Unmaître de chapelle, appelé à l'originemaître de musique, ou (dans les pays allemands)Kapellmeister (IPA : enallemand : [kaˈpɛl.ˌmaɪstɐ]), ou encoremaestro di cappella (en Italie) oumaestro de capilla (en Espagne), est une personne chargée, dans un cadre religieux chrétien, d'enseigner et de faire chanter (et secondairement jouer) la musique (avant tout liturgique), et decomposer des partitionspolyphoniques (essentiellement desmotets et desmesses) au sein de la « chapelle musicale » d'une église[1].
Par extension, dans les pays de langue allemande, le mot désigne aussi le chef d'orchestre (Kapelle, détaché de son origine religieuse, signifie alors « orchestre » ou « ensemble instrumental »[2]). Dans le filmLa Grande Vadrouille,Louis de Funès, qui joue le rôle de chef d'orchestre de l'Opéra de Paris est appelé : « Herr Kapellmeister » par lemajor Achbach, officier allemand.
Spécialement à l'époque des royautés enEurope, le terme de maître de musique (et tardivement de maître de chapelle), ou deKapellmeister (en allemand), désignait lechantre maître de musique (chef de chœur, ouCantor dans les pays allemands) mais aussi parfois l'instrumentiste (spécialement l'organiste) professionnel, responsable de la liturgie musicale et donc des interprètes (presque tous vocaux, professionnels également) attachés au service d'uneéglise cathédrale, d'uneéglise collégiale, d'un collège, ou par exemple, d'un desOspedale à Venise, d'un desconservatoires de Naples, de laCongregazione de' musici di Roma, ou encore d'un prince ou d'un monarque partout en Europe, etc. Cette position impliquait non seulement l'encadrement de la douzaine de chantres-choristes et des instrumentistes (tous appelés « Ordinaires », en France), mais aussi la formation desenfants de chœur (enfants chantant la partie aiguë dans le chœur, souvent au nombre de six ou huit, ou parfois dix ou même douze).
L'origine de cette fonction était très ancienne et ces maîtres de musique ont été innombrables. Citons seulement quelques exemples de maîtres réputés, parmi bien d'autres :
Beaucoup d'entre eux (de même que leurs choristes et instrumentistes) exerçaient leurs talents, de différentes manières, à l'extérieur, souvent en accord avec leur hiérarchie. C'est ainsi qu'ils étaient ordinairement les pivots de la vie musicale dans une ville, en tant que professeurs et en tant qu'interprètes.
Georg Reutter était maître de chapelle à lacathédrale Saint-Étienne de Vienne. Il est resté très peu connu mais il a eu parmi ses élèves, apprentischantres (ouchoristes), les futurs compositeursJoseph etMichael Haydn. C'est donc lui qui les a formés lorsqu'ils étaient enfants et adolescents. Pour les musiciens de cette époque, devenirKapellmeister était une marque d'une réussite professionnelle et sociale, et plus encore si l'employeur était prestigieux. En l'occurrence, Joseph Haydn fit un jour la remarque que son père – modestecharron – avait vécu assez longtemps pour voir son fils arriver jusqu'à cette fonction.
Au fur et à mesure que la société a évolué vers une laïcisation, en même temps que la bourgeoisie se développait et que le prestige de la noblesse a diminué, les compositeurs souhaitèrent devenir plus indépendants, et obtenir un poste de maître de chapelle devint moins prestigieux. AinsiBeethoven n'a jamais travaillé commeKapellmeister, poursuivant plutôt une carrière de musicien indépendant, suivant là les traces deMozart. Néanmoins le métier ou la fonction de maître de chapelle existe toujours, en France et ailleurs.
À proprement parler,Mozart n'a jamais étéKapellmeister. En1787, à la cour de l'empereurJoseph II, il avait un poste rémunéré deKammercompositeur (ouKammerkomponist : « Compositeur de la chambre », pour établir la différence avec la fonction correspondante à l'église). L'autorité dans le domaine musical était principalement exercée parAntonio Salieri. Toutefois, dans les revues, les journaux et les annonces de concerts, Mozart était souvent désigné par le terme « Herr Kapellmeister Mozart ». Il semble que le prestige de Mozart, ainsi que le fait qu'il apparaissait fréquemment en public pour diriger d'autres musiciens, aient conduit à l'usage du termeKapellmeister pour exprimer un certain respect à son égard. C'est du reste toujours l'usage dans les pays germaniques. Cette désignation, habituelle, est une extension de l'usage d'origine (voir aussi les orchestres d'État (alias nationaux) appelésStaatskapelle, à Berlin et à Dresde).
En avril1791, Mozart postula pour devenirKapellmeister de lacathédrale Saint-Étienne de Vienne. Sa candidature fut retenue par le conseil municipal pour succéder au titulaire,Leopold Hofmann, après la mort de ce dernier. Cela n'advint jamais, car Mozart mourut en, avant Hofmann (mort en 1793).
Tomás Luis de Victoria (1548-1611),maestro de capilla à Rome, à l'église de Sainte-Marie de Montserrat des Espagnols (en italienChiesa di Santa Maria in Monserrato degli Spagnoli).
Juan Gutiérrez de Padilla (1590-1664),maestro de capilla de 1617 à 1622 en Espagne et, de 1622 à sa mort, dans laNouvelle-Espagne (aux Amériques). Pour ce qui est de la période de la métropole (1617-1622) il fut d'abord maître de chapelle à la collégiale deJerez de la Frontera avant d'être maître de chapelle de celle qui à l'époque était encore la cathédrale de Cadix, de nos jours devenue l'église paroissiale de la Saint-Croix, en espagnol « iglesia de Santa Cruz » (l'actuelle cathédrale de Cadix fut commencée vers 1722). Aux Amériques, en Nouvelle-Espagne, il fut lemaestro de capilla de lacathédrale de l'Immaculée-Conception de Puebla de 1622 à sa mort.
Urbán de Vargas (1606-1656), successivementmaestro de capilla dans différentes collégiales et cathédrales.
Pablo Bruna (1611-1679),maestro de capilla de la collégiale deDaroca (sa ville natale), la « Colegiata de Santa María la Mayor y de los Corporales de Daroca », de 1631 à sa mort en 1679.
Cristóbal Galán (1615-1684) futmaestro de capilla dans le milieu des années 1650 àCagliari, enSardaigne, et de 1656 à 1659 àMorella (déjà en Espagne). Il futmaestro de capilla à la cour, à Madrid (à laCapilla Real de Madrid, la « chapelle royale de Madrid »), de 1680 à sa mort.
Diego de Cáseda (1638-1694),maestro de capilla à Tudela, Viana et Logroño et, finalement, de 1673 à sa mort en 1694, à lacathédrale de Saragosse. Il était le père deBlas de Cáseda et deJosé de Cáseda, qui, comme lui, devinrent aussi des maîtres de chapelle réputés.
Sebastián Durón (1660-1716), successivementmaestro de capilla aux cathédrales duBourg d'Osma et dePalence et, pendant dix ans, à la prestigieuseCapilla Real de Madrid (la « chapelle royale de Madrid »).
Pau Llinás (1680-1749),maestro de capilla à la basilique de Sainte-Marie-du-Pin de Barcelone de 1711 à sa mort.
José de San Juan (1685-1747),maestro de capilla à Madrid, d'abord laCapilla Real de Madrid (la « chapelle royale de Madrid ») de 1708 à 1711 et ensuite aumonastère des Déchaussées royales de 1711 à sa mort.
José Español (mort en 1758),maestro de capilla à l'église paroissiale de Saint-Thomas l'Apôtre (iglesia parroquial de Santo Tomás Apóstol), àHaro (La Rioja), de 1731 jusqu'à sa mort.
Josep Mir i Llussà (né aux environs de 1700 et mort en 1764), successivementmaestro de capilla à Ségovie, à Valladolid puis à Madrid.
Joaquín García de Antonio (1710-1779),maestro de capilla à laCapilla Real de Madrid (la « chapelle royale de Madrid »), de 1735 à sa mort.
Fabián García Pacheco (1725-1808),maestro de capilla de 1756 à 1770 à l'église de la Paloma (nom populaire voulant dire « église de la colombe », du nom de la rue La Paloma, « la colombe », à Madrid, mais dont le nom officiel est « église de la paroisse de Saint-Pierre le Royal », en espagnol : « iglesia de la parroquia de San Pedro el Real »). De 1770 à sa mort il futmaestro de capilla au couvent de Notre Dame des Victoires (en espagnol : « Convento de Nuestra Señora de las Victorias »).
Nicolau Manent (1827-1887),maestro de capilla à l'église paroissiale de Saint-Jérôme de Barcelone (en espagnol : « parroquia de San Jaime de Barcelona ») de 1851 à sa mort.
Bonaventura Frigola (1829-1901),maestro de capilla dans les années 1852 et 1853 au monastère de Saint-Stéphane (« Monasterio de San Esteban »), àBanyoles. De 1854 à 1858 il estmaestro de capilla à nouveau, mais à la basilique de Saint-marie de Castelló d'Empúries (en espagnol : « Basílica de Santa María de Castellón de Ampurias »), qui est l'église deCastelló d'Empúries, sa ville natale. Il occupe finalement le même poste à Barcelone, à la basilique de la Pitié (« Basílica de la Merced »), de 1881 jusqu'à sa mort.
Bernard Dompnier (dir.),Les Bas Chœurs d'Auvergne et du Velay. Le métier de musicien d'Église auxXVIIe et XVIIIe siècles, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2010, 406 p. (Collection « Études sur le Massif central »).
Patrick Demouy, Jean-François Goudesenne, Jean-Luc Gester,La maîtrise de la cathédrale de Reims : Des origines à Henri Hardouin -XIIIe – XVIIIe siècles, Catalogue de l’exposition « Cathédrale » de la médiathèque de Reims, 2003, Coll. Musiques et Patrimoines, Paris, 2003, 104 p.
Luc Chanteloup, Philippe Lenoble, etc. (Denis Lavy et François Noblat-Billaud, Jean-Marie Poirier, Marie-José Chasseguet, Sylvie Granger, Bernard Girard, Eric Marras. Résumés allemand et anglais par Gereon Fritz et Dorothy Pochon),La musique à la cathédrale du Mans du Moyen Âge auXXIe siècle, Le Mans, Psallette Éditions, 2007, 2 vol. (510 p.).