La Lycie est située sur la côte méditerranéenne du bloc anatolien, elle est au sud de la Lydie, bordée à l'ouest par laCarie, et à l'est par laPamphylie, au nord par laPisidie. La région est essentiellement montagneuse, les plaines côtières sont rares et les cultures s'y trouvent surtout dans l'arrière-pays. La Lycie est traversée par un seul fleuve, leXanthos ou Xanthe.
LesHittites, dans leurs textes, citent lesLukkas (ou Luka, ou Loukou), un peuple situé à l'extrême Ouest de leur empire, à proximité de la mer, où un de leurs rois a mené une campagne militaire au cours de laquelle il aurait conquis les villes de :Myra,Patara,Arnna, etc. Les Lukkas auraient fait partie despeuples de la mer, mentionnés par les Égyptiens, et leur présence est en particulier signalée par eux lors de labataille de Qadesh, comme des alliés des Hittites, qui y affrontèrent le pharaonRamsès II (1279-1213 av. J.-C.). Les Égyptiens les citent sous le nom de « Ruku » ou « Luk », mais on ne connait en fait que leur nom, car les fouilles n'ont, à ce jour, révélé aucune trace formelle de leur existence.
Vers leVIe siècle, les Lyciens auraient formé une confédération, avec pour principales citésXanthos (Xanthe ou Xantos),Telmessos,Myra etPatara. La Lycie, comme toutes les régions d'Asie mineure, va connaître l'occupation desPerses achéménides. Les Lyciens ont une réputation de pirates, et ils ne sont assujettis que très nominalement à l'empire perse. En 480 av. J.-C., ils participent à la campagne du roiXerxèsIer (486-465 av. J.-C.) contre la Grèce continentale. La Lycie passe ensuite sous la domination du roi d'Halicarnasse,Mausole (377-353 av. J.-C.), jusqu'à la conquête d'Alexandre le Grand (336-323 av. J.-C.). Elle passe ensuite sous le contrôle desPtolémées, puis desSéleucides, et enfin deRhodes de 188 à 168 av. J.-C. Lors de toutes ces dominations, les Lyciens vont conserver une certaine liberté et leurs villes seront assez prospères.
L'expansion de la civilisation grecque chez les Lyciens se retrouve dans tous les domaines, et d'abord l'alphabet qu'ils se sont approprié, mais auquel ils ajoutèrent quelques signes. Dans le domaine religieux, ils ont adopté et adapté aux leurs des divinités grecques. Le dieu anatolien de l'orageTarchunt (présent aussi chez les Hittites) est assimilé àZeus, etc. Dans l'autre sens, les Grecs ont subi des influences lyciennes dans leur religion. Par exemple, le dieu lycio-pisidienKakasbos a été vénéré tant par les Grecs que par les Anatoliens, et l'iconographie d'Héraclès s'est vue considérablement modifiée en Lycie et en Pisidie, là où le culte de Kakasbos était également présent[1].
Les Lyciens firent venir des sculpteurs de Grèce pour orner les tombes royales. Cet héritage grec sera moins visible à partir de l'époque romaine, où l'on construira dans toute la région desforums, desthermes, etc. Le seul « savoir-faire indigène » qui les rendra célèbres, est la construction de leurs tombeaux, d'une disposition inhabituelle. Ceux deMyra et deTelmessos, sont des exemples splendides de tombes rupestres creusées à flanc de parois, et décorées comme les temples grecs.
La Lycie va un moment se libérer de l'emprise deRhodes et desSéleucides et, en 167 av. J.-C., retrouvera momentanément son indépendance. Elle fonde alors une confédération de cités. Selon le géographe grecStrabon, cette confédération regroupait vingt-trois villes, qui se réunissaient sur le site duLétôon afin d'y élire une assemblée et des juges. Sur ce site se trouvait également un sanctuaire, où l'on pratiquait le culte deLéto, la mère d'Apollon et d'Artémis. Des ambassadeurs d'Égypte et deGrèce venaient sur le site sacré, où le culte se perpétua jusqu'auVIIe siècleapr. J.-C.
En 1176 de notre ère, l'ancienne Lycie est conquise par leSultanat seldjoukide de Roum (« des Romains » enarabe, c'est-à-dire pour nous « desbyzantins »), puis échoit successivement auxsultanatsturcs desTekkéïdes et, après 1390, à celui desOttomans. Petit à petit, la population lycienne, qui était devenuegrecque de confessionorthodoxe durant le premier millénaire de l’ère moderne, devientturque etmusulmane, au fil des conversions (entre autres, pour ne plus payer leharaç : impôt sur les non-musulmans, et pour ne plus subir ledevchirmé : enlèvement des garçons pour le corps desjanissaires). Seuls les villages depêcheurs de la côte resteront grecs jusqu'en 1923, lorsqu'en application duTraité de Lausanne leurs habitants sont expulsés vers laGrèce (certains ont été repeuplés de Turcs, d'autres sont restés déserts). La Lycie est aujourd'hui partagée entre les provinces turques d'Antalya et deMuğla englobée par lapéninsule de Téké.
↑Drouin, Mathieu,Les cultes d’Héraklès et de Kakasbos en Lycie-Pisidie à l’époque impériale romaine – Étude des stèles dédiées aux dieux cavaliers à la massue, Québec, Université Laval,, 238 p.
Denis Rousset,De Lycie enCabalide. La convention entre les Lyciens et Termessos près d’Oinoanda. Fouilles de Xanthos, X (coll. « Hautes études du monde gréco-romain », 45), Genève, Droz, 2010, VIII-206 p., 32 pl.(ISBN978-2-600-01280-5)