Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) est unesonde spatiale de typeorbiteur de laNASA lancée en 2009 dont l'objectif est d'étudier laLune depuis son orbite. LRO fait partie duprogramme Lunar Precursor Robotic dont l'objectif est d'effectuer des reconnaissances approfondies de notre satellite notamment pour préparer les missions habitées duprogramme Constellation d'exploration lunaire annulé le par le président Obama.
Lorsque le projet de la sonde LRO est mis au point, la NASA prévoit d'envoyer desastronautes sur la Lune vers 2020 dans le cadre de sonprogramme Constellation : celui-ci constitue la concrétisation de la stratégie spatiale américaine à long terme définie par le présidentGeorge W. Bush en, énoncé dans le documentVision for Space Exploration. Le programme Constellation a pour objectif l’envoi d’astronautes sur la Lune vers 2020 pour des missions de longue durée (7 jours au lieu de 3 pour leprogramme Apollo). On envisage des sites d'atterrissage dans les régions polaires éclairées pratiquement en permanence pour bénéficier à la fois d'un ensoleillement plus important, donc de nuits plus courtes et de températures moins extrêmes. Il est également envisagé dans une perspective plus lointaine d'exploiter les dépôts de glace d'eau qui existent peut-être sous ces latitudes dans les zones en permanence à l'ombre.
LRO constitue avec son compagnon LCROSS la première mission préparatoire de ce projet. Ces deux engins spatiaux font partie duprogramme Lunar Precursor Robotic qui regroupe plusieurs missions desondes spatiales qui doivent être lancées vers la Lune pour préparer les futurs vols habités. En 2010, le programme Constellation est annulé pour des raisons financières.
Explorer les régions polaires de la Lune en recherchant d'éventuels dépôts de glace d'eau et les zones éclairées en permanence.
Réaliser unecartographie à haute résolution notamment pour faciliter la recherche de futurs sites d'atterrissage en fournissant leurs caractéristiques.
Du point de vue LRO (orbite en violet), la Terre et le Soleil se présentent sous un angle qui revient tous les mois pour la première et tous les ans pour le second (β). Cette situation génère des périodes de visibilité continue de la Terre et du Soleil présentées sur ce schéma.
Lafenêtre de lancement est choisie de manière que le plan orbital de la sonde autour de la Lune qui en résulte coïncide avec l'azimut du Soleil au moment des solstices lunaires. En effet, l'un des objectifs de LRO est d'identifier les zones polaires situées en permanence à l'ombre ou au contraire éclairées en permanence. Lorsque le plan orbital coïncide avec l'orientation du Soleil durant les solstices lunaires, la sonde peut déterminer les conditions les plus extrêmes d'ensoleillement rencontrées par les régions polaires[3].
À l'issue de la phase de recette de 60 jours, la sonde entame les opérations de recueil des données scientifiques. Il est prévu que l'ensemble des objectifs soient atteints environ un an après la date de lancement. Chaque jour la sonde transmet environ 460gigaoctets de données (90 % sont générées par les caméras enlumière visible). Celles-ci sont transmises enbande Ka avec un débit de 100 millions de bits par seconde à la seulestation de réception terrestre de White Sands qui est en visibilité depuis LRO de 2 à 6 fois par jour durant 45 minutes[6].
Du fait des mouvements relatifs de la Terre, du Soleil et de la Lune, la Terre est visible de la sonde de manière continue durant deux jours deux fois par mois et le Soleil de manière continue durant un mois deux fois par an. Au moment des solstices lunaires (deux fois par an), la sonde effectue un mouvement de rotation de 180° pour pouvoir présenter la face efficace de sonpanneau solaire au Soleil. Sur son orbite, la sonde alterne période éclairée et période à l'ombre, chacune d'une durée de 56 minutes en moyenne. Toutefois, sur la durée de sa mission, la sonde connaît plusieurs périodes d'éclipse totale ou partielle de plusieurs heures liées à l'interposition de la Terre entre la Lune et le Soleil. La plus sévère se situe le (éclipse totale de1 h 41 min et partielle de3 h 40 min) durant laquelle les accumulateurs doivent subir une décharge de 90 %[7]. Du fait duchamp de gravité irrégulier de la Lune, l'excentricité de l'orbite est progressivement modifiée et au bout de 60 jours la sonde risque de heurter la surface de la Lune. LRO consacre la première année un Delta-v de150m/s pour maintenir son orbite[8]. Les corrections d'orbite sont effectuées une fois toutes les quatre semaines tandis que ladésaturation desroues de réaction est réalisée toutes les deux semaines[6].
La sonde dispose de 4moteurs-fusées de 80newtons depoussée utilisés pour les manœuvres d'insertion en orbite et baptisés en conséquence IT (insertion thrusters). Ces propulseurs se présentent en deux groupes de 2. Un seul des deux groupes est suffisant pour permettre la manœuvre exigeant le plus de poussée durant l'insertion en orbite. Par ailleurs, 8 moteurs-fusées de 20 newtons de poussée sont utilisés pour les corrections fines d'orbite ainsi que pour lecontrôle d'attitude. Ils sont de ce fait baptisés AT (attitude thrusters). La sonde est stabilisée sur 3 axes, c'est-à-dire que son orientation est fixe dans un référentiel stellaire. Lecontrôle d'attitude est réalisé à l'aide de deuxviseurs d'étoiles, d'unecentrale à inertie et de 4roues de réaction. En cas de perte de contrôle, dixcapteurs solaires prennent le relais en « mode de survie » pour fournir une orientation de référence approchée[11].
Schéma de la sonde : A : Antenne grand gain ; B : Viseur d'étoiles ; C Panneaux solaires ; D Radiateur ; E : propulseurs ; 1 : Détecteur de rayons cosmiques CRaTER ; 2 : Caméra à objectif grand angle LROC ; 3 : Spectromètre imageur ultraviolet LAMP ; 4 : Altimètre laser LOLA ; 5 : Caméra à téléobjectif LROC ; 6 : Détecteur neutrons LEND ; 7 : Radiomètre infrarouge DLRE ; 8 : radar Mini-RF.
La sonde emporte six instruments scientifiques et un démonstrateur technologique[12] :
CRaTER (Cosmic Ray Telescope for the Effects of Radiation), le but principal de l'instrument CRaTER est de mesurer l'intensité durayonnement ionisant d'origine cosmique et ses impacts biologiques. Il s'agit plus particulièrement de mesurer les particules chargées ayant une énergie supérieure à 10 MeV. CRaTER est constitué d'untélescope recueillant lesions et lesélectrons et dans une moindre mesure lesneutrons, de trois paires de détecteurs ensilicium - l'un épais l'autre mince - chargés de mesurer l'énergie des particules et de couches de plastiques reproduisant les caractéristiques de tissus humains mous (tissue-equivalent plastic ou TEP). Les détecteurs permettent de mesurer l'énergie dissipée lorsque les particules chargées les traversent (l'énergie perdue mesurée est comprise entre 0,1 keV/μm et 2,2 MeV/μm)[13]. Le TEP permet de mesurer comment le tissu humain réagit aux radiations, une information importante pour les futures missions habitées qui doivent s'aventurer loin de la Terre[14].
DLRE (Diviner Lunar Radiometer Experiment), ceradiomètreinfrarouge doit permettre de mesurer les températures à la surface de la Lune. Les astronautes participant à des missions longues sur le sol lunaire doivent notamment survivre à la nuit lunaire alors que toutes les missions duprogramme Apollo se sont déroulées de jour et à unelatitude favorable car proche de l'équateur. Un objectif important assigné à cet instrument est de mesurer la température des zones en permanence à l'ombre pour déterminer dans quelle mesure celles-ci peuvent stocker de l'eau[15].
LAMP (Lyman Alpha Mapping Project), cespectromètre utilise le rayonnementultraviolet lointain (1 200-1 800Angström) en provenance desétoiles pour cartographier d'éventuels dépôts de glace d'eau qui sont situés dans les cratères en permanence à l'ombre des régions polaires de la Lune. Un autre objectif est de déterminer lacomposition minéralogique de la surface de la Lune ainsi que celle de l'atmosphère ténue qui l'entoure. Enfin, la sonde doit valider la technique de la Vision Assistée Lyman-Alpha (Lyman-Alpha Vision Assistance ou LAVA) qui a recours à la lumière des étoiles et au rayonnement ultraviolet émanant du ciel pour voir dans les zones non éclairées. Cette technique peut être par la suite appliquée auxastromobiles et auxastronautes permettant d'économiser l'énergie consommée par l'éclairage. LAMP est basé sur l'instrument ALICE UV installé à bord de la sondeNew Horizons en route versPluton[16] ;
Spectromètre ultraviolet LAMP.
Détecteur de rayons cosmiques CRaTER.
Radiomètre intrarouge DLRE.
LEND (Lunar Exploration Neutron Detector), ce détecteur deneutrons permet de mesurer desflux neutronique ayant une énergie allant jusqu'à 15 MeV. Il doit permettre de cartographier la distribution de l'hydrogène présent en surface et à moins de 1 mètre de profondeur en mesurant latempérature neutronique (énergie du neutron comprise entre 0,4eV et100eV) avec unpouvoir de résolution de 10 km. LEND doit être capable de détecter d'éventuels dépôts deglace d'eau enfouis dans les régions polaires près de la surface. L'eau constitue une ressource critique pour les projets de séjour d'astronautes de longue durée. LEND doit également fournir des informations sur l'intensité durayonnement ionisant prenant sa source dans les neutrons énergétiques. LEND est un instrument proche deHEND embarqué depuis 2001 sur l'orbiteur martien2001 Mars Odyssey. Il comprend toutefois uncollimateur passif qui lui permet d'obtenir un pouvoir de résolution remarquable[17] ;
LOLA (Lunar Orbiter Laser Altimeter), l'altimètrelaser LOLA doit permettre de définir un modèle topographique et unsystème géodésique lunaire précis. L'objectif, à l'époque de la conception de la sonde, est de permettre d'identifier des sites d'atterrissage des futures missions lunaires garantissant un risque limité et de pouvoir préparer les explorations à mener à partir du point d'atterrissage. LOLA doit également contribuer à mettre en évidence les zones en permanence à l'ombre dans les régions polaires. LOLA comprend un laser émettant sur la longueur d'onde 1,064 nm qui envoie simultanément 5 impulsions lumineuses en éventail 28 fois par seconde. LOLA mesure le temps de vol de l'impulsion, l'étalement de l'impulsion lumineuse (qui dépend de la rugosité du sol) et l'énergie retournée (laréflectance). LOLA peut ainsi déterminer à la fois l'altitude, la rugosité et la pente à la fois dans l'axe de progression de la sonde sur son orbite et par le travers de celle-ci. LOLA est une évolution des instrumentsMercury Laser Altimeter (MLA) embarqué à bord de l'orbiteur martienMessenger etMars Orbiter Laser Altimeter (MOLA) embarqué à bord deMars Global Surveyor. Sa précision verticale est toutefois 3,5 fois meilleure que celle de MOLA et la fréquence de mesure est 32 fois plus importante[18].
Lancement de LRO et LCROSS le par un lanceur Atlas V.
La validation préliminaire de la conception (Preliminary design review - PDR) de la sonde développée par leGoddard Space Flight Center est réalisée en février2006 et la conception définitive (Critical Design Review - CDR) est validée en[20]. La sonde est lancée le à 21 h 32TU par un lanceurAtlas V depuis labase de lancement de Cap Canaveral. En, la mission initiale s'achève. La NASA décide de la prolonger en conservant la même orbite[21]. En, l'équipe chargée de la mission désactive le radar Mini-RF, qui a rempli ses objectifs en effectuant plus de 400 relevés mais à la suite d'une défaillance ne produit plus de résultats exploitables[22].
La sonde renvoie ses premières images haute résolution de la surface lunaire le[23]. Ces clichés très prometteurs couvrent une région située à l'est ducratère d'impact Hell E, au sud de lamer des Nuées. En, les données thermiques recueillies par le DLRE (Diviner Lunar Radiometer Experiment), viennent confirmer la présence de zones extrêmement froides situées en permanence à l'ombre au pôle sud de la Lune. Des températures allant jusqu'à- 248 °C sont mesurées par l'instrument. Il s'agit de l'une des températures les plus basses enregistrées jusque-là dans leSystème solaire, inférieure à celle de la surface dePluton[24]. Les instruments optiques de LRO fournissent des images détaillées des sites des missions lunaires duprogramme Apollo et les déplacements des astronautes à la surface de la Lune sont repérés sur les photos prises. Ces informations permettent, entre autres, de fournir le contexte géologique des échantillons de sol lunaire ramenés sur Terre[25]. LRO parvient également à localiser et photographier la sonde soviétiqueLunokhod 1 dont lerétroréflecteur laser se révèle parfaitement fonctionnel lors d'un test effectué depuis les États-Unis[26]. LRO joue un rôle vital dans la mission jumelleLCROSS en fournissant à l'aide de ses instruments la topographie de la région dans laquelle LCROSS doit s'écraser pour remplir ses objectifs, c'est-à-dire les régions susceptibles d'abriter de l'eau compte tenu de leur température et de l'abondance en hydrogène[27]. Lespectrographeultraviolet lointain LAMP (Lyman Alpha Mapping Project) embarqué à bord de l'orbiteur lunaire semble indiquer la présence de 1 à 2% de glace d'eau en surface au fond des cratères d'impact alors que les scientifiques s'attendaient à ce que celle-ci, du fait du bombardement duvent solaire, ne se conserve que sous la surface. Par ailleurs la porosité du sol atteint 70% contre 40% dans les régions éclairées[28].
Photo du pôle nord réalisée à partir de 983 photos de LROC prises lorsque le pôle bénéficie de l'exposition la plus favorable au Soleil. Elle doit permettre d'identifier les zones en permanence à l'ombre.
Site d'alunissage d'Apollo 17, photographié par la sonde LRO le, d'une altitude de 50 km.
Image du site d'alunissage d'Apollo 11 prise par la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter le.
LRO permet de dresser trois cartes topographiques dont le niveau de détail est sans commune mesure avec les cartes existantes. Ces trois cartes définissent les contours des reliefs de la Lune, les pentes et enfin la rugosité de la surface. Les parties relatives à laface cachée de la Lune, méconnue, mettent clairement en évidence que notre satellite a subi un bombardement particulièrement violent reflété par la présence du cratèrebassin Pôle Sud-Aitken qui constitue le plus grandcratère d'impact connu du Système solaire[29]. Les images prises par LRO d'escarpements relativement récents déjà observés à l'époque du programme Apollo semblent confirmer que la Lune continue à se contracter du fait du refroidissement de son cœur[30]. Le relevé topographique détaillé et systématique de la surface de la Lune effectué pour la première fois grâce à l'instrument LOLA met en évidence que la taille des astéroïdes qui ont frappé par le passé les planètes du Système solaire diminue de manière significative il y a environ 3,8 milliards d'années. Le radiomètre Diviner détecte par ailleurs unegéologie beaucoup plus diversifiée que ce qui est connu avec des compositions de roches ne se limitant pas à l'opposition mers lunaires / hauts plateaux. Ces découvertes ouvrent la voie à une genèse géologique de la surface de la Lune beaucoup plus complexe que celle envisagée jusque-là[31].
Les trois cartes topographiques de la Lune dressées à l'aide de l'altimètre LOLA.
↑CRaTER: The Cosmic Ray Telescope for the Effects of Radiation Experiment on the Lunar Reconnaissance Orbiter Mission, H.E. Spence · A.W. Case · M.J. Golightly · T. Heine · B.A. Larsen · J.B. Blake P. Caranza ·W.R. Crain · J. George · M. Lalic · A. Lin · M.D. Looper · J.E. Mazur D. Salvaggio · J.C. Kasper · T.J. Stubbs · M. Doucette · P. Ford · R. Foster · R. Goeke ·D. Gordon · B. Klatt · J. O’Connor · M. Smith · T. Onsager · C. Zeitlin·L.W. Townsend · Y. Charara
La première date est celle du lancement du lancement (du premier lancement s'il y a plusieurs exemplaires). Lorsqu'elle existe la deuxième date indique la date de lancement du dernier exemplaire. Si d'autres exemplaires doivent lancés la deuxième date est remplacée par un -. Pour les engins spatiaux autres que les lanceurs les dates de fin de mission ne sont jamais fournies.