Elle est née à Paris en 1713[1]. Les parents de Marie-Jeanne Riccoboni, Marie-Marguerite Dujac, une Parisienne, et Christophe de Heurles du Laboras (ou du Labourat), bourgeois de la ville deTroyes[2], se sont mariés le à Paris en l’église de Sainte Croix, sur l’île de la Cité.
Leur fille, Marie-Jeanne de Heurles de Laboras, est baptisée le, le lendemain de sa naissance, à laparoisse Saint Eustache, dans ce qui sera lequartier moderne des Halles, et qui restera sa paroisse sa vie durant. Elle se mariera et sera ensevelie dans l’enceinte de la même église.
Son père, condamné pourbigamie[1] le, doit revenir auprès de sa première épouse àTroyes. La jeune Marie-Jeanne et sa mère sont alors de fait abandonnées et la première déclarée fille d’une liaison illégitime[1]. Elle est alors placée dans une institution religieuse et destinée aucloître[1]. Elle manifeste pourtant son refus de se conformer à la décision prise et sa mère doit l’en retirer à l’âge de 14 ans, en1728[1]. Ses relations avec sa mère sont alors très difficiles.
Le, Marie-Jeanne épouseAntoine-François Riccoboni, fils deLuigi Riccoboni, célèbre acteur et directeur de laComédie italienne[1]. Marie-Marguerite Dujac, sa mère devenue nécessiteuse vit alors avec le couple ; Marie-Jeanne Riccoboni la soignera jusqu’à sa mort en1769. Le mariage est malheureux :les gazetiers du siècle rapportent que l'époux était fantasque, extravagant et parfois brutal[réf. souhaitée]. Il disparaît par exemple en province entre et[3]. Marie-Jeanne accompagnera son époux jusqu'à son décès en1772.
Marie-Jeanne Riccoboni a peut-être eu à cette époque une passion malheureuse pour lecomte de Maillebois, passion qui aurait duré une dizaine d'années, jusqu'à ce que le comte épouse la fille unique du marquis d’Argenson[4]. Probablement en1764, elle rencontreRobert Liston, jeune diplomate, qui a trente ans de moins qu’elle (il est né en 1742). Leur conformité d’opinions et de goût, le sentiment d’avoir trouvé en lui tout l’idéal masculin qu’elle avait constamment essayé de définir dans ses romans feront qu’elle éprouve pour lui une passion dite platonique, à la fois maternelle et amoureuse.
Par son mariage avecAntoine-François Riccoboni, Marie-Jeanne de Heurles de Laboras entre dans une famille d’artistes et d’intellectuels renommés. Elle monte pour la première fois sur scène le, à l'Hôtel de Bourgogne, dans la troupe de laComédie italienne, où elle fera toute sa carrière (elle prendra sa retraite en 1760[5]). De son propre aveu, elle n’est pas très douée pour la comédie et apparaît comme une actrice froide. Elle ajoute dans sa correspondance qu’il lui était offert d’entrer à laComédie-Française et qu’elle se sentait plus de dispositions pour latragédie que pour lacomédie, mais que son mari s’y opposa toujours[6]. Sa réputation posthume a surtout souffert d'avoir été épinglée parDiderot, dans leParadoxe sur le comédien, comme« l'une des plus mauvaises actrices de son temps »[7].
Marie-Jeanne Riccoboni fréquente le salon desd’Holbach, sans doute aussi celui desHelvétius. Elle y rencontre les grands philosophes anglais de l’époque, commeAdam Smith etDavid Hume, avec qui elle correspond, et pour qui elle aura autant d’admiration que d’affection.
Mais son goût pour laphilosophie s’émousse très vite. Elle finit par s’éloigner des salons et des discussions qui s’y déroulent, trop violentes et trop partisanes à son goût. Elle accuse dans sa correspondance les philosophes français d’être à leur manière aussi sectaires que les religieux qu’ils attaquent sans cesse, et d’utiliser à leur profit les méthodes intolérantes qu’ils condamnent chez les prêtres.
En1761, Marie-Jeanne Riccoboni se retire de la scène pour se consacrer à lalittérature et s’installerue Poissonnière avec son amie Thérèse Biancolelli[1]. Les débuts de sa carrière littéraire, tout de suite couronnée par des succès, lui valent la considération et l’estime deDiderot, qui dit d’elle :« Cette femme écrit comme un ange, c'est un naturel, une pureté, une sensibilité, une élégance, qu'on ne saurait trop admirer »[8].
Elle écrit dix romans et cinq nouvelles, mettant au goût du jour lestyle épistolaire, à l’imitation deRichardson, dont les ouvrages traduits par l'abbé Prévost avaient eu un immense succès en France.
En1761, elle écrit uneSuite de la vie de Marianne[1], si bien imitée deMarivaux (La Vie de Marianne) qu’il faudra publier une mise au point pour détromper le public[9].
Suivent une adaptation libre de l’Amelia deFielding en1762, lesLettres de la comtesse de Sancerre, en1767 et lesLettres d’Elizabeth–Sophie de Vallière en 1772. Avec lesLettres de Milord Rivers, en 1777, elle écrit une sorte de roman-testament, qui résume ses points de vue sur la société et la morale. Ensuite, elle publie encore cinq nouvelles : l’Histoire d’Aloïse de Livarot, l’Histoire de Gertrude et Roger, l’Histoire de Christine de Suabe, toutes s’inspirant duMoyen Âge, puis l’Histoire de Deux jeunes amies, et laLettre de la marquise d’Artigues à sa sœur.
Outre quelques pièces de vers, un bref essai de périodique dans le goût des journaux deMarivaux,L'Abeille, et une pièce de théâtre,Les Caquets, en1761[10], Marie-Jeanne Riccoboni a aussi traduit cinq pièces de théâtre anglaises, écrites entre autres parDavid Garrick ouGeorge Colman le Jeune.
Marie-Jeanne Riccoboni meurt le vendredi dans la misère, la tourmente révolutionnaire ayant fait supprimer la pension royale[1] qui lui permettait de subsister. Elle s’éteint dans les bras de son amie Thérèse, la laissant héritière du peu de biens qui lui restait.
Marie-Jeanne de Riccoboni a porté plusieurs noms et pseudonymes. LaBNF retient la forme internationale « Riccoboni » pour le nom, « Marie-Jeanne » pour le prénom et « 1713-1792 » pour ses dates de naissance et de décès[13].
Trois histoires amoureuses et chevaleresques, réunitGertrude,Aloïse de Livarot, etChristine de Suabe, Reims, Presses universitaires de Reims,2005(ISBN2915271089).
↑a etbCette supposition trouve sa source dans la conviction deMelchior Grimm que les lettres étaient authentiques et dans un témoignage tardif de J.F. Boissonnade dans leJournal de l'Empire du 21 juin 1811« Les lettres de Fanny Butler furent réellement écrites par madame Riccoboni dans une liaison avec le comte de Maillebois. » — cité dans : Pierre Gourdin,op. cit., p. 464.
↑Denis Diderot,Paradoxe sur le comédien,Œuvres complètes, Paris, Club Français du Livre, 1971, tome X, p. 476-477, cité dans Pierre Gourdin,op. cit., p. 462.
↑Denis Diderot,Œuvres Complètes, édition Jules Assézat et Maurice Toumeux,Paris, 1875-1877, VIII, p. 465.
↑Maria Rosaria Ansalone,Una continuazione interrota : la suite de La Vie de Marianne, Saggi e ricerche di Letteratura francese, 1988 (vol. 27), p. 11-25.
↑Les caquets, 1761, pièce de théâtre inspirée deGoldoni et écrite en collaboration avecAntoine-François Riccoboni, Notice Bnfno :FRBNF31209708. Les Caquets, œuvre musicale, rondo en Staccato pour violon par Joseph Bologne Chevalier de St-Georges, compositeur. Notice Bnfno :FRBNF15819176. Les Caquets [Enregistrement sonore], harmonisation par Marius Casadesus, violon accompagné de piano, Publication : France : Polydor,1936, Notice Bnfno :FRBNF37992857.
↑Raphaëlle Legrand, « Femmes librettistes et compositrices à l’Opéra et à la Comédie-Italienne sous l’Ancien régime »,Polymatheia, Les cahiers des Journées des musiques anciennes de Vanves,(lire en ligne)
↑Notice Bnf n° :FRBNF11921825. Consulté le 23 mars 2009.
↑« Madame Riccoboni s'est cachée sous le masque d'Adélaïde de Varancai sur le frontispice de la première édition desLettres de mistriss Fanny Butlerd, et il existe cinq ou six réimpressions de ce roman sous ce même nom. C'est à tort aussi qu'on a mis sur le titre ces mots :traduit de l'anglais. (B.) » ;Friedrich Melchior Grimm,Denis Diderot,Jacques-Henri Meister,Jules-Antoine Taschereau, A. Chaudé,Correspondance littéraire,1829, copie de l'exemplaire l'université du Michigan numérisé le 18 septembre2007, note 1, page 117. Consulté le 23 mars 2009.
↑Œuvres complètes de Marie-Jeanne Riccoboni,1780. Notice BNF n° :FRBNF37344258
↑Œuvres complètes de Mme Riccoboni, Nouvelle édition, 1786.- Notice Bnf n° :FRBNF31209690
↑La plus fréquemment consultable. Notice Bnf n° :FRBNF37344258. « Frantext » Reproduction de l'édition de 1818
↑Notice Bnf n° :FRBNF31209708. Les Caquets, œuvre musicale, rondo en Staccato pour violon par Joseph Bologne Chevalier de St-Georges, compositeur. Notice Bnf n° :FRBNF15819176.- Les Caquets [Enregistrement sonore], harmonisation par Marius Casadesus, violon accompagné de piano, Publication : France : Polydor,1936, Notice Bnf n° :FRBNF37992857.
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