Marie passe une enfance triste et solitaire, aupalais Pitti à Florence ; elle a pour seuls compagnons ses deux sœurs,Anne etÉléonore, et un frère,Philippe. Son frère et sa sœur Anne mourront tous deux très jeunes, il ne lui restera que sa sœur aînée Éléonore qui, quelques années plus tard, sera mariée auduc de Mantoue. Après le mariage de sa sœur en 1584, il ne lui restera pour seul compagnon de jeux que son cousin germainVirginio Orsini sur qui elle reporte toute son affection. Après le départ d'Éléonore, sa marâtre fait venir une compagne au Palais Pitti pour Marie, une jeune fille du nom deDianora Dori qui sera rebaptisée Léonora. Cette jeune fille de quelques années plus âgée que Marie va prendre sur cette dernière une très grande influence au point que Marie ne décidera plus rien sans lui en parler d'abord.
Le,FrançoisIer de Médicis et Bianca Cappello meurent l'un après l'autre en l'espace de quelques heures[6]. Orpheline, Marie est considérée comme l'héritière la plus riche d'Europe[6].
Son oncleFerdinandIer de Médicis monte sur le trône de Toscane et épouseChristine de Lorraine, petite-fille de la reine de FranceCatherine de Médicis. Nonobstant son désir de donner un héritier à sa dynastie, il fait donner à ses neveux et nièces orphelins une bonne éducation. Marie apprécie particulièrement les disciplines scientifiques et notamment les sciences naturelles, et se passionnera pour les bijoux, les pierres précieuses. Très dévote, elle est réputée avoir peu de jugement et de largeur d'esprit et dépendre terriblement de son entourage.
Proche des artistes de saFlorence natale, elle est formée au dessin parJacopo Ligozzi, où elle se montre très douée ; elle joue aussi de la musique (chant et pratique de laguitare et duluth), apprécie le théâtre et la danse et jouer la comédie.
Physiquement, elle devient une femme de belle prestance, assez grande. Elle a le teint blanc, de petits yeux et des cheveux châtains.
La richesse des Médicis attire vers Marie de nombreux prétendants, notamment lecomte de Vaudémont, frère cadet deChristine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane, mais surtout tante et tutrice de Marie.
Mais un parti plus prestigieux se présente, le roi de FranceHenriIV.
Marie de Médicis et son fils en 1603 par Charles Martin.
Le mariage d'HenriIV avec Marie de Médicis répond avant tout pour le roi de France à des préoccupations dynastiques et financières. En effet, Marie de Médicis est la petite-fille de l’empereur romain germaniqueFerdinandIer, ce qui permet d’assurer légitimement une descendance royale en France. De plus les Médicis, banquiers créanciers du roi de France, promettent une dot d'un montant total de 600 000 écus d'or (2 millions de livres dont1 million payé au comptant pour annuler la dette contractée par la France auprès de la banque Médicis)[7], ce qui vaudra à la reine le surnom de « la grosse banquière » (expression de sa rivale jalouse, la maîtresse du roiCatherine Henriette de Balzac d'Entragues)[8].
Le contrat de mariage est signé àParis en et les cérémonies officielles sont organisées enToscane et enFrance du mois d’octobre au mois de décembre de la même année : lemariage par procuration a lieu à Florence en l'absence du roi qui a délégué une forte ambassade et son favoriRoger de Bellegarde qui « épouse » Marie le dans lacathédrale Sainte-Marie-de-la-Fleur. La future reine quitte Florence pourLivourne le, accompagnée de deux mille personnes qui constituent sa suite, et embarque ensuite pourMarseille qu'elle atteint le suivant. C'estAntoinette de Pons, marquise de Guercheville et dame d'honneur de la future reine, qui est chargée de l'accueillir à Marseille. La marquise a si bien su résister aux projets galants du roi que celui-ci lui a dit : « Puisque vous êtes réellement dame d'honneur, vous la serez de la reine ma femme ». À sa grande fureur, Marie constate que son époux royal ne s'est même pas déplacé pour l'accueillir. Après son débarquement, Marie de Médicis rejointLyon le[9]. Ils se rencontrent enfin le et, après le souper, passent leurnuit de noces. Le, lelégat pontifical enfin arrivé, donne sa bénédiction à la cérémonie religieuse du mariage dans lacathédrale Saint-Jean de Lyon[10].
Marie de Médicis est rapidement enceinte et met au monde ledauphinLouis le au grand contentement du roi et du royaume qui attendent la naissance d'un dauphin depuis plus de quarante ans. Marie continue son rôle d'épouse et donne à son mari une nombreuse progéniture (6 enfants en l'espace de9 ans), excepté les années1603-1606, période pendant laquelle Henri IV porte ses assiduités vers ses maîtresses.
Il faut attendre le, et le départ imminent d'Henri IV enguerre pour la succession du duché de Juliers, pour que la reine soit couronnée en labasilique Saint-Denis, afin de conférer une plus grande légitimité à la reine dans la perspective d'une possible régence qu'elle serait appelée à assurer en l'absence du roi[11]. Le lendemain, Henri IV est assassiné parRavaillac, ce qui soulève d'emblée les suspicions d'une conspiration[12].
La régente Marie en 1616, parPourbusLettre autographe de Marie de Médicis adressée à Louis XIIIArchives Nationales AE-II-799.
Lorsque Henri IV meurtassassiné le, Marie de Médicis assure larégence au nom de son fils,LouisXIII[13], âgé de seulement8 ans et beaucoup trop jeune pour régner par lui-même. Marie commence par garder les conseillers de son époux. Par la suite, elle s'en sépare et se faitgouverneur de la Bastille.Régente, elle est en position de faiblesse à l'égard de la noblesse du royaume et des voisins européens. Pour affermir son autorité sur le trône de France, elle n'a de cesse de développer ungrand protocole emprunté à la cour d'Espagne. Interprète de ballets, collectionneuse, elle déploie un mécénat artistique qui contribue à développer les arts en France. Très vite, elle se rapproche de l'Espagne et concrétise en1615 un axe catholique avec un double mariage franco-espagnol : son fils, le roi Louis XIII, épouseAnne, infante d'Espagne, et sa fille, Élisabeth, épouse l'infantPhilippeIV d'Espagne.
La politique de la reine provoque néanmoins des mécontentements. D'une part, lesprotestants s'inquiètent du rapprochement de Marie avecSa Majesté TrèsCatholique, leroi d'Espagne,PhilippeIII. D'autre part, Marie de Médicis tente de renforcer le pouvoir monarchique en s'appuyant sur sadame d'atours,Leonora Galigaï, sa compagne de jeux d'autrefois, et sur l'époux de celle-ci,Concino Concini, ce qui déplaît profondément à une partie de la noblesse française.Remuant la passion xénophobe[non neutre], la noblesse désigne comme responsables de tous les maux du royaume ces immigrés italiens favoris de Marie. Ils s'enrichissent, dit-elle, à ses dépens. Profitant de la faiblesse intrinsèque à une régence, des nobles de grandes familles, leprince de Condé,prince du sang à leur tête, se révoltent contre Marie de Médicis pour obtenir eux aussi titres et compensations financières.
En application du traité deSainte-Menehould (), la reine convoque lesétats généraux à Paris. Le prince de Condé ne parvient pas à structurer son opposition au pouvoir royal. Cependant, Marie de Médicis s'engage à concrétiser l'alliance avec l'Espagne et à faire respecter les thèses duconcile de Trente. Les réformes de lapaulette et de lataille restent lettre morte. Le clergé joue le rôle d'arbitre entre letiers état et lanoblesse qui ne parviennent pas à s'entendre. Le lieutenant civilHenri de Mesmes déclarant ainsi que les ordres étaient frères et enfants d'une mère commune, la France, un des représentants de la noblesse lui répond qu'il se refuse à être le frère d'un enfant de cordonnier ou de savetier. Cet antagonisme profite à la Cour qui prononce bientôt la clôture des états généraux. La régence est officiellement close à la suite dulit de justice du qui déclare Louis XIII majeur, mais Marie de Médicis devient alors chef duConseil du roi de France, et dans les faits garde tout son pouvoir.
Un an après la fin desétats généraux, une nouvelle rébellion de Condé permet son entrée au Conseil du roi par letraité de Loudun du, qui lui accorde également la somme d'un million et demi de livres et le gouvernement de laGuyenne.
Pendant ce temps, les protestants obtiennent un sursis de six ans à la remise de leurs places de sûreté au pouvoir royal.
C'est bien des années après, lorsque Marie de Médicis est exilée par son fils, que naît lentement lalégende noire de Marie de Médicis : on parle alors de montée en puissance de ses favoris italiens, du gaspillage financier causé par l'appétit financier de la reine et de son entourage, de la maladresse et de la corruption de sa politique qui auraient dominé sous son gouvernement. Par ailleurs, la reine et le roi son fils s'entendent mal. Se sentant humilié par la conduite de sa mère, qui monopolise le pouvoir, Louis XIII organise uncoup d'État, le (appelé « uncoup de majesté »[14]), en faisant assassinerConcino Concini par lemarquis de Vitry. Concini est tué à l'entrée du Louvre par les gardes du roi, et son corps est profané par la foule parisienne, signe de la profonde impopularité dont il souffrait[15]. Prenant le pouvoir, il exile la reine-mère auchâteau de Blois. Cet acte est accompli sous le conseil du duc de Luynes, devenu l'un des principaux conseillers et proches de Louis XIII, qui lui conseilla de s'émanciper de l'influence maternelle. L’épouse de Concini, Léonora Galigaï, est quant à elle accusée de sorcellerie et exécutée en place publique, tandis que tous leurs biens sont confisqués et redistribués aux proches du roi, notamment au profit de Luynes, qui en tire un grand bénéfice personnel.
Mais la reine-mère n'est pas satisfaite : elle relance la guerre l'année suivante en ralliant à sa cause les Grands du royaume (« deuxième guerre de la mère et du fils »). La coalition nobiliaire est rapidement défaite à labataille des Ponts-de-Cé par le roi qui pardonne à sa mère et aux princes.
Conscient qu'il ne peut éviter la formation de complots tant que Marie de Médicis reste en exil, le roi accepte son retour à la Cour. Elle revient alors àParis, où elle s'attache à la construction de sonpalais du Luxembourg. Après la mort deCharles d'Albert, duc de Luynes, en, elle effectue peu à peu son retour politique. Richelieu joue un rôle important dans sa réconciliation avec le roi. Il parvient même à faire revenir la reine-mère auConseil du roi.
Pendant et après la régence, Marie de Médicis joue un grand rôle dans l'essor de la vie artistique parisienne en s'attachant à la construction et la décoration du palais du Luxembourg, et en finançant des campagnes de travaux dans plusieurs couvents et églises de la capitale. Elle tente notamment d'attirer à Paris plusieurs artistes de grande envergure : elle fait venirL'Annonciation deGuido Reni, se fait offrir une suite deMuses peintes parGiovanni Baglione, invite pour une courte période le peintreOrazio Gentileschi (en1623-1625), et surtoutRubens qu'elle fait venir d'Anvers pour l'exécution d'une galerie de peintures (composées entre1622 et1625) consacrées à sa vie (lecycle de Marie de Médicis aujourd'hui aumusée du Louvre) pour le palais du Luxembourg. Ses tentatives pour convaincrePierre de Cortone etGuerchin de rejoindreParis se solderont par un échec, mais le palais du Luxembourg devient pendant ladécennie1620 l'un des chantiers décoratifs les plus actifs d'Europe : des sculpteurs commeGuillaume Berthelot etChristophe Cochet, des peintres commeJean Mosnier ou le jeunePhilippe de Champaigne, et mêmeSimon Vouet à son retour à Paris, participent aux décors des appartements de la reine-mère.
Marie de Médicis en exil parVan Dyck.Médaille gravée en son honneur par l'Académie des Palinods deRouen, en 1644[16].
Marie de Médicis continue à fréquenter leConseil du roi en suivant les conseils du cardinal deRichelieu, qu'elle a introduit auprès du roi comme ministre. Au fil des ans, elle ne s'aperçoit pas de la puissance montante de ce protégé et client. Quand elle en prend conscience, elle rompt avec le cardinal et cherche à l'évincer. Ne comprenant toujours pas la personnalité du roi son fils, et croyant encore qu'il lui sera facile d'exiger de lui la disgrâce de Richelieu, elle tente d'obtenir le renvoi du ministre. Après laJournée des Dupes, le, Richelieu reste le principal ministre et Marie de Médicis est contrainte de se réconcilier avec lui.
Elle décide finalement de se retirer de la cour. Le roi, la jugeant trop intrigante, l'incite à partir auchâteau de Compiègne. De là, elle s'enfuit le versÉtrœungt (comté de Hainaut) où elle dort avant de se rendre àBruxelles. Elle compte y plaider sa cause. Cette évasion n'était qu'un piège politique tendu par son fils qui avait retiré les régiments gardant le château de Compiègne. Réfugiée auprès des ennemis espagnols de la France, Marie de Médicis est privée de son statut de reine de France, et donc de ses pensions.
Son aumônierMathieu de Morgues, qui lui est resté fidèle dans son exil, rédige des pamphlets contre Richelieu qui circulent en France clandestinement. Pendant ses dernières années, la reine voyage dans les courseuropéennes, auxPays-Bas espagnols auprès de l'Infante Isabelle et de l'ambassadeurBalthazar Gerbier qui tente de la réconcilier avec Richelieu, enAngleterre pendant trois ans, puis enAllemagne, auprès de ses filles et de ses gendres où elle tente à nouveau de former une « ligue des gendres » contre la France, sans jamais pouvoir rentrer en France alors que ses partisans sont embastillés, bannis ou condamnés à mort. Réfugiée dans la maison prêtée par son amiPierre-Paul Rubens àCologne, elle tombe malade en, et meurt d'une crise de pleurésie dans le dénuement le, quelques mois avant Richelieu. Son corps est ramené àSaint-Denis, sans grande cérémonie, le, tandis que son cœur est envoyé àLa Flèche, conformément au souhait d'Henri IV qui voulait que leurs deux cœurs fussent réunis.LouisXIII meurt le suivant.
Même si elle ne s'entendait pas très bien avec son mari, elle lui donne rapidement son premier enfant à vingt-six ans et en aura en tout six en neuf ans :
Monsieur d’Orléans, à tort prénommé « Nicolas » par certains auteurs, mort avant d'avoir été solennellement baptisé et nommé, titré à sa naissanceduc d'Orléans ( -) ;
Marie-Noëlle Baudouin-Matuszeket al.,Marie de Médicis et le Palais du Luxembourg, Paris, Hachette,
Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek, « La succession de Marie de Médicis et l'emplacement des cabinets de peintures au palais du Luxembourg »,Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France. 1990,t. 117,,p. 285-293(lire en ligne surGallica)
Paola Pacht-Bassaniet al.,Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, Somogy,.
Marc Fumaroli, Françoise Graziani et Francesco Solinas (dir.),Le « Siècle » de Marie de Médicis, actes du séminaire de la chaire rhétorique et société en Europe (xvie-xviie siècles) du Collège de France, Edizioni dell'Orso,.
Marylou N’Guyen-Millanvoye,« Le patronage religieux de la reine de France face à l’émergence du catholicisme d’État. Approche comparatiste des chapelles de Marie de Médicis (1575-1642) et d’Anne d’Autriche (1601-1666) », dans Murielle Gaude-Ferragu et Cécile Vincent-Cassy,« La dame de cœur ». Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l'Europe des xive-xviie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes,, p. 67-79.