Cetanthropophage terrifiant pourvu d'une triple rangée de dents fut décrit pour la première fois par le médecin grecCtésias. La manticore fut abondamment figurée dans lesbestiaires médiévaux comme symbole dumal. Elle est de nos jours un motif récurrent de lafantasy.
Le nom « manticore » vient du latinmantichora, lui-même dérivé du grecμαρτιχώρα (martichora) qui serait emprunté à l'ancien persan مارتیا (martya) « homme » et خوار (xvar-) « manger, dévorer »[1]. On trouve l'orthographemanticore, au féminin comme au masculin[2],[3].
La manticore est le plus souvent décrite comme un monstre ayant le corps d'unlion, généralement rouge sang, la tête d'unhomme parfois pourvue decornes, une triple rangée dedents allant d'une oreille à l'autre, et une queue descorpion ou dedragon. Elle est parfois dotée d'ailes de chauve-souris.
La manticore est d'origineperse, elle est décrite comme une bête mangeuse d'hommes. Sa présence dans différentes légendes européennes serait due aumédecingrecCtésias, qui séjourna à la cour d'Artaxerxès II, auIVe siècle av. J.-C., et qui en fit mention dans sonHistoire de l'Inde, connu de plusieurs auteurs grecs, mais perdu depuis. Évoquant les animaux qu'il a vus àRome,Pausanias écrit dans sesDescriptions de la Grèce :
« Quant à la bête décrite par Ctésias dans sonHistoire indienne et qu'il dit être appeléemartichoras par les Indiens et "mangeuse d'hommes" par les Grecs, je suis amené à penser qu'il s'agit dutigre. Mais du fait qu'elle a trois rangées de dents dans chacune de ses mâchoires, et des pointes au bout de sa queue avec lesquelles elle se défend en combat rapproché et qu'elle tire comme les flèches d'un archer sur ses ennemis lointains, je pense qu'il s'agit d'une fable que se transmettent les Indiens à cause de leur crainte excessive de la bête[4]. »
Pline l'Ancien, commeAristote dans sonHistoire des animaux, inclut lemartichoras (qu'il retranscrit par erreur enmanticorus en copiant Aristote, d'où le terme actuel) parmi les animaux qu'il décrit dans sonNaturalis Historia :
« Il y a parmi les Éthiopiens un animal appelémanticorus ; il a trois rangées de dents qui s'enchevêtrent comme celles d'un peigne, visage et oreilles d'homme, yeux bleus, corps cramoisi de lion et queue qui finit en aiguillon, comme celle des scorpions. Il court avec une grande rapidité et il est très amateur de chair humaine ; sa voix ressemble aux sons mêlés de laflûte et de latrompette. »
La manticore devint assez populaire dans les bestiaires médiévaux qui reprirent pour la plupart les descriptions de Pline[6].
Brunetto Latini donne quelques précisions sur la créature qui« plus que tout, aime manger de la chair humaine. Elle s'accouple de façon que tantôt l'une se trouve dessous, tantôt l'autre »[7].
« La manticore, gigantesque lion rouge, à figure humaine avec trois rangées de dents : les moires de mon pelage écarlate se mêlent au miroitement des grands sables ; Je souffle par mes narines l'épouvante des solitudes. Je crache la peste. Je mange les armées, quand elles s'aventurent dans le désert. Mes ongles sont tordus en vrille, les dents sont taillées en scie ; et ma queue, qui se contourne, est hérissée de dards que je lance à droite, à gauche, en avant, en arrière, Tiens ! Tiens ! La manticore jette les épines de sa queue, qui s'irradient comme des flèches dans toutes les directions. Des gouttes de sang pleuvent, en claquant sur le feuillage. »
Représentation d'une manticore tuant un bélier, sur une église enAutriche.
Le livre de Pline fut considéré comme une référence auMoyen Âge, et les manticores furent parfois représentées dans lesbestiaires illustrés. La bête réapparait aussi auXVIe siècle enhéraldique et influence certaines représentationsmaniéristes, parfois des peintures, mais le plus souvent des fresques (appeléesgrotteschi), où l'on voit le péché de tromperie représenté sous les traits d'unechimère ayant le visage d'une belle femme, traits que l'on retrouve dans les dessins desphinx en France auxXVIIe etXVIIIe siècles[9]. La manticore partage la symbolique des créaturesthérianthropes, dans le sens où elle a un visage humain mais un comportement complètement bestial[10].