La sensibilité de l'œil selon lalongueur d'onde du rayonnement électromagnétique diminue progressivement de part et d'autre d'un maximum entre 495 et 555 nanomètres (nm) selon ledomaine de vision et les conditions de la mesure. On ne peut donner de limites exactes au domaine des rayonnements visibles. LaCommission internationale de l'éclairage définit la vision de l’observateur de référence jusqu'à une valeur 50 000 fois plus faible que le maximum, pour une longueur d'onde dans levide de 380 à 780 nm.
La théorie de Newton est immédiatement adoptée par le public, mais des savants influents, commedu Fay[7], doutent. Ils relèvent que Newton présente comme unfait ce qui en réalité n'est qu'unehypothèse plausible, son expérience ne suffisant pas à prouver que le prisme ne crée pas des rayons lumineux colorés, différents par nature de la lumière blanche[8].Voltaire défend la théorie de Newton avec une interprétation particulière qui transforme le spectre continu en sept rayons principaux[9],[10]. Le jésuiteCastel s'oppose avec détermination à ce qu'il considère comme un phénomène de mode[11]. Quelles sont, dit-il, cessept couleurs que le savant anglais discerne, par rapport auxtrois qui, comme les peintres et les teinturiers le savent depuis fort longtemps, suffisent pour en reconstituer une infinité[12] ?
Après plus d'un siècle, des intellectuels et philosophes commeGoethe[13] suivi parSchopenhauer[14] contestent toujours les constructions de la physique. Pour eux, les couleurs prismatiques sont un « spectre », une illusion. L'explication par des causes physiologiques, avec la théorie deYoung etHelmholtz, de la synthèse trichrome des couleurs, résoudra l'apparente contradiction entre les pratiques des coloristes et les expériences des physiciens.
James Clerk Maxwell montre en 1864 que la lumière est une perturbation électromagnétique. Le modèle de description des phénomènes périodiques lui est applicable. Des formules qui servaient à l'acoustique décrivent les vibrations électromagnétiques ; elles ressortent de l'analyse fréquentielle issue de l'analyse harmonique développée depuisJoseph Fourier pour toutphénomène périodique. La lumière n'est plus qu'un cas particulier d'onde électromagnétique. La physique adopte le termespectre, au sens de« description d'un signal par les fréquences ou les longueurs d'onde (voire les énergies) qui le composent[15] », qu'on obtient à partir de la description temporelle par latransformation de Fourier. Il faut dès lors préciserspectre visible quand on parle de celui de la lumière[16].
Après la séparation des recherches optiques et de celles sur la perception, les arts de la couleur et lacolorimétrie adoptent une série de caractérisations de la couleur qui leur est propre.
Le spectre visible dans le spectre électromagnétique
Situation du visible dans le spectre électromagnétique.
Du point de vue de laphysique, la lumière est unrayonnement électromagnétique. Elle occupe une très petite fraction du spectre de l'ensemble de ces rayonnements ; le rapport de la plus grande longueur d'onde visible à la plus courte est d'environ 2, tandis que les extrêmes du spectre électromagnétique sont dans un rapport 1015.
Cette infime région du spectre électromagnétique représente la plus grande partie de lafenêtre optique, expression qui désigne une gamme de longueurs d'onde que l'atmosphère terrestre transmet bien. Elle recoupe celle où l'éclairement énergétique solaire est maximal à la surface de la Terre[17]. Cette fraction du spectre solaire joue un rôle important pour le développement de la vie ; des longueurs d'onde plus courtes endommageraient la structure des molécules organiques, tandis que l'eau, constituant abondant du vivant, absorbe celles plus longues[18]. Le spectre visible correspond à des énergies photoniques proches de2eV, parmi les plus faibles de celles qui peuvent provoquer des réactions chimiques. La partie la plus énergétique se prolonge dans lesultraviolets, tandis que de la partie la moins énergétique se prolonge dans lesinfrarouges, invisibles mais qui transportent une énergie transformée en chaleur lorsqu'elle est absorbée.
On a coutume, enoptique, de caractériser les rayonnements monochromatiques par leur longueur d'onde dans levide ; cette grandeur est pratique dans plusieurs applications. Lavitesse de la lumière dans un matériau est inférieure à celle dans levide. Le rapport de ces vitesses est l'indice de réfraction du matériau. Lorsqu'un rayon lumineux passe obliquement la limite entre deux matériaux d'indices de réfraction différent, il subit une déviation qui dépend du rapport de ces indices. Dans les matièresdispersives, la vitesse de propagation du rayonnement, et donc l'indice de réfraction, dépendent de lafréquence ou énergiephotonique. La déviation, au passage dans un tel milieu, dépend de cette différence de vitesse. Les composantes d'une lumière qui contient un mélange de fréquences se trouvent ainsi étalées. L'eau est une de ces matières, et le passage de la lumière solaire dans des gouttelettes d'eau en suspension dans l'air produit unarc en ciel. Lesverres optiques sont plus ou moins dispersifs. On peut les utiliser pour décomposer la lumière blanche avec unprisme : c'est l'expérience de Newton à l'origine du termespectre. Unréseau de diffraction permet aussi, par l'effet des interférences, la dispersion des rayons lumineux selon la fréquence. C'est le principal procédé aujourd'hui pour l'analyse du spectre.
En optique, on décrit généralement le spectre en fonction de lalongueur d'onde du rayonnement dans le vide. En passant dans un milieu quelconque, la vitesse de la lumière décroît, tandis que lafréquence et l'énergie photonique qui lui est équivalente restent identiques. La longueur d'onde varie donc d'un milieu à l'autre selon laréfringence. Il serait plus rigoureux de définir le rayonnement en fonction de l'énergie photonique, mais pour des raisons historiques et surtout pratiques, on parle de longueur d'onde, en sous-entendantdans le vide.
La sensibilité de l'œil diminue progressivement selon la longueur d'onde, et varie selon les individus, de sorte qu'on peut donner plusieurs limites au spectre visible. LaCommission internationale de l'éclairage définit la vision de l’observateur de référence entre une longueur d'onde dans le vide à partir de 380 nanomètres (nm), perçue comme unviolet extrêmement sombre, et jusqu'à 780 nm, correspondant à unrouge également à peine perceptible[19].
L'étude scientifique des objets fondée sur l'analyse de la lumière qu'ils émettent est nomméespectroscopie. Enastronomie, c'est un moyen essentiel de l'analyse d'objets distants. Laspectroscopie astronomique utilise des instruments à forte dispersion pour observer le spectre à de très hautesrésolutions.
En spectroscopie, la limite du visible a souvent peu d'importance, et l'analyse déborde largement sur les infrarouges et les ultraviolets. On caractérise parfois le rayonnement par une variante dunombre d'onde, l'inverse de la longueur d'onde dans le vide. Dans cette échelle, la partie visible du spectre s'étend à peu près, du rouge au bleu-violet, de 1 500 à 2 300 cm−1.
Fraunhofer repéra le premier l'existence deraies obscures dans la lumière du Soleil décomposée par le prisme. Les raies attestent de l'émission ou de l'absorption de la lumière par deséléments chimiques. Leur position dans le spectre renseigne sur la nature des éléments chimiques présents ; l'effet Doppler affecte légèrement cette position, d'où on déduit lavitesse radiale des astres. L'analyse du spectre des étoiles a atteint une si grande résolution que des variations de leur vélocité radiale de quelques mètres par seconde ont pu être détectées, ce qui a fait conclure à l'existence d'exoplanètes, révélée par leur influence gravitationnelle sur les étoiles analysées.
Lavision humaine distingue les couleurs en domaine photopique (diurne), c'est-à-dire avec uneluminance de 3 à 5 000 cd/m2[22]. Comparant l'effet de rayonnements monochromatiques de mêmeluminance énergétique, la perception est maximale pour un rayonnement de longueur d'onde voisine de 555 nm, ce qui correspond à unvert-jaunâtre. Ce rayonnement, proche du maximum énergétique durayonnement solaire, correspond à la plus grande sensibilité visuelle.
Chaque « couleur spectrale » correspond à une longueur d’onde précise ; cependant, le spectre des lumières présentes dans la nature comprend en général l'ensemble des rayonnements, en proportion variables. La spectrométrie étudie les procédés de décomposition, d’observation et de mesure des radiations en étroites bandes de fréquence.
Spectromètre courant :
Unspectromètre du spectre visible (et longueurs d'onde voisines) est devenu un instrument assez courant, analysant la lumière par bandes de longueur d'onde de 5 à 10 nm.
Un tel appareil, capable de donner cent niveaux différents pour chacune de ses quarante bandes, peut représenter 10040 spectres différents.
Dans certaines régions du spectre, un humain normal peut distinguer des ondes de longueur d'onde différant de moins de 1 nm, et plus d'une centaine de niveaux de luminosité[23]. Pourtant, la description d'une couleur n'a pas besoin d'autant de données que pourrait laisser croire la spectroscopie. Les humains n'ont en vision diurne que trois types de récepteurs, et il suffit de trois nombres pour décrire une couleur perçue. De nombreuses lumières mélangées de plusieurs radiations de longueurs d'onde différentes, ditesmétamères, se perçoivent identiquement. Les lumières monochromatiques n'ont pas de métamère, sauf à utiliser un mélange de deux rayonnements proches pour donner à percevoir un intermédiaire entre eux.
Lacolorimétrie décrit la couleur perçue ; mais la spectrométrie a une grande utilité lorsqu'il s'agit de couleurs de surface. Une surface colorée renvoie une partie du spectre de l'illuminant qui l'éclaire, absorbant le reste. Changer l'illuminant, c'est changer la lumière émise par la surface. Deux surfaces peuvent apparaître identiques sous un illuminant, mais, leurréflectance spectrale étant différente, ne plus être métamères sous un autre. Pour résoudre les problèmes que cela peut susciter, sans avoir à expérimenter avec tous les illuminants possibles, il faut étudier leur spectre.
On utilise parfois par extension le termelumière pour désigner les rayonnementsultraviolets (UV), comme dans l'expression « lumière noire », ouinfrarouges (IR), bien que ces rayonnements ne soient pas visibles[24].
Longueurs d'onde approximatives des couleurs spectrales
Bien que le spectre soit continu et qu'il n’y ait pas de frontière claire entre une couleur et la suivante, la table suivante donne les valeurs limites des principauxchamps chromatiques, avec les noms et limites de longueur d'onde dans le vide indiqués par la norme française AFNOR X080-10 « Classification méthodique générale des couleurs »[25].
↑« The Original or primary colours are,Red,Yellow,Green,Blew, and aViolet-purple, together with Orange, Indico, and an indefinite variety of Intermediate gradations » (op. cit.,p. 3082)
↑Louis-BertrandCastel,L'optique des couleurs : fondée sur les simples observations & tournée sur-tout à la pratique de la peinture, de la teinture & des autres arts coloristes, Paris, Briasson,(lire en ligne), introduction et chapitre 1.
↑Voir par exempleJacob ChristophLe Blon,Coloritto : L'Harmonie du coloris dans la peinture; reduite en pratique mecanique et à des regles sures & faciles : avec des figures en couleur, pour en faciliter l'intelligence, non seulement aux peintres, mais à tous ceux qui aiment la peinture., Londres, sans nom d'éditeur,(lire en ligne).