Vers l'âge de six ans, elle quitte le château du Quesnoy, trop exposé aux armées deLouisXI, pour celui desWalles àGand. Elle y passe la majeure partie de son enfance, alors que ses parents s'installent àGorcum, enHollande. Comme tous les membres de la maison Valois de Bourgogne, sa langue maternelle est lemoyen français, mais elle apprend également lethiois et lelatin. Elle lit beaucoup, notamment leRoman de la Rose, et apprend à jouer duclavicorde.
À l'âge de huit ans, elle perd sa mère, victime de latuberculose, et son grand-père le ducPhilippe. Elle participe alors à la tournée inaugurale de son père qui, nouveau duc de Bourgogne, l'habitue très jeune à la vie publique.
En1468, Charles le Téméraire se remarie avecMarguerite, fille duducRichard d'York et sœur du roiÉdouardIV d'Angleterre, àDamme. Il donne des festivités grandioses, d'un luxe fastueux, àBruges[1], qui devient la ville préférée de Marie. La nouvelle épouse du duc voit peu son mari et n'a pas d'enfant, mais elle reporte toute son affection maternelle sur Marie.
Seule enfant deCharles le Téméraire, Marie est son unique héritière. Son père tente de forger une alliance contre Louis XI avec le roiJeanII d'Aragon qui demande en1462 la main de Marie, alors âgée de5 ans, pour son fils, le futurFerdinand le Catholique, âgé de10 ans.
Par la suite, le duc Charles propose à l'empereurFrédéricIII la main de Marie pour son fils et héritier Maximilien, en échange de quoi l'empereur ferait élire le Téméraireroi des Romains ou érigerait la Bourgogne en royaume. Si l'empereur est intéressé par ce mariage qui renforcerait la dynastie habsbourgeoise, il finit par décliner la proposition pour des raisons de politique intérieure, sans jamais totalement la perdre de vue. C'est bien cette solution matrimoniale qui finit d'ailleurs par prévaloir après la mort du duc.
Enfin, il est envisagé en1473 un mariage avec le jeune duc de LorraineNicolasIer, qui se bat aux côtés de laBourgogne et participe à l'invasion de laPicardie, ainsi qu'ausiège de Beauvais. L'union des maisons de Bourgogne et de Lorraine permettrait à terme de créer un royaume d'un seul tenant entre la Bourgogne et la Mer du Nord, une secondeLotharingie. Cependant le jeune duc meurt subitement à l'âge de25 ans en tentant de prendreMetz en1473. Tout comme pour la mort de son autre prétendantCharles de France en1472, on soupçonne vite Louis XI de l'avoir fait empoisonner.
Tant que le duc Charles est en vie, Marie n'est que l'héritière potentielle. Tout bascule le, sous les murs deNancy : son père, à la tête d'une armée affaiblie, meurt d'un coup de hallebarde face aux troupes duduc de Lorraine appuyées par d'importants contingents suisses. Marie n'a pas vingt ans. Malgré un puissant sentiment d'attachement à ladynastie bourguignonne, la duchesse est trop jeune et trop inexpérimentée pour incarner le pouvoir face au risque de l'invasion française. De plus, les guerres incessantes et les réformes autoritaires de son père ont provoqué tensions politiques et crise économique dans ses États. La situation est telle que lors des obsèques du duc, le, en l'église Saint-Jean deGand, le peuple gronde devant le faste de la cérémonie.
Les vastes possessions sur lesquelles Marie de Bourgogne règne désormais vivent une situation économique difficile, liée à une crise démographique aggravée par les guerres continuelles, ainsi qu'au blocus économique imposé parLouisXI, qui augmente le coût des denrées alimentaires. Enfin, desépidémies depeste frappent régulièrement la population.
Dans lesPays-Bas bourguignons, les villes se révoltent contre le centralisme économique et administratif imposé par les ducs de Bourgogne. Écartant l'idée d'une alliance française et l'éventualité d'un mariage avec Charles[2], le dauphin de France (à peine âgé de sept ans, soit treize de moins qu'elle), Marie se tourne vers ses sujets des Pays-Bas afin qu'ils la protègent des visées du roi Louis XI. Elle convoque donc lesÉtats généraux et leur octroie, le, une charte de droits, leGrand Privilège. Cette charte accorde de nombreuses concessions, permettant notamment le retour à une autonomie des villes et des provinces en rétablissant les droits, privilèges, libertés et coutumes qui existaient avant lapaix de Gavre. Marie se déplace dans plusieurs grandes villes afin d'asseoir son autorité et faire valoir son héritage.
Dans le même temps, il entame une série de procédures juridiques pour justifier les conquêtes qu'il espère maximales. La principale est un procès posthume enlèse-majesté contre le Téméraire, qui lui permettrait de saisir tous lesfiefs mouvants de la Couronne ayant appartenu au feu duc (duché de Bourgogne, Flandre, Artois, Picardie) sans tenir compte des éventuels droits de Marie. Celle-ci était en effet juridiquement autorisée à réclamer l'ensemble des biens de son père, puisque ces territoires relevant de la France (dont la Franche-Comté ne faisait pas partie) étaient desfiefs, ignorant donc le principe (encore flou) de masculinité desapanages[3],[4]. Charles le Téméraire s'était d'ailleurs déclaré souverain et avait délié ces terres de la suzeraineté française. Marguerite d'York et Marie de Bourgogne vont charger leurs conseillers de défendre leurs droits en procédant aux recherches nécessaires dans les archives des territoires contestés ; le résultat de ces travaux se trouve dans un célèbre mémoire attribué au juriste et diplomateJean d'Auffay, au service de la famille depuis plusieurs années.
Marie de Bourgogne épouse par procuration le le futurempereur du Saint-Empire Romain GermaniqueMaximilienIer de Habsbourg. Le procurateur de Maximilien étaitLouis du Palatinat. Le mariage est célébré effectivement le suivant. C'est donc l'alliance impériale, envisagée dès 1473 et négociée par l'évêque deMetz,Georges de Bade, qui se concrétise. Maximilien prend en main la défense des États de sa femme avec énergie : il met en sécurité les provinces flamandes et le Hainaut. L'Artois, la Franche-Comté, le Charolais et plusieurs petites seigneuries restent dans une situation incertaine, en revanche la Picardie et le duché de Bourgogne sont solidement occupés par la France. La question du droit du roi de France sur les biens de sa filleule restera longtemps discutée et la mort de Marie ne fera que les amplifier.
Maximilien et Marie connaissent un mariage heureux. L'Autrichien fait de son voyage vers sa promise le sujet de la plus célèbre de ses œuvres, leTheuerdank. Ils ont trois enfants, dont seulement deux survivent :
Marguerite d'Autriche (baptisée en l'honneur de la duchesse douairièreMarguerite d'York), d'abord promise àCharles VIII et qui devient infante de Castille, puis duchesse de Savoie, puis enfin gouvernante générale desPays-Bas pour son neveu, l'empereur Charles Quint.
François (baptisé en l'honneur de son parrain le papeSixteIV) qui ne vécut que quelques semaines.
Marie meurt le, âgée de25 ans, des suites d'une chute de cheval survenue le 6 mars au cours d'une partie dechasse au faucon dans la forêt deWynendaele, en compagnie de son époux. Elle a donc eu le temps de dicter ses dernières volontés. Elle est inhumée en l'égliseNotre-Dame de Bruges[5].
Son filsPhilippe, âgé de trois ans, hérite des prétentions au titre de duc de Bourgogne[6] et du reliquat de l'État bourguignon, en partie occupé par l'armée du roi de France[7]. Maximilien entame ainsi une régence difficile et doit également composer avec les villes flamandes et brabançonnes, hostiles à la poursuite de la guerre avec la France.Louis XI est alors en mesure d'imposer à Maximilien la signature dutraité d'Arras en décembre 1482, très favorable à la France, mais en partie compensé en 1493 par letraité de Senlis.
Elle apparaît également la même année dans la sérieThe White Princess, qui prend des libertés avec l'histoire en la faisant mourir quelques instants après sa chute de cheval et où elle est interprétée par l'actrice française Emmanuelle Bouaziz.
↑Voir par ex.Bertrand Schnerb, « La plus grande héritière du monde », dansBruges à Beaune. Marie, l'héritage de Bourgogne, Paris, 2000, 21-37, ici 23.
↑En 1793, sa tombe est profanée par desrévolutionnaires français[Qui ?], si bien que, par la suite, une recherche a été entreprise pour vérifier l’identité du corps qui repose sous le gisant. Cf.Puech P.-F. et Cianfarani F., « La Paleondotologie »,Les dossiers de l'archéologie,no 97,,p. 28-33(lire en ligne)
↑Le duché de Bourgogne (Dijon), fief français, est repris parLouis XI en 1482, mais les descendants de Marie de Bourgogne continuent malgré cela de porter le titre de « duc de Bourgogne ».
Yves Cazaux,Marie de Bourgogne, témoin d'une grande entreprise à l'origine des nationalités européennes, Paris, Albin Michel, 1987, 374 p.,présentation en ligne,présentation en ligne.
Georges-Henri Dumont,Marie de Bourgogne, Paris, Fayard, 1982, 366 p.
JeanRobert de Chevanne, « Les États de Bourgogne et la réunion du Duché à la France en 1477 »,Mémoires - Société d'archéologie de Beaune (Côtes-d'Or), Beaune, Imprimerie beaunoise,,p. 195-245(lire en ligne).
JeanRobert de Chevanne, « les débuts de la campagne en 1478 en Bourgogne »,Mémoires - Société d'archéologie de Beaune (Côtes-d'Or), Beaune, Imprimerie beaunoise,,p. 289-306.
JeanRobert de Chevanne, « Étude sur deux documents relatifs à l'insurrection bourguignonne en 1478 »,Mémoires - Société d'archéologie de Beaune (Côtes-d'Or), Beaune, Imprimerie beaunoise,,p. 46-47.
Lucie Jardot,Sceller et gouverner. Pratiques et représentations du pouvoir des comtesses de Flandre et de Hainaut,XIIIe – XVe siècle, PUR, 2020.
Olga Karaskova, « Le mécénat de Marie de Bourgogne : entre dévotion privée et nécessité politique », in Élizabeth L'Estrange, Laure Fagnart (éd.),Le mécénat féminin en France et en Bourgogne,XVe – XVIe siècles. Nouvelles perspectives,Le Moyen Âge,t. CXVII,fasc. 3-4, 2011,p. 507-529.
Olga Karaskova,« Une princesse dans le miroir : Marie de Bourgogne est-elle la dédicataire du Miroir des dames de Philippe Bouton ? », dans Cynthia J. Brown, Anne-Marie Legaré,Les femmes, la culture et les arts en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, Turnhout, Brepols,(DOIhttps://doi.org/10.1484/M.TCC-EB.5.107671),p. 291-308.
OlgaKaraskova-Hesry,« L'image de la duchesse Marie de Bourgogne (1477-1482) dans les œuvres de Jean Molinet », dans Sandra Hindman et Elliot Adam (dir.),Au prisme du manuscrit : regards sur la littérature française du Moyen Âge (1300-1550), Turnhout,Brepols,, 301 p.(ISBN978-2-503-56635-1,présentation en ligne),p. 181-201.