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L'opposition de Luther aux indulgences est avant tout d'ordre théologique, mais les éléments fondamentaux de sa contestation concernent sa compréhension dusalut par la foi, appuyée sur sa relecture de l'Épître aux Romains de l'apôtre Paul. Martin Luther est convoqué à Rome afin de s'expliquer lors d'unedispute théologique, en 1519. À la fin de celle-ci, le théologienJohannes Eck, affirme que Luther fait preuve d'hérésie.
Le, il est menacé d'êtreexcommunié pour ses thèses (il sera excommunié le 3 janvier 1521, par le papeLéon X). Ses écrits sont brûlés. Le mouvement de laréforme protestante est lancé. Plusieurs princes d'Allemagne du Nord adoptent la Réforme. Selon le principe ducujus regio, ejus religio affirmé en 1555, des régions entières de l'Empire passent au protestantisme.
Cette affirmation signifie d'abord que l'Homme n'est pas sauvé par ses œuvres morales ou pieuses.Luther défend l'idée d'une relation de confiance avecDieu et non plus une relation qu'il suppose fondée sur la peur et la culpabilité. L'eucharistie, célébrée lors de chaque service liturgique avec laprédication, rappelle, pour le luthéranisme, que Dieu est un amour présent et réel dans le geste concret de son Fils qui se donne pour le salut des hommes. Selon le luthéranisme, tout commence par cette initiative d'amour, cette main tendue. À cette époque, en effet, dominait la crainte de l'enfer et du jugement divin encouragée par certains prêtres peu scrupuleux de l'institution romaine.Paul Tillich, interprète de Luther, dira : « C'est cette grâce qui me réconcilie avec moi-même, avec les autres et le monde (la nature, le cosmos) et avec Dieu ». L'éthique sera une réponse à cet amour premier.
Si, selon le luthéranisme, l'Homme n'est pas sauvé par ses œuvres, il lui est demandé d'avoir confiance en Dieu : c'est lafoi qui naît et se développe essentiellement par la médiation d'unpasteur qui prêche la bonne nouvelle de la grâce et qui célèbre lessacrements. C'est cette confiance qui fait de lui un membre de l'Église à la fois locale et universelle.
L'un des lieux où retentit ce message est par excellence le culte qui rassemble la communauté chrétienne autour de laprédication et de l'eucharistie qui sont les deux pôles duculte luthérien dans un environnement de cantiques et de louanges inspiré despsaumes. Or cette prédication puise son inspiration dans une tradition issue de lamesse et qui est celle de la lecture et du commentaire de laBible. Luther poursuivra la tradition du lectionnaire qu'il a trouvé dans la messe catholique. Ainsi, le rôle essentiel desévêques et même du pape serait, pour Luther, de former des pasteurs responsables de bien prêcher, car connaissant legrec et l'hébreu des Écritures, et d'animer laliturgie communautaire.
À la différence de l'homélie catholique, la prédication de Luther n'est pas une explication desdogmes catholiques, dont il pense qu'ils s'écartent trop souvent des sources bibliques etpatristiques. Luther pense qu'il existe dans la Bible un noyau central interprétatif, qui est une fidélité à ce que les Évangiles et les épîtres nous disent deJésus-Christ et qui rejoint les grandes affirmations duSymbole des apôtres et de textes reconnus par l'Église luthérienne, telle laconfession d'Augsbourg (voir ci-dessous). Et le prédicateur, enraciné sur cette parole symbolique et participant à la société et la culture de son temps, prendra le risque d'analogies, métaphores et corrélations qui font de lui un prophète et un homme de compassion.
Dans le protestantisme ultérieur, on a souvent privilégié lesola scriptura, mais la pensée de Luther reste beaucoup plus nuancée.
C'est surtout dans son traitéDe la captivité babylonienne de l'Église, publié au début de l'année 1520, que Martin Luther développe sa pensée sur lessacrements :« Ayant réduit l'Église en captivité, la tyrannie romaine s'est attaquée à son âme en lui enlevant le sacrement, alors que le sacrement n'appartient pas aux prêtres mais à tous. »
Pour lescatholiques, les sacrements sont des moyens de grâce qui ont un effet immédiat, opérantex opere operato entre les mains duprêtre. ChezJean Calvin, la présence du Christ est bien réelle mais de manièrespirituelle. Pour d'autres, notammentHeinrich Bullinger, disciple deZwingli, et chez la plupart desévangéliques, il ne s'agit que des signes visibles d'une grâce invisible.
Pour Luther,« les sacrements sont la manifestation objective d'une révélation que Dieu a voulue, à la fois donnée de l'extérieur et matérialisée dans l'incarnation, dans le Livre, l'Eau, dans le Pain et le Vin » (E. G. Leonard). Dans tout cela, le rôle du prêtre (surtout valorisé par la parole explicative sur le sacrement et laprédication), reste secondaire.
Sacrement : succession visible d'une unique incarnation
Il existe pour Luther une sorte de visibilité des sacrements qui prolonge l'incarnation historique de Jésus Christ, de sa mort et de sa résurrection qui n'eurent lieu qu'une fois. Le prêtre ne peut donc pas renouveler ce sacrifice lors du sacrement. Et cette succession du sacrement se poursuit dans l'Église à travers le baptême (enfants ou adultes) et l'eucharistie, qui sont clairement institués par Jésus-Christ dans les évangiles et aussi le livre des Actes des apôtres. Il repousse ainsi le sacrement du mariage, de l'ordre, de l'extrême onction, de la réconciliation et de la confirmation qui étaient inégalement pratiqués à cette époque et reprendront de la vigueur après le concile de Trente.
Le sacrement est donc rétabli dans la pureté de son institution évangélique comme la communication du seul et non renouvelable sacrifice de la croix, sans intervention humaine.
De même que le réformateur Wyclif, Luther abandonne la doctrine eucharistique de latranssubstantiation au profit d'une explication qu'il nomme la « consubstantiation » : le Christ est « avec » lesespèces mais celles-ci ne subissent pas de changement ontologique : elles restent du pain et du vin, intimement liées au Christ lors du sacrement par lesparoles d'institution et la présence de l'Esprit. Le pain et le vin sont le corps et le sang du Christ, mais sans jamais cesser d'être du pain et du vin. À la fin du culte, le pain et le vin qui restent ne sont plus considérés comme le corps et le sang du Christ.
Luther fonde son approche sur le principe d’intelligibilité du culte : l’évangile doit y être annoncé de manière compréhensible à tous. C’est pourquoi Luther insiste sur l’utilisation de la langue allemande, tolérant le latin seulement pour les cultes en milieu universitaire, afin de donner aux étudiants une meilleure connaissance de cette langue[6]. Luther conserve aussi la tradition du chant d’église, parfois en conservant des mélodies catholiques, mais, toujours fidèle à son souci pédagogique, il s’attache à promouvoir le chant d’assemblée, sur des airs simples et faciles à retenir. Ces hymnes luthériens traditionnels sont connus sous le nom dechorals[7]. Luther conserve aussi de la messe une dimension esthétique dans la liturgie. Non seulement dans le domaine musical mais également dans celui des formes visuelles, expressions de la louange de l'Église satisfaisant la sensibilité populaire (crucifix, couleurs et habits liturgiques, vitraux, retables, bougies, gestes, etc.), Luther étant lui-même très tolérant dans ce domaine qu'il considère comme secondaire.
Bien que l'organisation des cérémonies lui paraisse « Rauch und Dampf » (fumée et vapeur) car la porte ouverte à un légalisme pieux, Luther sera conduit à participer à l'organisation du culte à Wittemberg en 1523. Il écrira alorsVon Ordnung des Gottesdienst (De l'ordre du service divin) etFormula Missæ. Dans cet esprit aura lieu en 1525 la première célébration de la « messe allemande » et son ordre qui sera publié en 1526 sous le titre deDeutsche Messe und Ordnung Gottesdiensts[8].
Église du palais de Wittenberg.
Même si Luther a pris la peine de préciser que sa liturgie a un caractère indicatif, adapté à l’Église allemande de la région de Wittenberg mais pas forcément à d'autres villes ou régions[6], son ordre du culte sera conservé par les églises luthériennes des siècles suivants. Il formera le cadre de nombreuses œuvres deJean-Sébastien Bach, qui écrit la plupart de sa musique religieuse pour accompagner des offices luthériens. En voici le plan :
La messe va donc devenir unculte célébré par unpasteur. Il perd donc son caractère de« sacrifice renouvelé du Christ offert par un prêtre pour le salut des fidèles », puisque, comme l'écrit Luther,« le saint Sacrement n'a pas été institué pour que l'on en fasse un sacrifice expiatoire - car ce sacrifice a déjà été consommé sur la croix - mais pour qu'il serve à réveiller en nous la foi, et à réconforter les consciences. »[9]. Certes, il commencera toujours par l'austère et humble reconnaissance de l'homme qui a besoin de vivre du pardon et de la grâce divine (Kyrie : « Seigneur aie pitié »). Mais il ne sera plus une célébration que Luther estime mystérieuse et incompréhensible pour le fidèle, car désormais, la lecture de la Bible se fera dans lalangue du peuple et la prédication ne sera plus une homélie mais une parole que Luther pense plus claire, pour rendre le Christ de la Bible plus familier aux auditeurs. Un Christ qui nous réconcilie avec Dieu, les autres et le monde, en nous apportant son salut et sa grâce.
Bon musicien et poète, Luther introduira de l'émotion dans le culte en multipliant les cantiques en commun qui font participer le peuple mieux que, selon Luther, ne le faisait lechant grégorien, souvent très beau mais qu'il estimait devenu l'œuvre de spécialistes. Il composa lui-même une soixantaine d'hymnes (dontEin feste Burg, « C'est un rempart que notre Dieu »), qui reste l'un descantiques protestants parmi les plus connus dans le monde entier. Ses œuvres furent réunies en 1524 dans unEnchiridion diffusé largement dans le monde luthérien — qui montre au passage l'utilisation intelligente par Luther des nouveaux médias de son temps, ce qu'il fera également pour la Bible. De nombreux musiciens et poètes participèrent à cette première hymnologie protestante (Sachs, Speratus, Spengler, Rupff, etc.) et dont on retrouve encore les noms dans de nombreux cantiques protestants actuels.
Luther ne rejeta toutefois pas complètement lechant grégorien, mais le réserva aux clercs, ou aux étudiants, qui comprenaient le latin[10],[8]. En 1523, il fit conserver lapsalmodie, lecture chantée, auprès des monastères[8]. Il en fit aussi des adaptations, en en tirant des musiques vraiment simples, tel le choralNun komm, der Heiden Heiland, faciles à apprendre malgré les connaissances musicales limitées des fidèles[8]. On trouve de tels chants syllabiques dans le premier livre de chantanglican, édité en 1550, qui a été influencé par Luther[8].
Toujours soucieux de faciliter la compréhension et l'adhésion des fidèles, Luther généralise aussi l'usage du refrain, comme dans lechant ambrosien. Ainsi, l'antienneMedia vita in morte sumus, un chant enprose sans refrain, est-il transformé par Luther en chant dont le refrain commence toujours avec le termeMitten et se termine avec la prièreKyrie eleyson[10],[11].
De nos jours, le chant grégorien intéresse à nouveau certains luthériens. Ainsi, lacathédrale d'OsloDomkirke, paroisse de la famille royale norvégienne, possède une véritableschola grégorienneConsortium Vocale Oslo ; celle-ci est toutefois entièrement consacrée au chant grégorien comme forme artistique[10],[12].
Laconfession d'Augsbourg (« CA »Confessio Augustana) est la confession de foi fondamentale des États impériaux luthériens. Elle a été présentée par la réformation luthérienne àCharles Quint lors de ladiète d'Empire àAugsbourg en 1530. Jusqu'à nos jours laconfession d'Augsbourg est le document de confession obligatoire pour chaque Église luthérienne[13].
Cet article est d'une grande importance pour trois raisons.
Il est placé après l'article 5 sur le « ministère de la Parole ». C'est la démarche centrale de la réforme de Luther. D'une part contre le subjectivisme piétiste qui lie le Saint Esprit à nos états d’âmes et nos sentiments pieux. Et d'autre part contre le catholicisme qui lie un peu trop l'Esprit à l'institution romaine dont il prétend qu'elle est l'incarnation continuée duChrist et qui la rend sourde aux appels de l'Évangile.
En son cœur, un nouvel enseignement très simple : l'Église y est définie comme la communauté ou l'assemblée de tous les chrétiens du monde entier, ou encore comme la chrétienté physiquement dispersée mais spirituellement rassemblée dans un seul Évangile. Localement, l'Église sera un événement toujours actuel de l'Esprit lié« à un enseignement juste et une administration fidèle des sacrements »[réf. souhaitée].
Il est complété par l’article 8 sur « le bon grain et l'ivraie ». Cet article précise en effet que sur cette terre, une partie de l'Église reste composée d'hommes et de femmes que la grâce transforme en « bon grain » de la parabole évangélique (Matthieu 13:25-30).
À l'échelle mondiale, un rapport de 2011 sur les différentes orientations du christianisme évalue la part des luthériens à près de 10 % de l'ensemble des protestants[14].