Métallurgiste travaillant près deshauts fourneaux.Ouvriers de la métallurgie dans les années 1920.
Lamétallurgie est lascience des matériaux qui étudie lesmétaux, leurs élaborations, leurs propriétés, leurs traitements.
Par extension, on désigne ainsi l'industrie qui repose sur la maîtrise de cettescience : de la fabrication des métaux et de leursalliages, jusqu'à celle des biens qui en découlent.
Le motmétallurgie est formé à partir du mot grecμεταλλουργός /metallourgós, « mineur, ouvrier dont le travailἔργον /érgon s'exerce dans une mineμέταλλον /métallon ».
Ainsi, la métallurgie, en 1840, se définit comme« la science qui apprend à connaître la manière de traiter lesminerais qui sont fournis par l'exploitation desmines. L'exploitation et la métallurgie font partie dessciences mécaniques, et peuvent être réunies sous le nom descience des Mines, qui se subdivise ensuite enexploitation des mines et enmétallurgie. Lemineur extrait les minéraux par des procédés mécaniques ; le métallurgiste les traite par une suite de procédéschimiques etmécaniques. Retirer par des procédés chimiques, exécutés en grand, de la manière la plus économique et avec le moins de perte possible, les parties utiles que renferment les minéraux fournis par le mineur, tel est le problème de la métallurgie rationnelle […] L'affaire principale du métallurgiste est toujours la connaissance de l'art de traiter les minerais; mais s'il veut s'élever au-dessus de la simple routine, il ne doit pas rester étranger à plusieurs autres sciences accessoires, surtout quand il veut se former à devenir administrateur ou directeur d'usines. Lesmathématiques, laphysique, lachimie, laminéralogie, l'exploitation des mines, l'architecture, l'aménagement des forêts, ledessin, lajurisprudence et lesfinances, sont des sciences à étudier, les unes dans toute leur étendue, les autres dans quelques-unes de leurs parties seulement »[2].
DébutXXIe siècle, dans une définition qui le distingue d'un purphysicien ou d'un purchimiste et qui corresponde à la réalité deslaboratoires publics et industriels,« le métallurgiste, formé à la physique, à la chimie et à lamécanique, au minimum sait lire et utiliser undiagramme de phases (sans croire que celui-ci dit tout sur l'alliage), connaît l'existence et propriétés desdéfauts cristallins responsable de laplasticité et dutransport de matière, ainsi que les fondements théoriques et pratiques de la rupture et de lacorrosion : qui utilise ces compétences sur la face expérimentale ou sur la face théorique de la métallurgie,ou mieux, sur les deux; et qui possède une culture suffisamment large pour, connaissant la composition d'un alliage métallique, avoir déjà l'intuition des principales de ses propriétés »[3]. En raison de son passé plusieurs fois millénaire et de l'ampleur de ses applications, la métallurgie est parfois considérée comme une activité plus proche desarts et métiers que d'une activité scientifique rigoureuse. Empruntant à la physique, à la mécanique, à la chimie, et aux mathématiques, elle a contribué à créer lascience des matériaux et elle continue à la nourrir d'exemples, de concepts, et de méthodes expérimentales et théoriques. Le succès de la métallurgie tient en cinq mots :« l'abondance des métaux dans la croute terrestre, leur grandemalléabilité, la capacité qu'ils offrent de modifier leurspropriétés mécaniques par destraitements thermomécaniques, l'extraordinaire maîtrise des technologies associées ; enfin la conduction —électrique etthermique — caractéristique des métaux et alliages et lemagnétisme de certains d'entre eux »[3].
Actuellement, le terme de « métallurgie » peut donc désigner :
l'industrie d'élaboration et de transformation des métaux[4] :
métallurgie secondaire : élaboration de matériaux utilisables par l'industrie, comprenant la réalisation d'alliages, les traitements thermomécaniques (laminage,trempe,revenu), la mise en forme en semi-produits (tôles, profilés) et les réalisations et réparations de biens qui en découlent. En langue française, le terme métallurgie extractive englobe les métallurgies primaires et secondaires. Pour les anglo-saxons, la métallurgie extractive ne concerne que la métallurgie primaire[5] ;
la science étudiant les métaux (leurs propriétés, leur transformation) : métallurgie physique, métallurgie mécanique.
L'histoire de la métallurgie est liée à la mise au point des traitements techniques nécessaires pour transformer les métaux en matériau utilisable : le chauffage à une température suffisante et le forgeage.
Dans toute la suite de l'Antiquité seuls quelques métaux furent utilisés et pour certains, seulement travaillés. N'étaient connus quesept métaux : l'or (utilisé depuis -6000), lecuivre (-4200), l'argent (-4000), leplomb (-3500), l'étain (-1750), lefer (-1500) et lemercure (-750).
La datation des différents âges des métaux dépend de la diffusion des métaux dans les différentes zones géographiques partagés entre :
Aire de diffusion de l'utilisation du cuivre natif au Chalcolithique
Aire de diffusion de la métallurgie à l'âge de bronze.
Comme l'indiqueBertrand Gille dans l'Histoire des Techniques, si l'utilisation des métaux natifs est relativement simple à expliquer, il en est autrement pour la réduction desminerais car elle suppose la mise en œuvre de plusieurs savoirs :
savoir qu'on peut tirer un métal d'un minerai,
savoir traiter le minerai en mettant en place différentes méthodes :
savoir que la température est le vecteur essentiel pour extraire le métal du minerai, donc maîtriser la construction des fours.
L'ensemble de ces techniques nécessaires rend l'histoire des techniques à ses origines impossible. L'hypothèse qu'émet Bertrand Gille est le hasard d'une découverte dans un four depotier construit avec des pierres comprenant des minerais riches en métaux et de lachaux ou duplâtre intervenant comme réducteurs permettant d'obtenir une température suffisante.
La mise en place de la métallurgie suppose uneorganisation sociale particulière. Si lacéramique ne suppose qu'une activité familiale, la métallurgie suppose la mise en place d'uneindustrie avec de nombreuses personnes, des spécialistes et un marché ouvert. On peut aussi constater que, dans les premiers temps, les pays producteurs de minerais ne sont pas les pays consommateurs de métaux. On s'empare alors du métal par échange ou par la guerre.
L'usage du feu comme agent de transformation pour obtenir un métal des minerais fait que la métallurgie apparaît peu après la céramique. Dans la Méditerranée orientale on connaît le charbon de bois et le four permettant d'obtenir une température élevée.
Le métal a été dans un premier temps travaillé comme de lapierre. Les premiers métaux reconnus par l’homme comme différents de la pierre, lecuivre et l’or, ont été trouvés dans la nature à l’état de métal et non deminerai. Parmi ces métauxnatifs, le plus anciennement utilisé et travaillé (en Anatolie notamment àÇatal Höyük, auVIIe millénaire av. J.-C.[6]) est lecuivre natif.
Le nom du cuivre dérive peut-être dugrec ancienΚύπριος /Kúprios, « deChypre », île célèbre dans l'Antiquité gréco-romaine pour ses gisements de cuivre. L'adjectif pouvait s'appliquer à tous types de productions de cuivre martelée ou debronze, originaires de Chypre. Pour certains étymologistes, le mot « cuivre » signifierait d'abord un alliage, un « bronze deChypre », île des mines de cuivre dans l'Antiquité, avant de s'appliquer à la matière métallique pure. Néanmoins les Romains, qui avaient hérité de laconnaissance étrusque de la métallurgie, et qui connaissaient les ressources anciennes en cuivre natif de l'île ont ainsi qualifié le pur métal rouge du nom de l'île, dédié à la déesseVénus/Aphrodite.
Les hommes commencèrent donc probablement par travailler le cuivre natif (c'est-à-dire, présent naturellement sous forme métallique) par martelage, et on peut supposer qu'ils s'aperçurent qu'il était plus facile de le travailler lorsqu'il était chauffé (phénomène derecuit : élimination desdislocations par larestauration et éventuellementrecristallisation). Puis, en chauffant de plus en plus, ils s'aperçurent qu'il fondait et que l'on pouvait donc le mouler. Ceci constitua l'Âge du cuivre, vers-4000.
Le premier alliage fut lebronze (alliage de cuivre et d'étain). L'âge du bronze s'étend d'environ-2500 à-1000. Le cuivre natif étant rare, les hommes travaillèrent alors des minerais de plus en plus pauvres en cuivre natif, et ils s'aperçurent probablement que les faire chauffer, permettait non seulement d'extraire des minerais le cuivre par fusion, mais aussi de « transformer » le minerai en métal (réduction) ; c'est sans doute ainsi que sont nés lesbas fourneaux, vers-1200.
L'utilisation demoulins à eau pour assurer le soufflage permit d'atteindre de plus hautes températures. C'est ainsi que vers 1450, on réalisa la première coulée defonte avec unhaut-fourneau.
Le symbolisme sexuel et gynécologique de la production de métal se retrouve dans le monde entier, comme ici avec l'homoncule deFaust (gravure duXIXe siècle)[14].
De nombreuses recherches se font davantage sur les traitements appliqués aux métaux que sur la préparation de ceux-ci, notamment sans passer par des hauts-fourneaux. Par exemple, d'un point de vuebiomédical, letitane est employé enbiothérapie. Des traitements chimiques ou physiques comme le sablage permettent de le rendrehistocompatible et font de lui le métal de référence pour les prothèses osseuses.
la transformation des produits bruts en produits semi-finis ;
la fabrication de matériel (biens d'équipements notamment) et de produits finis (moyens de transports, outillages, etc.) pour lesecteur primaire,secondaire,tertiaire ou les usages domestiques.
De nombreux centres de décision (recherche et fabrication) de la métallurgie sont devenus internationaux au fil du temps. L'éloignement géographique et intellectuel entre les centres de décision, de fabrication et de recherche qui en résulte, fait que bien souvent la compétence de la métallurgie se perd enEurope, tant en recherche qu'en activité industrielle : un effort universitaire qui s'émiette, un enseignement qui s'affaisse, des jeuneschercheurs etingénieurs qui font défaut[3].
Historiquement il y en a trois procédés qui aujourd'hui ne correspondent qu'à une seule méthode de mise en œuvre. Il s'agit d'une technique aussi bien pour lafonderie d'art que pour les industries comme l'aéronautique.
Tout d'abord, on réalise en cire la forme exacte de ce qu'on veut obtenir par la suite. On réalise cette forme sans noyau interne, tout en prévoyant des conduits d'évents. Sur cette forme, on applique un lait d'argile, pour en prendre très précisément l'empreinte. Les couches successives d'argile sont de plus en plus chargées en dégraissant végétal afin de résister à de fortes températures. Une fois l'argile sèche, on pratique ensuite, un décirage en faisant chauffer doucement l'ensemble pour évacuer toute la cire. Si cette opération n'est pas bien pratiquée, les résidus de cire pouvant entrer en contact avec le métal en fusion risquent de faire exploser le moule. Une fois le moule refroidi et vide, on verse le métal en fusion par l'attaque du moule. Il suffira ensuite de casser le moule en terre cuite pour récupérer la forme. Cette pièce devra être retravaillée (enlèvement des évents,polissage, reprise à froid, etc.) pour obtenir la forme finale.
La fonte en creux à la cire perdue est une technique issue du Proche-Orient antique.
La technique est la même que la fonte pleine à la cire perdue, mais la forme en cire est, cette fois-ci, formée autour d'un noyau. De plus, lors de la formation de la chape d'argile, il faut prévoir des clous distanciateurs pour maintenir le noyau lorsque la cire est évacuée.
Pour cette technique, on fabrique d'abord un modèle en argile de l’œuvre qu'on veut obtenir en métal. On forme ensuite, un moule par-dessus avant de récupérer le modèle en ouvrant ce moule. On en nappe l'intérieur de cire liquide (par application au pinceau par exemple) ou de cire appliquée aux doigts. On place alors le noyau (maintenu par des clous distanciateurs) dans le moule avant de le refermer. Le moule est chauffé pour évacuer la cire, puis, le métal y est coulé. Une fois l'ensemble refroidi, on récupère l'objet fini avant de le retravailler, si nécessaire.
On peut découper le modèle original en plusieurs morceaux qui seront ensuite, fondus à part si l’œuvre est trop grande pour être travaillée d'un seul coup.
Cette technique se pratique, dans l'Antiquité proche-orientale, à l'aide d'un marteau couvert d'une pièce de cuir. Le lingot de métal plat est travaillé par percussion jusqu'à obtention de la forme désirée.
Lagranulation est une technique de décoration de l'orfèvrerie étrusque. On coupe d'abord un fil de métal en petits éléments, qu'on dépose sur un support très chaud. Ils vont alors se rétracter et former des petites billes. On fixe ces petites billes par un adhésif (sel cuivre, colle de farine, peau de poisson, etc.) et auto-adhésion.
Cette technique est une technique propre auxbronzierschinois. On la retrouve importée auJapon.
On réalise l'exacte réplique du vase que l'on veut réaliser enbronze, mais enargile, forme et détails compris. On laisse sécher ou on cuit le vase d'argile, sur lequel on dépose des bandes d'argile fraîche pour prendre la forme globale et les motifs. Une fois sèches, on enlève ces bandes, obtenant ainsi, des sections indépendantes de vase, qu'on cuit ensuite. On ponce le vase-modèle en argile pour obtenir un noyau de forme plus petite et vierge de décor lisse. Sur ce noyau, on place les sections d'argile cuites avec un système d’espacement, de canaux de coulée et de canaux d'évents. Une fois le bronze coulé et refroidi, on casse les parties en argile avec un maillet. On reprend les détails à froid et on ajoute des éléments coulés séparément si nécessaire.
Avec cette technique, on peut choisir d'incruster des éléments métalliques en plaçant des feuilles de métal, de cuivre rouge par exemple, dans les rainures des segments de moule. Au contact du bronze en fusion, le métal va fondre et s'unir à lui.
Les métiers de la fabrication de produits métalliques présentent plus de risques que la moyenne, tant en matière d'accidents du travail que pour certainesmaladies professionnelles. En effet, en 2019, dans ce secteur en France, il est enregistré45,4 accidents du travail avec arrêt pour 1 000 salariés[16] pour une moyenne de 33,5[17]. Cette même année, le secteur de la métallurgie est à l'origine de 32 % des cas de cancers professionnels, alors qu'il représente 9 % des salariés[17]. Des maladies professionnelles spécifiques y sont connues depuis l'Antiquité gréco-romaine au moins, dont par exemple lesaturnisme induit par la métallurgie duplomb et de l'argent, et l'hydrargisme induit par la production et le travail dumercure.
L'industrie métallurgique est avec lescimenteries l'activité industrielle la plus consommatrice d'énergie[19] et pour cette raison aussi très émettrice de certainsgaz à effet de serre. Depuis l'antiquité, c'est aussi une source importante de pollution de l'eau, de l'air et des sols par les métaux et métalloïdes, y compris sous forme denanoparticules, qui une fois dans l'air peuvent avoir un rôle préoccupant decatalyseur susceptible de perturber lachimie de l'atmosphère[19],[20].
↑Activité industrielle intense qui en France, par exemple, représentait encore 1 800 000 emplois directs ou indirects, dont 21 % de cadres, dans 45 000 entreprises environ. DansStatistiques industrielles,SESSI, ministère de l'Économie. Cité dans André Pineau et Yves Quéré,La Métallurgie : Science et ingénierie, EDP Sciences, 2011,lire en ligne.
↑G. A. Lampadius et G. A. Arrault,Manuel de métallurgie générale, vol. 1, Carilian-Goeury, 1840,lire en ligne.
↑ab etcAndré Pineau et Yves Quéré,La Métallurgie : Science et ingénierie, EDP Sciences, 2011,lire en ligne.
↑DeniseBarthomeuf, « La place de l’Anatolie dans les débuts de la métallurgie du cuivre et du bronze (duVIIe auIIIe millénaire av. J.-C.) »,Studia Aegeo-Anatolica. Mélanges préparés sous la direction d'Olivier Pelon. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée, Jean Pouilloux (Travaux de la Maison de l'Orient),vol. 1,,p. 149-186(lire en ligne).
↑Les rituels magico-obstétriques des métallurgistes, rapportés parEliade, rappellent que pendant des siècles, les gens ont considéré que minerais « croissent » dans le ventre de la Terre, comme des embryons humains dans l'utérus. D'aprèsMircea Eliade,Forgerons et alchimistes,Flammarion,, 188 p.
↑Oberg T., Bergblack B. et Filipsson M.,Catalytic effects by metal oxides on the formation and degradation of chlorinated aromatic compounds in fly ash,Chemosphere, 2008, n° 71, p. 1135-1143.
Sydney H. Avner,Introduction à la métallurgie physique, Cégep de Trois-Rivières, 2014, 798 pages(ISBN978-2-89470-339-7). Programme technologique québécois en génie métallurgique.
Pierre-Julien Le Thomas (1924-2010),La métallurgie, in-16,Éditions du Seuil, imprimerie Tardy à Bourges, Paris, 1963, 192 pages — Présentation du sujet et notions de base.