Lutèce est la forme francisée du nom employé par lesRomainsLutetia ouLutetia Parisiorum pour désigner la ville gallo-romaine connue aujourd'hui sous le nom deParis ainsi que sonoppidum.
Vers310, Lutèce prend le nom de Paris, par abréviation des mots latins « civitas Parisiorum » ou « urbs Parisiorum » du nom du peuple gaulois qui occupe le site depuis leIIIe siècle av. J.-C. : lesParisii.
Les découvertes archéologiques réalisées entre 1994 et 2005 àNanterre ont un temps mis en doute la localisation traditionnelle de la Lutèce gauloise avec la découverte d'un vaste espace d'urbanisation proto-urbain (15 hectares) sur le territoire actuel de Nanterre. MaisJules César dit nettement dans laGuerre des Gaules (BGVII, 57) que« la place des Parisii [était] située dans une île de la Seine ».
Dans saVie de Philippe Auguste,Rigord indique que« la ville avait d'abord été nommée « Lutèce » ou « boueuse » – comprendre une tentative d'explication par le latinlŭtum « boue » – à cause desboues pestilentielles dont elle était remplie, mais les habitants, choqués de ce nom, qui leur rappelait toujours une boue fétide, préférèrent l'appeler Paris du nom dePâris Alexandre, fils dePriam,roi de Troie, car nous lisons dansLa Geste des rois des Francs que le premierroi des Francs qui exerça sur eux la puissance royale futPharamond, fils deMarcomir, dont le père était Priam, roi d'Austrie[Note 1]. Ce Priam, roi d'Austrie n'est pas le grand Priam, roi de Troie, mais il descendait d'Hector, fils de ce prince, parFrancion fils d'Hector »[1]. Cette thèse généalogique est reprise parGrégoire de Tours dans son ouvrageHistoire des Francs, dans laChronique d'Eusèbe de Césarée, celle d'Hydace de Chaves ainsi que par de nombreux autres auteurs[1].
Par l'intermédiaire du narrateur Alcofrybas Nasier,Rabelais donne dansGargantua une étymologie facétieuse qu'il rapproche du grecλευκός /leukós, « brillant, blanc, pâle », et permet une blague grivoise :« Paris, laquelle au paravant on appelloyt Leucece. Comme dict Strabo.lib. 4, c'est-à-dire en grec, Blanchette, pour les blanches cuysses des dames dudict lieu »[2],[3].
La formeLutèce résulte de la francisation deLutetia par l'intermédiaire d'une formeLutecia[6].
Albert Dauzat etCharles Rostaing[7] y voient un radical gauloislut- « marais » (équivalent du latinlŭtum « boue »), suivie d'un suffixe-ecia[7].
Xavier Delamarre cite les racines gauloises sous les formesluto- (lirelŭto-),luteuo- qu'il compare aux termes duceltique insulaire : gaéliqueloth « marais » (de*lūta), bretonloudour « malpropre » (de*lout-)[6]. On retrouve ces mots celtiques dans le nom des villes deLudesse ;Lodève (Luteua) ;Lutitia (Allemagne) ouLutudarum (Derbyshire,Royaume-Uni)[6].
Albert Deshayes reconstruit lui aussi une racine celtique*luk-oto- pour le bretonlogod (vieux bretonlocot, pluriel deloc, galloisllygod,gaéliqueluch)[9],Alexander Macbain précise en outre que le celtique*lukot- est issu de l'indo-européen*pluko- « le gris », sur une base indo-européen*pel- « gris »[10], désigne aussi la souris parmétonymie.
La première mention de la ville de Lutèce est due àJules César, lorsqu'il y réunit l'assemblée des chefs gaulois en-53[11]. Il la place chez les Parisii et la situe sur une île de laSeine[12]. Mais ces écrits ne permettent pas de déterminer s'il s'agit d'un des six ou sept îlots se trouvant à l'emplacement de la futureîle de la Cité ou sur une des boucles de la Seine, près de Nanterre[13]. Les fouilles réalisées en 2003 au lieu-ditles Guignons sur le tracé de l'autoroute A 86, permettent de mettre au jour des vestiges correspondant à ce qui apparaît comme étant la capitale des Parisii[14].
Suivant une politique de la terre brûlée, les Gaulois révoltés en-52 et emmenés parCamulogène, incendièrent la ville et coupèrent les ponts[15], lors de labataille de Lutèce. Une seconde bataille eut lieu à l'emplacement de l'actuelChamp-de-Mars, sur laplaine de Grenelle. Quelques îlots tout proches de ce champ de bataille semblent avoir été choisis par les Romains pour leur emplacement plus protégé qu'une boucle marécageuse de la Seine.
Sur le site du Paris actuel, on trouve des preuves d'une occupation très ancienne. En 1991, des fouilles ont permis de découvrir des barquesnéolithiques au niveau duquai de Bercy[16],[17].
Il est probable que cet oppidum soit situé sous la ville de Nanterre, des fouilles récentes à l'occasion de la construction de l'autoroute A 86 ayant révélé une vaste agglomération gauloise[13],[17]. Celle-ci se trouve dans unméandre très serré de la Seine, au niveau de la boucle deGennevilliers, pouvant donner un aspect trompeur.
Ainsi, le site deNanterre pourrait représenter la capitale préromaine desParisii. Sur15 à20 hectares, s'y trouvent de nombreusesfondations correspondant à des quartiers résidentiels, d'artisanat, un probable lieu de culte avec divers objets tels que des armes, des outils, des parures, de la vaisselle. Les berges sont aménagées, ce qui indique la présence d'un port fluvial[17].
César situait l'oppidum des Parisii dans une île du fleuve (« Id est oppidum Parisiorum, quod positum est in insula fluminis Sequanae. »), mais aucune trace d'occupation avant l'époque romaine n'a été trouvée sur l'île de la Cité[18],[17].
Pour l'archéologueVenceslas Kruta, les découvertes faites dans des endroits commeNemetodunum/Nanterre ne sont cependant pas suffisantes pour remettre en cause le témoignage de César ; il rappelle que le site traditionnel est localisé là où la route nord-sud traverse le fleuve et à un endroit où les ponts pouvaient être deux fois plus courts ; il estime aussi que si une ville nouvelle avait été créée par l'occupant, elle aurait eu un nom nouveau, purement romain, comme d'autres villes de Gaule[19].
En, alors que les peuples du Nord sont entrés en rébellion contreRome, César convoqua à Lutèce une assemblée des représentants des cités gauloises. Mais l'année suivante, les Parisii rejoignent la révolte initiée parVercingétorix. À partir de,Titus Labienus, lieutenant de César, entre en campagne à partir d'Agedincum (Sens) et se heurte au vieux chef gauloisCamulogène dont la stratégie consiste à bloquer les Romains dans les marais où ils peuvent difficilement manœuvrer[20],[21]. Par la suite, après s'être emparé deMelodunum (Melun) et avoir constitué une importante flottille de barques, pour établir un pont de bateaux, Labienus revient combattre Camulogène, dont l'armée est défaite. L'emplacement du champ de bataille reste controversé, il s'agit peut-être :
La Lutèce gallo-romaine va apparaître dès l'époque d'Auguste pour prendre son essor surtout à partir deTibère. Elle fait alors partie de laGaule lyonnaise dont la capitale estLugdunum. La ville est construite sur unplan en damier traditionnel, ordonné autour de deux axes principaux, lecardo maximus (probablementrue Saint-Jacques) et ledecumanus (rue de Lutèce). Elle est implantée à la fois sur l'île de la Cité et sur la rive gauche[21]. La ville va prospérer pendant deux siècles et demi, pendant le Haut Empire.
Mais dès leIIIe siècle, la menace des Barbares,Alamans à l'est etFrancs au nord contraint les Parisiens à se retrancher dans l’île de la Cité qui sera entourée d'un puissant rempart ; la rive gauche n'est pas totalement abandonnée pour autant[17], les survivants s'efforçant après chaque agression de revenir vivre dans leurs maisons ravagées[22]. Lutèce joue un rôle important à la fois comme carrefour fluvial et commercial et aussi dans le système défensif de la Gaule du nord. Des troupes romaines y sont installées et une flottille de guerre s'y abrite. Des chefs militaires vont y séjourner dont le CésarJulien, neveu deConstantin, qui y sera proclamé empereur en 360 par ses légions[17],[23]. Dans un de ses textes,le Misopogon, il mentionne sa« chère Lutèce et ses eaux claires ». Il meurt en 363 lors d'un combat contre les Perses sassanides. Plus tard,ValentinienIer réside à Lutèce pendant une brève période (365-366)[18].
Par ailleurs, la ville s'est peu à peuchristianisée. Progressivement, le nom de Lutèce va être abandonné au profit deCivitas Parisiorum, la ville des Parisii (IVe siècle)[21]. AuVe siècle, le généralÆgidius puis son filsSyagrius essaient de maintenir le pouvoir gallo-romain, mais après la défaite de ce dernier àSoissons en 486, la ville tombe sous la domination deClovis qui en fera sa capitale en 508[17].
Avec la romanisation, la religion des Gaulois évolue vers unsyncrétisme gallo-romain, où se côtoient dieux autochtones et divinités romaines. Le témoignage le plus frappant de ce syncrétisme[21],[24],[17] est représenté par lepilier des Nautes. On y voit, à côté des dieux et déesses du panthéon romain (Jupiter,Mercure,Mars,Fortuna,Castor et Pollux), des divinités gauloises (Ésus,Tarvos trigaranus,Eurises,Smertrios,Cernunnos). Mais l'originalité des dieux autochtones, souvent en rapport avec la nature et les animaux, semblent préservée[25].
Ainsi, l'histoire de Paris est imbriquée dans des faits historiques et dans des mythes liés à la légende chrétienne.Denis de Paris (saint Denis), premier évêque de Paris (250), et ses compagnons,Rustique de Paris etÉleuthère, auraient étémartyrisés àMontmartre. Après avoir été décapitéDenis de Paris se serait mis à marcher, portant sa tête dans ses mains, puis serait tombé dans la campagne et aurait été enterré sur place au niveau de ce qui est devenu labasilique Saint-Denis. Telle est la légende[21],[13],[26].
Enfin, l'histoire de Paris est associée àGeneviève de Paris (sainte Geneviève, qui, face à la menace desHuns, prend part d'une façon active à la résistance et aux affaires publiques. Elle avait, par son père, des relations privilégiées avec les dirigeants de l'Empire romain. Mais le facteur déterminant du sauvetage de Paris sera la victoire du général romainAetius aux champs Catalauniques (451) sur les Huns d'Attila[26]. Sainte Geneviève a sans doute joué également un rôle dans le cheminement de Clovis vers le christianisme[28].
La Lutèce gallo-romaine, qui abritait environ 10 000 habitants, est implantée à la fois sur l’île de la Cité et sur la rive gauche, où les possibilités d'expansion sont plus grandes. La fondation de la ville se fait sur un schéma traditionnel d'un plan en damier (plan hippodaméen) où tout s'ordonne autour de deux axes principaux qui se coupent à angle droit : lecardo maximus (axe nord-sud) ouVia superior, actuellerue Saint-Jacques et ledecumanus (est-ouest)[21].Lescardo etdecumanus forment un plan orthogonal dont la base est un module carré de300 pieds romains soit 88,80 mètres avec, par endroits, des subdivisions en semi-modules de150 pieds et destranversus (diagonales) le principal étant celui de la voie vers l'Italie par Lyon dont le point de départ est à l'angle sud-est duforum (actuellement à l'angle des rues Saint-Jacques etSoufflot) qui franchit laBièvre près de l'actuelleéglise Saint-Médard et se prolonge à l'emplacement de l'actuelleavenue des Gobelins[29].
Mur d'enceinte du forum de Lutèce.
Les voies majeures relient Lutèce aux autres cités gauloises et donc à l'Empire. Elles sont recouvertes de grandes dalles. Si la ville renferme des bâtiments importants, elle n'atteindra jamais une taille considérable, à l'inverse de villes commeLugdunum (Lyon) etAugustodunum (Autun). Selon Goudineau, la romanité se dilue au-delà de laBourgogne[30]. Sur l’île de la Cité, devaient exister un palais du gouverneur (à l'emplacement dupalais de justice) et à l'est un temple ainsi qu'une basilique[21]. Mais les principaux bâtiments se situent sur la rive gauche.
Mais le cœur de la cité se situe sur lamontagne Sainte-Geneviève, au niveau de larue Soufflot, où les vestiges duforum ont été dégagés. Il était implanté en avant de l'actuelPanthéon. Le forum représente le centre politique, religieux, et commercial de la ville gallo-romaine. Il comporte une esplanade entourée de portiques sous lesquels sont installées des boutiques, la basilique où se traitent les affaires judiciaires et au centre le temple dont on ignore à qui il était dédié, peut-être à latriade capitoline (Jupiter,Junon,Minerve)[16],[21]. Il est possible d'imaginer la foule se promenant sous les portiques, assistant au culte ou écoutant les plaidoiries à la basilique.
L'approvisionnement régulier de la ville se fait par unaqueduc, les eaux étant captées dans le bassin deWissous au sud[16].
Comme dans toute ville romaine, des thermes sont édifiés, prouvant ainsi l'adaptation des Gaulois à ce type d'activité. Trois établissements existent. L'un est situé au niveau de l'actuellerue Gay-Lussac. Ceux de l'est, dits duCollège de France, avaient à la fois une fonction hygiénique et thérapeutique et se trouvaient au niveau de larue des Écoles.
Enfin, les plus importants et les mieux conservés sont lesthermes du Nord, dits de Cluny, entre larue des Écoles et leboulevard Saint-Germain. Leur construction date de la fin duIer siècle. Ils comprennent des vestiaires, des palestres, des latrines, une salle froide (frigidarium), une salle tiède (tepidarium), une salle chaude (caldarium), un système de chauffage parhypocauste[16],[21],[23]. Des peintures, des mosaïques ornaient l'intérieur des bâtiments.
Des lieux pour le spectacle sont présents. À l'emplacement dulycée Saint-Louis existait un théâtre de plan semi-circulaire dont il ne reste que quelques pans de mur. Par ailleurs, il est retrouvé en Gaule des monuments de spectacle de formes particulières (édifices dits mixtes)[16],[30], ce sont lesthéâtres avec arène. Il en est ainsi desarènes de Lutèce, situées en dehors de la ville, qui seront mises au jour en 1860. Leur destruction programmée est évitée grâce à l'intervention de nombreuses personnalités dontVictor Hugo. Elles comportent une arène elliptique, un podium et un mur de scène permettant aux spectateurs d'assister soit à des comédies ou des pantomimes, soit à des combats de gladiateurs. Elles furent construites vers la fin duIer siècle.
Du fait de la menace des Barbares, l'aspect de Lutèce va se modifier en se concentrant sur l’île de la Cité sans abandonner totalement la rive gauche. La plus grande partie de la population se retrouve sur l’île avec un remaniement des structures urbaines utilisant des blocs de pierre à partir des alentours, du Forum, des arènes de Lutèce ou des nécropoles. Il est réalisé à partir duIIIe siècle un important rempart protecteur[16]. Sur le plan des techniques d'architecture, l'utilisation la plus courante est celle du calcaire dit parisien, trouvé sur le site même de la ville et aux alentours. Les blocs de grande dimension servent pour les soubassements, les petits moellons, parfois associés à des lits de brique sont utilisés pour les murs. Le mode de couverture est le plus souvent la tuile.
À la périphérie de Lutèce, au-delà dupomerium se situent les cimetières. Deux grandes nécropoles ont été mises au jour : au sud-est, la nécropole Saint Marcel-Gobelins et au sud la nécropole dufaubourg Saint-Jacques[16],[21]. En dehors de la cité, comme dans la plupart des villes romaines, devait exister une ligne de sanctuaires et de bois sacrés. Sur la butte Montmartre, l'hypothèse d'un ou deux temples a été soulevée sans pouvoir préciser avec certitude l'attribution à Mars ou Mercure en l'absence d'inscription. La probabilité d'un temple dédié àMercure se base sur le fait que le lieu se soit longtemps appeléMons Mercurii jusqu'assez loin dans le hautMoyen Âge[21]. Quatre colonnes en marbre noir de l'un de ces temples ont été réutilisées dans l'actuelleéglise Saint-Pierre de Montmartre. À quatre kilomètres au sud-ouest de Lutèce, au niveau du site deVanves, ont été mis en évidence des thermes, un bâtiment luxueux pouvant correspondre à un sanctuaire périurbain[31].
L'urbanisation de l'époque moderne a occulté peu à peu le passé de la ville antique. Les grands travaux commencés au moment dusecond Empire sous la responsabilité duBaron Haussmann permirent de nombreuses découvertes archéologiques. Il est probable que de futurs chantiers puissent révéler d'autres antiquités. Ainsi, récemment, à l'occasion de travaux de l'A86 et de l'A14, le probable oppidum des Parisii a été mis en évidence à Nanterre, alors que la tradition le situait sur l'île de la Cité[17].
Plan d'une partie de la nécropole Saint-Marcel,BHVP.
Dès 1844,Théodore Vacquer, considéré comme le père de l'archéologie parisienne, explore tous les chantiers de la capitale. Malheureusement les notes qu'il a pu consigner sont difficiles à utiliser. En 1912, un historien,Félix de Pachtère, publieParis à l'époque gallo-romaine à partir d'écrits et de sources archéologiques. En 1897, laCommission du Vieux Paris (CVP) est créée avec pour vocation de surveiller toute fouille entreprise.Actuellement[Quand ?], lemusée Carnavalet conserve et présente les vestiges du Paris antique[16],[21]. Les textes anciens, en particulierLa Guerre des Gaules, l'archéologie s'appuyant sur les monuments qui demeurent, comme les thermes de Cluny ou les arènes de Lutèce, et les fouilles, permettent une reconstitution. Certains éléments sont encore manquants. Pour reprendre une phrase de Pierre Grimal,« l'archéologie est une science des lacunes »[32].
L'habitat peut se rapprocher, pour les familles aisées, de lavilla romaine classique :domus revêtant un caractère sacré, renfermant l'autel familial, comportant une cour centrale, l'atrium à ciel ouvert avec un bassin central, l'impluvium recueillant les eaux de pluie. Dans cette cour s'ouvraient les différentes pièces d'habitation et de service qui étaient ornées de peintures murales et de mosaïques[32]. Mais le centre-ville était surtout composé d'insulae, îlots d'habitations à étage où coexistenttorchis et pierre, recouverts de tuiles ou de chaume, donnant sur des cours communes. Ils permettaient de tenir compte de la surface disponible avec occupation maximum d'un terrain qui, en ville, est rare. En périphérie, pour les habitants privilégiés, sont bâties quelquesvillae, bâtisses beaucoup plus grandes comportant des jardins et des vignes[21].
Si les notables se rapprochent de la mode romaine dans leur habillement (tuniques, sandales,toges), l'ensemble de la population continue à porter les vêtements traditionnels (braies de leurs ancêtres ou manteau à capuchon, lecucullus)[25],[21]. L'alimentation est basée sur les céréales, les fruits et les légumes sans exclure la viande fournie par le bétail et les poissons péchés dans la Seine ou la Bièvre. Les fouilles ont mis également en évidence la consommation d'huîtres et de crustacés. La boisson, outre l'eau, consiste en vin et en cervoise.
Sur le plan économique, la Seine joue un rôle important par l'intermédiaire d'un trafic concernant les produits manufacturés, les biens de consommation, les matériaux de construction.
Cette activité est sous le contrôle de l'importante corporation desNautes qui emploie de nombreuxbateliers. Ses dirigeants ont un rôle considérable dans la vie de la cité, assurant en partie l'administration.
La nef représentée sur les armoiries de la capitale évoque à la fois la forme générale de l'île et l'activité économique la plus anciennement connue de ses habitants. Le fameuxpilier des Nautes découvert sousNotre-Dame est dédié àJupiter etTibère[25],[21],[13].
L'artisanat des Gaulois a bénéficié des apports de la technologie gréco-latine. La découverte de plusieurs fours à potier sur la rive gauche, situés en périphérie des zones résidentielles, témoigne de cet apport (assiettes, vases, gobelets,amphores, bouteilles en verre soufflé). La métallurgie est surtout représentée par le bronze (statuettes, ustensiles de cuisine,fibules). Des bijoux sont également retrouvés, complétant les aspects de la vie quotidienne des Parisiennes[25],[21].
Les arènes de Lutèce construites auIer siècle étaient en fait unamphithéâtre romain. Il s'agissait d'un complexe hybride : de type amphithéâtre (en demi-cercle, appelé aussicavea) avec une scène frontale de40 mètres de long, il disposait néanmoins d'une arèneelliptique de52 mètres de long sur46 mètres de large, destinée aux combats degladiateurs.
Lutèce était également dotée d'un théâtre. On a mis au jour des murs courbes en1861 sous le lycée Saint-Louis. Selon les reconstitutions, ce bâtiment mesurait72 mètres sur au moins 47. La scène mesurait40 mètres.
Si l'aqueduc qui alimentait la ville ne fut jamais complètement oublié, à cause des ruines d'Arcueil et des découvertes périodiques à l'occasion de travaux dans Paris, ce n'est qu'à partir de la deuxième moitié duXIXe siècle et des importantes recherches d'Eugène Belgrand que l'on s'attacha à en retrouver le tracé.
Une des découvertes récentes les plus marquantes a eu lieu à Paris en 1996, lorsque le réaménagement du secteur où se trouvaient les anciens ateliers du chemin de fer deSceaux, entre larue d'Alésia et l'avenue Reille, conduisit à la mise au jour d'une section importante de l'aqueduc de Lutèce. Une partie a été conservée, et certaines des rues créées perpétuent la mémoire de cette époque (rue de l'Empereur-Julien,rue de l'Empereur-Valentinien).
À Arcueil etCachan, il passait du coteau est au coteau ouest de la vallée de la Bièvre à l'aide d'un pont-aqueduc. Il n'en reste aujourd'hui qu'une arche écroulée et quelques piles encastrées dans un mur, dans la propriété appelée depuis le Moyen Âge leFief des Arcs. Les arches du pont sont bien sûr à l'origine de ce nom, comme de celui du village lui-même. Le pont était long de 300 mètres environ, haut de 18 mètres et ne comportait qu'un étage, dimensions relativement modestes dans le catalogue des réalisations romaines de ce type[34].
Lutèce ne disposait pas de cirque (hippodrome dédié aux courses de chars). Les fouilles archéologiques sont claires à ce sujet. En revanche, quelques sources littéraires (Grégoire de Tours, notamment) laissent à penser qu'il pouvait y avoir des installations provisoires afin de permettre la tenue de courses de chars.
AuBas-Empire romain, un bâtiment, que l'on appellele Palais, occupait l'extrémité occidentale de l'île de la Cité. Situé à l'emplacement de l'actuelPalais de Justice de Paris, il occupait une superficie de près d'un hectare. Sa fonction n'est pas bien connue : peut-être une résidence de l'empereur lorsqu'il séjournait à Lutèce, peut-être un arsenal ou un entrepôt.
Mai52av. J.-C. :bataille de Lutèce. Victoire deLabienus, lieutenant deJules César, sur lesAulerques, lesSénons et lesParisii. Les Gaulois préfèrent détruire les ponts et incendier eux-mêmes leur cité plutôt que d’y laisser entrer les Romains. L’incendie de la Lutèce gauloise permettra aux Romains de doter la ville d’une structure romaine rapidement, d’autant qu’avec sept collines et un fleuve, le parallèle avecRome est facile.
Entre100 et200 : construction à Lutèce de troisthermes alimentés par unaqueduc de seize kilomètres longeant laBièvre, d’un amphithéâtre de 17 000 places et d’un théâtre de 3 000 places, notamment.
Vers250 : martyre du premier évêque de Lutèce,saint Denis. Ce dernier fut l’un des sept évêques envoyés enGaule pour l’évangéliser. Il aurait été décapité sur la colline deMontmartre (dont le nom signifie mont desmartyrs). La légende veut qu'il ait ensuite ramassé sa tête, et marché jusqu'au lieu de sa sépulture.
275 ou276 : probable saccage par des envahisseurs germains (Francs etAlamans) de la rive gauche de la cité.
291-292 : hiver particulièrement glacial. La Seine gèle ; c'est la première mention de ce type qui soit parvenue jusqu'à nous.
Matthieu Poux, Sylvie Robin, « Les origines de Lutèce. Acquis chronologiques. Nouveaux indices d'une présence militaire à Paris, rive gauche »,Gallia,t. 57,,p. 181-225(lire en ligne).
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