L'expressionlatineMagna Carta, traduite en français par « Grande Charte » (ou, en précisant, « Grande Charte d'Angleterre »), désigne lacharte obtenue par la noblesseanglaise (les « barons ») du roiJean sans Terre le, à la suite d'une courte guerre civile achevée le par la prise deLondres par les insurgés. Cette charte établit pour la première fois par écrit les droits respectifs du roi et des barons, mais aussi de l'Église et des villes, en ce qui concerne le gouvernement du royaume, notamment la levée des impôts.
Une quatrième version, réduite de près de la moitié par rapport à celle de 1215 et très peu différente de la précédente, est officiellement promulguée le. Confirmée solennellement le, c'est elle que désignera dès lors l'expressionMagna Carta. En 1354 y sont introduites, sans rien changer auxstatuts sociaux en vigueur, les notions d'égalité universelle devant la loi, principe qui sera utilisé en vain à la fin duXVIIe siècle pour faire libérer lesesclaves parvenus sur le territoire anglais[1], et dedroit à un procès équitable.
Considérant qu'à peu près chaque pays decommon law qui possède une constitution a subi l'influence de la Grande Charte, cette dernière est peut-être le document juridique le plus important dans l'histoire de la démocratie moderne, marquant le passage d'un État absolu à celui d'unÉtat de droit.
Le nom de Grande charte ne lui a été initialement attribué qu'en raison de la longueur exceptionnelle et apparaît dès le, deux ans et demi après sa rédaction, pour la distinguer de laCharte de forêt, plus courte. Celle-ci constitue la base dutraité de Lambeth et celle-là y est jointe en annexe.
C'est sous ce nom qu'elle est citée par les humanistes telFrancis Bacon mais elle n'est alors qu'un nom, voire un mythe, dont seuls quelques articles, eux-mêmes incomplets ou déformés, sont connus pour avoir été repris dans différents documents. Ce nom ne prendra de sens moral qu'auXVIIe siècle après qu'une première version, imprimée et complète, a été élaborée en 1610 par les partisans de ce qui deviendra laPétition des droits, acte promulgué le. Cette édition est saisie en 1634 avec une cinquantaine de manuscrits au domicile d'unÉdouard Coke mourant et censurée parCharlesIer qui gouverne sans leParlement depuis 1629. Le roi sera décapité le.
Le nom deMagna Carta Libertatum, c'est-à-dire Grande charte des Libertés, qui lui a été parfois donné, est uneemphase tardive.
Le dénomination « grande charte d'Angleterre » est utilisée dans une traduction de la charte publiée en langue française dansLa grande charte d'Angleterre ; ouvrage précédé d'un Précis historique et philosophique sur les révolutions de la Grande-Bretagne ; suivi de la Constitution des treize États-Unis de l'Amérique à Paris, en 1793-1794[2].
Aucun de ces documents n'est signé. Un préambule liste les dix ecclésiastiques et dix-sept seigneurs qui ont conseillé le roi dans la rédaction. Ces derniers ne sont pas directement impliqués dans les dispositions prises et sont distincts des vingt cinq barons qui, sans y être nommés, sont visés par celles-ci et seront qualifiés ultérieurement de rebelles.
Rédigé en unlatin conventionneltrès abrégé, le texte, compact et continu, a été numéroté en soixante trois articles en 1759 parWilliam Blackstone. Dès laRenaissance, en 1534,George Ferrers(en) avait numéroté le texte plus court de la version de 1297 en trente-sept clauses, qui sont indiquées en marge du manuscrit original.
Au moins treize copies originales ont été dressées, sept le et six autres dans les jours suivants. Ces copies ont été diffusées auxshérifs et auxévêques.
Les variations observées entre les copies subsistantes empêchent de définir unmanuscrit princeps.
Ces quatre exemplaires diffèrent et par le texte et par la taille. Aucun n'est regardé comme plus authentique que les autres. Les autres exemplaires visibles de par le monde sont des versions postérieures, authentiques ou desfac-similés.
En dehors de dispositions liées aux seuls événements qui ont précédé l'accord,Jean sans Terre s'engage par la Magna Carta, principalement à quatre choses :
garantir les « libertés » de l'Église, résolution placée en tête de toutes les autres, mais aussi des villes ;
La clause la plus significative de la charte de 1215 est la clause connue depuis sous le numéro 61 et le libellé de « clause de sécurité ». C'est la partie la plus longue du document. Elle institue le contrôle de l’impôt par leGrand Conseil(en) du Royaume. Composé de vingt cinq barons, non nommés, ce conseil peut à tout moment se réunir et annuler la volonté du roi, au besoin par la force en saisissant ses châteaux et ses biens.
Cette procédure se fonde sur lasaisie, pratique juridique médiévale connue et souvent utilisée, mais c'est la première fois qu'il est prévu de l'appliquer à unmonarque. En outre, le roi doit prêter auGrand Conseil(en) un serment de loyauté.
Cette clause disparaît dans les versions ultérieures mais le roi convoquera plusieurs fois unGrand Conseil(en) pour obtenir la levée d'impôts extraordinaires.
Quand, en1215, la charte est rédigée, un grand nombre des dispositions prises le sont non pas pour opérer des changements à long terme, mais simplement pour remédier immédiatement aux abus. C'est la raison pour laquelle la Charte est constamment rééditée, trois fois pendant le seul règne deHenri III, en1216,1217 et1225. Des modifications, parfois importantes, sont apportées pour produire une version actualisée.
La fondation duroyaume de Jérusalem en 1099 puis sa régénération en 1192 à la suite de latroisième croisade à laquelle la chevalerie anglaise a participé, plus que l'éphémèreEmpire latin d'Orient, outre les bouleversements qu'elles provoquent dans le commercegénois ouvénitien et la civilisationoccidentale, dans l'idéalchevaleresque etmonacal, lamorale religieuse, lamode vestimentaire, labotanique, la cuisine, la musique et le chant de cour, a de profondes répercussions au sein de la chevaleriefrançaise sur la conception dudroit. Cette influence des événements sur la loi se traduit par une vision libérale, favorable au commerce colonial, aux coutumes des autochtones, à la monarchie élective et à la liberté de pensée telle que l'illustreAbélard dès 1122. Elle est codifiée dans un ensemble d'actes regroupés sous le terme d'Assises de Jérusalem. Elle est soutenue par les puissantsThibaldiens, comtes deChampagne, qui, en lutte contre le centralisme desCapétiens, ont fondé en 1129, par le truchement deHugues de Champagne etHugues de Payns le premier réseau bancaire international, l'ordre du Temple, et ont accédé en 1135 autrône d'Angleterre en la personne d'Étienne de Blois avec le plein soutien des barons.
Le fait est que vingt-deux des soixante-trois articles de laMagna Carta, cosignée par le maître templier de laprovince d'Angleterre, Aymeric de Saint-Maure, sont repris desAssises de Jérusalem[4]. Ce sont les dispositions interdisant l'aliénation d'un fiefnoble parmésalliance à la suite d'un mariage, par l'exercice d'un droit demainmorte au moment d'un décès, par une décision de latutelle durant la minorité d'un héritier. Ce sont encore les garanties quant à la liberté individuelle qu'est l'Habeas corpus et la liberté decirculation des biens etdes personnes, les règles concernant la domiciliation des actes dans le ressort des juridictions locales, la permanence et la compétence de celles-ci, l'établissement de l'impôt sur un consensus, les règlements relatifs au service militaire et à l'administration des forêtsdomaniales(en), et enfin lejus resistandi, le droit à la résistance à latyrannie[5]. Ces dispositions ne se retrouvent pas dans les actes anglais antérieurs, ni ailleurs que dans ceux duroyaume de Jérusalem[5].
Une cause importante de mécontentement dans le royaume était l'action de Jean sans Terre en France. Au moment de son accession au trône après la mort deRichard, il n'existait aucune règle précise permettant de définir l'hérédité de la couronne. Jean, comme frère cadet de Richard, fut couronné en évinçantArthur de Bretagne, neveu de Richard. Mais Arthur avait toujours des prétentions sur les territoires angevins et Jean avait donc besoin de l'accord duroi de France,Philippe Auguste.Pour le recevoir, il lui donna de vastes territoires de langues romanes de l'empire angevin[Lesquels ?].
Ensuite Jean se maria avecIsabelle d'Angoulême dont l'ancien fiancé, Hugues de Lusignan, (un des vassaux de Jean), fit appel à Philippe Auguste, qui, au terme d'un conflit avec Jean, s'empara de la quasi-totalité de ses possessions sur le continent, à l'exception de laGuyenne. Au début, Philippe Auguste avait déclaré Arthur comme le vrai seigneur de l'Anjou, qu'il envahit au milieu de 1202 pour le lui donner. Jean dut agir pour sauver la face, mais au bout du compte son action ne le servit pas, et après qu'il eut tué Arthur dans des circonstances suspectes, il perdit le peu de soutien qu'il avait en France parmi ses barons, qui y voyaient comme une tache noire sur Jean, capable de tuer les propres membres de sa famille pour être roi.
Après l'échec des alliés de Jean à labataille de Bouvines, Philippe Auguste garda tous les territoires de Jean en France du Nord, y compris la Normandie (l'Aquitaine devait rester aux mains des Anglais jusqu'en 1453). Jean avait beau ne pas être un fin politique, il fut obligé de comprendre que non seulement on avait vu sa piètre valeur comme chef militaire, mais qu'il avait aussi perdu des revenus importants, si bien qu'il devrait taxer encore plus ses barons qui commençaient à voir sa faiblesse.
À l'époque du règne de Jean une grande controverse subsistait quant à la façon d'élire l'archevêque deCantorbéry, bien qu'il fût devenu traditionnel que le monarque nommât un candidat avec l'approbation des moines de Cantorbéry.
Finalement Jean recula ; il accepta de reconnaître Langton et de permettre aux exilés de revenir. Pour achever d'apaiser le pape, il lui donna l'Angleterre et l'Irlande comme territoires pontificaux et les reçut à nouveau à titre de fiefs pour 1 000marcs par an. La fureur des barons n'en fut que plus forte, car cela voulait dire qu'ils auraient encore moins d'autonomie dans leurs propres territoires.
Malgré tout, le gouvernement de l'Angleterre ne pouvait fonctionner sans un roi fort. Une fonction publique efficace, établie par le puissant roi Henri II, avait dirigé l'Angleterre au cours du règne deRichardIer. Mais le gouvernement du roi Jean avait besoin d'argent pour ses troupes, car pendant cette époque de prospérité le coût des mercenaires était presque deux fois plus élevé qu'avant. La perte des territoires français, surtout la Normandie, avait considérablement réduit le revenu de l'État et il aurait fallu lever des impôts énormes pour essayer de les reconquérir. Et cependant il était difficile de lever des taxes en raison de la tradition de les maintenir au même niveau.
De nouvelles formes de revenu inclurent une loi sur la forêt, un ensemble de règlements sur la forêt du roi qu'il était difficile de ne pas enfreindre et qui entraînaient des punitions sévères. Au cours de ses dix-sept années de règne Jean augmenta aussi onze fois l'écuage (le paiement d'un vassal à son suzerain pour remplacer le service militaire direct), onze fois à comparer avec les deux fois où il l'avait été au cours des trois règnes qui avaient précédé le sien. Il créa aussi le premier impôt sur le revenu qui s'élevait à ce qui était, à cette époque, la somme inouïe de60 000 livres.
À la fin de l'année 1214, une ébauche de charte, découverte en 1900 et appelée depuis La Charte inconnue, est négociée en reprenant les termes de laCharte des libertés et y ajoutant un certain nombre de dispositions. Le, les barons d'Angleterre s'emparent deLondres par la force. S'étant alliés avec un grand nombre de neutres, des modérés qui ne sont pas en rébellion ouverte, un certain nombre de rebelles se réunissent et, aux environs du, contraignent le roiJean à accepter un premier texte, les Articles des Barons.
Cette dernière ébauche de ce qui deviendra la Magna Carta comporte deux parties. Dans la première, quarante-huit paragraphes détaillent les concessions faites personnellement par le roi aux barons. Le dernier paragraphe prévoit une généralisation de cesfranchises à l'ensemble duRoyaume.
La seconde partie est une« clause de sécurité ». Elle prévoit l'instauration d'unGrand Conseil(en) de vingt-cinq barons chargé de veiller à l'application de l'accord. Elle prévoit aussi la concession auxévêques d'une charte spécifique. Elle stipule enfin que les évêques s'engagent à empêcher le roi à obtenir du pape l'annulation de l'accord.
L’archevêque de CantorbéryÉtienne Langton défend ardemment, contre la volonté du roi telle qu'elle s'exprimera ultérieurement, un compromis. Son nom sera le premier à être apposé en qualité de témoin de la Grande Charte. C'est lui qui vraisemblablement explique aux barons rebelles qu'un texte oublié datant de 1100 peut servir de base à leurs revendications, le discours qu'Henri Beauclerc a prononcé lors de son couronnement et qui sera dès lors qualifié deCharte des libertés.
Jean donne son accord lors d'une entrevue solennelle organisée dans le pré deRunnymede le. En échange, les barons renouvellent leurs serments de fidélité à Jean le. Un document en bonne forme, scellé duGrand Sceau pour enregistrer l'accord, est créé par la chancellerie royale le. C'est l'original de laMagna Carta.
Les termes ont considérablement évolué par rapport aux Articles des barons. La rédaction du texte final, sous la direction d'Étienne Langton, aura pris un mois. Un nombre inconnu de copies est envoyé auxofficiers du roi et auxévêques.
Mémorial de la Grande Charte érigé en 1957 àRunnymede, cinq cents mètres au sud de l'îlot(en) où elle aurait été négociée.
L’affirmation, largement répandue enFrance, selon laquelle laMagna Carta « a été rédigée en 1215, sur le sol français, dans l'abbaye cistercienne dePontigny par des Anglais émigrés, en révolte contre leur roi, Jean sans Terre »[7], est historiquement sans fondement : les historiens anglais[8] et les études les plus récentes[9] ne confirment rien de tel.
LesBarons et lesévêques ouabbés qui ont pris part à la rédaction de la Magna Carta[12] en sont les garants pour les premiers, lestémoins pour les seconds, mais le texte est paradoxalement censé être l'expression de la seule volonté royale.
Dixhommes d'Église ont pris la position de conciliateurs entre le roi et les barons. Face aux vingt cinq rebelles, ils ont été suivis dans cette démarche par dix-sept seigneurs restés fidèles au premier ou du moins modérés dans leurs revendications. La liste de ces vingt sept modérateurs figure dans le préambule de la charte.
La liste des vingt-cinq barons constitués par l'article 61 en un sénat est connue par laChronica Majora et leLiber Additamentorum deMatthieu Paris. Elle est corroborée par un certain nombre d'actes postérieurs qui ont été conservés[13] et un manuscrit retrouvé à l'abbaye de Reading[14]
Le roiJean n'avait pas la moindre intention de respecter laMagna Carta, puisqu'elle lui avait été extorquée par la force et que la clause 61 neutralise en fait son pouvoir de monarque, ne lui laissant de roi que le nom. Il la dénonce dès que les barons eurent quitté Londres, plongeant l'Angleterre dans la guerre civile appeléepremière guerre des Barons.
Dès le, le papeInnocent III, lui aussi, déclare nul cet « accord scandaleux et dégradant, arraché au roi par violence et menace. » Il rejette tout référence à des droits, prétendant que cela abaisse la dignité du roi Jean. Il y voit un affront contre l'autorité qu'a l'Église sur le roi. Il délie explicitement Jean du serment qu'il a fait d'y obéir.
Neuf de ces barons et six de ces clercs sont connus par une lettre adressée deDouvres le à l'archevêqueÉtienne Langton. Celui-ci, refusant d'appliquer la décision du pape, sera à son tour non pas excommunié mais suspendu.
La Magna carta abrégée promulguée en 1225 parHenri III.
Jean meurt dedysenterie pendant la guerre, le et la nature de la guerre s'en trouve tout de suite changée. Son fils de neuf ans,Henri III, lui succède et ses partisans comprennent que les barons rebelles préféreront se montrer loyaux envers un enfant. C'est pourquoi le jeune garçon est rapidement couronné, à la fin d', ce qui met fin à la guerre. Les régents de Henri promulguent une nouvelle fois la Magna Carta en son nom le, mais omettent quelques clauses, dont la clause 61. Ils renouvellent l'acte en 1217.
Quand il atteint ses dix huit ans, en 1225,Henri III lui-même la promulgue, dans sa version courte. Elle compte désormais trente sept articles. La concession de la charte est l'occasion de lever en contrepartie, ce qui fait l'objet de son dernier article, un impôt d'un quinzième de la valeur des meubles de chaque sujet. Henri III règne pendant cinquante six ans, le plus long règne d'un roi anglais au Moyen Âge, si bien qu'à sa mort, en 1272, la Magna Carta est devenue enAngleterre un précédent juridique incontestable. Il sera plus difficile pour un monarque désormais de l'annuler, comme le roiJean avait essayé de le faire près de trois générations plus tôt.
Un des exemplaires rédigé à l'occasion de la « Confirmatio Cartarum », confirmation des chartes concédée début 1297 parÉdouard et abrogée en 1305. Il est exposé depuis 2007 auxArchives nationales deWashington.
ÉdouardIer, fils d'Henri III, hérite d'un société féodale et d'une situation financière que les seuls articles de la Magna Carta censés encadrer ne règlent plus. Plusieurs actes viennent les préciser. En 1275, leStatut de la juiverie(en) vient au secours des grands propriétaires endettés. À partir de 1278, les cours de justice royales cherchent à asseoir les charges comme les titres de propriétés, ainsi que les impôts afférents, sur des preuvesQuo warranto. En 1290, la loiQuia Emptores(en) garantit le maintien d'unesuzerainetéindivise à travers lesaliénations multiples pratiquées par lesvassaux et le démantèlement desfiefs.
Leroi et leParlement assoient l'ensemble le sur uneConfirmation des chartes. La version courte deMagna Carta, celle qu'Henri III a promulguée en 1225, est édictée une dernière fois en cette occasion, en même temps que laCharte de forêt. LaConfirmatio cartarum est concédée dans le but d'obtenir une levée d'impôt exceptionnelle auprès des barons prêts à imposer en contrepartie une sorte decode des impôts, leDeTallagio.
Une sorte dedécret d'application relatif à la Grande Charte, dans sa forme restreinte, et à laCharte de forêt paraît en 1300, lesArticuli super Cartas. Parmi les dix-sept articles, il est stipulé qu'un exemplaire des deux chartes sera délivré à chaqueshérif de chaquecomté, qu'elles seront lues quatre fois l'an auxplaids, qu'un collège de trois commissaires parcomtéinstruiront lesplaintes concernant les seules violations des droits qu'elles instaurent.
En 1305, unebulle du papeClément V annule laConfirmatio cartarum.Édouard l'interprète dans le sens d'une annulation de laCharte de forêt. Une brève déclaration, six articles limitant le droit d'imposition du roi, est finalement promulguée en 1306 par leLord ChancelierWilliam Hamilton(en). C'est leStatute de tallagio non concedendo[15], c'est-à-direÉtablissement d'untaillage ne pouvant être consenti, sous entendu sans l'accord de l'Église et des seigneurs. Lataille continue toutefois d'être levée ordinairement. Les deux souverains passent alors aux yeux de leurs opposants pour desparjures.
Entre 1331 et 1369, le roiÉdouard III fait préciser, voire modifier, certains points de la Grande Charte. Le troisième de cesdécrets, appelés aujourd'hui les Six Statuts, paraît en 1354. Il élargit les droits concédés aux seuls hommeslibres,noblesfiéfés oualleutiers, à tout homme quels que soient sonétat ou sacondition. Il substitue en outre la notion dedroit à un procès équitable à celle de droit à être jugé par ses pairs ou par lacoutume de son pays.
En pratique, la Magna Carta ne sert aux requérants qu'àcasser, relativement rarement, des jugements pris par lesshérifs. En 1350, la moitié de ses articles, dans leur version abrégée de 1297, ne sont plus valides soit parce que leur objet ne correspond plus à l'usage soit parce que le droit a été modifié.
Toutefois, lesrois qui se succèdent jusqu'à l'avènement de lamaison d'York se voient demander par leParlement confirmation personnelle de la charte de 1225, ce qui se produira au moins trente deux fois. Pendant tout lebas Moyen Âge, les séances d'ouverture de celui-ci commencent habituellement par la lecture de celle-ci, rituel contribuant à ancrer dans les esprits que l'institution en est l'héritière.Henri V deLancastre sera le dernier à faire la démarche en1416.
La première édition imprimée de la Grande Charte figure dans un ouvrage deRichard Pynson paru en 1508,Magna Carta cum aliis Antiquis Statutis. Elle comporte un certain nombre d'erreurs, qui persisteront, et concerne la version courte de 1225.
En 1527,John Rastell en publie une versionanglaise abrégée. Son successeur à l'imprimerie du roi,Thomas Berthelet(en), édite le textelatin complet avec d'autresAncient Statutes en 1531. En 1534,George Ferrers(en) fait paraître une traductionanglaise du texte complet. Il le présente non pas dans sa forme originale mais divisé en trente sept clauses.Berthelet(en) produit une seconde éditionlatine en 1540.
Édition de 1642.
La première édition de la version originale de 1215 est préparée en 1610 sous la direction d'Édouard Coke mais c'est toujours celle de 1225 qui est publiée en 1642, après la mort de l'érudit, dans le second volume desInstitutes of the Lawes of England(en).
Deux articles de la Grande Charte de 1215 sont encore en vigueur dans laloi anglaise, l'article 1 qui garantit la liberté de l'Église, mais il s'agit désormais de l'Église anglicane, et l'article 13 qui garantit la liberté de laCité de Londres et autres villes bourgeoises. À ces deux articles, s'ajoutent les lois modernes, différentes de celles de la Grande Charte, concernant l'habeas corpus.
Première page dufacsimilé deL'Excellent privilège de la Liberté et de la Propriété publié en 1687 parWilliam Penn.
Cette charte est regardée comme la plus ancienne manifestation importante d’un long processus historique qui a conduit aux règles de légalité constitutionnelle dans les pays anglophones. Il existe dans le droit public un certain nombre de conceptions erronées au sujet de la Grande Charte[réf. nécessaire], on dit ainsi qu’elle aurait été le premier document à limiter légalement le pouvoir d'un roi anglais (ce n'était pas le premier et elle a été créée en se fondant partiellement sur laCharte des libertés) ; qu'elle aurait grandement limité le pouvoir du roi (elle ne l'a guère fait au Moyen Âge) ; et qu'elle aurait été un document unique en son genre (ce genre de documents est désigné par un nom général).
La Grande Charte est pourtant loin d'être le premier acte marquant les progrès continus vers la liberté enOccident. Les exemples abondent. À la même époque, en1247, le seigneurgénovéfain deChaillot abolit leservage sur les paroisses de son ressort, dontAuteuil, et en1248 l'abbé de Saint DenisGuillaume en fait autant sur plusieurs nouvelles paroisses. En 1200,Philippe Auguste confirme par laMagna carta mensura les exemptions fiscales accordées aux bourgeois d'Auxerre par lecomte de TonnerrePierre de Courtenay[16]. Un demi-siècle plus tôt, en 1145, l'abbé de Saint DenisSuger, qui était peut être lui-même fils deserf, initiait le mouvement en accordant des franchises auxroturiers habitantVaucresson[17]. Dès1128, le richissime vicomteHervé de Léon, gendre d'Alain de Rohan et de Constance dePenthièvre, affranchit fiscalement les roturiers venant peupler le futur bourg deMorlaix et prendre le statut nouveau de bourgeois. De nombreusescoutumes locales plus anciennes et enregistrées tardivement garantissaient des droits individuels très étendus, en particulier aux femmes mêmes roturières, par exemple enIrlande, enBretagne ou enBéarn.
L'influence de la Grande Charte hors d'Angleterre peut se remarquer dans laConstitution des États-Unis et laDéclaration universelle des droits de l'homme. En effet, à peu près chaque pays decommon law qui possède une constitution a subi l'influence de la Grande Charte, ce qui en fait peut-être le document juridique le plus important dans l'histoire de la démocratie moderne, mais il marque surtout le passage d'un État absolu, à celui d'un État de droit, du fait de la limitation du pouvoir royal qu'il pose.
Runnymede près deWindsor, dans la verdoyante banlieue ouest deLondres, est le lieu cité dans la charte comme étant celui où s'accordèrent les barons rebelles et le roiJean avant de la sceller. Un mémorial, commandé par l'Association américaine du barreau (ABA) àEdward Maufe, y est inauguré le par les représentants dubarreau américains et britanniques.
Le pilier« to commemorate Magna Carta symbol of freedom under the law ».
Le monument domine une île de laTamise, ditede la Grande Charte(en), réputée avoir été ce« Ronimed » mentionné dans le texte de la charte. Cette localisation très précise s'appuie sur une tradition orale selon laquelle leWitan, cour itinérante du premier« roi desAnglo-Saxons »Alfred le Grand, y siégea en plein air plusieurs fois. L'hypothèse a été avancée que c'est dans le même îlot, long de deux cent dix mètres et situé à la sortie sud deWindsor le Vieux, que le prétendantHenri, fils deJean sans Terre, reçut deux ans après le scellement et l'abrogation de la Grande Charte, le, le champion des barons,Louis le Lion, dans le cadre des négociations préparant letraité de Lambeth et le renoncement ducapétien autrône d'Angleterre.
Inscription sur la frise intérieure de la coupole du mémorial. Le décor est une référence à la devisekantienne,« le ciel étoilé au-dessus, la loi morale en moi ».
Au milieu d'une pelouse close, unmonoptère à huit colonnes enbéton abrite un pilier engranit sur lequel est gravé enanglais« Pour commémorer la Magna Carta, symbole de liberté dans le respect de la Loi. » Il s'élève non loin d'unmémorial des forces aériennes conçu par le même architecte et inauguré en 1953. Leparc paysager, légué en 1929 par la veuve deUrban Broughton(en), abrite depuis 1932 deux piliers dédicacés à cette figure de l'amitié américano-anglaise qui œuvra au rapprochement des deux pays durant laPremière Guerre mondiale. Derrière le mémorial de la Grande Charte s'étend une portion du territoireaméricain sur lequel ont été construits en 1965 un escalier et une stèle monumentales en mémoire duPrésident Kennedy assassiné.
Stèle posée au pied du mémorial en 1985.
Le monument est administré par leFidéicommis de la Magna Carta que préside de droit leMaître des rôles, homologue britannique du Président de laChambre civile de laCour de cassation française. Les cérémonies organisées par l'ABA en 1971 et 1985 ont donné lieu au scellement de pierres commémoratives. En 2007, pour le cinquantième anniversaire de l'inauguration du monument, l'association est représentée par son présidentCharles Rhyne, qui fit cinquante ans plus tôt la promotion d'un jour de laJour de la loi(en) appelé de ses vœux à remplacer laFête du travail.
Des quatre exemplaires de la charte originale de 1215, celui qui est exposé dans lasalle capitulaire de lacathédrale de Salisbury est le mieux conservé. La construction de la cathédrale a commencé sous la supervision duchanoineElias de Dereham(en) cinq ans après le scellement de la Grande Charte. C'est ceclerc qui avait été en 1215 chargé de diffuser les différentes copies de l'acte. C'est vraisemblablement lui qui fit le dépôt auchapitre deSarum de l'exemplaire aujourd'hui visible. La salle capitulaire date de 1263 et sa décoration actuelle est une reconstitution imaginaire réalisée de 1855 à 1849 parWilliam Burges.
L'exemplaire détenu depuis 1215 par lechapitre cathédral deLincoln est exposé depuis à laforteresse de Lincoln au côté de laCharte de forêt dans une des maisons anciennes de la cour de la prisonvictorienne aménagée exprès qui porte depuis le nom du mécène ayant participé à son financement, lemilliardaireDavid Ross(en). C'est une attraction touristique expliquée aux adultes et aux enfants par des films diffusés en continu dans lasalle decinématographe stéréoscopique sur un écran de 210° située au sous sol.
Version abrégée datant de 1297 exposée auParlementaustralien. L'accès à la Salle des membres est restreint.
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La version de 1225 exposée en 1965 à la galerie de la Rotonde ouest àWashington.
Du au, l'exemplaire de lacathédrale de Lincoln, qui était conservé dans un bâtiment situé en dehors de celle-ci depuis 1846 et est aujourd'hui exposé auchâteau de Lincoln, est présenté dans le pavillon britannique de laFoire internationale qui se tient alors àNew York. Laguerre déclarée,Winston Churchill envisage de la céder aux États-Unis pour mobiliser l'opinion publique américaine. LeForeign Office publie une note exprimant son accord, la Magna Carta n'ayant pas« de valeur intrinsèque ». Elle est transférée en àFort Knox, dans leKentucky. En 1944, elle y est exposée et ne retrouveLincoln qu'au début de l'année 1946.
En 2014, la ville deBury Saint Edmond, où un conciliabule secret à l'origine de la charte se serait tenu entre les barons rebelles en, célèbre avant tout le monde le huit centième anniversaire de celle-ci.
Boyd Cummings Barrington,The Magna Charta and other great charters of England. Historical treatise and copious explanatory notes., 1900, rééd. F. B. Rothman, Littleton (Colorado), 1993, 342 p.
Nicholas Murray Butler,Magna carta, 1215-1915, an Address delivered before the constitutional Convention of the State of New York, in the Assembly Chamber, Albany, N. Y., June 15 1915., D. C. McMurtrie,New York, 1915, 27 p.(ISBN9785870767529).
George Norman Clark,The Oxford History of England, vol. III « FromDomesday Book to Magna Carta, 1087-1216. », Clarendon Press, 1937.
James Clarke Holt,Magna Carta and medieval government., Coll. Études présentées à la Commission internationale pour l'histoire des assemblées d'États, vol. LXVIII, Hambledon press,Londres, 1985, 316 p.(ISBN9780907628385).
Geoffrey Hindley,The Book of Magna carta,Constable,Londres, 1990, 224 p.
Natalie Fryde,Why Magna Carta. Angevin England revisited, Münster, Lit Verlag, 2001, 259 p.,présentation en ligne.
traduction anglaise des chartes de 1215 et 1217p. 281-296.
Danny Danziger & John Gillingham,1215, the year of Magna Carta., Hodder & Stoughton general,Londres, 2003, 324 p., rééd.Hachette,Londres, 2011(ISBN9781444717341)
Texte de la Magna Carta en fin d'ouvrage :
Dir. Janet Senderowitz Loengard,Magna Carta and the England of King John., Boydell press, Woodbridge (Virginie), 2010, 289 p.,
extrait des actes du colloqueMagna Carta and the world of King John, Pennsylvania State University,.
Anthony Arlidge & Igor Judge,Magna Carta uncovered, Hart publishing,Oxford, 2014, 222 p.,
traduction de la Magna Carta de 1215 en appendice.
Stephen Church,King John and the road to Magna Carta, Basic Books,New York, 2015, 300 p.
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