Au cours de ses 22 années au pouvoir, Mahathir s'est forgé une réputation d’homme politique asiatique de premier plan. Il a œuvré au développement de la Malaisie en initiant la politique dite du « regard vers l'Est » et en encourageant les Malaisiens à prendre exemple sur le Japon, au sujet notamment des technologies industrielles de pointe.
Il revint au pouvoir après lesélections législatives de 2018, cette fois-ci à la tête de l'alliance électoralePakatan Harapan, et redevint Premier ministre. Il était alors le chef de l'exécutif le plus âgé au monde. Il démissionna le, à 94 ans.
Mahathir est considéré comme l'une des figures les plus importantes de l'histoire moderne de la Malaisie.Time Magazine l'a nommé l'une des 100 personnes les plus influentes en 2019[3].
Situation personnelle
Mahathir en 1939
Son père, Mohamad Iskandar, est d'origine indienne, fils d'un musulmanmalayalee qui a émigré duKerala en Inde tandis que la mère de Mahathir est malaisienne. Mahathir Mohamad a fait ses études àAlor Setar puis auKing Edward VII Medicine College(en) àSingapour. Il entre dans l'administration comme médecin militaire et exerce sur l'île deLangkawi.
Parcours politique
Mahathir Mohamad est élu pour la première fois au Parlement en1964(en) mais perd son siège lors desélections suivantes(en), de 1969, face àYusof Rawa(en) duParti islamique. Cette défaite électorale peut s'expliquer par la perte du « vote chinois » par Mahathir, ce dernier ayant expliqué qu'il n'avait pas besoin de ce dernier pour remporter le scrutin.
Avant de devenir Premier ministre, il est successivement ministre de l'Éducation, vice-Premier ministre (1976), ministre du Commerce et de l'Industrie (1978), et dirige plusieurs missions à l'étranger pour attirer les investisseurs.
Peu connu dans le reste du monde, il a une forte influence politique en Asie.
Premier chef de gouvernement non aristocrate, il est souvent considéré comme étant à l'origine de la modernisation de laMalaisie.
Il est un partisan déclaré des« valeurs asiatiques » et des« valeurs islamiques ». À la tête du gouvernement, il se lance dans une politique d'islamisation. En1983, il fonde labanque islamique de Malaisie(en) et l'université islamique internationale(en)[4],[5]. Il prône le respect de certaines règles religieuses et lance des programmes télévisés islamiques. Le, il se déclare même ouvert à l'idée que leKelantan (État fédéré du nord-est du pays dirigé par leParti islamique) puisse se doter d'un nouveau code pénal comprenant les peines prescrites (hudud) par la loi islamique (charia). Des voix discordantes au sein de lacoalition gouvernementale le poussent cependant à faire volte-face et il refuse de donner au Parti islamique les garanties (notamment en ce qui concerne la modification de laconstitution) qu'il exige pour pouvoir le faire appliquer. Le, il qualifie le projet de code pénal de« tyrannique » et, le,son gouvernement(en) le rejette, bloquant ainsi son application[6].
En,Anwar Ibrahim, vice-Premier ministre chargé des Finances et considéré comme son dauphin, qui conteste les mesures prises pour lutter contre lacrise financière asiatique, est démis de ses fonctions, exclu de l'Organisation nationale des Malais unis (UMNO) et arrêté. Ibrahim est condamné dans deux procès à six et neuf ans d'emprisonnement pour « abus de pouvoir » et « sodomie ». Ces procès sont considérés comme desprocès truqués visant à éliminer un rival politique[7].
Pendant son mandat, Mahathir a transformé la Malaisie en une région de fabrication de produits high-tech et en un hub financier et de télécommunications par ses politiques économiques fondées sur lenationalismecorporatif, connu sous le nom « Malaysia Plans ». Ces politiques ont été maintenues presque jusqu'à la fin de son mandat. Il a mis en place son programme économique « Wawasan 2020 » (Vision 2020) qui a permis la croissance économique du pays. C'est sous son mandat que sont construites lestours Petronas[2].
Fermant le pays, il applique une « potion nationaliste » à la malaisienne, chassant quelque 2,2 millions de personnes, dont les experts duFMI. Les taux de croissance du pays furent impressionnants : 8,1 % en 2000, 3,5 % en 2002, 5,5 % en 2003, taux alors bien supérieurs à ceux des autres« dragons » et« tigres » asiatiques qui s'étaient soumis aux demandes de laBanque mondiale. Mahathir a aussi mené une politique de fort endettement.
En 2002, la Malaisie a eu le taux de chômage le plus bas du monde. En 2001, le pays a accueilli plus de dix millions de touristes[réf. nécessaire].
Il est à l'origine de plusieurs projets économiques :
la nouvelle capitale de l'informatique et du multimédia,Cyberjaya.
Il est considéré comme responsable de la corruption massive qui existe en Malaisie. Il aurait mis en place un système clientéliste ayant profité à un cercle réduit, essentiellement aux membres de l’UMNO[8]. Il est ainsi accusé d'avoir permis l'enrichissement d'une poignée de personnes proches du pouvoir au détriment du reste du peuple vivant dans la pauvreté. Ce système aurait par la suite été utilisé par son successeurNajib Razak, essentiellement pour son profit personnel cette fois, entraînant sa chute[9].
Mahathir Mohamad s'oppose à l'influence britannique en Malaisie, qui reste cependant membre duCommonwealth. Il cherche à promouvoir une Communauté des pays asiatiques (East Asia Economic Group,EAEG) autour duJapon.
Il conteste également l'hégémonie américaine, car il estime[10] que « les Américains ne s'intéressent pas aux raisons d'être des organisations terroristes, déployant des mesures de prévention et de sécurité extraordinaires qui provoquent la colère, le malheur de peuples entiers qui ne demanderaient pas mieux que de coopérer contre le terrorisme ».
À la tête dePakatan Harapan, il redevient Premier ministre le, au lendemain desélections législatives qui sont marquées par la défaite de son ancien parti, l'Organisation nationale des Malais unis (UMNO)[11]. Il devient ainsi le chef de l'exécutif le plus âgé au monde, devant le présidenttunisienBéji Caïd Essebsi[12]. Sa victoire, considérée comme une surprise[2], s'expliquerait par la bonne image dont il jouit dans le pays et par la lassitude de la population envers la coalition sortante[13].
Durant la campagne, il a déclaré vouloir poursuivre, s'il était élu, le Premier ministre sortantNajib Razak, accusé de corruption, éventuellement« par Interpol s'il s'enfuyait »[14]. Il a également promis de supprimer lataxe sur la valeur ajoutée instaurée par son prédécesseur, ainsi que d'instaurer une limite de mandats électifs[15]. Le, Najib Razak est interdit de sortie du territoire[16], alors qu'il s'apprêtait à se rendre en Indonésie pour une« pause »[17].
Il s'engage à remettre le pouvoir àAnwar Ibrahim, considéré comme plus progressiste, lorsque celui-ci sera sorti de prison[18],[19]. En attendant,Wan Azizah Wan Ismail, épouse d'Ibrahim, élue députée, est nommée vice-Première ministre et doit occuper son poste de parlementaire jusqu'à ce que son mari soit élu lors d'une législative partielle[20]. Dès le, Mahathir annonce que le roiMuhammad Faris Petra a donné son accord pour pardonner et libérer Anwar Ibrahim ; il réitère à cette occasion qu'il lui cédera le pouvoir, dans deux ans[21]. Sa libération, qui doit également lui permettre d'être de nouveau éligible[22], intervient le[23].
Il démissionne le, au lendemain de l'effondrement de sa coalition et d'une tentative de son parti de renverser son gouvernement et de former un nouveau gouvernement avec l'appui de l'UMNO et d'empêcher ainsi Anwar Ibrahim de devenir Premier ministre[25]. Le jour même, le roiAbdullah Shah accepte sa démission et le nomme Premier ministre par intérim[26]. La vice-Première ministre Wan Azizah Wan Ismail était pressentie pour assurer l'intérim[27]. Mahathir a alors la possibilité de reformer sa coalition, former une nouvelle coalition autour de son parti, des dissidents du parti d'Anwar Ibrahim et l'UMNO, ou alors de nouvelles élections législatives seront convoquées[28]. Le gouvernement sortant est dissout dans la foulée[29].
Le roi reçoit ensuite individuellement les députés, pour trouver celui qui possède le soutien de la majorité d'entre eux[30]. Mahathir Mohamad propose un gouvernement d'union[31]. De son côté, Anwar Ibrahim réclame lui aussi de former le prochain gouvernement[32]. Le, Mahathir Mohamad annonce que le Parlement choisira le prochain Premier ministre la semaine suivante[33]. Les deux hommes ayant échoué à former un gouvernement et Mahathir Mohamad n’étant pas parvenu à reformer leur coalition,Muhyiddin Yassin est désigné Premier ministre avec le soutien de l'UMNO et duGagasan Sejahtera[34]. Muhyiddin prête serment le1er mars en dépit de la demande de Mahathir de la tenue d'une réunion du Parlement pour que son successeur prouve qu'il dispose d'une majorité[35].Le 23 février 2022, Mahathir exprime son intention de revenir en politique après avoir quitté l'hôpital[36]. Le 19 novembre 2022, il échoue à se faire réélire dans sa circonscription électorale[37]. À l'issue du scrutin, Anwar Ibrahim devient Premier ministre. Mahathir félicite ce dernier et annonce se consacrer à l'écriture[38].
État de santé
Mahathir a été hospitalisé pour une crise cardiaque en 1989[39].
Le 9 novembre 2006, Mahathir a été admis à l'hôpital après avoir subi une crise cardiaque[40],[41],[42].
Le 1er octobre 2010, Mahathir a été admis à l'hôpital de Melbourne pour le traitement d'une infection pulmonaire[43],[44]. Le 18 novembre 2013, il a de nouveau été admis à l'hôpital en raison d'une infection pulmonaire[45],[46],[47]. Le 9 août 2016, il a de nouveau été admis à l'hôpital pour une infection pulmonaire[48]. Le 9 février 2018, Mahathir a été hospitalisé pour une infection pulmonaire[49].
Le 16 décembre 2021, Mahathir a été admis à l'hôpital pour un examen médical complet et une observation plus approfondie[50],[51],[52], Il est sorti de l'hôpital le 23 décembre[53],[54]. Le 7 janvier 2022, Mahathir, qui avait quitté l'hôpital depuis plus de deux semaines, a été réadmis à l'hôpital[55],[56],[57]. Le 22 janvier 2022, un porte-parole du bureau de Mahathir a confirmé que l'ancien Premier ministre est actuellement soigné à l'unité de soins coronariens (CCU) de l'IJN[58]. Le 26 janvier, sa fille Marina Mahathir a déclaré que la santé de Mahathir s'était suffisamment améliorée pour qu'il soit transféré dans un service normal de l'unité de CCU de l'IJN[59]. Le 5 février 2022, Mahathir a été libéré de l'IJN après son troisième séjour en un mois environ[60],[61],[62].
Évaluation
Time Magazine a nommé Mahathir comme personnalité de l'année en Asie en 1998[63].
Le président françaisJacques Chirac a rendu hommage à Mahathir pour être un leader dont les paroles et les actions sont guidées par ses vrais sentiments et sa sagesse[64].
Le président chinoisXi Jinping a qualifié Mahathir de vieil ami du peuple chinois lors de sa visite en Malaisie en 2013[65].
En avril 2019, Mahathir a été classé parmi les 100 personnes les plus influentes de 2019 par Time Magazine[66]. En mai de la même année, il a été classé 47e parmi les 50 leaders exceptionnels du Fortune Global 2019[67].
Prises de position
Monarchie
Opposé à la monarchie, il supprime l'immunité des familles royales et estime que« tous, sultans, gouverneurs, Premier ministre ou ministres, fonctionnaires et citoyens ordinaires » sont soumis à la loi[68].
Dans un entretien publié le avecVitaly Naoumkine (ambassadeur de bonne volonté auprès de l'Alliance des civilisations), il déclare :« Il n'y a aucune sécularisation possible dans l'islam, car, comme vous le savez, l'islam est un modèle qui englobe tous les aspects de la vie. D'un côté il explique tout ce qui se passe dans notre société, parce qu'il y a dans le Coran un code de la façon de se comporter dans chaque aspect de la vie, ce qui diffère de la Bible ou de la Torah. Mais d'un autre côté les choses que nous devons faire sont tout à fait en concordance avec la démocratie et cela ne contredit en aucune façon la foi islamique. Il y avait de la démocratie dès le début de l'histoire musulmane[69]. »
Homosexualité
À la tête d'un despays où l'homosexualité est illégale, il se montre conservateur sur le sujet[70]. Il est opposé aumariage entre personnes de même sexe. Lors de sa seconde arrivée au pouvoir en, il fait cependant libérer l'ancien vice-Premier ministreAnwar Ibrahim, emprisonné pour sodomie avec un homme[71]. En, il critique publiquement la peine prononcée dans l'État duTerengganu à l’encontre de deux lesbiennes ayant été condamnées à recevoir plus de cent coups de bâton en public[70].
Controverses
Mahathir Mohamad en 2019.
Antisémitisme
Tout au long de sa carrière, Mahathir a tenu des déclarations antisémites[72]. En1997, lors de lacrise économique asiatique, il dénonce un « complot juif » et accuse l'AméricainGeorge Soros d'avoir causé la dévaluation des monnaies régionales[72].
Lors de la fin de son mandat,, il fait un discours à l'Organisation de la coopération islamique àPutrajaya, où il accuse lesJuifs de dominer le monde« par procuration »[73],[72]. Cela augmente sa réputation d'antisémitisme et il est critiqué dans la presse occidentale. Mahathir réplique en défendant son discours en disant qu'il n'était pas antisémite mais contre les Juifs qui tuent des musulmans et les Juifs qui les soutiennent[74].
Attentats d' en France
Le, peu après l'attaque au couteau de la basilique Notre-Dame de Nice, Mahathir publie sur son compteTwitter et sur son blog un long texte en réaction aux propos tenus par le président de laRépublique française,Emmanuel Macron, à la suite de l'assassinat de Samuel Paty. Un passage de ce texte fait particulièrement polémique, puisque l'ancien Premier ministre malaisien estime dans ce dernier que bien qu'il« n'approuve pas les attentats »,« lesmusulmans ont le droit d’être en colère et de tuer des millions deFrançais pour les massacres du passé » puisque« indépendamment de leur religion des gens en colère tuent ». Il est d'abord marqué comme « signalé » par le réseau social, qui ensuite supprime définitivement le message. Toutefois, le compte Twitter de l'ex-Premier ministre malaisien n'est pas suspendu malgré les exigences du gouvernement français[75],[76],[77].
Le livreKL, complots et caducées[80] (Hélène Honnorat, 2023) raconte la lutte sans merci entre Mahathir Mohamad etAnwar Ibrahim, son dauphin, pour la conduite de l'État.
↑ab etcCarine Cheval, « Mahathir déteste-t-il les juifs ? »,Outre-Terre,no 6,(lire en ligne).
↑« We [Muslims] are actually very strong, 1.3 billion people cannot be simply wiped out. The Nazis killed 6 million Jews out of 12 million [during the Holocaust]. But today the Jews rule the world by proxy. They get others to fight and die for them. They invented socialism, communism, human rights and democracy so that persecuting them would appear to be wrong so they may enjoy equal rights with others. With these they have now gained control of the most powerful countries. And they, this tiny community, have become a world power. »(en) « Malaysian Leader: Jews Rule World by Proxy », Fox News,(consulté le).