Marie-Anne Barbier, baptisée à Orléans le[1], est issue d'un milieu d'artisans et de bourgeois. Son père, Jacques Barbier, maître artillier avant de devenir commissaire provincial d'artillerie, est marié à Marie Sinson, dont la famille appartient à la bourgeoisie d'offices. Après leur départ d'Orléans dans les années 1670, peut-être rejoignent-ils Paris où les Sinson sont installés. On ne sait rien des années de formation de Marie-Anne Barbier.
À la fin duXVIIe siècle, Marie-Anne Barbier fréquente le salon deMarie-Anne Mancini et compose « quelques élégies » et pièces fugitives dont il ne reste aujourd'hui aucune trace. Ses premiers essais littéraires sont alors encouragés par le poète Martin de Baraton, puis le dramaturgeEdme Boursault, qui lui servira de mentor dans sa carrière dramatique.
Amie intime de l’abbéPellegrin et aidée de ses conseils, Marie-Anne Barbier écrivit pour le théâtre, faisant représenter quatretragédies :Arrie et Petus (1702),Cornélie (1703)[2],Tomyris (1707) etLa Mort de César (1709) ; une comédie en un acte,Le Faucon (1719) ; deuxopéras,Les Fêtes de l’été, sur une musique deMontéclair, etLe Jugement de Pâris (pastorale héroïque) et unopéra-ballet en trois actes,Les Plaisirs de la campagne (musiques deToussaint Bertin de la Doué, 1718 et 1719).
Dans ses pièces, où les femmes tiennent le rôle principal, l’action est bien conduite, sa versification est facile et ne manque pas d’élégance.
En, elle publie une courte « Épitaphe deMlle de Scudéry » dans leMercure galant. Dès ce début apparaît le souci évident de s'inscrire dans une généalogie littéraire féminine, en nouant notamment des contacts avec des protectrices puissantes[3]. Soutenue par Boursault qui l'introduit auprès desComédiens-Français, elle fait jouer sa première tragédie,Arrie et Pétus, le. La pièce attire l'attention de ses contemporains : certains accusent Barbier de n'être que le prête-nom d'un auteur masculin. Elle répond à ses détracteurs dans la préface de l'édition qui s'ensuit, soulevant une polémique qui se prolongera jusque dans les écrits deVoltaire[4],[5] et dePierre Bayle, dont l'une desRéponses aux questions d'un provincial (1704) est consacrée à la querelle. À la création de sa deuxième tragédie, les critiques citent l'un des proches de Marie-Anne Barbier, l'abbéSimon-Joseph Pellegrin, qui réfute cette attribution[6]. Au cours de cette décennie, l'autrice produira encore deux autres tragédies, jouées à la Comédie-Française, dontLa Mort de César (1709). À la recherche de mécènes et d'un réseau littéraire spécifiquement féminin, elle mène une activité mondaine intense et devient une habituée du salon de la peintreÉlisabeth-Sophie Chéron.
Avec laRégence s'ouvre une nouvelle période dans sa carrière : après la disparition de plusieurs de ses amis et mécènes, Marie-Anne Barbier montre des ambitions plus professionnelles que mondaines et cherche désormais la protection d'un nouvel homme de pouvoir, l'abbé Bignon, bibliothécaire du roi et rédacteur duJournal des savants. Abandonnant la tragédie, elle se tourne vers de nouveaux genres littéraires, plus proches des « Modernes », comme en témoigne, en 1713, son recueil d'Histoires galantes inspirées desSucesos y prodigios de amor deJuan Pérez de Montalbán (1624). En 1716 et 1718, elle connaît ses plus grandes réussites avec deux livrets d'opéra :Les Fêtes de l'été tiennent l'affiche à l'Opéra pendant plusieurs mois, tandis queLe Jugement de Pâris donne lieu à de nombreux commentaires, parodies et reprises. Elle fait également paraître un périodique,Saisons littéraires, qui contient d'importantes critiques théâtrales au moins en partie siennes. Après 1722, Marie-Anne Barbier cesse de publier, mais continue à écrire, comme l'attestent deux comédies manuscrites en prose[7]. Les rares traces de l'autrice, après sa disparition de la scène littéraire, laissent également supposer qu'elle continue d'évoluer dans le milieu du théâtre.
En 1736, Voltaire publie une tragédie elle aussi nomméeLa Mort de César. Il discrédite l'originale de Marie-Anne Barbier, affirmant, sans preuve, que cette pièce première du nom a été écrite avecBernard de Fontenelle. Voltaire avait déjà porté ce genre de diffamation concernant la pièceBrutus, écrite en 1712 parCatherine Bernard - pièce qu'il avait plagié en 1730 - en déclarant que Fontenelle en était l'auteur[8].
La date et le lieu de la mort de Marie-Anne Barbier restent inconnus, maisÉvrard Titon du Tillet, qui la connut personnellement, affirme qu'elle mourut « vers l'année 1745, dans un âge très avancé[9] ».
Dans son œuvre tragique, Barbier a entamé un dialogue avec ses prédécesseursCorneille etRacine, au moyen d'un jeu intertextuel poussé[10]. Malgré le poids de cet héritage, elle a su étendre les frontières de la tragédie en mettant en valeur les sentiments de ses héros. Elle a également privilégié la mise en scène de « femmes fortes » issues de l'histoire antique et fait preuve d'un intérêt accru pour « la gloire de notre sexe ». L'attribution de son œuvre à Pellegrin, encore citée aujourd'hui, est démentie par une comparaison formelle des œuvres des deux auteurs, aussi bien que par les documents d'époque. Cela n'a d'ailleurs pas nui à la fortune littéraire de l'autrice, surtout au cours duXVIIIe siècle : traduite en néerlandais, allemand, italien et russe[11], son œuvre a parfois acquis un statut « canonique » jamais atteint en France. Les études récentes mettent aujourd'hui l'accent sur l'aspect féministe de son écriture, et sur la place essentielle que tient son œuvre dans l'histoire du théâtre et dans l'esthétique post-classique.
Arrie et Pétus (tragédie en 5 actes, en vers), Comédie-Française (Paris),, Paris, Michel Brunet[Lire en ligne sur Gallica] -- dansFemmes dramaturges en France (1650-1750). Pièces choisies, éd. Perry Gethner , Paris / Seattle / Tübingen...,Papers on French Seventeenth Century Literature, « Biblio 17 », 1993
Panthée, femme d'Abradate Roy de la Susiane (tragédie), non représentée, inédite, 1704.
« Amour, est-ce toi qui m'appelles ? », dansRecueil d'airs sérieux et à boire, de différents auteurs, imprimé au mois de, Paris,Christophe Ballard, (musique de Chéron de Rochesources).
« À Madame la Duchesse de Bourgogne, sur le feu de joie de Versailles »,Mercure galant, août, 1704.
Vers à la gloire de l'auteur duSystème du cœur,Mercure galant,.
En 2020, la scène 4 du premier acte de la tragédieArrie et Pétus est adaptée à l’écran pour l’émissionReplay d’Arte, jouée parChrista Theret etDavid Salles et réalisée par Matthias Castegnaro[13].
En octobre 2020, des extraits deTomyris sont lus par la comédienne Daphné Biiga Nwanak à l'Opéra de Lille dans le cadre desQuotidiennes[14], un cycle de lectures conçues et présentées par Antonio Cuenca Ruiz[15].
En avril 2023, sa comédieLe Faucon est rejouée pour la première fois par la Compagnie de l’Émerveillement au théâtre Le Funambule à Paris.
↑Eléonore Melen,La quête de la valorisation féminine. Lecture croisée de "Laodamie, reine d’Epire" (1689), "Brutus" (1690) de Catherine Bernard et "Arrie et Pétus" (1702), "Cornélie, mère des Gracques" (1703) de Marie-Anne Barbier (Master en langues et lettres françaises et romanes), Université de Liège,(lire en ligne).
↑Georges Forestier et C. E. J. Caldicott,Le Parnasse du théâtre: les recueils d'œuvres complètes de théâtre au XVIIe siècle, Paris, Presses Paris Sorbonne,, 350 p.(ISBN9782840505082,lire en ligne),p. 322
↑Evrard TitonDu Tillet,Second supplément du Parnasse François, ou suite de l'ordre chronologique des poëtes et des musiciens que la mort a enlevés depuis le commencement de l'année 1743. jusqu'en cette année 1755., [Paris],(lire en ligne),p. 27
Alicia Celina Montoya,Marie-Anne Barbier et la tragédie post-classique, Paris, Champion, 2007(ISBN2-7453-1455-6)
Alicia CelinaMontoya, « Théorie et pratique des citations de Corneille et Racine chez Marie-Anne Barbier »,Littératures classiques,no 52,,p. 61-73(lire en ligne).