Lecardinal de Beaufort et lecomte de SuffolkWilliam de la Pole convainquentHenri VI que le meilleur moyen de conclure la paix avec la France consiste à épouser Marguerite d'Anjou, nièce du roiCharles VII. Henri donne son accord et charge Suffolk d'aller négocier avec le roi de France. Ce dernier accepte à condition qu'il n'ait pas à payer de dot et qu'il reçoive en échange le Maine et l'Anjou alors sous domination anglaise. Ces conditions s'officialisent dans letraité de Tours en 1444, la cession des terres reste cependant cachée auParlement.
En, Suffolk, avec l'aide du vieux cardinal Beaufort, fait arrêter leduc de GloucesterHumphrey de Lancastre, oncle du roi, accusé de trahison. Ce dernier est emprisonné pour être jugé mais il meurt rapidement (probablement d'une attaque cardiaque). Certains accusent néanmoins Suffolk d'avoir fait assassiner le propre oncle et héritier du roi. Leduc d'YorkRichard Plantagenêt est envoyé rétablir l'ordre enIrlande et maintenu ainsi éloigné. Suffolk et son allié leduc de SomersetEdmond Beaufort, alliés à la reine Marguerite, deviennent maîtres de la cour.
L'exécution du duc de Suffolk, illustration duXIXe siècle.
Accusé de complot contre la Couronne en ayant rendu le Maine et l'Anjou à la France, Suffolk est arrêté en et emprisonné à laTour de Londres[6]. Il est banni pour cinq ans mais son bateau l'emmenant en France est intercepté par une bande de soldats mécontents appartenant auduc d'Exeter qui le condamnent à mort et le décapitent[7] le.
La même année, Richard d'York revient d'Irlande et commence à recevoir des soutiens. La situation s'avère si instable à Londres que Somerset est emprisonné dans laTour de Londres pour sa propre sécurité alors que Richard réforme le Parlement. Somerset retrouve ses positions en 1451 tandis que York se retire àLudlow. En 1452, Richard tente une seconde démonstration de force. Il demande le départ de Somerset et à être reconnu comme héritier d'Henri, toujours sans enfant. La reine intervient pour protéger Somerset. York se rebelle mais devant le peu de soutien des nobles, il se soumet à Henri. Il doit jurer de ne plus reprendre les armes contre la Couronne et Somerset.
Le retour du roi à ses sens à la Noël 1454 contrarie les ambitions de Richard qui est écarté de la cour en par la reine Marguerite d'Anjou. Cette dernière noue des alliances contre Richard et conspire avec d'autres nobles pour réduire son influence. Elle forme ainsi le clan desLancastriens. Richard, de plus en plus pressé, recourt finalement aux armes en.
York et ses alliés recouvrent leur position influente, et pendant quelque temps les deux côtés paraissent choqués qu'une bataille réelle se soit déroulée, si bien qu'ils font tout leur possible pour apaiser leurs différends. Puisque le roi est malade, York se voit, de nouveau, nommé Protecteur et la reine Marguerite, chargée de soigner le roi, est écartée du pouvoir[9].
La famille royale doit quitter Londres qui est acquise au clan York pour s'installer àCoventry. Les problèmes à l'origine du conflit ressurgissent cependant, surtout quand il s'agit de savoir si c'est le duc d'York ou le jeune fils d'Henri et Marguerite,Édouard de Westminster, accusé d'être un enfant illégitime, qui doit succéder à Henri sur le trône. Marguerite refuse toute solution qui déshériterait son fils et il devient clair qu'elle ne tolère la situation qu'aussi longtemps que le duc d'York et ses alliés gardent la suprématie militaire. Le protectorat d'York prend fin en ; Marguerite s'empresse d'annuler toutes les mesures de son rival.
Les hostilités reprennent en. Les troupes yorkistes du comte de Salisbury battent celles du roi àBlore Heath le. Le, Henri VI défait àLudford Bridge la puissante armée du duc d'York. York s'enfuit en Irlande tandis que Salisbury, Warwick et le fils aîné d'York,Édouard,comte de March s'exilent à Calais. Ils sont tous déchus de leurs droits civiques par leParlement le. Les Lancastriens contrôlent de nouveau la situation. Cependant, les Yorkistes commencent à lancer des raids sur la côte anglaise depuis Calais à partir de, ajoutant ainsi un sentiment de chaos et de désordre.
Salisbury, Warwick et March envahissent l'Angleterre à l'été 1460. À labataille de Northampton le, Warwick fait prisonnier le roi, à nouveau frappé d'une crise de folie. Les Yorkistes entrent peu après à Londres. Richard d'York revient d'Irlande et revendique le trône. Il obtient finalement du Parlement d'être nommé une troisième foisLord Protecteur et se voit désigné héritier du trône le par l'Acte d'Accord, au détriment du prince Édouard de Westminster.
Marguerite d'Anjou souhaite remettre son mari sur le trône en majeure partie pour que son fils puisse prétendre à sa succession et permettre à la maison de Lancastre de continuer à régner.
Marguerite profite qu'Édouard IV ne s'entende plus avec lecomte de Warwick et avec son frère leduc de ClarenceGeorges Plantagenêt pour, sous la houlette deLouis XI, conclure une alliance avec eux à l'été 1470. La seconde fille de Warwick,Anne Neville, épouseÉdouard de Westminster le. Ce mariage lie les destins de Warwick et de Marguerite concernant le trône d'Angleterre, mais ne fait pas les affaires de Georges de Clarence, époux de la fille aînée de Warwick, qui voit le trône s'éloigner.
Ce dernier débarque le en Angleterre pour reprendre son trône de force : il se réconcilie avec son frère Georges et tue Warwick à labataille de Barnet le. Le même jour, Marguerite débarque dans le sud. L'armée lancastrienne est vaincue àTewkesbury le ; Marguerite est capturée tandis qu'Édouard de Westminster est décapité sur-le-champ sur ordre du duc de Clarence.
Son père, lebon roi René, doit payer une rançon de 50 000 écus pour la libération de sa fille, mais l'état de ses finances ne le permet pas. Cette libération figure parmi les clauses principales dutraité de Picquigny signé le 29 août 1475 entreLouis XI et Édouard IV. Louis XI, fils deMarie d'Anjou qui avait favorisé son mariage, accepte de verser la rançon, mais à condition que le roi René lui cède son duché d'Anjou[11] en cas d'absence d'héritier direct masculin. Marguerite est libérée le. Elle rejoint son père àAix-en-Provence.
Le calvaire de Marguerite continue. Jusqu'en 1480, elle est encore protégée par son père, René d'Anjou. Or, ce dernier décède le 10 juillet 1480. La vie de Marguerite devient plus difficile. Certes, le roi René lui laisse, par testament, 2 000 livres de rente. De plus, 6 000 livres tournois de pension par an lui est accordée par Louis XI, en 1481[12]. Mais avec cette modeste ressource, encore faut-il une retraite définitive qui ne lui est pas facile. Elle est accueillie en Anjou[13],[14]. C'est François de La Vignolle, ancien écuyer de René d'Anjou et gentilhomme deSouzay, qui l'accepte, avec charité et hospitalité, pour qu'elle puisse vivre dans son petit manoir deDampierre construit en 1460[15].
Dans cette situation plus compliquée, elle doit renoncer de nouveau à ses droits sur le duché d'Anjou, en faveur de Louis XI, à Reculée le 19 octobre 1480[16].
TESTAMENT DE MARGUERITE D'ANJOU, REINE D'ANGLETERRE (publication d'Albert Lecoy de La Marche, 1875)
Publication en 1875 parAlbert Lecoy de La Marche (texte original introuvable en ligne (Le roi René,tomeII, p. 396)) ; cité par l'historienne américaine Susan Higginbotham en ligne[17] :
Je, Marguerite d'Anjou, fille du feu roy de Sicille, reyne d'Angleterre, seyne d'entendement, raison et pensee, combien que débille et inferme de corps, faitz et ordonne mon testament et derniere voulente et ordonnance en la maniere qui s'ensuit. Premierement, je donne et recommande mon ame a Dieu, mon createur, a la glorieuse vierge Marye et a tous les benoitz sainctz et sainctez, par especial a monseigneur saint Michel, prince des anges, et a mon bon ange deppute a ma garde, afin que, a l'eure de mon trespassement, il leur plaise la recevoir en leur compagnye et la garder et deffendre des assaulx et invasions de tous mauvaiz esperiz et ennemyz de humain lignage, et qui leur plaise la conduire et recevoir en paradis. Mon corps aussi je donne a Dieu et ausdits saincts, et est mon vouloir et desir qu'il soit enterre et ensevely en sepulture ecclesiastique, selon le bon vouloir et plaisir du Roy ; et si lui plaist, je esliz et choisiz pour ce estre mise et ensevelye en l'esglise cathedralle de Saint Maurice d'Angers, avecques feu monseigner mon pere et madame ma mere et mes autres parens et antecesseurs, en telle maniere qu'il plaira au Roy ordonner, ou en autre tel lieu qu'il plaira au Roy. Item, mon vouloir est, si plaist audit seigneur Roy, que le petit de biens que Dieu et luy m'ont donnez et prestez soient pour ce faire employez, et aussi pour payer mes dettes, tant a mes pouvres serviteurs, lesquelz je recommande tres humblement et affecteusement a la bonne grace et charyte dudit seigneur Roy, que aussi aux autres credicteurs a qui je suis tenue, soit pour vitaille, denrees ou services et autres necessitez qu'ilz m'ont faictes et administrees, comme raison est. Et ou cas que mesdits petitz biens ne souffiroient pour ce faire, comme je croy que ne font ilz, en ce cas je supplye audit seigneur Roy qui luy plaise de sa grace, pour la descharge de son ame et de la myenne, faire satisfaire et payer le surplus comme mon seul heritier des biens qui m'appartiennent a cause de succession de pere et de mere et de mes autres parens et antecesseurs, comme en luy en est mon espoir et fiance ; car despieca j'ay esleu ledit seigneur Roy mon heritier seul et principal, et maintenant le choisiz esliz mon principal heritier et executeur, et telz autres executeurs qu'il luy plaira ordonner pour parfaire mondit execucion de ce present testament et derniere voulente, en luy suppliant tres humblement qui luy plaise y ordonner et entendre.
Laquelle ordonnance de ladite dame soit faicte en nostre presence, le deuxiesme jour d'aoust, en l'an de grace mil cccc quatre vingts et deux, en la presence de Jehan Lespinay, escuier, et Mace de Lespinay, escuier, Jehn Whithil, escuier, et Jehan, eschancon, et madame Catherine de Vaulx, Perrecte de la Riviere, Blanche Alorretc et autres, et signe a sa requeste de noz sings manuelz.
G. de la Barre, Poynet,prebstreset noctaires.
Sa situation défavorable, elle meurt bientôt près deSaumur en août1482 à l'âge de 52 ans. Son testament daté du 2 août[18] est publié en 1875 parAlbert Lecoy de La Marche, dans lequel Marguerite d'Anjou se qualifie encore commereine d'Angleterre[17].
Manoir construit en 1460, dit château de Dampierre, sur lequel la plaque se trouve. Dessin de R. Knight, publié dans la biographie écrite par Hookham (1872)[18].
Cette plaque était mentionnée, avec son immense émotion, par Anne Hollingsworth Wharton, historienne américaine et docteur ès lettres, qui publia en 1911 son livreIn Château Land : « the most unfortunate of queens, wives and mothers » (les deux derniers versets en traduction). Elle avait visité cet établissement[20].
Personnage déjà oublié à son époque, la trace du trépas de Marguerite d'Anjou reste difficile à retrouver en manièrecritique. Le 25 août 1482 est supporté par la plupart des historiens[18],[21] ainsi que la notice de labibliothèque nationale de France[2]. D'autres considèrent qu'il s'agirait de la date de l'enterrement àAngers et que la date de décès serait le 20 août, tout comme ce qui est affiché sur cette plaque[21]. La question de datation demeure encore. Car une lettre expédiée par Louis XI est datée duXIIe jour d'aoust sur le sujet dela feue royne d'Angleterre[N 1],[21]. De même, le lieu de mort aussi est discuté. En effet, dans les anciens dossiers, il n'existe aucun document précisant le décès. Le testament non plus. Il est vraisemblable qu'il s'agit deDampierre-sur-Loire selon plusieurs documents tardifs[2],[15]. Pour ceux qui supportentSouzay[N 2], il existe une explication possible à satisfaire ce sujet. Malgré sa difficulté de finance, Marguerite d'Anjou peut passer ses dernières jours, grâce au gentilhomme de Souzay[20], François de La Vignolle, qui possède un petit manoir à Dampierre[15].
Elle est une des principales protagonistes de la pièce de théâtre,Les reines, deNormand Chaurette (1991), Prix Chalmers duconseil des Arts du Canada en 1993. En 2022, dans l'optique de sortir la reine Marguerite de l'ombre et de l'oubli, une pièce intituléeMarguerite Express est créée et jouée dans lePays de la Loire[24].
↑Ed. Mennechet,Le plutarque français,tomeII, p. 19, 1835[4]
↑Calixte de Nigremont, « Le panthéon de l’Anjou par Calixte de Nigremont. Marguerite d’Anjou, celle qui perdit sa couronne »,Ouest-France,(lire en ligne, consulté le)
↑a etbSusan Higginbotham,Margaret of Anjou's Will,[lire en ligne] consulté le 13 février 2023
↑ab etcMary Ann Hookham,The Life and Times of Margaret of Anjou,tomeII, p. 371[6] ; pour le dessin du dit château de Dampierre, fait par R. Knight, voir la page inserée entre p. 370 et 371
↑Pierre-Louis Augereau, « Histoire. Ces trois reines d'Angleterre inhumées en Maine-et-Loire »,Ouest France,(lire en ligne) ; il est à noter que, sur cette plaque, la date de son décès est présentée le 20 août 1482 ; consulté en ligne le 22 janvier 2023
↑a etbAnne Hollingsworth Wharton (1845 - † 1928),In Château Land, p. 350, 1911 ;(en)[lire en ligne] (réédition parue en 2022, p. 186)
↑ab etcLe recueil mensuelLa Province du Maine,tomeIV, p. 310Lettres royales, Le Mans 1896[lire en ligne]
↑Noël Coulet, « Le roi René outre-Manche »,Les Arts et les Lettres en Provence au temps du roi René, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence,(lire en ligne)
↑« Marguerete Express »,Le Quai Centre dramatique national d'Angers,(lire en ligne)
↑Musée d'Orsay,Monument à Marguerite d'Anjou[7] consulté en ligne le 28 janvier 2023
↑Noémie Dondel du Faouëdic,Impressions d'un touriste sur Saumur et ses environs, Dinan, Imprimerie Bazouge,(lire en ligne)
↑« Les combats de Marguerite d'Anjou »,L'Est Republicain,(lire en ligne)
↑Site Action-Sociale,F. J. T. Marguerite d'Anjou[8] consulté le 29 janvier 2023
Helen H.Maurer,« Un pouvoir à négocier : le cas de Marguerite d'Anjou », dans Éric Bousmar, Jonathan Dumont, Alain Marchandisse etBertrand Schnerb (dir.),Femmes de pouvoir, femmes politiques durant les derniers siècles du Moyen Âge et au cours de la première Renaissance, Bruxelles, De Boeck,coll. « Bibliothèque du Moyen Âge »,, 656 p.(ISBN978-2-8041-6553-6),p. 113-127.