LeMacareux moine (Fratercula arctica), aussi appeléperroquet de mer oucalculot, est uneespèce d'oiseaux marinspélagiquesnord-atlantique qui vit enhaute mer, sauf lors de sareproduction qui le contraint à rejoindre la terre ferme où il niche sur les pentes enherbées, les îles ou sur des falaises (insulaires ou continentales).
Portrait de macareux moine.Les couleurs du juvénile, bien plus discrètes que celles de l'adulte, l'aident à se camoufler. Le ventre blanc le rend moins visible desprédateurs sous-marins venu du fond, et le dos noir le rend moins visible des prédateurs venus du ciel.
En période nuptiale, le dos, le cou, la nuque, la raie sommitale et les ailes sont entièrement noirs, contrastant avec le plumage blanc pur du ventre, des joues, du dessus des yeux et deslores. Les pattes palmées sont dégagées et bien visibles, de couleur orange.
Hors période nuptiale, la face est plus foncée, devenant noirâtre et les côtés grisâtre clair. L'abdomen est gris aussi. Les pattes et les doigts deviennent jaune pâle. L'oiseau peut alors être confondu avec leMergule nain.
Le plumage du reste du corps est le même toute l'année.
L'œil est cerclé de rouge et souligné par un fin sourcil noir se prolongeant vers l'arrière.
Le bec est la partie la plus remarquable : grossièrement triangulaire et volumineux, légèrement crochu, il est formé de couches cornées successives, pointe rouge, base bleu foncé entourée de jaune. Hors période nuptiale, il est sombre et plus petit car il perd les plaques ornementales.
L'apparition d'une coloration plus vive sur le bec et sur les pattes marque le début de lasaison des amours.
Le plumage et les couleurs sont si différents en période nuptiale et en période internuptiale que l’on croyait autrefois qu’il s’agissait de deux espèces distinctes[1].
D'abord couvert d'un duvet brun-noir les trois premières semaines, il se couvre de plumes à un mois. Son bec est plus long et foncé.
Le juvénile du premier hiver, encore plus petit que l'adulte, prend son plumage final, mais en plus terne. Son bec reste sombre, long et pointu, et ses pattes roses.
Afin de protéger le poussin du vent, les parents creusent avec leurs pattes et leur bec desterriers dans l'herbe du haut des falaises, parfois jusqu'à trois mètres de profondeur.
Macareux moine adulte en vol de retour avec plusieurs poissons
Le régime alimentaire du macareux moine se compose presque entièrement depoissons fourrages. Ses proies de prédilection sont ainsi des petits poissons, mesurant entre sept et dix-huit centimètres, comme lelançon, lehareng, lesprat ou lecapelan. Cependant, l'examen de son contenu stomacal démontre qu'il mange occasionnellement descrevettes, d'autrescrustacés, desmollusques et desvers polychètes, en particulier dans les eaux côtières[2]. Un macareux moine adulte doit en moyenne avaler quarante-cinq proies par jour.
Macareux moine revenant de pêcher.Un macareux moine revenant de pêcher desammodytes tobianus. Il s'est posé sur une falaise à côté du lieu-dit Wick de l'ileSkomer au Royaume-Uni.
Lorsqu'il pêche, le macareux moine plonge sous l'eau en utilisant ses ailes semi-étendues qui lui servent de pagaies pour nager. Ses pieds palmés agissent ainsi comme gouvernail. Nageant vite, il peut atteindre des profondeurs considérables. En moyenne, ses plongées durent une minute. Le macareux moine pêche à vue et peut attraper plusieurs petits poissons à la fois lorsqu'il est submergé. Sa langue musclée et rainurée permet de les tenir en rangée dans son bec. Celui-ci possède également des dentelures inversées l'aidant à stabiliser sa prise. Les reins et les glandes salines nasales du macareux moine, quant à eux, lui permettent de tolérer lesel marin qu'il avale en pêchant. Il peut ainsi s'approvisionner enhaute mer[3].
Cet oiseau peu farouche et curieux, trèsgrégaire en période de nidification, marche et sautille d'une manière souvent jugée comique et malhabile, en dodelinant de la tête. Il vole très mal, mais est un excellent nageur, capable de longuesapnées. Bien protégé du froid par une bonne couche de graisse, il est particulièrement adapté à la pêche sous-marine, qu'il pratique habilement souvent à plus de quinze mètres sous la surface par petits groupe de deux ou trois oiseaux.
Macareux moine en vol.
Un macareux moine collectant du matériel pour construire son nid sur l'ile deSkomer au pays de Galles. Avril 2022.
Des macareux moines se courtisent sur l'ile Skomer. Avril 2022.
Comme les pingouins, il nage vivement, voire acrobatiquement en utilisant ses courtes ailes et en s'aidant de ses pattes palmées et de sa queue. Il avale directement ses proies en nageant, sauf quand il nourrit son poussin. Il les conserve alors et les transporte (jusqu'à une trentaine ; coincées transversalement dans son bec, d'une manière caractéristique ; entre la langue et sa mandibule supérieure) au fur et à mesure qu'il les pêche sous l'eau. Quand ils les apportent aux poussins, les adultes sont parfois poursuivis par desgoélands ou deslabbes qui cherchent à leur voler cette nourriture. Ils s'échappent si nécessaire en plongeant dans l'eau.
En mer, le macareux dort en se laissant flotter, le bec sous l'aile.
Le macareux émet un cri plaintif en période de nidification ressemblant à un « arrr-ouh » grognant et étouffé.
Deux macareux moine surLunga, avec le bec vivement coloré.
Lors de la parade nuptiale, le bec s'orne de couches cornées vivement colorées. Les couples se forment alors. Les partenaires se touchent le bec frontalement. Le mâle excité pousse la femelle qui rejoint l'eau où l'accouplement se passe. Les couples monogames sont fidèles durant la saison de reproduction. Le macareux creuse à l'aide de son puissant bec et de ses pattes de profonds terriers (un à deux mètres de long) où il construit et protège son nid.
L'espérance de vie théorique d'un macareux moine est d'environ vingt-cinq ans mais, comme la plupart des espèces à longue durée de vie, il se reproduit peu : il ne pond qu'un seul œuf par an, posé à même la terre au fond du terrier, de fin avril à mai. L'œuf est couvé durant 40 à 43 jours. Le poussin mange des poissons entiers apportés par les parents qui les lui présentent pendus et alignés de chaque côté du bec, ceci durant 6 semaines où les parents ne s'alimentent plus ou presque plus.
Le jeune oiseau doit ensuite jeûner une huitaine de jours, ses parents effectuant alors leurmue et ne pouvant provisoirement plus voler, car ayant perdu leursrémiges. Affamés, les petits sortent alors du nid, toujours aucrépuscule et s'élancent maladroitement du haut de la falaise en agitant leurs petites ailes. C'est un moment où ils sont particulièrement vulnérables, car non protégés par les parents, exposés à laprédation et attirés par les sources de lumière les plus proches s'il y en a.
Répartition du Macareux moine. En bleu, l'aire de reproduction. La ligne noire indique la limite sud de l'aire d'estivage. La ligne rouge indique la limite sud de l'aire d'hivernage.
Le nom scientifique de l'espèce,Fratercula arctica, signifie « petit frère de l'Arctique » enlatin ; la mentionpetit frère (ainsi que sa dénominationmoine) est peut-être à rapprocher de sonplumage.
Le poussin est particulièrement vulnérable au phénomène dit depollution lumineuse qui progresse dans une grande partie du monde, notamment sur les littoraux. Au premier envol du nid, il s'oriente instinctivement vers les lumières les plus proches dans son champ de vision, au lieu de gagner la mer où il doit apprendre à se nourrir seul. C'est pourquoi les macareux ne survivent aujourd'hui que sur des îles ou lieux isolés (où on leur a également dans le passé donné la chasse ou pillé leurs pontes). De travaux récents de chercheurs concluent qu'au rythme des années 2020, les macareux perdront environ 70 % de leurs aires de nidification d'ici 2100 et seront également vulnérable audérèglement climatique[6].
Le macareux moine est consommé enIslande (parfois cru) et auxîles Féroé depuis des siècles, notamment lors des régulières pénuries de nourriture. Sa chasse traditionnelle en Islande, dite« sky-fishing », consiste à attraper les oiseaux au filet[7] (alors qu'en France, il a beaucoup été tiré au fusil, ce qui est aussi une source desaturnisme animal induit par latoxicité lagrenaille de plomb. La chasse au filet (avec de longues épuisettes) n'est plus autorisée que 15 jours par an car la population autrefois très abondante du petitalcidé dans ces îles a globalement beaucoup décliné. Sa chasse est contestée (notamment quand elle vise à offrir de la viande, généralement fumée[7], de macareux aux touristes), au même titre que lachasse à la baleine.
Le filmIslande, le paradis des macareux a été consacré à ce sujet par les réalisateurs Jean-Marc Robert et Mike Magidson[8]. Il présente une nouvelle tradition islandaise de la petite île deHeimaey (sud de l'Islande) où chaque année vers le, des enfants passent plusieurs nuits dehors pour ramasser dans des cartons, des centaines de macareux qui, lors de leur premier envol, ont été instinctivement attirés par les lumières les plus proches (phares, lampadaires, éclairage urbain, etc.) et se sont posés au sol au lieu d'aller en mer. S'ils n'étaient pas ainsi sauvés, ils se feraient alors manger par leschats ou leschiens ouécraser ou blesser par les voitures, s'ils ne mouraient pas simplement de faim. Le film montre les enfants les collectant et les transportant le jour suivant sur le rivage où ils les relâchent, contribuant ainsi à la survie de la colonie[9].
Lachasse de loisir et lebraconnage ont été d'autres causes de disparition et de régression. Ainsi, en 1880, l'effectif français de macareux, concentré auxSept-Îles, comptait encore 10 000 à 15 000 couples, mais quelques chasseurs les massacrèrent, ne laissant plus que 1 000 couples en 1910[10],[11]. Lesornithologues de l’époque se sont donc rassemblés pour créer laLigue pour la protection des oiseaux, une branche de laSociété nationale d'acclimatation de France, dont la mission était de protéger les espèces animales et végétales sauvages ainsi que lesmilieux naturels. Cette mobilisation a permis d’une part d'interdire la chasse au macareux mais aussi d'obtenir en 1912 le classement d'une partie des Sept-Îles enréserve ornithologique pour laconservation de la nature. À cette occasion, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a fait de cette espèce son emblème.
C'est notamment le témoignage suivant qui a déclenché la protection de l'espèce en France :
La Ligue ornithophile signala ces agissements aupréfet des Côtes-du-Nord, qui prit immédiatement unarrêté interdisant absolument et en tout temps« la chasse, la destruction, le transport et la vente des macareux », 65 ans avant la loi sur la protection de la nature du[12].
En 1978, après les naufrages de pétroliers, il ne reste que 400 couples aux Sept-Îles (contre 2500 en 1966). La LPO engage des actions pour les sauver en transplantant des poussins des îles Féroé dans des nichoirs artificiels en Bretagne[10].
laprédation par lesgoélands, qui ont localement proliféré à la suite de l'apparition de nombreusesdécharges à ciel ouvert et qui s'attaquent aux juvéniles, les parents étant occupés à pêcher ;
l'introduction accidentelle derats sur certaines îles où nichent les macareux et qui pillent les nids.
Le macareux moine est l'emblème de la province canadienne deTerre-Neuve-et-Labrador et de la ville dePerros-Guirec enBretagne (à cause de la plus importante colonie française de macareux implantée sur lesSept-Îles, un ensemble d'îles proche de la côte).
Le macareux moine est l'oiseau-symbole de l'Islande. Il y est très présent sur les souvenirs touristiques.
Le macareux est la mascotte de laLigue pour la protection des oiseaux (LPO), créée en 1912 par le lieutenant Hemery qui dénonçait l'abattage des macareux moines par les chasseurs sur les côtes nord de la Bretagne.
Les Macareux moines ont inspiré la conception des « porgs », petits volatiles du filmStar Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi, ces derniers vivant également en colonies sur des crevasses rocheuses d'îles et ayant un mode de vie ainsi qu'une taille similaires à celle des macareux. En effet, des macareux étaient présents sur les lieux de tournage du film (durant les scènes représentant l'île irlandaise deSkellig Michael oùLuke Skywalker vit en exil), et plutôt que de retirer via des effets spéciaux tous les macareux présents, ils ont été modifiés pour donner les « porgs »[15].
↑Source : Les réfections françaises, texte signé Aimé Loiseau dans la RevueÉtudes, 5 juillet 1916 (bimensuel fondé en 1856, par les pères de la compagnie de Jésus ; exemplaire numérisé par Gallica/BnF).