Kasimir Malevitch nait àKiev enUkraine à la maternité catholique Kiev-Vasilkovskaja de Saint-Alexandre. Son père, Severin Antonovitch Malevitch (1845-1902), est le directeur de l'une des usines de raffinage de sucre industriel (betterave) de l'homme d'affaires ukrainienNicolas Terechtchenko. Sa mère, A. Ludwig (1858-1942), est femme au foyer. Kasimir Malevitch est l'aîné de14 enfants, dont9 filles ayant survécu à l'âge adulte[5].
Il fréquente de 1895 à 1896, l'école de peinture deKiev[6] dans la classe du peintreNikolay Pymonenko. Les deux années suivantes, il étudie au collège de Parhomovka (Russie impériale)[4].
De 1898 à 1904, le jeune Kasimir vit àKoursk (Russie). Il se marie en 1899 avec Kazimiera Zglejc (ou, retranscrit du russe : Kasimira Ivanovna Zgleits) (1883[réf. nécessaire]-1942), avec laquelle il a deux enfants, Anatolii (1902) et Galina (1909)[4]. Puis il s'installe àMoscou en 1904. Après le décès de son père, il travaille comme dessinateur industriel pour les chemins de fer.
Il développe en fait surtout son activité de peintre en autodidacte en s'inspirant des courants qu'il peut observer autour de lui et des avant-gardes européennes :réalisme,impressionnisme,symbolisme, cézannisme,fauvisme, néo-primitivisme,cubo-futurisme,cubisme alogique,suprématisme, supranaturalisme. Cela était possible notamment grâce à la possibilité de visiter les collections d'Ivan Morozov etSergueï Chtchoukine qui avaient déjà fait une sélection des peintres modernes français[7].
Les œuvres de ses débuts reprennent exactement ces tendances comme on peut le voir dans leBaigneur de 1910 qui est explicitement fauviste, leBûcheron, 1912, s'inspirant des tubes de Léger ou encore leRemouleur de 1912 futuriste[7].
Il s'intègre également à l'avant-garde russe en participant aux expositions du « Valet de carreau » (1910), de « la Queue d'âne » (1912) et de « la Cible » (1913)[8].
C'est à cette période qu'il développe une tendancezaoum. Cette expression désigne une façon de déconstruire la langue en fonction des sons et non plus des significations. Il a emrpunté plusieurs voies pour le retranscrire en peinture : des toiles et dessins a-logiques commeUn Anglais à Moscou, des dessins qui sont définis par leur titre commeRixe sur le boulevard et enfin la création d'un opéra zaoum[7]. En 1913, il monte avec Mikhaïl Matiouchine pour la musique et Alexei Kroutchenykh pour le livret l'opéra avant-gardisteVictoire sur le soleil joué en décembre à Saint-Pétersbourg. Malévitch crée des costumes géométriques et des décors composés de toiles aux formes carrées. C'est alors qu'il va ensuite chercher à tirer le fil de cette esthétique dans sa peinture[9].
En 1915, après l'« Exposition Tramway V » du mois de mars, il présente à l'« Exposition 0.10 », tenue àPétrograd du au, un ensemble de39 œuvres qu'il appelle « suprématies », dontQuadrangle, connu sous le nom deCarré noir sur fond blanc, que Malevitch instituera plus tard en œuvre emblème du suprématisme[10]. L'exposition souhaite faire table rase du passé pour promouvoir de nouvelles formes (0) tout en exposant une dizaine d'artistes (10).
Avec laRévolution de 1917, il est élu député auSoviet de Moscou[11]. Malevitch accepte des fonctions institutionnelles comme enseignant à l'Académie de Moscou, puis à l'École artistique de Vitebsk, invité parMarc Chagall, ensuite àPetrograd en tant que chercheur. Il lutte également pour la démocratisation.
En1927, Malevitch part en voyage à Varsovie puis à Berlin où deux rétrospectives de ses œuvres sont organisées. Il laisse en Allemagne70 tableaux, et un manuscrit,Le Suprématisme ou le Monde sans objet, republié par leBauhaus (il avait été initialement publié en 1915). Durant laguerre, une quinzaine de ses tableaux disparaissent et ne seront jamais retrouvés, une partie se trouve auStedelijk Museum d'Amsterdam et une autre auMoMA deNew York[8].
Artiste prolifique, il ne cesse de peindre tout au long de sa vie.
En1929, le pouvoir soviétique le stigmatise pour son« subjectivisme » et le qualifie de« rêveur philosophique ». Au cours desannées 1930, les besoins du pouvoir soviétique en matière d'art ayant évolué, Kasimir Malevitch est sans cesse attaqué par la presse et perd ses fonctions officielles — il est même emprisonné et torturé. Même si les autorités lui décernent des funérailles officielles en 1935, la condamnation de son œuvre et du courant suprématiste s'accompagnent d'un oubli de plusieurs décennies[réf. nécessaire].
La reconnaissance de cet artiste intervient à partir desannées 1970. Depuis, de nombreuses rétrospectives à travers le monde ont consacré Kasimir Malevitch comme l'un des maîtres de l'art abstrait.
Théière et tasses constructivistes créées par Kasimir Malevitch en1932.
Parallèlement à son œuvre plastique, Malevitch produit des textes théoriques sur l'art. Une vingtaine d'écrits paraissent entre1915 et1930, mais de nombreux manuscrits restent non publiés. Tous ne sont pas directement liés aux seules pratiques artistiques. Ainsi par exemple,La Paresse comme vérité effective de l'homme, écrit en 1921, et publié aux éditions Allia en 1995 en langue française, texte révolutionnaire dans la mesure où le communisme lui-même y apparaît dépassable.
Les paysages et les scènes de la vie quotidienne présentent souvent une dominante du rouge et du vert, couleurs que l'on retrouve également dans certaines icônes orthodoxes. Lesgouaches desannées 1910-1911 sont influencées par lefauvisme mais aussi par lenéo-primitivisme et leprotocubisme. Dans lesannées 1912-1913, il produit des toiles cubistes et futuristes.
En 1915, Malevitch peint trois éléments qu'il inclura plus tard parmi les éléments fondateurs du suprématisme : leCarré noir, laCroix noire et leCercle noir[13].
Maniant des formes simples à caractèregéométrique et unicolores, disposées sur la toile ou érigées dans le réel (architectones), le suprématisme montre le caractère infini de l'espace, et la relation d'attraction et de rejet des formes.
Pour Malevitch, l'art est un processus amenant la sensation (c’est-à-dire le rapport de l'artiste au monde) à se concrétiser en œuvre, grâce à un module formateur étranger au support, l'« élément additionnel », qui structure la masse picturale ou les matériaux. Il introduit le concept d'élément additionnel dans ses écrits desannées 1920, ainsi que dans son enseignement[14].
Suivant son appellation, le suprématisme se pose comme modèle supérieur de la finalité artistique d'art pur, dominant et formant dans son sillage l'art appliqué[réf. nécessaire].
C'est sur la conception du rapport de l'art pur à l'art appliqué que Malevitch entre en conflit avec lesconstructivistes.
De 1915 à 1930, Malevitch théorise sur un développement de l’art moderne menant selon lui de « Cézanne au Suprématisme ».
En 1915 il publie dans une revue d'avant-garde dirigée parMikhaïl Matiouchine « La grue » (Zhuravl), un article intitulé « Du cubisme au suprématisme, le nouveau réalisme en peinture » (Ot kubizma do suprematizma. Novy zhivopisny realizm). Cet article accompagnait l’exposition des premières œuvres suprématistes à laDernière exposition futuriste, 0-10 de Pétrograd dans le Bureau Artistique de Madame Dobytchina. Une brochure sera rééditée à l’identique début 1916[15].
En 1916 Malévitch publie une nouvelle version remaniée sous le titre « Du cubisme et du futurisme, le nouveau réalisme pictural » (Ot kubizma i futurizma do suprematizma. Novy zhivopisny realizm)[16].Ce texte diffère des versions antérieures et comporte l’ajout de deux nouvelles sections reproduisant une conférence publique donnée par Malevitch le 12 janvier 1916 à Saint Pétersbourg[17].
En 1919, dans sa résidence d’été à Nemtchinovka, près de Moscou, Malévitch rédige un texte encore plus long, « Des nouveaux systèmes en art » (O novykh sistemakh v iskusstve), qu’il fait publier à Vitebsk le 15 juillet 1919[18].
Entre 1928 et 1930, la revue ukrainienneNova Generatsiia publie sous le titreNovoye Iskusstvo (Le nouvel art), une série de douze articles de Kasimir Malevitch sur l’évolution de la peinture moderne deCézanne auSuprématisme[19].
Kasimir Malevitch y compare cent-treize œuvres de près de quarante artistes modernes. Les dix chapitres dont certains, trop longs pour être publiés d’un seul tenant, sont scindés en deux pour la publication, sont illustrés de près de cent-vingt reproductions de tableaux tirées de livres ou grandes revues d'art de l'époque comme lesPeintres cubistes d'Apollinaire,Peinture et Sculpture Futuriste deBoccioni ou les revuesbauhaus[20], il analyse le passage de l’art figuratif à l’abstraction et en déduit les conséquences sur le futur de l’art moderne[21].
Malevitch y expose longuement pourquoi le Nouvel Art voit disparaître l'objet de la surface de sa toile et quelles sont les conséquences de cette disparition.
↑Alphonse Allais s'est essayé à la peinture monochrome de façon humoristique, dès 1882, avec saRécolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge. Il produit aussi, en 1887,Stupeur de jeunes recrues en apercevant pour la première fois ton azur, ô Méditerranée,Partage d'un apéritif anisé entre Asiates ictériques dans un champ de blé, etc.
↑En français, cf. les écrits de Malevitch sur l'élément additionnel dans K. Malevitch,La Lumière et la Couleur. Textes inédits de 1918 à 1926, traduits du russe par Jean-Claude Marcadé et Sylviane Siger, Lausanne, L'Âge d'Homme,coll. « Slavica. Écrits sur l'art », 1981,167 p.,p. 119-160.
↑Kasimir. Malevich,Essays on art, Vol. I 1915-1928 Vol. II 1928-1933, éd. Troëls Andersen, Traduction Xenia Glowacki-Prus, Arnold McMillin, David Miller, Borgen Forlag, Copenhague, Vol I 1968, Vol II 1971. Liste des œuvres Vol II, p. 171-177.
↑Éric Darragon, Marianne Jakobi, Centre interuniversitaire de recherche en histoire de l'art contemporain (France),La Provocation. Une dimension de l'art contemporain (XIXe – XXe siècles), Publications de la Sorbonne, 2004(ISBN978-2-8594-4470-9),p. 133[lire en ligne].
↑Ce carré entouré de blanc symbolise le monde sans objet, forme fondamentale du suprématisme, une remise à zéro de la représentation du monde avant l'exploration colorée du « Rien libéré ».[réf. nécessaire]
Shishanov V.A. [:ru:Витебский музей современного искусстваVitebsk Museum of the Modern Art]History of Creation and Collection. 1918-1941. Minsk, Medisont, 2007,144 p..