le pilote debateau à vapeur Horace E. Bixby le persuade cependant d’épouser la carrière de son nouveau mentor. C'est de cette époque que vient son pseudonyme : alors qu'il tire la corde de sondage pour vérifier la profondeur du fleuve, son capitaine lui criait :« Mark Twain !, Mark Twain ! », c'est-à-dire : « Marque deux (brasses) ! ». Cela signifie « profondeur suffisante », dans le jargon anglais dit dusafe water. Il travaille sur le Mississippi jusqu’au déclenchement de laguerre de Sécession en 1861 qui interrompt le trafic sur le fleuve. Il s’engage alors au sein d’une milice de volontaires sudistes, les « Marion Rangers »[13]. Le manque de fermeté de ses convictions sudistes et la perspective de se voir incorporer dans les rangs de l’armée confédérée le poussent à quitter son premier engagement[14] et à se tourner vers les territoires de l'Ouest ; profitant de la nomination de son frère Orion comme secrétaire d’État duNevada, il prend la route le[15]. Le Nevada ayant rallié l'Union, Mark Twain passe donc de la sécession sudiste à l'unionisme du nord.
La ville se stabilise tout juste après la période de grande effervescence consécutive à la découverte en 1859 de gisements d’argent dans les monts Washoe. À la recherche du filon caché, une foule de déçus de laruée vers l'or en Californie de 1849 et de nouveaux aventuriers attirés par la promesse d’une fortune facile ont convergé vers la ville. Le profil de ces prospecteurs diffère sensiblement des pionniers traditionnels qui s’installent pour mettre en valeur le pays par le travail de la terre. La population de Carson City est alors essentiellement masculine ; l’avidité, la concurrence et la recherche des plaisirs faciles y maintiennent un climat de tension permanente[17].
Samuel Clemens est lui-même gagné par la « fièvre de l’argent » ; persuadé de faire fortune rapidement, il se lance tous azimuts dans la prospection. Ses espoirs sont déçus ; en butte à des difficultés financières, il finit par accepter en l’offre d’emploi permanent que lui propose leTerritorial Enterprise, un journal de la ville deVirginia City, pour lequel il écrivait jusque-là occasionnellement des chroniques comiques[18]. C'est l'époque desfolles spéculations du Nevada sur les riches mines d'argent duComstock Lode, cotées à labourse de San Francisco, racontées avec réalisme dansÀ la dure, publié en 1872.
Croisière à l'étranger
Couverture deInnocents Abroad or the new pilgrims progress (Le Voyage des Innocents), édition de 1884.
Les 52 lettres de voyage de Mark Twain, écrites dans son style humoristique et sarcastiques — car pour Twain,« rien n'est plus saint qu'une blague » —, sont publiées agrémentées de dessins dans le journal et reçoivent un tel accueil des lecteurs, qu'il est décidé d'en faire un livre intituléThe innocents abroad or the new pilgrims progress (Le Voyage des Innocents) qui sort en 1868, imprimé en 70 000 exemplaires et souvent réédité depuis[21],[22].
À partir de1864, il exerce l’activité de reporter àSan Francisco et se déplace enEurope en tant que correspondant de presse. Après son mariage avec Olivia Langdon en1870, il s’installe àHartford,Connecticut. Il eut quatre enfants dont trois filles : Susan, Clara et Jeanne et un fils mort prématurément. Dans ses premiers romans, Mark Twain évoque ses voyages enEurope et enPolynésie (Le Voyage des innocents, 1869) en se moquant des préjugés et de la conduite de ses compatriotes, ainsi que sa période de chercheur d’or et de journaliste sur leComstock Lode, dansÀ la dure (Mark Twain) (1872). Envoyé par son journal en Polynésie en 1866[23], Mark Twain y passe quatre mois, sympathise avec les marins et baleiniers[23], loue un cheval[23], et constate le déclin dramatique de la population d'origine, lesKanaka Maoli[23]. Il en rapporte des reportages et une série de lettres publiées par leSacramento Union, puis rassemblées dans un livre en 1947,Letters from Hawaï[23]. Lors de son passage à Hawaï, il rencontre notammentWilliam Phileppus Ragsdale dont il s'inspire plus tard pour intégrer des éléments de l'histoire dansUn Yankee à la cour du roi Arthur[24].
Mark Twain au laboratoire deNikola Tesla, au début de l'année 1894.
C’est grâce à ses deux romansLes Aventures de Tom Sawyer (1876) etLes Aventures de Huckleberry Finn (1885) qu’il acquiert la célébrité comme écrivain humoriste. Mark Twain écrit cependant, dans la seconde partie de son œuvre des textes plus graves dénonçant avecpessimisme les excès de la civilisation et l’immoralité érigée enmorale.
Fin de vie
Mark Twain à Stormfield filmé parThomas Edison (1909).
Les dernières années de sa vie sont marquées par une reconnaissance mondiale : il est une des plus grandes figures littéraires de son époque et fait entre 1895 et 1896 une tournée de conférences à travers le monde saluée par les critiques et couronnée de succès[25]. Cependant, la fin de sa vie est assombrie par des ennuis financiers, ainsi que par la mort d'une de ses filles à 24 ans causée par uneméningite, puis la mort de sa femme. Il perd une seconde fille, âgée de 29 ans, noyée dans sa baignoire à la suite d'une crise d'épilepsie.
A l'automne 1897 le New York Journal publie une nécrologie de l'écrivain. « L'annonce de ma mort est très exagérée » répond Mark Twain.
Il meurt d'une crise cardiaque le àRedding dans leConnecticut, le lendemain du passage de lacomète de Halley à sonpérihélie. Il avait déclaré un an plus tôt :« Je vins au monde avec la comète de Halley en 1835. Elle reviendra l’année prochaine, et je m’attends à partir avec elle. Le Tout-Puissant a dit : “Voyez donc ces deux monstres inexplicables ; ils sont venus ensemble, ils doivent repartir ensemble” »[26].
Décrivant avec réalisme et sévérité lasociété américaine, Mark Twain est l’un des premiers auteurs à utiliser la langue parlée authentique des États du Sud et de l’Ouest. Souvent comparé àStevenson etDickens, il excelle particulièrement dans une peinture régionaliste de l’Amérique, c’est-à-dire réalisée par un « natif », parfaitement imprégné du vécu de l’endroit qu’il décrit.
Une partie importante de son œuvre déroge cependant à ce principe lorsqu’il se fait « observateur des peuples » en plaçant ses récits dans les pays qu’il a visités.
Relativement éloigné de sonstyle et de sonhumour habituels,La saga de Jeanne d'Arc (titre original :Personal Recollections of Joan of Arc) est écrit en1896 sous lepseudonyme « Louis de Conte »
Twain a laissé un très grand nombre demanuscrits, parmi lesquels des œuvres importantes comme sonAutobiographie et le romanL'Étranger mystérieux. La responsabilité de l'édition est revenue à son biographe officiel,Albert Bigelow Paine(en), sous la surveillance de Clara, la seule fille survivante de l'auteur. Cette période de la réception des œuvres de Mark Twain se caractérise par la construction d'une image hagiographique dont témoigne la biographie de Bigelow, qui, malgré sa longueur (plus de 1 700 pages en trois volumes), censure tout élément susceptible de ternir l'image de Twain. Les textes de Twain sont également purgés, comme sonAutobiographie, dont seule une partie est publiée, et ses lettres, que Bigelow « résume » à l'occasion.L'Étranger mystérieux est également publié par ce dernier, préalablement remanié.
Certaines œuvres, comme lesLettres de la Terre, ne sont pas publiées, sur ordre de Clara. Bigelow, pendant plusieurs décennies, restera la seule personne à avoir accès aux manuscrits et cette situation bloquera longtemps toute possibilité de développer des études twainiennes fiables.
Twain et les religions
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Christianisme
Mark Twain est unpamphlétaire virulent et irrévérencieux, notamment lorsqu’il s’en prend àDieu, à lareligion et aux fondements duchristianisme. DansDe la religion : Dieu est-il immoral ?, il souligne des points qui lui semblent incohérents dans laBible et dénonce les crimes commis au nom deDieu et duChrist.
Il a écrit aussi unlivre critique sur laScience chrétienne intituléChristian Science et publié en 1907[27] ; le deuxième tome sur sa fondatriceMary Baker Eddy n'est jamais paru.
Judaïsme
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Dessin duSaint Sépulcre issu deThe Innocents abroad, édition de 1897
Twain a fait une croisière en Méditerranée en 1876 qui l'a mené notamment en Terre sainte, à l'époque sous la domination ottomane. Bien que la majorité de ses contemporains ait une vision stéréotypée négative du peuplejuif, Twain défend les Juifs, en paroles et en actes. En 1879, il écrit enprivé[réf. nécessaire] :« Sampson était un juif — donc pas un imbécile. Les Juifs ont la meilleure intelligence moyenne parmi tous les peuples du monde. Les Juifs sont la seule race qui travaille entièrement avec leur cerveau et jamais avec leurs mains… ».
Dans un contexte postérieur à l'Affaire Dreyfus, Mark Twain rédige en réponseConcerning the Jews[28] (À propos des Juifs), un essai dont il pense qu'il ne plaira à personne. Sa prédiction était correcte. Mark Twain y indique que les préjugés contre les juifs ne viennent ni de leur conduite, ni de leur religion, mais de la jalousie des chrétiens face aux succès économiques des juifs. Il cite le discours d'un avocat allemand qui voulait que les juifs soient chassés de Berlin parce que, selon lui,« quatre-vingt-cinq pour cent des avocats brillants de Berlin étaient juifs ».
Mark Twain pense que le succès des juifs est le produit de leur loyauté, de leur fidélité familiale, de leur intelligence et de leur sens des affaires. Il pensait que la criminalité et l'ivresse était inexistante chez les Juifs et qu'ils étaient honnêtes en affaires, même s'il savait que ce n'était pas le sentiment de la plupart de ses contemporains. Il écrivit ainsi[29] :« Les Égyptiens, les Babyloniens et les Perses ont rempli la planète de son et de splendeur, puis… sont passés. Les Grecs et les Romains ont suivi, ont fait grand bruit et ils ont disparu et, d'autres peuples ont vu le jour et ont tenu leur flambeau élevé pour un temps, mais il a brûlé, et ils siègent désormais au crépuscule, ou ont disparu ses parents. Le Juif les a tous vus, tous battus, et est maintenant ce qu'il a toujours été, ne présentant aucune décadence, aucune infirmité de l'âge, aucun émoussement de son esprit alerte et agressif, aucun affaiblissement d'aucune sorte. Toutes les choses sont mortelles sauf le Juif ; toutes les autres forces passent, mais il demeure. Quel est le secret de son immortalité ? »[29]. Twain décritÀ propos des juifs comme« son chef-d'œuvre », mais prédit que« ni juifs ni chrétiens ne l'approuveront ». Le rabbin M. S. Levy contesta l'affirmation selon laquelle« le juif est un homme d'argent » en précisant que les famillesVanderbilt,Gould,Astor,Havemeyer,Rockefeller,Mackay,Huntington,Armure,Carnegie,Sloane,Whitney, n'étaient pas juives, et contrôlaient pourtant plus de vingt-cinq pour cent de toutes les richesses distribuées aux États-Unis.[réf. nécessaire]
L'amitié de Mark Twain avec le président américainUlysses Grant a donné lieu à un livre :Grant and Twain: The Story of a Friendship That Changed America de Mark Perry ;
Un épisode de la sérieBonanza, intituléEnters Mark Twain et tourné en 1959, met en scène Samuel Clemens de passage à Virginia City, et raconte comment il a choisi son pseudonyme ;
Il apparaît dans le romanTo sail beyond the sunset de Robert A. Heinlein, en son propre nom, il est en quelque sorte le « mentor » de Ira Johnson, père de Maureen Johnson l'héroïne du roman ;
Toujours sous son véritable nom, il est l'un des personnages principaux desFeux de l'Éden deDan Simmons ;
À la fois sous le nom de Mark Twain et de Samuel Clemens, l'écrivain est l'un des personnages principaux de BloodSilver deWayne Barrow. Sa vie est « revisitée » via la réécriture de l'histoire de la conquête de l’Ouest américain, traversé par le Convoi, une famille de vampires débarquée sur le nouveau continent ;
Il apparaît aussi dans l'épisode desEnquêtes de Murdoch intituléQui veut la peau de Samuel Clemens ? (Marked Twain) ;
Une mention du livre (A Connecticut Yankee in King Arthur's Court) fait dansStar Trek : Voyager S6 E11 (Fair Heaven) dans lequel Captain Kathryn Janeway offre ce livre comme présent à un personnage holographique, Michael Sullivan pour qui elle a une forte attirance ;