Il n'apparaît pas avoir joué un grand rôle dans la première partie des guerres des Diadoques (322-311) étant occupé à consolider son pouvoir en Thrace face aux incursions desGètes notamment. Après labataille d'Ipsos (301) remportée face à Antigone, il domine la quasi-totalité de l'Anatolie. Il fait exécuter son filsAgathocle vers283 sur les conseils de sa troisième épouseArsinoé II afin d'ouvrir la voie de la succession à ses enfants. Ces querelles matrimoniales entraînent finalement sa chute.
Né dans une famillethessalienne bien considérée parPhilippe II, Lysimaque, qui a obtenu la naturalisation macédonienne, a très probablement été élevé à la cour dePella. Il accompagneAlexandre le Grand dans la conquête de l'Empire perse et en devient, dès le début du règne en336 av. J.-C., l’un des gardes du corps (sômatophylaques) du roi, mais sa véritable ascension politique date des dernières années du règne.
Il apparaît être un personnage cultivé : il est un proche deCallisthène et plus tard des philosophescyniques. Un témoignage deJustin laisse entendre que Lysimaque, s'est opposé à Alexandre en aidant à mourirCallisthène, coupable de crime de lèse-majesté, par le poison pour abréger ses souffrances, et qu'il a été lui-mêmelivré aux lions, mais qu'ayant terrassé le fauve, il serait devenu un favori du roi[1]. Lors de lacampagne d'Inde, il est par mégarde blessé par la lance d'Alexandre ; mais celui-ci place son diadème pour comprimer le saignement. Justin écrit que c'est pour Lysimaque « le premier signe annonciateur de la majesté royale »[1].
Lors desaccords de Babylone qui suivent la mort d'Alexandre en323 av. J.-C., Lysimaque reçoit le gouvernement de laThrace et de laChersonèse de Thrace qui offre une position stratégique sur l'Hellespont à la jonction de laMacédoine et de l'Anatolie.Justin écrit à ce sujet qu'ont été confié « les peuples les plus sauvages (...) au plus courageux de tous »[1]. La Thrace n'est pas unesatrapie mais une province annexée parPhilippe II séparé de la Macédoine pour être confiée à Lysimaque, un militaire énergique, car elle est menacée par l'insurrection des tribusthraces.Perdiccas entend également soustraire la région à l'influence d'Antipater[2].
Il entame néanmoins un rapprochement avec Antipater en épousant, à une date inconnue, sa filleNikaia. À la mort du régent de Macédoine, il soutient son filsCassandre[3]. À la même période, il vaincSeuthès III, roi desOdryses (une tribu thrace), avec lequel la paix dure jusqu'en313, ainsi que lesScythes. Il en profite pour étendre sa domination sur les cités grecques de l'Hellespont et y implanter des bases navales.
En315, il se joint à la coalition réunissantSéleucos,Ptolémée et Cassandre contreAntigone le Borgne. Ce dernier entend rétablir à son profit l'empire d'Alexandre, il assiègeTyr et contrôle toute laSyrie à la fin314. Un ultimatum exige d'Antigone qu'il cède laPhrygie hellespontique à Lysimaque qu'il n'a jamais possédé[4]. Mais Antigone, qui se proclame « libérateur des cités grecques », incite les cités duPont-Euxin occidental à se révolter. Lysimaque reprend les cités une à une et repousse Antigone ; néanmoins il ne peut pas intervenir en Grèce aux côtés de son allié Cassandre. Lysimaque doit aussi au même moment faire face aux incursions desGètes (lesDaces pour les Romains) sur la frontière septentrionale. En311, il est contraint de conclure une paix avec Antigone, reconnu maître de « toute l'Asie »[5].
En309, il fonde parsynœcismeLysimacheia enChersonèse[6]. Il la fait peupler avec des habitants de la cité deCardia qu'il fait détruire. Par la fondation de cette nouvelle capitale, Lysimaque démontre son ambition à contrôler l'Hellespont tout en continuant à regarder vers la Grèce et la Macédoine[7], de plus Lysimaque revêt ici la figure du roi bâtisseur, et s'inscrit dans cette tradition prestigieuse.
En304 av. J.-C., suivant l’exemple d'Antigone le Borgne et des autresDiadoques, Lysimaque se proclame roi (basileus) deThrace[8]. La même année, il organise avecPtolémée etCassandre le ravitaillement deRhodes assiégée parDémétrios. En302, il se joint à la dernière coalition réunissantSéleucos, Ptolémée et Cassandre contre Antigone et Démétrios. Étant donné la richesse du royaume d'Antigone et l’importance de son armée, il est nécessaire pour les adversaires d'Antigone de faire la jonction de leurs forces. Lysimaque, par ses campagnes victorieuses, commande une armée aguerrie dont une puissantephalange. Les coalisés organisent donc la défense de laGrèce contre Démétrios afin de permettre à Lysimaque d’attaquer l'Anatolie en attendant les forces de Séleucos et Ptolémée.
Au printemps 302, Lysimaque débarque enPhrygie hellespontique, parvient à éviter Antigone, puis reçoit la soumission des cités d'Ionie, deLydie, deCarie et deLycie, dont principalementÉphèse,Colophon etSardes. Le débarquement de Démétrios à Éphèse durant l’automne 302 met Lysimaque en difficulté. En effet, les renforts envoyés par Cassandre sont défaits, obligeant Lysimaque à se retirer enBithynie à l'hiver 302-301. Mais la jonction avec l’armée Séleucos retourne la situation en la faveur de la coalition ; bloqué enCœlé-Syrie, Ptolémée n'a pu joindre ses forces. Antigone est vaincu et tué à labataille d'Ipsos (enPhrygie) en301.
Au partage résultant de cette victoire, Lysimaque reçoit la plus grande partie de l'Anatolie jusqu'auTaurus, la partie orientale revenant à Séleucos[9]. Il prend donc en charge l'administration d'une vaste région, ethniquement diverse, comprenant des cités grecques, une aristocratieperse et des peuples indigènes (Lydiens,Phrygiens, etc.).Philétairos, le précurseur de la dynastieattalide, gouvernePergame de manière indépendante. LaBithynie lui résiste sous la férule deZipoétès[10]. Il fait rénover les cités d'Ionie dont Éphèse, la cité d’origine s'étant envasée. Il procède à un agrandissement et à un assainissement de la cité en y transférant les habitants deColophon. En 302, il a aussi profité de la campagne en Anatolie pour épouserAmastris, nièce deDarius III et veuve du tyran d'Héraclée du Pont, et étendre plus encore son influence sur les côtes duPont-Euxin.
À la suite de la victoire d'Ipsos, Lysimaque conclut, aux dépens deSéleucos, une alliance avecPtolémée qui lui offre en299 av. J.-C. en mariage sa filleArsinoé II, âgée de 17 ans, tandis que son filsAgathocle épouseLysandra[11]. Ces deux mariages sont à l'origine de sanglantes querelles de succession. Le divorce d'avec Amastris ne l'empêche pas de conserver la mainmise surHéraclée du Pont.
Durant l'hiver292-291, Lysimaque est capturé par lesGètes lors d'une nouvelle campagne aux frontières de laThrace[12].Démétrios[13], qui vient de prendre pied enMacédoine en profite pour envahir la Thrace ; mais l'occupation est de courte durée car celui-ci doit faire face à une révolte desBéotiens et desÉtoliens. Lysimaque est libéré au printemps 291 et donne (ou promet) l'une de ses filles en mariage au roi des Gètes. En288, Lysimaque reprend la lutte contre Démétrios et s’empare de la Macédoine avec l’aide dePyrrhus, roi d'Épire ; il en chasse Démétrios et laisse pour le moment le trône à son allié[14]. En285, ambitionnant de régner duTaurus à la Macédoine, il défait Pyrrhus et se fait proclamer, à un âge avancé, roi de Macédoine[15]. Son royaume, véritable empire euro-asiatique, comprend alors laThrace jusqu'auDanube (exceptéByzance), laMacédoine (exceptéDémétrias sous tutelle d'Antigone Gonatas), laThessalie et l'Asie Mineure (excepté les principautés deBithynie, duPont et dePaphlagonie). Les cités de Grèce continentale paraissent bien disposées à son égard par détestation desAntigonides[15]. Il fait à ce moment-là mettre à mortAntipater II, le fils deCassandre[16]. En284,Amastris d'Héraclée, sa deuxième épouse, est tuée par ses deux fils qu'il fait aussitôt exécuter.
C'est alors que d'inextricables troubles dynastiques éclatent et mettent fin au règne de Lysimaque[17].Arsinoé II, son intrigante épouse, parvient en effet à le persuader que son fils aîné et héritier présomptif,Agathocle, conspire contre lui. Il le fait assassiner en vers283 av. J.-C., laissant la succession aux jeunes fils qu'il a eus d'Arsinoé[18]. Cette mise à mort soulève l’indignation. Les provinces d'Asie Mineure, qui subissent une lourde fiscalité, en profitent pour se soulever[18]. ÀPergame, le gouverneur de la cité,Philétairos, fondateur de la dynastie desAttalides, livre sa forteresse et son trésor àSéleucos. Au même moment, Lysimaque renforce son alliance avec lesLagides en mariant en 282 sa filleArsinoé Ire àPtolémée II, nouvellement proclamé roi d'Égypte. Séleucos, son voisin asiatique, inquiet de cette alliance et de la mainmise de Lysimaque sur la Macédoine, passe en Asie Mineure sous les encouragements dePtolémée Kéraunos et deLysandra qui ont fui la Thrace depuis la mort d'Agathoclès. Lysimaque est lourdement défait en281 à labataille de Couroupédion enLydie[19]. Il y trouve la mort, abandonné sur le champ de bataille par ses fidèles.
La mort de Lysimaque semble avoir été un soulagement pour les cités d'Anatolie soumises à un tribut alors qu'elles en ont été exemptées sousAlexandre etAntigone le Borgne[20],Séleucos les ralliant facilement à sa cause. Toutefois, unesymmachia (coalition militaire entre cités) est fondée entre certaines cités deThrace et d'Anatolie vers270[21]. Cette « ligue du nord » rassemble les cités deByzance etChalcédoine, auxquelles s'ajoute peut-êtreLysimachie[22]. Ce soutien posthume à Lysimaque provient probablement de l'aura militaire due à ses nombreuses victoires et à sa longévité dans la région. Par ailleurs les populations indigènes de Thrace semblent avoir été mal considérées.
Lysimaque nous est surtout parvenu à travers sa légende noire, véhiculée par les souverains lui ayant succédé, notamment lesSéleucides. Mais ce sont aussi les historiens commePlutarque ouArrien qui ont perpétué cette image tyrannique du souverain grec. D'autres références, comme celle deMontesquieu dans son œuvreLysimaque, établissent des comparaisons entre des acteurs de l'histoire antique pour critiquer les personnes de leur époque[23].
François de Callataÿ et Iossif Panagiotis, « Un tétradrachme de Lysimaque surfrappé sur une pièce d’Antiochos Ier à Sardes »,Revue numismatique,no 172,,p. 235-242.