Lemaniérisme est un mouvement artistique qui s'étend entre1520 environ (mort du peintreRaphaël) et les premières années duXVIIe siècle. Le mouvement a longtemps été perçu comme une réaction amorcée par lesac de Rome de 1527, qui ébranla l'idéalhumaniste de laRenaissance. Il n'est pas circonscrit à l'Italie, et se propage en Europe (« Maniérisme international ») où il perdure jusque dans les années 1620, voire au-delà[1].
Par extension, le terme est employé pour d'autres époques. On parle ainsi de « maniérisme » après l'ensemble sculpté du Parthénon (le maniérisme post-parthénonien).
Le terme « maniérisme » vient de l'italienmanierismo (de l'expressionbella maniera), dans le sens de la touche caractéristique d'un peintre en opposition avec la règle d'imitation de la nature[2].
Le maniérisme est une réaction à la perfection atteinte durant laHaute Renaissance dans la représentation du corps humain et dans la maîtrise de l'art de laperspective (théorie d'Alberti). À ce titre, on a souvent qualifié le maniérisme d'« artanti-albertien », notamment Pisanelli. Certains artistes, autour deGiulio Romano et des élèves d'Andrea del Sarto, ont ainsi cherché à rompre délibérément avec l'exactitude des proportions, l'harmonie des couleurs ou la réalité de l'espace pour produire un nouvel effet émotionnel et artistique.
Mais, il ne faut pas voir seulement les artistes maniéristes en rupture vis-à-vis de laRenaissance. Ils revendiquent, par des citations et des références, un lien artistique avec les grands peintres de la Renaissance que sontRaphaël,Michel-Ange,Léonard de Vinci, ou même Alberti.
Le style de la peinture maniériste s’inspire ainsi de ces peintres, notamment Michel-Ange (Le Jugement dernier), enclin à représenter en peinture des postures semblables à celles des sculptures.
Ce mouvement se caractérise par son exagération, son artificialité et son intellectualisme, marquant une rupture avec les idéaux de beauté et d’harmonie de la Renaissance. Le maniérisme a joué un rôle crucial dans l’histoire de l’art, influençant les styles artistiques ultérieurs et marquant une période de transition entre la Renaissance et le Baroque[3].
Le maniérisme se caractérise en outre comme un art de répertoire, où les artistes puisent chez Raphaël ou Michel-Ange des formules pour définir leur vocabulaire spécifique. LaPietà duVatican de Michel-Ange est ainsi retravaillée dansLa Vierge au long cou deParmigianino, vers 1535-1540. La figure serpentine (ouFigura serpentinata) est aussi une formule fréquemment citée dans les œuvres duBronzino, notamment leNoli me tangere de 1561[4]. Cette figure en forme de S constitue un idéal nouveau pour les maniéristes, irrationnelle, en rupture avec la rigidité des règles mathématiques[5].
Le maniérisme est donc un processus artistique d'emprunts, mais aussi un jeu de codes et de symboles qui sont souvent troubles. Il s'adresse ainsi aux lettrés de l'époque, se répandant auprès des cours européennes raffinées, en multipliant les allusions et les citations au risque de brouiller le sens des œuvres. Ainsi, dansLa Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et quatre saints (1527-1529) dePontormo, œuvre destinée à orner l'autel du couvent des religieuses de Sant'Anna in Verzaia[6] àFlorence, l'atmosphère sombre et trouble, les répétitions, notamment dans les figures, mais aussi la position des personnages ainsi que leur immatérialité, remettent en cause la bonne lecture théologique du tableau d'autel pour le croyant. Ce fait entraîne une réaction au sein même des commandes de l'Église, qui reproche au maniérisme cet aspect artificiel et prône un retour au naturalisme et aux bonnes formules albertiennes. LesCarracci illustrent ce retour vers la renaissance classique.
Le maniérisme nécessite alors un savoir sur ce qui a existé avant ce mouvement dans l'histoire de l'art, c'est-à-dire laHaute Renaissance et tout particulièrement en architecture puisqu’un architecte maniériste va à l'encontre des règles d'harmonie définies durant la Haute Renaissance.
C'est ainsi que l'on voit les œuvres maniéristes présenter :
un espace désuni, et souvent indéfini ;
une image trouble et obscure ;
une déformation et une torsion des corps avec notamment l'utilisation de la « ligne serpentine » (« Figura serpentinata ») qui permet un allongement des proportions des figures leur donnant ainsi une douceur langoureuse[7] ;
des tons acides et crus, hérités de Michel-Ange et lachapelle Sixtine à Rome ;
une recherche du mouvement ;
un art de codes, de symboles, de citations d'artistes classiques ;
un art de cour, qui s'adresse à des gens cultivés et lettrés ;
une exagération des formes qui caractérise le maniérisme duXVIe siècle.
Ainsi, parmi les caractéristiques du maniérisme on retrouve dans la peinture beaucoup de représentations de nus, des postures singulières et complexes mais aussi des musculatures excessives. Le sujet représenté peut être volontairement inexplicable ou alors déterminé à être inintelligible. La scène majeure est disposée dans le fond de la composition ou alors dissimulée au milieu des autres figures qui n'ont pas de liens avec elle. Elle n'a que pour but d'illustrer les talents du peintre. Les perspectives sont amplifiées au maximum, les dimensions et l'échelle sont déformées. Les couleurs sont éclatantes grâce à leurs oppositions.
Concernant l'architecture, le maniérisme va à l'encontre des codes de la Haute Renaissance puisqu'il opère une véritable rupture avec l'harmonie, laissant place à une ornementation exubérante et pléthorique.
En sculpture, le maniérisme se définit par unetransition de lafrontalité dans la perception de la sculpture[Quoi ?] à une recherche de points de vue variés. Les silhouettes des sculptures sont étendues. Le but recherché est d'observer autour d'une sculpture où chaque point de vue est unique.
LeJoseph en Égypte dePontormo présente ce que la Renaissance aurait considéré comme un ensemble de couleurs contradictoires ainsi qu'un cadre d'espace et de temps désuni. En effet, ni les habits des personnages, ni les bâtiments, ni même les couleurs de cette scène de la Bible, ne sont représentés selon les codes de l'époque. En ce sens, cette œuvre était un contresens, mais qui restait un écho fidèle de la société de son temps.
Le style de Fontainebleau, à travers les gravures, transmit le style maniériste italien versAnvers, l'Europe du Nord, deLondres à laPologne, où il se déclina sur des produits de luxe comme la soie et les meubles sculptés. Un sens de la tension contrôlait l'expression vive rendue à travers symboles et allégories, tout en allongeant les proportions des corps de femmes, allongement caractéristique de ce style.
La Cène duTintoret est un bel exemple de peinture maniériste où Jésus est représenté à côté de la table, excentrée. Tout y est dépeint, y compris Judas, avec un halo le recouvrant. Des couleurs qu'on dirait criardes servent à y dépeindre des anges, dans une atmosphère confuse.
Il en va de même pourLa Montée au calvaire[8] deToussaint Dubreuil qui représente également une scène religieuse (la Crucifixion) dans une atmosphère confuse, avec beaucoup de plans différents qui donnent un sentiment de théâtralité à cette peinture sur toile.
On remarque également la vivacité des coloris et l'ampleur du trait, caractéristique de ce mouvement artistique.Toussaint Dubreuil est l'une des principales figures françaises de l'École de Fontainebleau.
Le Jugement dernier de Michel-Ange est une des fresques recouvrant les deux murs latéraux de la chapelle Sixtine. Elle a été commandée par le pape Clément VII à Michel-Ange et fut inaugurée en 1541. Cette œuvre est considérée comme une des premières œuvres emblématiques du maniérisme. Sa création est corrélée à l’évènement du sac de Rome qui a largement contribué à la création du mouvement du maniérisme.
Le Greco a abordé des scènes religieuses avec un maniérisme exacerbé. Cette forme d'exagération allait montrer la voie du maniérisme vers le classicisme renaissant.
Lepalais du Te, à Mantoue, construit par les Gonzague dans un ancien haras, a été aménagé et décoré en 1525 par Giulio Pippi, ditGiulio Romano (1499-1546). C'est l'exemple le plus achevé du maniérisme.
Autre exemple d'architecture maniériste, laVilla Farnèse àCaprarola, dans la campagne romaine.