Sa thèse de doctoratLa cinemática del electrón relativista sous la direction deGuido Beck a été présentée à l'université nationale de Tucuman (Argentine) en 1960[5], soutenue le 22/12/1952[6], et publiée en 1960[7].
Professeur émérite de nombreuses universités dans le monde, Mario Bunge est également membre de très nombreuses organisations et sociétés savantes, de l’Académie internationale de philosophie des sciences au Conseil National de Pesquisas.
Son œuvre philosophique, en reposant sur un matérialisme scientifique, présente unmonisme ontologique[8] :
réaliste : la substance matérielle existe indépendamment de la représentation que l'on en fait,
anti idéaliste,
anti spiritualiste,
anti dualiste.
Le matérialisme évolutionniste est une philosophie dont les racines historiques remontent auXIXe siècle et qui :
est un monisme :« Les matérialistes ne reconnaissent qu'une seule espèce d'éléments qui remplit la totalité de l'univers »[9] : la matière. PourJoseph Dietzgen, contemporain deKarl Marx etFriedrich Engels :« le monisme est la conception de l'unité de la matière et de l'esprit, ou de l'enchevêtrement de tous les phénomènes entre eux »[10].« Le monisme pourGueorgui Plekhanov représente l'affirmation de l'unité ontologique du monde, qu'elle ait pour fondement la nature ou l'esprit »[11].
est unimmanentisme :« la matière est conçue à partir d'un principe immanent »[12].
qui demande à la philosophie la préséance de laScience :« La méthode scientifique est considérée comme la seule voie d'accès à la connaissance véritable et le discours philosophique s'appuie sur les dernières découvertes de l'époque »[13].
Ce terme dematérialisme évolutionniste a été choisi pour qu'il puisse se démarquer des divers courants philosophiques du matérialisme duXIXe siècle ou antérieurs. Plus tard dans son œuvre, il a remplacé ce terme parmatérialisme émergentiste, puismatérialisme systémique (Pour lui, la plus grande part deschoses matérielles sont des systèmes ou des composants de systèmes).
Rares sont les philosophes évolutionnistes qui proposent une ontologie matérialiste se voulant conception générale du monde[14]. Pour lui, tout est matière, tout en admettant que l'immatériel (la conscience et la pensée par exemple) existe et découle de la matière (le cerveau). Chaque entité existante résulte d'un processus de développement. Une entité existante peut posséder une propriété dite émergente car, inexistante dans ses parties constitutives prises séparément, elle est apparue au moment de la formation du tout. Lesimple construit lecomplexe avec desirréversibilités possibles.
Pour Charbonnat, le matérialisme scientifique de Bunge« se situe à mi distance entre lephysicalisme et lematérialisme dialectique : c'est une doctrine rigoureuse comme le premier, mais ouverte à la nouveauté comme le second ». Il offre un chantier de la convergence, y compris avec le matérialisme historique, dès que chaque entité aura fait un travail critique sur la scientificité de ses propres composantes historiques[15].
Les qualités du matérialisme scientifique telles que Mario Bunge les présente dès 1981 sont[16] :
exactitude : notamment des définitions et des formulations sans polysémie, aussi proche que possible du langage mathématique et de laphilosophie analytique.
matérialisme : toute entité est matière concrète, y compris un concept ou une idée conçus par le cerveau d'un être pensant.
dynamicisme : la matière peut se changer spontanément.Être c'est devenir.
non dogmatisme.
systématisme : chaque concept ou définition appartient au système hypothético-déductif constamment ouvert à la révision raisonnée confrontée au réel.
scientificité : Toutes les hypothèses philosophiques sont compatibles avec la science "en train de se faire". D'où le réalisme.
émergentisme : les systèmes ont des propriétés émergentes que n'ont pas les parties constituantes.
systémisme : chaque entité est tout ou partie d'un système.
évolutionnisme : les systèmes complexes sont le produit d'une histoire au cours de laquelle s'associent des éléments de niveau d'organisation inférieur. Son traducteur a préféré choisir le terme dematérialisme systémique et émergentiste.
Marc Silberstein détaille l'unité plurielle du matérialisme« ancré dans les sciences » en reprenant les apports de Mario Bunge[17] :
Dans le sillage de Mario Bunge et pour lutter contre lescréationnismes et lespseudo-sciences,Guillaume Lecointre, s'appuyant sur les travaux dePierre Bourdieu, juge nécessaire de rappeler les liens qui existent entre la science et le matérialisme scientifique. Il propose les termes du contrat tacite qui conditionne la possibilité de reproductibilité des expériences scientifiques des chercheurs en sciences[18]. :
scepticisme initial sur les faits,
réalisme de principe,
matérialisme méthodologique,
rationalité (et logique).
D'autre part, plusieurs chantiers et démarches ont vu le jour :
un chantier d'unification des différents courants du matérialisme évolutionniste dans le matérialisme contemporain, systémique et émergentiste, prévoit, sans visée réductionniste, et sans volonté de s'étendre à tout matérialisme scientifique, de concerner toutes les sciences intégratives telles que l'écologie, la sociologie, la psychologie, etc[19].
un collectif autour deMuriel Gargaud et Guillaume Lecointre réactualise, en pratiquant laco-écriture multi et trans disciplinaire, le concept en soi d'évolution ainsi que l'évolution de nombreux concepts transversaux (catégorie, temps, individu, information, etc.), en lien avec l'avancée des sciences, biologiques, neurosciences, écologie, politique, de gestion, etc. et à la lumière d'une nouvelle réflexion scientifique sur le concept d'émergence[20]
Pascal Charbonnat évoque une nouvelle démarche pour effectuer un travail de recherche historique. Il la dénommeméthode phylogénique et la situe à l'opposé de la démarche traditionnelle qualifiée demicro-monographique[21]. Par cet apport, il se rapproche de la volonté de mieux appréhender la complexité de la généalogie, du mouvement, du changement et de l'évolution des concepts et des idées.« [. E]nvisager les idées dans un cadre évolutif » s'inspire des recherches ensciences cognitives notamment. Il propose« un cheminement vers une science des idées » et en détecte l'intérêt épistémique.Edgar Morin, dans plusieurs ouvrages dont le tome 4[22] de son œuvreLa Méthode notamment, avait évoqué cette évolution nécessaire.
L'ouvrage actualisant lematérialisme et qui rend hommage à Mario Bunge contient en annexe du tome 2 toute sa bibliographie : 147 ouvrages, 531 articles[23].
Mario Bunge "La physique quantique réfute-t-elle le réalisme, le matérialisme et le déterminisme ?", Chapitre 13 in Marc Silberstein (dir.),Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain, volume 1, Éditions Matériologiques, Paris, 2016.
avec Martin Mahner,De la nature des choses - Introduction au matérialisme émergentiste,Éditions Matériologiques, 2023, 290p., traduction deÜber die Natur der Dinge, Hirzel, 2004.