Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant lesréférences utiles à savérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
Lebouddhismemahāyāna (termesanskrit – महायान – signifiant « grandvéhicule », en chinois : 大乘, dàchéng ; en japonais : 大乗, daijō ;tibétain :ཐེག་པ་ཆེན་པོ, Wylie :theg pa chen po ; en vietnamien : Đại Thừa ; en coréen : 대승, dae-seung) apparaît vers le début de notre ère dans le Nord de l’Inde et dans l'Empire kouchan, d’où il se répand rapidement auTarim et enChine, avant de se diffuser dans le reste de l’Extrême-Orient. Des moines dubouddhisme chan chinois l'exportent avec l'écriture et de nombreux aspects de la culture chinoise, d'abord enCorée (bouddhisme son) en372, puis auJapon (bouddhisme zen) à partir duVe siècle, se mêlant un peu plus à chaque étape avec les croyances locales.
La quête de l’Éveil spirituel, non plus seulement dunirvāṇa comme « libération » dusaṃsāra, du cycle des souffrances et des réincarnations, mais dans une motivation altruiste et universaliste dubodhicitta que développe lebodhisattva jusqu'à la bouddhéité complète. Il respecte strictement les disciplines destinées aux bodhisattvas, pour aider d'abord les autres êtres sensibles à s'éveiller, retardant sa proprelibération parcompassion[2]. La plupart desécoles du bouddhisme s’accordent sur cinquante-deux étapes pour accéder à la voie du bodhisattva : dix degrés de la foi, dix degrés de la demeure, dix degrés de la pratique, dix degrés du transfert de mérites,dix terres, éveil correct et équivalent, et éveil merveilleux. Ainsi, le mahāyāna a aussi été appelé “bodhisattvayāna” ou encore “pāramitāyāna” (où l'on cultive les sixparamitas).
La reconnaissance et l'actualisation de lanature-de-bouddha présente en chacun, suivant les sūtras dits dutathagatagarbha, développée en dialectique avec la doctrine dutrikāya, où ledharmakāya, « corps de réalité » deséveillés, est identifié à l'essence de tous les phénomènes manifestés. Cette perspective a conduit aux enseignements et techniques duvajrayāna puis dumahamudra et dudzogchen.
Bien que le mot « schisme » soit couramment employé, jusqu'auVIIe siècle, les moines hīnayānistes et mahāyānistes pratiquent dans les mêmes monastères, suivant les mêmes règles, et ce dans l'ensemble de la sphère d'influence indienne ; la forme pratiquée est considérée comme un choix personnel.
Le bouddhisme mahāyāna a graduellement redéfini leDharma et les préceptes initiaux, dont letheravāda actuel ou « doctrine des Anciens » est l’héritier, en effet concernantLes Trois Roues du Dharma :« Les bouddhistestheravādins n'acceptent que les sutra de la première roue, les seuls qui apparaissent dans le Canon pali, tandis que les tenants du mahayana et duvajrayana les acceptent tous »[3]. Les changements du mahāyāna sont perçus comme une dénaturation du message originel alors que la primauté historique assure une forme d’orthodoxie de l'enseignement duBouddha en tant quehīnayāna, « petit véhicule » vers l’illumination ; terme qui peut mettre en évidence un pouvoir salvateur limité (à l'adepte lui-même de la pratique traditionnelle ou à une “élite”, un petit nombre de pratiquants), en contraste avec l'idéal dubodhisattva prôné par le « grand véhicule » vers l’illumination, selon lequel l'adepte s'engage à délivrer tous les êtres, outre sa personne, et dont les enseignements sont accessibles à tous, conformément au but recherché.
Le “nouveau” bouddhisme ne s’appuie pas seulement sur les écrits duBouddha historique, telNichiren se basant sur leSūtra du Lotus, mais parfois sur des textes postérieurs qu’il présente néanmoins comme dictés ou inspirés parShākyamuni et même d'autresbouddhas, ainsi que sur des exégèses et les écrits d'autresmaîtres. S’il ne rejette pas les écrits ou pratiques hīnayāna, il prétend qu'ils correspondent soit aux besoins de pratiquants moins avancés soit à une autre époque, ère de l'histoire du bouddhisme selon Shakyamuni ou cycle duDharma (Mappō).
Le courant mahāyāna émerge à partir duIer siècle et s’affirme auIIe siècle en Inde du Nord et dans l’Empire kouchan presque simultanément. Le processus exact de sa formation n'a pas encore été éclairci, bien qu’on retrouve des ressemblances doctrinales sur quelques points avec certainesécoles anciennes,Ekavyāvahārika,lokottaravādin etsautrāntika en particulier ; des notions et pratiques issues de cultures non-indiennes tels que lechristianisme ou legréco-bouddhisme ont dû jouer un rôle.
Les premières occurrences des termes « mahāyāna » et « hinayāna » se trouvent dans leSūtra du Lotus et laPrajñāpāramitā en 8000 strophes (Aṣṭasāhasrikā Prajñāpāramitā Sūtra), qui pourraient remonter auIer siècle de notre ère, voire auIer siècle av. J.-C. pour le second.
Il ne faut pas confondre le mahāyāna qui apparaît au début de l’ère chrétienne avec laMahāsāṅghika, « grande communauté » partisane de réformes, jugée hérétique et poussée à la sécession par les traditionalistessthaviravādin à une époque plus ancienne, variant selon les sources duconcile de Vaisali (IVe siècle av. J.-C.) auconcile de Pāṭaliputra (IIIe siècle av. J.-C.). Néanmoins, ces deux courants qui partagent le qualificatif « grand » ont sans doute en commun de proposer une forme moins austère et plus accessible à un plus grand nombre. Une des versions du concile de Pāṭaliputra voit dans la Mahāsāṅghika ceux qui contestent la perfection desarhats, une idée que l’on retrouve dans la doctrine mahāyāna.
Salut universel, compassion, sacrifice individuel pour l'ensemble de l'humanité et Paradis de laTerre pure, sont des thèmes communs aux deux religions, ce qui a pu amenercertains chercheurs[Lesquels ?] à voir une influence de l’une sur l'autre. On a pu également rapprocher la triade de bouddhas d'Occident, appelés en Chine les Trois saints de l'ouest (Amitâbha,Avalokiteshvara,Mahâshtâmaprâpta), de laTrinité chrétienne. De la même façon, le bouddha messianique du futur (Maitreya), ou la divinité féminine de la Sagesse (aux fortes ressemblances avec laSophia gnostique) rappellent des thèmes chrétiens. Toutefois, si ces éléments apparaissent dans des sûtras composés à cette époque (sûtras du Cœur,duLotus,de Vie Infinie), ou dans l'iconographie gréco-bouddhique ou encore dans des traditions orales, les deux religions sont également suffisamment différentes quant à leur sens, leur portée, et leur usage doctrinal, pour que la comparaison s'arrête là. SiEdward Conze[4] avait déjà noté ces similitudes entre christianisme,gnose chrétienne et mahâyâna, ses travaux n'ont pas été véritablement approfondis, malgré les études d'Elaine Pagels[5]. Une autre étude récente aborde également ce sujet[6]. Les élémentszoroastriens sont également importants, en particulier pour les scénarioseschatologiques de rénovation finale du monde, et le personnage de Maitreya,adaptation du dieu persan et védique[réf. nécessaire]Mithra (Mitra en Inde).
Mais, il faut le souligner, ces ressemblances ou emprunts iconographiques, stylistiques ou même thématiques ne font pas de la doctrine du salut bouddhique un élément comparable à la doctrine chrétienne. De fait, ces ressemblances superficielles ne doivent pas faire oublier que le bouddhisme (y compris le Grand véhicule) se fonde, entre autres éléments importants, sur l'idée de lavacuité des phénomènes, et qu'il rejette les notions deDieu créateur, d'âme individuelle, depéché.
De nos jours le « grand véhicule », formes tantriques comprises, domine numériquement le « petit ». Il est surtout présent enInde du Nord, enChine et dans le Sud-Est asiatique (Chán etJingtu), en Corée (Son, notamment l'écoleJogye) et auJapon (Zen,Tendai,bouddhisme de Nichiren,Terre pure, néobouddhisme). Levajrayāna qui en est dérivé est présent au Japon (Shingon et certaines formes de Tendai), ainsi qu’au Tibet, dans les régions voisines (Ouest chinois,Bhoutan,Népal) et enMongolie, sous forme delamaïsme empreint d'hindouisme, dechamanisme et d'uneBön propre aux peuples tibétains.
La grande majorité des nouveaux pratiquants bouddhistes issus de régions où ce courant spirituel est d'introduction récente choisissent une forme mahāyāna.
L'absence de nature propre (autrefois limitée à la personnalité) s'étend dans le Mahāyāna à tous les phénomènes.Nāgārjuna ira jusqu'à affirmer que lesaṃsāra et lenirvāṇa sont comme « les deux côtés d'une assiette (ou d'une pièce) ».
Fortement inspirés de l'hindouisme, des préceptes du mahāyāna réintroduisent des idées écartées par le Bouddha, le salut par la dévotion, le ritualisme ou la présence dedivinités (yidam), parfois absorbées par syncrétisme à partir d'autres religions, comme letaoïsme ou leshintoïsme. À la rigueur et la discipline personnelle du « petit véhicule », le « Grand Véhicule » oppose la compassion (karuṇā) et l'intercession par lesbodhisattvas, dont la sagesse personnelle est utilisée pour venir en aide à autrui, par le biais du transfert de mérites (parinama). En effet, alors que dans la doctrine des anciens le but, pour chacun, est de devenir soi-même unarhat, dans le mahāyāna le développement dubodhicitta et la pratique dubodhisattva ont préséance. En plus de la prise de refuge, le mahāyāniste peut prononcer des vœux de bodhisattva (pranidhana) où il s’engage à œuvrer après son illumination à la salvation de tous les êtres jusqu’au dernier.
Des personnes laïques peuvent accéder aunirvāṇa, si elles pratiquent en développant avec foi la bienveillance et la compassion envers autrui, et effectuent quotidiennement les pratiques appropriées ou exercices de yoga enseignés par leurguide spirituel. L’état debodhisattva serait équivalent à celui d‘apprenti bouddha ; la notion detathagatagarbha, « embryon (gharba) de l'ainsi-venu (tathagata) » ou « embryon de bouddha », qui serait universellement présent chez les êtres sensibles, conforte cette pratique.
Le Bouddha, personnage historique, devient dans la doctrine destrois corps l'émanation d'un bouddha cosmique comme peut l'êtreVairocana, une divinité panthéiste et syncrétique englobant en son sein les anciennes divinités. Cesdéités représentent des qualités vers lesquelles doit tendre le pratiquant, le but étant de développer les causes qui vont permettre d'élargir sa conscience et d'établir l'être dans des actes libérateurs de l'attachement au concept du moi ou “petit ego”.
Il existe différentes façons d'aborder le bouddhisme. Les études de sociologie religieuse semblent indiquer que les pratiquants du mahāyāna, particulièrement les laïques, le considèrent en général comme une religion. Par ailleurs, de par sa large diffusion et son appel universel, le mahāyāna a donné naissance à de nombreuses formes mixtes, mélanges de religion locale et de bouddhisme, parfois appelées « bouddhisme populaire ».
Les sūtras mahāyāna sont très nombreux. LeŚālistambasūtra serait l'un des plus anciens. Certains, leSūtra du Diamant et leSūtra du Cœur notamment, sont récités quotidiennement dans de grandes parties du monde bouddhiste. D'autres sont plus spécifiquement liés à une école.
Les plus anciennes versions à nous être parvenues sont les traductions chinoises que le moineLokaksema fit entre178 et189 àLuoyang, en particulier lePratyutpanna Sūtra qui introduit le bouddhaAmitābha et lesPrajñāpāramitā Sūtras dont font partie leSūtra du Cœur et leSūtra du Diamant[7].
La tradition mahāyāna affirme queGautama Bouddha a dispensé son enseignement selon les différents degrés d’avancement spirituel de ses disciples, si bien qu'il y a eutrois tours de la roue du Dharma. Selon cette perspective, les sūtras hīnayāna, dits « de la première mise en mouvement de la roue de l'enseignement » (premier exposé de la doctrine prononcé au Parc aux daims), sont destinés à un auditoire moins avancé. C'est plus tard, aupic sacré de l’Aigle, qu'il aurait débuté l'enseignement des textes « de la deuxième mise en mouvement de la roue de l'enseignement », destinés aux disciples les plus avancés.
Néanmoins, l’écoleHuayan présente l’Avatamsaka Sutra sur lequel elle s’appuie comme le premier dicté par le Bouddha juste après sonéveil. Certains considèrent les sûtras dans lesquels le concept detathāgatagarbha tient une place importante (ex. :Lankāvatāra sūtra) comme relevant d'une « troisième mise en mouvement de la roue de l'enseignement». Levajrayāna reconnaît l’importance des sūtras mahāyānas mais fait surtout appel auxtantras considérés comme plus efficaces.
LeDaijōgi Shō (Concepts bouddhiques vus à la lumière du Mahayana) écrit par Ching-ying Hui-yuan (appelé aussi Houei-yuan ou Huiyuan II : 523-592 CE), dit qu’il existe deux sortes de Mahayana, le définitif et le provisoire, différenciant ainsi, d’une part, les enseignements “provisoires”, enseignements exposés temporairement comme moyens pour instruire les gens et élever leur degré de compréhension et, d’autre part, l’affirmation pure et simple de l’Éveil de Shakyamuni, exposée sans tenir compte des capacités des auditeurs[8]. Quant àZhiyi, dans “Sens profond du Sūtra du Lotus” ouHōkke Genji, il développe une classification des enseignements du Bouddha en cinq périodes : il appelle « Mahāyāna provisoire » les sūtras des périodes Kegon, Hōdō et Hannya, et « Mahāyāna définitif » ceux des périodes Hokke-Nehan comprenant leSūtra du Lotus et leSūtra du Nirvana. En définitive, c’est sur cette distinction que s’appuieraNichiren pour fonder sa propre école en 1253 :Hokke-shū (法華宗, lit. : École du Lotus).
Bien que composés selon les historiens dans les premiers siècles de notre ère, ces sûtras contiennent bien l’enseignement du bouddha :
Sūtras tirés du plus ancien corpus mahāyāna, la littérature Prajñāpāramitā insistant sur la notion deŚūnyatā
LeSūtra du Cœur, concis et condensé, est probablement le texte bouddhique le plus connu.
LeSūtra du Diamant, destiné aux mahāyānistes avancés, traite la nature de Bouddha.
LeSūtra du Lotus de la Loi merveilleuse, traduit notamment parKumarajiva, écrit important que certaines écoles chinoises (Tiantai) et japonaises (Tendai,bouddhisme de Nichiren), considèrent comme le dernier dicté par le Bouddha, summum de son enseignement.
LeSūtra de l'Ornementation Fleurie (Avatamsaka Sutra), écriture de référence des écolesHuayan (Chine) etKegon (Japon), qui le considèrent comme le premier témoignage du Bouddha juste après son éveil, donc le plus précieux ; il s’agit d’un ouvrage composite dont certaines sections sont à l’origine des textes indépendants, comme leSûtra des DixTerres (Dashabhumikasutra).
LeSūtra de Vimalakīrti (Vimalakirtinirdesasutra), contient à la fois l’enseignement du Bouddha et celui de Vimalakīrti, un laïc à la sagesse exemplaire.
Lemadhyamaka,voie médiane, basé sur les enseignements deNāgārjuna, fut fondé enInde auIIe siècle. Cette école contredit toute attitude intellectuelle : « Le Vainqueur a dit que la vacuité est l'évacuation complète de toutes les opinions. Quant à ceux qui croient en la vacuité, ceux-là, je les déclare incurables. »[10].
LaSociété du lotus blanc, fondée en402 enChine parHuiyuan, est considérée comme la première des écoles de laterre pure. Ces écoles, présentes dans tout l'Extrême-Orient et en Asie du Sud-Est, vénèrent leBouddha nomméAmitābha,lumière infinie.
↑François-Marie Périer,La Porte étroite et le Grand Véhicule, des premiers Chrétiens aux Bodhisattvas, révélations sur les origines du Mahâyâna, Grenoble, Le Mercure Daupinois, 2017.
↑Lokaksema ne traduisit que le premier fragment de l'ensemble Prajñāpāramitā,Pratique de la Prajñāpāramitā, en chinoisDaoxing bore jing (道行般若經)
↑Ming-Wood Liu,"The Yogaacaaraa and Maadhyamika Interpretation of the Buddha-nature Concept in Chinese Buddhism". Philosophy East and West, University of Hawaii Press,,chap. 35,p. 171–192 : One influential figure who wrote about buddha nature was Ching-ying Hui-yuan (523-592 CE), a Chinese Yogacarin who argued for a kind of idealism which held that:« All dharmas without exception originate and are formed from the true[-mind], and other than the true[-mind], there exists absolutely nothing which can give rise to false thoughts. »Ching-ying Hui-yuan equated this 'true mind' with theālayavijñāna, thetathāgatagarbha and "Buddha-nature" (fóxìng) and held that it was an essence, a true consciousness and a metaphysical principle that ensured that all sentient beings will reach enlightenment. According to Ming-Wood Liu« Hui-yuan's interpretation of the Buddha-nature doctrine represents the culmination of a long process of transformation of the "Buddha-nature" from a basically practical to an ontological concept. ».
Jean-Marc Vivenza,Tout est conscience, une voie d'éveil bouddhiste, l'école du Yogâcâra (Cittamātra), Albin Michel, 2010.
Shinjo Ito,Shinjo: Reflections, Somerset Hall Press, 2009.
Paul Williams,Mahayana Buddhism: The Doctrinal Foundations, Second Edition, Oxford, Routledge, 2009.
Edward Conze,Thirty Years of Buddhist Studies, Selected Essays by Edward Conze, Bruno Cassirer, Oxford, 1967
François-marie Périer,La Porte étroite et le Grand Véhicule, des premiers Chrétiens aux Bodhisattvas, révélations sur les origines du Mahâyâna, Genoble, Le Mercure Dauphinois, 2017
Le Sûtra du Lotus, version française de la traduction anglaise du chinois deKumārajīva par Burton Watson, Paris, Les Indes savantes, 2007,(ISBN978-2-84654-180-0).