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| Fondatrices | Azucena Villaflor,Esther Ballestrino,María Ponce, Josefina García de Noia(d), María del Rosario Cerruti(d) |
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LesMères de la place de Mai (en espagnol :Asociación Madres de Plaza de Mayo) est une association de mères argentines dont les enfants ont « disparu », assassinés pendant la « guerre sale » livrée en particulier par ladictature militaire (1976-1983). Leur nom provient de laplace de Mai (enespagnol :Plaza de Mayo), en face de laCasa Rosada du gouvernement àBuenos Aires, où elles effectuent des rondes hebdomadaires depuis le.
Depuis la chute du régime dictatorial en 1983, 11 000 disparus ont été formellement identifiés par l’État argentin[réf. nécessaire], mais les historiens et les Mères de la place de mai évaluent à 30 000 le nombre total de disparus.
Les Mères de la place de Mai sont, en Argentine, l’unique organisation de défense des droits de la personne composée exclusivement de femmes durant la dictature[1]. Depuis quarante ans, elles se sont battues pour retrouver leursenfants enlevés par ladictature militaire (1976-1983). Plusieurs des fondatrices ont été assassinées à leur tour en, en compagnie des religieuses françaisesLéonie Duquet etAlice Domon, par un commando dirigé par le colonelAlfredo Astiz.
À la fin desannées 1970 et au début desannées 1980, le gouvernement dictatorial voulait faire passer pour « folles » ces mères et grands-mères parties à la recherche de leurs enfants disparus. Lajunte les affublait de cesobriquet pour tenter de discréditer —comme s'il était une aberration sans objet— leur mouvement, lequel, s'exprimant au grand jour et de manière non violente, uniquement par des femmes pour la plupart déjà d'un certain âge, était difficile à réprimer frontalement. L’expression des« folles de la Place de Mai » fit dès lors le tour du monde et devint, à l’inverse de l’effet recherché par ladictature militaire, synonyme de résistance[2], et même d'un certain « héroïsme revendicatif » comme l'appelle Mercedes López-Baralt (de l’université dePuerto Rico)[3]. Comme le dit Estela Barnes de Carlotto, l'actuelle présidente des« Abuelas de la Plaza de Mayo » [grand-mères de la Place de Mai] dans une interview de 2016 :
« La dictature nous appelait « les folles de la Place de Mai » ou « les mères de terroristes », et ces noms, au début, ont beaucoup été repris. Nous avons continué à chercher des explications, à frapper aux portes, pour nos fils et pour les fils de nos fils, et à force d’insister, nos voix ont commencé à se faire entendre. Quarante ans après le coup d’État civico-militaire en Argentine, plus personne aujourd’hui ne nous traite de « folles », ou seulement affectueusement. Ce qu’on réclame aujourd’hui, c’est ranger sous un même drapeau tous ceux qui ont compris que la mémoire, la vérité et la justice sont les piliers sur lesquels nous nous devons de construire, jour après jour, une démocratie meilleure[2]. »
LeParlement européen leur a délivré en 1992 leprix Sakharov pour la liberté de pensée. En 2006, tout en continuant les marches hebdomadaires sur la place de Mai, les Mères ont cessé les « Marches de la Résistance » entamées en 1981, considérant que le gouvernement deNéstor Kirchner (Front pour la victoire-Parti justicialiste) avait démontré une volonté véritable de faire juger les responsables de violations des droits de l’homme.

En signe de protestation, les Mères portent des foulards blancs (à l’origine : les langes en tissu de leurs bébés) pour commémorer la disparition de leurs enfants. Le nom des organisations vient de laplace de Mai (Plaza de Mayo) au centre deBuenos Aires et devant le siège du gouvernement, laCasa Rosada. Elles se rassemblent tous les jeudis après-midi et tournent sur la place pendant une demi-heure, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, remontant ainsi symboliquement le temps et critiquant l’impunité des militaires responsables des massacres et des tortures.
L'association des mères de la place de Mai avait été formée dans l’espoir de trouver les fils et filles disparus, enlevés par des agents du gouvernement argentin pendant la « guerre sale » des années 1970-1980. La plupart ont été torturés et tués. Les 14 fondatrices de l'association,Azucena Villaflor, Berta Braverman, Haydée García Buelas, María Adela Gard de Antokoletz, Julia Gard, María Mercedes Gard et Cándida Gard (quatre sœurs), Delicia González, Pepa Noia, Mirta Baravalle, Kety Neuhaus, Raquel Arcushin, et De Caimi, ont commencé les manifestations sur la place de Mai, devant laCasa Rosada le30 avril 1977, un peu plus d'un an après lecoup d'État militaire, espérant alors obtenir une entrevue avec le chef de la junte,Jorge Videla. Les militaires leur ayant ordonné de « circuler » en raison de l’état de siège, les mères ont tourné en rond sur la place. Le vendredi suivant, d'autres mères vinrent, dontHebe de Bonafini, deLa Plata. Villaflor avait passé six mois à chercher l’un de ses fils et sa nièce avant la création de l'association.
Entre les 8 et10 décembre 1977, un « groupe de travail » de l’ESMA, dirigé par le colonelAlfredo Astiz, enleva douze personnes liées aux Mères, dont les fondatrices Azucena Villaflor, María Ponce de Bianco et Esther Ballestrino, ainsi que les religieuses françaisesLéonie Duquet etAlice Domon. Les trois fondatrices étaient des piliers du mouvement, ayant plus d’expérience que les autres (nombre des mères étaient analphabètes) : Villaflor venait ainsi d'une famillepéroniste combative et avait milité dans un syndicat auparavant ; María Ponce avait milité au sein de l'Église du Tiers-monde et Esther Ballestrino était une bio-chimiste d’origineparaguayenne[4].
Le groupe, qui se faisait connaître par bouche-à-oreille, devint célèbre avec laCoupe du monde de football de 1978, la télévision hollandaise décidant un jeudi de montrer leur marche (qui avait été décalée à ce jour) plutôt que de diffuser un match. On leur permit alors de voyager,Amnesty International finançant un voyage en 1979 auxÉtats-Unis et enEurope afin qu'elles puissent faire connaître les agissements de la junte[4].

En 1980, lePrix Nobel de la paixAdolfo Pérez Esquivel et Emilio Mignone commencèrent à rendre publiques leurs convictions intimes selon lesquelles les « disparus » auraient tous été morts, que lescamps de détention auraient été vidés lors du passage de laCommission des droits de l'homme des Nations unies en 1979 et qu'on ne pouvait par conséquent plus rien faire[4]. Alors en Suède, les Mères, dont Hebe de Bonafini, lancèrent alors le slogan « Apparition en vie! » (ou « Qu'ils ré-apparaissent en vie! »), refusant d'admettre la mort des disparus sans preuve de celle-ci, ni déclaration officielle à leur sujet, ni certificat de décès, ni dépouille[4].
À partir de 1981, les Mères commencèrent, en pleine dictature, les « Marches de la Résistance » réclamant le respect desdroits de la personne[4]. Celles-ci continuèrent lors de latransition démocratique afin de revendiquer le jugement des responsables des crimes contre l'humanité, et ne cessèrent qu'en 2006, les Mères et Grands-mères considérant alors que le gouvernement deNéstor Kirchner s'impliquait suffisamment dans la volonté de faire juger les responsables de la répression systématique.
En 1982, les Mères refusèrent de soutenir laguerre des Malouines, affirmant qu'il s'agissait d'une autre entreprise mortifère de la junte et que les morts de la guerre seraient aussi leurs morts, avec le slogan « les Malouines sont argentines, les disparus aussi[4] ». Il s'agissait-là d'une posture rare, la majorité des organisations politiques ayant soutenu par patriotisme la revendication contre la souveraineté britannique sur ces îles.
Ces dernières années, l’association s’est agrandie, et est devenue plus insistante dans ses demandes de réponses sur lesdisparitions forcées pendant la « guerre sale », après que les militaires eurent abandonné le pouvoir au profit d’un gouvernement civil en 1983.
En 1986, après leProcès de la junte, le mouvement s’est scindé en deux, avec d'un côté les « Mères de la place de Mai, ligne fondatrice » et de l’autre l’« Association des mères de la place de Mai », en raison de divergences concernant l’attitude à suivre face au gouvernement deRaúl Alfonsín, élu en 1983, ainsi qu’à divers enjeux politiques.
D’abord, les « Mères de la place de Mai, ligne fondatrice » ont accepté les dédommagements versés à certaines familles par le gouvernement d’Alfonsín (200 000 dollars[5]), alors que les autres refusaient des compensations pécuniaires et affirmaient que celles-ci allaient interférer avec les procès et prépareraient la voie à des amnisties ultérieures (votées en 1986-87 avec laloi du point final et laloi de l'obéissance due, et suivies par les grâces accordées parCarlos Menem etEduardo Duhalde dans les années 1990)[4]. Par ailleurs, la « ligne fondatrice » refusait à l’origine les prises de parole en public des Mères sur la place de Mai, vers 1984-85, préférant les marches silencieuses[4]. Enfin, les mères qui font aujourd’hui partie de la « ligne fondatrice » s’opposaient en 1986, quand une présidente de l’Association devait être élue, à ce que des femmes ne provenant pas deBuenos Aires participent à l’association, et se sont alors retirées.
Par la suite, la « ligne fondatrice » s’est déclarée en faveur de l’exhumation des corps et de l’identification des victimes effectuée grâce aux travaux de l’Equipe argentine d'anthropologie judiciaire (es) (EAAF, fondée en 1986). Elles veulent à la fois faire le deuil et faire juger les responsables des violations des droits de l’homme[5].

En revanche, l’Association des Mères de la place de Mai se montre davantage politisée, et essaie de faire survivre les rêves, et les idées politiques des enfants disparus. Elles refusent tout hommage ou commémoration qui ferait abstraction de l'engagement politique et « révolutionnaire » de leurs enfants disparus[4]. Par ailleurs, autour de l'idée d'une « socialisation de la maternité », elles ont transformé les luttes individuelles pour leurs enfants en luttes collectives pour toutes les victimes de la dictature et, en général, pour tous les acteurs des mouvements sociaux à travers le monde[4]. Sa présidente,Hebe de Bonafini, déclare ainsi :
« Nous n'acceptons aucune charge politique, mais nous faisons de la politique. Nous ne sommes pas un organisme des droits de l'homme ni une ONG, mais une organisation politique, sans parti[4]. »
L'Association est composée de femmes convaincues que leurs enfants sont morts, et conscientes que la plupart ont été torturés et assassinés, mais qui éprouvent plus de difficulté à admettre l'exhumation des corps, qu'elles ressentent comme un traumatisme[5]. Revendiquant ainsi l'apparition « en vie » des disparus qu'elles savent pourtant décédés[5], elles s'opposent à toute négociation avec le pouvoir et à toute indemnisation. Bonafini déclare ainsi devant l'UNESCO:
« Nous ne vendrons jamais le sang de nos enfants. Il n’y a pas d’argent qui puisse payer la vie de ceux qui l’ont donnée pour le peuple. Les réparations économiques nous répugnent, nous voulons la justice. Nous voulons la prison pour les assassins, qu’ils soient incarcérés. (...) Nous ne voulons pas non plus de monuments, tout est sur la mort, monument aux morts, réparation pour les morts, exhumation des morts, musée des morts. Nous les Mères avons lutté toute la vie pour la vie : nous n’avons jamais imaginé que nos enfants pouvaient être morts[5]. »
Un spécialiste du mouvement,M. G. Bouvard, a écrit que l'Association veut une « complète refonte de la culture politique en Argentine », et embrasse une « vision d'un systèmesocialiste, libéré de la domination des intérêts individuels »[réf. nécessaire]. L'Association a participé par la suite à plusieurs voyages, visitantCuba en 1988, puis leMouvement des sans-terre auBrésil, lePérou, leChiapas, laYougoslavie,Israël et laPalestine, l'Irak[4]... LeJournal des mères de la place de Mai est entré en 2005 dans le réseau de presse « non-alignée » duRéseau Voltaire[réf. nécessaire]. Le, l'Association mit fin aux Marches de la Résistance, Bonafini déclarant alors en référence à la politique du présidentKirchner: « il n'y a plus d'ennemi à laCasa de Gobierno[7]. » Les artistesLeón Gieco etVíctor Heredia étaient invités à cette dernière marche. Celles de la Place de mai continuent toutefois, tandis que la présidente des Grands-mères a rappelé « qu'on ne savait toujours pas où étaient passés les 30 000 disparus[7] ».
En,Sting chanta sur scèneThey dance alone en hommage aux Mères, ce qui initia un mouvement chez lesmusiciens argentins pour évoquer les droits de la personne (dont le groupe derockTodos Tus Muertos dont le nom même est explicite, ainsi que la couverture de leur album représentant les photos des « disparus »). Un nouveau concert organisé par Amnesty lors de la tournéeHuman Rights Now! (en) eut lieu en 1988, en présence deCharly García et deLeón Gieco aux côtés de diverses stars internationales.
Depuis, les Mères de la Place de mai ont ouvert une librairie et café littéraire dénomméeOsvaldo Bayer, d'après l'historien des mouvements sociaux auteur d'un livre célèbre sur l'anarchisme en Argentine, et organisées à partir de 2000 des Universités populaires[4]. Le soutien des Mères au gouvernement Kirchner a conduit à diverses tensions avec des proches, dont notamment le journalisteHerman Schiller (es), qui a enseigné jusqu'en 2007 l'histoire des mouvements ouvriers à l'Université populaire et qui s'est présenté sur les listes de laGauche unie aux élections municipales deBuenos Aires en 2000 et 2003[8], ou Nestor Kohan[9]. Par ailleurs, les Mères ont une radio depuis 2005 (La voz de las Madres (es)), qui diffuse par les ondes et sur Internet[10]. Enfin, enfévrier 2010, l'association s'est jointe à la plainte déposée contre le maire deBuenos Aires,Mauricio Macri, à la suite de sa décision de doter lapolice métropolitaine de Buenos Aires d'armesTaser; Hebe de Bonafini qualifie l'engin d'« instrument de supplice électrique[11] ».
Sur le plan international, Hebe de Bonafini affiche des positions extrêmement polémiques[12]. Elle s'est ainsi publiquement réjouie des attentats duWorld Trade Center du11 septembre 2001. Elle a également affiché de manière virulente son rejet des migrants boliviens en Argentine et a apporté son soutien à l'ETA conduisant plusieurs municipalités espagnoles à cesser leur soutien à l'association des Mères de la Place de Mai.
En 2019, elle prend la défense du régime deNicolas Maduro auVenezuela en le qualifiant de "pure démocratie"[13] alors que le pays était secoué par d'importantes manifestations.
En, le cadavre de la religieuse françaiseLéonie Duquet, enlevée en 1977 avec les fondatrices par le groupe d'Alfredo Astiz, a été exhumé, sans que son identité fut alors établie. Lestests ADN ont ensuite bien conclu, le, que le corps exhumé était celui de Duquet.
Les corps d'Azucena Villaflor, d'Esther Careaga et de María Eugenia Bianco, ont aussi été identifiés mi-2005. Lescendres de Villaflor ont été enterrées au pied de lapyramide de Mai, sur la Place de Mai, le. Le 29 novembre 2017, Astiz est inculpé dans le méga-procès de l'ESMA pourcrimes contre l'humanité.
L’association desGrands-Mères de la place de Mai a été fondée en 1977, pour tenter de retrouver les petits-enfants enlevés pendant la répression et les renvoyer vers leurs familles. Leur travail a permis d’identifier 119[14] des 500 enfants enlevés ou nés endétention durant la période militaire et clandestinement adoptés par les familles des militaires, policiers ou de proches du pouvoir[5]. Elles réclament notamment que les deux enfants d'Ernestina Herrera de Noble, la PDG du puissant groupe de presseClarín, délivrent à la justice des échantillonsADN afin d'assurer qu'ils ne font pas partie des bébés séquestrés, ce qui est soupçonné par les enquêteurs[14].
Le10 décembre 2003, la fondatrice et présidente de l’association,Estela Barnes de Carlotto, a reçu le Prix des droits de l'Homme de l'ONU[15]. Le,Estela Barnes de Carlotto annonce à la presse avoir retrouvé Guido né de sa fille Laura.Laura Carlotto avait été arrêtée le à Buenos Aires alors qu'elle était enceinte de deux mois et demi, avant d'être assassinée par ses tortionnaires[16],[17].
En 1995, HIJOS (« les fils », acronyme deHijos por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio (es), ou « Fils pour l'identité et la justice contre l'oubli et le silence ») se sont constitués pour lutter contre l'amnistie politique des responsables des violations des droits de l'homme et réclamer l'ouverture de poursuites judiciaires contre les agents de la dictature. Ils ont organisé desscratch (manifestations bruyantes) près des domiciles des bourreaux, afin de dévoiler leur nouvelle identité au voisinage et pour attirer l'attention publique sur l'impunité dont ils bénéficiaient.
HIJOS œuvre aussi en faveur d'une reconstitution exacte de l'histoire de l'Argentine et contre lacensure. L'association est composée d'enfants des victimes de la dictature et présente dans 17 autres pays. Toutes les décisions sont prises collectivement lors des assemblées générales.
Daniel Balavoine a écrit et composé une chanson en leur hommage. Elle est nomméeRevolución et fait partie de l'albumLoin des yeux de l'Occident.
En 1999,Patrick Bruel, dans son albumJuste avant, écrit la chansonNunca mas, qui rend hommage à ces femmes.
Sting, le chanteur et bassiste dePolice, leur a aussi comme on l'a vu rendu hommage dans un thème de l'un des plus célèbres de ses albums solo :…Nothing Like the Sun [...Rien comme le Soleil[18]], sorti en 1987 et réédité en 2016[19]. Ce thème s'appelle« They Dance Alone (Cueca Solo) ».
Le groupe de rock irlandaisU2 dédie le titreMothers of the Disappeared à ce sujet dans leur album à succèsThe Joshua Tree, sorti en 1987. Lors d'un concert à Santiago du Chili le 11 février 1998, le groupe invite sur scène de nombreuses mères de la place de Mai, Bono leur permet de dire les noms de leurs proches pendant la chanson[20].
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