Ouvriermétallurgiste de profession, il participe en 1980 à la fondation du Parti des travailleurs, mouvement d'inspirationsocialiste, dans un contexte de grèves et d'opposition à ladictature militaire. Au cours de la décennie, le PT devient une formation de premier plan de la vie politique brésilienne. En 1989, après la fin de la dictature, Lula s'incline au second tour de l’élection présidentielle face àFernando Collor (PRN), réunissant 47 % des voix. À nouveau candidat en 1994 et 1998, il est éliminé dès le premier tour parFernando Henrique Cardoso (PSDB).
Finalement élu président de la république fédérative du Brésil lors de l'élection présidentielle de 2002 face àJosé Serra (PSDB) avec pour colistier à lavice-présidence le centristeJosé Alencar, il est rééluen 2006 en l'emportant une nouvelle fois sur le candidat du PSDB, cette fois-ciGeraldo Alckmin. Lors de ces scrutins, Lula réunit respectivement 61,3 % et 60,8 % des suffrages exprimés au second tour.
Aupalais du Planalto, il met en place des programmes sociaux d'importance – notamment laBolsa Família etFome Zero –, améliore sensiblement la situation économique du pays dans la lignée de son prédécesseur et s'implique dans les questions internationales, comme pour l'obtention d'un siège auConseil de sécurité de l'ONU. Ses deux mandats sont également marqués par desscandales politico-financiers qui abîment l'image de son parti et de ses gouvernements. LaConstitution lui interdisant de se représenter pour un nouveau mandat consécutif, il apporte son soutien àDilma Rousseff, qui remporte lescrutin présidentiel de 2010 grâce notamment à la popularité record de Lula.
En 2016, alors qu'il est soupçonné decorruption et deblanchiment d'argent dans l'affaire Petrobras, Lula est nommé ministre de la Maison civile par Rousseff, mais cette nomination controversée est aussitôt suspendue par la justice. Deux ans plus tard, il est condamné à douze ans de prison. Désigné candidat du PT à l'élection présidentielle de 2018, il est emprisonné et déclaréinéligible, avant d'être condamné dans une autre affaire. En 2019, il est libéré à la suite d’un recours. En 2021, leTribunal suprême fédéral fait état d'une partialité du jugeSergio Moro et annule ses deux condamnations pour« vice de forme ».
Cette décision permet à Lula de se présenter à l’élection présidentielle de 2022, avec son ancien adversaire de droiteGeraldo Alckmin à la vice-présidence. Il l’emporte au terme du scrutin présidentiel le plus serré de l’histoire du Brésil, obtenant 50,9 % face au président sortant d’extrême droite,Jair Bolsonaro. Il est la deuxième personne ayant exercé cette fonction le plus longtemps aprèsGetúlio Vargas et le premier après Vargas à revenir au pouvoir, ainsi que le premier à être victorieux face à un président sortant souhaitant être réélu. Cependant,sa coalition est trèsminoritaire à la suite desélections parlementaires concomitantes.
Conformément à la tradition des payslusophones, il reçoit comme double nom l'un des deux noms de sa mère, « Ferreira », suivi de l'un des deux noms de son père, « [da] Silva » : il est donc déclaré à sa naissance « Luiz Inácio Ferreira da Silva ». Comme de nombreux « Luiz » au Brésil, il est surnommé « Lula », diminutifhypocoristique de Luiz (et homographe du mot qui signifiecalamar en portugais). En 1982, il intègre ce surnom à sonnom de famille sur les registres de l'état civil: son nom complet devient ainsi « Lula da Silva ». Son surnom officialisé sert à le désigner de façon abrégée, lepatronyme « [da] Silva » étant extrêmement courant[5].
Sa famille est de condition très modeste, peinant notamment à avoir accès à l'eau potable. Occupée par l'éducation de ses enfants, la mère de Lula accepte de se faire aider dans les tâches ménagères par l'une de ses cousines, alors adolescente, Valdomira Ferreira de Góis, surnommée « Mocinha ». Cette dernière devient la maîtresse de son mari Aristides, dont elle tombe enceinte en 1945, en même temps que Lindu[4],[6].
Lula et sa sœur Maria en 1949.
Cette même année, à quelques jours de la naissance de Luiz, au prétexte de fuir la misère de la campagne de sa région natale du Nord-Est (Nordeste), Aristides Inácio da Silva part s'engager commedocker dans le port deSantos, à 70 km deSão Paulo, d'où il envoie de l'argent à Lindu, qui bénéficie en outre de l'aide de son frère Sérgio. Aristides emmène avec lui Mocinha, avec qui il aura dix enfants[7].
En 1950, à l’âge de cinq ans, Lula rencontre pour la première fois son père, revenu dans le Nord-Est avec deux fils nés de sa relation avec Mocinha. Son père met de nouveau Lindu enceinte, avant de quitter rapidement le foyer pour retourner dans leSud-Est[4]. Élevé avec ses frères et sœurs ainsi que des cousins, Lula est particulièrement proche de son frère aîné de quatre ans José, dit Frei Chico, qui l’initiera au syndicalisme[4].
Alors que le climat est devenu particulièrement rude dans le Nord-Est, Lindu rejoint son mari au port de Santos en décembre 1952, après treize jours de voyage (connu sous le nom de « pau-de-arara »). Les conditions de vie de la famille s'améliorent mais Aristides, qui partage sa vie entre ses deux femmes, devient arbitraire, alcoolique et violent. Lindu met au monde des jumeaux, qui meurent quelques jours après leur naissance[6].
En raison du caractère de son époux, Lindu décide finalement de le quitter et de s'installer avec ses enfants dans une maison en bois située près de la mer, avant de déménager à Vila Carioca, un quartier de la ville deSão Paulo, en 1955[6]. Lula et son frère Frei Chico vivent quelque temps avec leur père, au sein de leur deuxième famille. Par la suite, Lula ne revoit presque plus Aristides, enterré indigent, et n’apprend sa mort que quelques jours après l’enterrement[8].
En 1969, Lula épouse Maria de Lourdes Ribeiro, une ouvrière duMinas Gerais, sœur de son meilleur ami, Jacinto Ribeiro dos Santos. Peu cultivée, celle-ci se montre réticente à son engagement syndical[6]. En 1971, ayant contracté unehépatite avant la fin de sa grossesse, elle meurt des suites d’unecésarienne, décidée par les médecins pour tenter de sauver la mère et l’enfant, un fils qui meurt également[6].
En 1974, Lula a une fille, Lurian, avec sa petite amie d'alors, Miriam Cordeiro. Les deux ne se sont jamais mariés et il ne commence à participer à la vie de sa fille que lorsqu'elle est déjà devenue une jeune adulte[9]. La même année, Lula épouseMarisa Letícia Rocco Casa, une veuve, avec qui il a trois fils. Il a également adopté le fils de Marisa, issue du premier mariage de celle-ci. Lula et sa deuxième épouse sont restés mariés pendant plus de 30 ans, jusqu'à la mort de Marisa le 2 février 2017, des suites d'unaccident vasculaire cérébral.
Toujours en 2017, il a rencontré et commencé une relation avecRosângela da Silva, surnommée Janja, mais leur relation n'est devenue publique qu'en 2019 alors qu'il purgeait une peine de prison àCuritiba (Paraná), en raison d'accusations de corruption qui ont ensuite été abandonnées. Lula et Janja se sont mariés le 18 mai 2022[10].
Dans l'État de São Paulo, lorsque les deux familles de son père vivent ensemble, Lula effectue ses études au ‘’Grupo Escolar Marcílio Dias’’, malgré les réticences de son père.
« Sérieux mais parfois imprévisible », selon les termes de sa biographeDenise Paraná, Lula, tout comme sa fratrie, aide ses parents à subvenir à leurs besoins : il est d’abord vendeur à la criée dès l’âge de huit ans, puis effectue des petits travaux dans la rue (vendeur de nourriture,cireur de chaussures…) et devient livreur pour un pressing à 12 ans. En 1960, il décroche son premier emploi officiel, celui de téléphoniste pour les Magasins généraux Colúmbia, mais il se montre trop timide pour un tel poste[6],[11].
Toujours en 1960, à 15 ans, Lula commence à suivre les cours duService national d’apprentissage industriel (SENAI), puis devient apprentimécanicien dans l’entreprisemétallurgiste Parafusos Marte. En 1962, alors qu’il effectue un stage, il s’enfuit lors d’un mouvement de grève qui fait des blessés[6]. L’année suivante, en 1963, il obtient son diplôme detourneur-mécanicien au SENAI.En 1964, alors qu’il est embauché pour les veilles de nuit à l’usine Independência Metalúrgica, il travaille sur unefraiseuse lorsqu'un boulon cède et une presse vient s’écraser sur sa main, sectionnant une partie de son auriculaire gauche. Un médecin du travail ordonne alors sonamputation du doigt. Cet accident lui vaut d’être indemnisé à hauteur de 350 000cruzeiros, ce qui lui permet notamment d’acheter un terrain à la périphérie de São Paulo[6],[12],[13].
Dans lesannées 1960, le Brésil connaît un boom économique, mais qui ne profite pas à laclasse ouvrière. D'abord peu politisé, Lula s'engage dans le syndicalisme après un drame familial : la mort de sa femme en couches, avec leur premier enfant. Dévasté, il s'immerge dans l’action syndicale pour tenter d’oublier sa tragédie personnelle[14].
En 1967, ouvrier chez Indústrias Villares àSão Bernardo do Campo, il adhère au Syndicat de la métallurgie, sous l’impulsion de son frère Frei Chico, militant auParti communiste brésilien (PCB). En 1969, il devient secrétaire général suppléant du syndicat de São Bernardo do Campo etDiadema[6]. Il accède à la présidence du syndicat en 1975[15].
Ses talents d'orateur et denégociateur sont remarqués et il s'impose comme une figure dusyndicalisme brésilien, avec son épaisse barbe et ses cheveux en bataille. L'entrepriseVolkswagen collabore avec ladictature militaire en lui transmettant des informations sur Lula et d'autres dirigeants syndicaux[16].
Ses prises de position lui valent alors quelques brefs séjours en prison sous le régime militaire. Sur sa première arrestation, il affirme avoir eu peur d'être « liquidé » par le pouvoir en place alors que son arrestation n'était pas officielle.Frei Beto ayant assisté à son arrestation chez lui et ayant appeléDom Paulo, la nouvelle se diffusa rapidement à la radio[17].
En 1982, il est une première fois candidat au poste de gouverneur de l'État deSão Paulo, puis il commence à constituer ses propres réseaux d'influence en faisant élire ou nommer des militants de son parti dans les mairies, au parlement et dans les sphères des affaires de l'État.
En 1985, d'immenses manifestations populaires obligent le généralJoão Figueiredo à rendre le pouvoir, et un civil,Tancredo Neves est élu président de la République, mais meurt 4 mois après son élection. Le vice-présidentJosé Sarney le remplace à la présidence et il impose un programme d'austérité économique et introduit une nouvelle monnaie pour tenter de contenir une inflation galopante qui se montera à 1000 % en 1989.
En 1986, Lula est élu député et rentre au Congrès. Il participe à la Constitution, mais renonce peu après.
En, se déroulent les premières élections démocratiques depuis trente ans. Lula se présente pour la première fois à la présidence de la République. À cette occasion, il décide de changer son image pour avoir plus de chance de réussite : il taille sa barbe et se fait refaire les dents. Cependant, il perd face àFernando Collor de Mello, candidat soutenu par la plupart des médias et dont le budget de campagne atteint les 100 millions de dollars[18], qui devient le premier président de la République réellement élu par le peuple après 1960.
En 1994, leBrésil met en œuvre un nouveau plan d'austérité économique pour pallier les conséquences de la récession mondiale. Lula se présente une deuxième fois à la présidence.Fernando Henrique Cardoso est élu président de la République avec 54,3 % des suffrages exprimés, contre 27 % à Lula.
En 1998, Lula se présente une troisième fois à la présidence, mais il est battu dès le premier tour. Son échec peut s'expliquer par un discours perçu comme trop radical et par la forte popularité du gouvernement sortant, qui bénéficie notamment d'une bonne situation économique. Confronté à un rejet important des « élites » économiques et d'une partie des classes moyennes, le Parti des travailleurs modère par la suite ses positions sur les thèmes du remboursement de la dette extérieure, de la réforme agraire, ou encore des traités de libre-échange[19].
Premier président brésilien de gauche, chantre de la démocratie participative expérimentée àPorto Alegre, il ne remet pas en question la rigueur budgétaire des années précédentes mise en œuvre par son prédécesseur,Fernando Henrique Cardoso, et accepte le code de conduite duFonds monétaire international (FMI). Il est confronté à la difficulté de mettre en œuvre ses ambitions et aux espoirs qu'il a soulevés auprès de ceux qui l'ont soutenu et espèrent de lui desemplois, des écoles, une couverture sociale généralisée, l'amélioration du service public de l'éducation et de la santé. Lula poursuit la politique exigée par le FMI tout en militant, avec l'Argentine, pour un assouplissement. Il choisit comme ministre de l'ÉconomieAntonio Palocci, ancien trotskiste converti à l'économie du marché, pour renforcer la crédibilité duBrésil et attirer les investissements étrangers.
Cependant, dans les rangs du PT autant que dans les populations desfavelas, duNordeste et dans les usines, l'impatience gronde, les méfiances s'accumulent et les premiers mouvements sociaux se font jour, menés par leMouvement des sans-toit et leMouvement des sans-terre. Les appels à la mise en œuvre de ses promesses électorales se multiplient. Fin 2003, les objectifs fixés par le FMI ayant été atteints, Lula annonce que la période de rigueur est arrivée à son terme. Lareprise économique se confirme au Brésil à la fin du premier semestre 2004, avec l'augmentation de la production industrielle et la baisse du chômage.
En 2003, Lula lance la « Bolsa Família », un programme d'allocations familiales considéré comme le principal pilier de sa politique de lutte contre la pauvreté. Le revenu des plus pauvres progresse de 14 % en 2004, laBolsa Familia comptant selon les estimations pour les deux tiers de cette croissance[20]. En 2004, il lance le programme des « pharmacies populaires », destinées à rendre accessible aux plus défavorisés les médicaments jugés essentiels. En 13 ans d'existence du programme (supprimé par le gouvernement conservateur de Michel Temer en 2017), 43 millions de Brésiliens en bénéficieront[21]. En 2006, les disparités de revenus au Brésil sont ramenées à leur plus bas niveau depuis 1960 selon une étude de l'ONU[20], mais restent néanmoins très élevées[22].
Il met en place le programmeFome Zero (« Faim zéro »), qui permet aux familles indigentes l’accès aux produits alimentaires de base, par le biais d’aides sociales[22]. À l'été 2007, il débloque 2,6 milliards d'euros pour améliorer les conditions de vie dans lesfavelas (collecte d'eaux usées, raccordement à l'eau potable, à l'électricité, goudronnage des principales voies d'accès). La priorité est donnée aux grandes agglomérations urbaines, où les problèmes de logement et de violence sont cruciaux. Plus de 12 millions de Brésiliens vivent alors dans des favelas, en périphérie des villes, et seulement 53 % des domiciles brésiliens sont raccordés aux égouts.
Lula lance un programme d'aides au logement nettement supérieur par son ampleur aux politiques développées jusqu'alors. Plus de 15 milliards d'euros sont investis pour l'assainissement des eaux et l'urbanisation des favelas, et plus de 40 milliards dans le logement. En priorité, le gouvernement se propose de reloger les populations pauvres qui occupent les « zones à risques », sujettes aux inondations ou aux éboulements de terrains, puis d'étendre le réseau électrique, de lancer des travaux d'aménagement des rues et d'amélioration de l'habitat précaire. Le gouvernement entreprend de démocratiser l'accès au crédit immobilier[23].
Dans un pays marqué par les inégalités raciales, Lula crée en 2003 un secrétariat d'État à la Promotion de l'égalité raciale. Plusieurs de ses nominations visent par ailleurs à promouvoir des personnalités noires ou métisses :Gilberto Gil devient ministre de la Culture,Marina Silva ministre de l'Environnement etJoaquim Barbosa juge au Tribunal suprême fédéral. Sous l'impulsion du PT et de mouvements noirs, le Sénat adopte en 2010 le « statut de l'égalité raciale »[26]. En, Lula fait durcir les conditions d'acquisition d'armes à feu[27]. En, le principe d'interdiction de ces armes est rejeté par référendum[28].
Il signe, le, le décret lançant le troisième programme national des droits de l'homme, qui prévoit l'adoption de quelque 500 mesures et le vote de 27 lois nouvelles, ainsi que la création d'une Commission de réconciliation concernant la période de ladictature militaire (1964-1985)[29]. L'armée s'est opposée à la création de cette commission, deux des trois commandants militaires ayant menacé de démissionner, conjointement avec le ministre de la DéfenseNelson Jobim[30]. Le ministre chargé du Secrétariat des droits de l'homme,Paulo Vannuchi, ami de 30 ans de Lula, a lui aussi menacé de démissionner si le Programme des droits de l'homme était vidé de son contenu. On estime à environ 400 le nombre de victimes (morts et disparus) de la dictature, aucun procès n'ayant eu lieu, contrairement aux autres pays duCône sud affectés par la « guerre sale »[30].
En matière de protection de l’environnement, la création de zones de conservation et de réserves indigènes entraîne une diminution substantielle de la déforestation à partir de 2004[31].
Tout en conservant des relations étroites avec les États-Unis, il rompt avec l'alignement traditionnel du Brésil sur Washington. Il se rapproche notamment duVenezuela et de l'Amérique centrale, de l'Afrique et duMoyen-Orient. Le Brésil accueille ainsi pour la première fois, en, un sommet Amérique latine-pays arabes, et reconnaît laPalestine en 2010[32].
Il favorise l'intégration régionale, interdisant à son gouvernement la conduite agressive réclamée par la presse. Selon lui, « le Brésil a tout intérêt à avoir des voisins solides, et non pas appauvris et fragilisés par des crises sociales et politiques ». En, il qualifie de « souveraine » la décision du président bolivienEvo Morales de nationaliser les champs de gaz boliviens exploités parPetrobras, alors que d'autres exigent l’envoi de troupes brésiliennes pour riposter contre le gouvernement bolivien. Il met également fin à la vieille dispute avec leParaguay en acceptant de revoir les termes de l’exploitation dubarrage d'Itaipu[32].
Il milite pour la réforme duFonds monétaire international (FMI), au sein duquel les grands pays émergents ont peu de droits de vote comparé à leur contribution économique. En 2008, douze pays latino-américains constituent à Brasilia l'Unasur pour se substituer à l'OEA et à la domination exercée par les États-Unis sur cette organisation[32]. S'opposant auconsensus de Washington, alors en vigueur dans la plupart des grandes institutions internationales, il signe avecNéstor Kirchner leconsensus de Buenos Aires l'année de sa prise de fonction.
Il s'oppose aux États-Unis lors ducoup d'État de 2009 au Honduras en exigeant le rétablissement deManuel Zelaya à la présidence, jusqu’à la fin de son mandat. Celui-ci trouve refuge à l'ambassade brésilienne[32].
Briguant un second mandat lors de l'élection présidentielle de 2006, Lula part largement favori face àGeraldo Alckmin, candidat duParti de la social-démocratie brésilienne (PSDB). Selon les sondages, l'action de Lula est jugée positivement pour son action contre la faim et la pauvreté, mais parait plus mitigée dans les domaines de la violence et de la corruption.
La campagne est marquée par lescandale des mensualités, un système de détournement de fonds publics pour l'achat de votes et de soutiens de parlementaires à l’action de Lula entre 2003 et 2005. La direction du Parti des travailleurs est poussée à la démission, tandis que Lula doit remplacer son ministre des Finances,Antonio Palocci. En 2012, la Cour suprême du Brésil confirmera l'existence de ce système et condamnera plusieurs personnalités du PT[33],[34].
Le, après un résultat de premier tour jugé décevant, Lula est réélu au second tour avec 60,8 % des suffrages.
Très populaire parmi les Brésiliens vivant en ville, il suscite néanmoins la méfiance des médecins, des petits chefs d'entreprise et de la classe moyenne supérieure[35]. Si l'action de Lula a permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté, ses opposants font valoir qu'il a pour ce faire massivement augmenté les dépenses publiques, ce qui pénalisera les finances du Brésil après son départ de la présidence[35].
Il quitte la présidence avec un taux de popularité atteignant 87 % selon l’institut Ibope[36]. Malgré une satisfaction générale quant à son action, une majorité de la population se déclare insatisfaite de sa politique en matière de santé et de sa politique fiscale[37].
Alors qu'il ne peut briguer un troisième mandat consécutif, sa chef de cabinet et « protégée »Dilma Rousseff lui succède le. Au vu de sa popularité, l'hypothèse que Lula retrouve la présidence à l'issue du mandat de Rousseff est évoquée[38]. Désigné personnalité de l'année 2009 par le journalLe Monde, Lula est classé l'année suivante par leTime comme le dirigeant le plus influent au monde[39].
L'hôpital syro-libanais deSão Paulo, annonce, en, que Lula est atteint d'unetumeur localisée dans lelarynx et qu'il devra subir unechimiothérapie« sous formeambulatoire[40] ». En, l'hôpital affirme que son cancer du larynx a connu une « rémission complète »[41].
Le, devant le risque de délitement de sa majorité parlementaire, Dilma Rousseff le nomme ministre de la Maison civile, la plus haute fonction du gouvernement[42].
Cette nomination entraîne les huées de participants à son investiture aupalais présidentiel et la protestation d'une grande partie de la classe politique brésilienne[43]. Une demi-heure après sa nomination, la justice suspend en référé sa prise de fonction, considérant que « Dilma Rousseff a commis un délit en nommant Lula ministre pour lui permettre d’échapper à la justice »[44]. Des tribunaux annulent ensuite ces ordonnances mais le lendemain, le, un juge duTribunal suprême fédéral confirme la suspension de l'entrée de Lula au gouvernement dans l'attente du verdict collégial définitif de la juridiction[45]. Un enregistrement téléphonique entre la présidente Rousseff et Lula rendu public par le jugeSérgio Moro deux jours plus tôt, le, laissait clairement entendre qu'il y avait eu arrangement entre eux deux pour lui éviter la prison[46].
Le, le procureur préconise au Tribunal suprême fédéral d'annuler son entrée au gouvernement[50]. Le 20 du même mois, le Tribunal suprême reporte l'audience prévue pour statuer sur sa nomination[51].Eva Chiavon assure l'intérim[52]. Après lasuspension de Dilma Rousseff, le nouveau président intérimaire,Michel Temer, nommeEliseu Padilha[53], puis, après la destitution de la présidente, l'audience prévue est définitivement annulée.
La principale affaire le visant s’inscrit dans le cadre duscandale Petrobras. Il est accusé d’être intervenu pour l’attribution de contrats à l’entreprise pétrolièrePetrobras en échange de 3,7 millions de reals — dont un luxueux appartement —. En, le jugeSérgio Moro le condamne à neuf ans et six mois de prison pour corruption passive et blanchiment d'argent[59]. En appel, en, la peine est portée à douze ans et un mois d’emprisonnement[60],[61]. Les partisans de Lula et des spécialistes du Brésil remettent en cause le bien fondé juridique de cette condamnation, notamment l’absence de preuve matérielle, dénonçant un parti pris de la justice brésilienne[62],[61].
Le, dans un contexte de fortes tensions dans le pays, les juges de la Cour suprême rejettent la demande d'Habeas corpus de Lula, ce qui ouvre la voie à son emprisonnement[63]. Le, Lula se constitue prisonnier[64]. Son arrestation répond à une nouvelle jurisprudence, la Constitution brésilienne indiquant pourtant qu'aucun justiciable ne peut être arrêté avant la fin de la procédure[42]. Malgré ses ennuis judiciaires, il est désigné candidat du Parti des travailleurs à l’élection présidentielle de 2018[65]. Les sondages le donnent alors favori du scrutin en le créditant d’environ 30 % à 40 % d'intentions de vote au premier tour[66],[67],[68]. Le, à la suite de sa condamnation dans le scandale Petrobras, leTribunal suprême fédéral prononce son inéligibilité[68]. LeComité des droits de l'homme des Nations unies s’était prononcé contre une telle mesure[69]. Le PT est ensuite contraint de désignerFernando Haddad comme candidat du parti[70],[71]. Le scrutin présidentiel est finalement remporté au second tour par le candidat d'extrême droiteJair Bolsonaro, face à Haddad.
Dans le cadre de l'affaire de la rénovation d'une propriété, en, Lula est condamné à 12 ans et 11 mois de réclusion pour corruption et blanchiment[72]. En avril suivant, sa première peine est réduite à huit ans et dix mois d'emprisonnement[73].
Le journal d'investigationThe Intercept affirme, en, que le jugeSérgio Moro — devenu ministre de la Justice de Jair Bolsonaro — et les enquêteurs chargés de l'enquête anticorruptionLava Jato auraient comploté entre eux pour empêcher Lula de se présenter à l'élection présidentielle de 2018[74],[75]. Le Tribunal suprême fédéral décide alors de reprendre son procès[76].
En, après avoir accompli le sixième de sa peine, Lula rejette tout régime de semi-liberté, déclarant préférer prouver son innocence et estimant qu'accepter la mesure équivaudrait à un aveu de culpabilité[77].
Le, au lendemain du changement par la Cour suprême de la jurisprudence sur l'Habeas corpus, il est libéré, sa condamnation n'étant pas jugée définitive[78]. Il est alors accueilli par plusieurs de ses partisans, dont sa compagneRosângela da Silva, avec qui il se remarie en 2022[79],[80]. Il reste mis en examen dans six affaires de corruption[81]. Il est acquitté en décembre pour l'une de ces accusations[82].
En,Edson Fachin, juge au Tribunal suprême fédéral, annule les condamnations visant Lula, estimant que le tribunal de Curitiba n’était pas compétent pour juger les quatre affaires le concernant, celles-ci étant renvoyées devant un tribunal fédéral de Brasilia[83]. En attendant de nouveaux jugements, les droits politiques de Lula sont restaurés et sa candidature à l'élection de 2022 est possible[84]. En, le Tribunal suprême fédéral confirme l’annulation des condamnations[85]. Le Tribunal suprême établit dans un jugement la partialité du juge Sergio Moro, celui-ci s'étant entendu avec des enquêteurs pour faire écarter Lula de l'élection présidentielle de 2018[42].
L'ancien président est en acquitté de sept des onze chefs d'accusation retenus contre lui mais doit encore être jugé dans quatre affaires, plus mineures[42].
LeComité des droits de l'homme de l'ONU conclut en 2022 que l'enquête ayant conduit Lula en prison en 2016 n’a pas respecté ses droits[86]. L’enquêteLava Jato est désormais considérée comme « le plus grand scandale judiciaire de l’histoire du Brésil »[87]. Des enquêtes ont démontré comment les procédures furent entachées de nombreuses irrégularités et de confusions, révélé des messages compromettants échangés entre les procureurs et le juge Moro en dehors de tout cadre légal, et souligné les motivations politiques de magistrats qui ont instrumentalisé l’enquête afin de neutraliser le Parti des travailleurs[87].
En 2021, à la suite de l'annulation de ses condamnations judiciaires, Lula da Silva confirme son intention d'être candidat à l'élection présidentielle de 2022, vingt ans après sa première élection à la présidence de la République[88]. Il appelle à lancer une procédure dedestitution contre le présidentJair Bolsonaro, accusé d’interférences dans des affaires judiciaires et critiqué pour sa gestion de lacrise sanitaire de la Covid-19[89].
Comme colistier pour lavice-présidence, il choisitGeraldo Alckmin, un ancien adversaire politique dedroite (candidat face à lui au second tour de l'élection présidentielle de 2006) venant de rejoindre leParti socialiste brésilien pour l'occasion. Ce choix viserait à rassurer lesmarchés financiers alors que, note la presse, « tout oppose l'ancien métallo Lula, 76 ans, leader historique de la gauche ouvrière, et Geraldo Alckmin, 69 ans, incarnation parfaite de la hautebourgeoisieconservatricepauliste »[90]. Il s'agirait aussi pour l'ancien président de s'adapter à un système électoral qui n'a jamais permis au Parti des travailleurs de conquérir une majorité auCongrès national, traditionnellement dominé par le « grand centre » (« centrão »), le contraignant à des alliances atypiques pour gouverner[91]. Cette situation rappelle la décision deDilma Rousseff de prendreMichel Temer comme colistier en 2014, bien que lePMDB de Michel Temer était plus centriste que lePSDB de Geraldo Alckmin[92].
La coalition « Tous ensemble pour le Brésil » (Vamos juntos pelo Brasil), formée de neuf partis soutenant la candidature de Lula, présente un programme axé sur les questions sociales (notamment lepouvoir d'achat) et laprotection de l'environnement[93]. Donné largement battu,Jair Bolsonaro multiplie les initiatives dans les semaines précédant le premier tour : hausse des minima sociaux, chèques énergie, baisses d’impôts, pressions sur le groupe pétrolierPetrobras pour revoir ses tarifs à la baisse, conduisant le prix moyen de l’essence à chuter à son plus bas niveau en deux ans[94].
Luiz Inácio Lula da Silva lors de sa campagne présidentielle de 2022.
Lors du premier tour de l'élection présidentielle, le, l'écart entre les deux principaux candidats est plus faible que prévu. L'ancien chef de l'État arrive effectivement en tête, mais, avec 48,4 % des voix exprimées, manque une élection au premier tour annoncée par plusieurs enquêtes d'opinion. Il devance de cinq points Jair Bolsonaro (43,2 %) alors que les derniers sondages donnaient 10 à 15 points de retard à ce dernier. Le scrutin marque une polarisation de la vie politique brésilienne, le score cumulé des autres candidats ne dépassant pas les 10 %[95],[96].
Le duel entre Lula et Jair Bolsonaro est fixé au 30 octobre suivant, l'entre-deux-tours s'étalant ainsi sur quatre semaines. La campagne en vue du second tour est particulièrement agressive. Alors que Jair Bolsonaro qualifie son adversaire d'« ivrogne » et l'accuse de vouloir« amener une clique d’incompétents pour diriger le Brésil », un juge du Tribunal supérieur électoral (TSE) ordonne que l'équipe de Lula cesse de diffuser une vidéo associant le président sortant aucannibalisme[97],[98].
Luiz Inácio Lula da Silva, tout juste âgé de 77 ans, l'emporte au second tour de l'élection présidentielle face à Jair Bolsonaro avec 50,9 % des suffrages[99],[100]. Il s'agit du scrutin présidentiel le plus serré de l’histoire du Brésil. Le, Jair Bolsonaro reconnaît la victoire de Lula, sans le féliciter, lors d'un discours qu'il prononce àBrasilia[101].
La transition entre Lula et Bolsonaro, commencée au début du mois de novembre 2022, est marquée par de fortes tensions. Des sympathisants du président sortant contestent sa défaite et des éruptions de violences se produisent dans le pays : manifestations, barrages routiers, tentatives d'attentat à la bombe et d'invasion de bâtiments publics, incendies de véhicules, etc.[102]. LeParti libéral réclame l'annulation d'une partie des voix de Lula, mettant en cause des « dysfonctionnements » afin de permettre au président sortant d’être déclaré vainqueur[103]. Celui-ci – tout comme son vice-président, Hamilton Mourão – refuse de participer à la passation de pouvoir, une première depuis le retour de la démocratie, et part pour les États-Unis deux jours avant la fin de son mandat[102].
L'investiture de Lula en tant que39eprésident de la république fédérative du Brésil se déroule le àBrasilia. En raison de risques de troubles, la cérémonie est placée sous très haute sécurité[104]. Lors de son arrivée au palais présidentiel, Lula est accompagné du chefkayapoRaoni Metuktire[105]. Le nouveau président parade à bord d’uneRolls-Royce jusqu’auCongrès national. Au cours d’un long trajet, effectué en compagnie de son épouse et du vice-présidentGeraldo Alckmin, il est acclamé par plusieurs milliers de personnes. Entourée de plusieurs gardes du corps, la voiture est ouverte, comme pour ses prédécesseurs, et ce malgré les menaces d'attentats. Arrivé au Congrès, Lula prête serment sur laConstitution avant de gagner lepalais de l'Aurore, où l’écharpe présidentielle lui est remise par une citoyenne et non par le président sortant, qui a quitté le pays[106].
Luiz Inácio Lula da Silva accompagné de son épouse, duchef Raoni et d’un groupe de citoyens lors de son arrivée au palais présidentiel, le.
Lula doit composer avec unCongrès national toujours morcelé mais davantage marqué à droite que lors des précédentes législatures. LeParti libéral (PL) de Jair Bolsonaro s'est en effet imposé comme la première force politique lors desélections parlementaires, qui ont vu le« centrão » renforcer sa domination et la coalitionBrésil de l'espoir, menée par le PT, arriver en deuxième position avec seulement 16 % des sièges[107]. Lula conduit de difficiles négociations avec les partis du « centrão », reconnaissant que « former un gouvernement est plus difficile que de gagner les élections »[108].
Son troisième gouvernement compte 37 ministres contre 23 sous la présidence Bolsonaro. Les ministères sont démembrés et, selonRui Costa, ministre de la Maison civile, « les coûts et le volume des dépenses seront les mêmes, quel que soit le nombre de ministères »[109]. La parité n'est pas respectée, avec onze femmes nommées, ce qui est cependant plus que dans le gouvernement Bolsonaro, qui n'en comptait que deux en 2019[110]. Les formations conservatrices, telles que leParti démocratique social et l’Union Brésil, obtiennent de nombreux ministères[111]. En revanche, la majorité des ministères-clés (Économie, Affaires étrangères, Justice, Défense, Éducation, Travail) revient à des personnalités de gauche engagées de longue date à ses cotés[108].
L'écologisteMarina Silva fait son retour au ministère de l'Environnement etSônia Guajajara, figure de la lutte pour les peuples autochtones, est nommée au symbolique ministère des Peuples indigènes. Un obstacle à la mise en place des politiques environnementales est le lobby lié à l'agrobusiness, très puissant au Congrès. La large ouverture du gouvernement, qui va de la gauche radicale à la droite, expose celui-ci à des conflits internes, « notamment entre le ministère de l'Environnement et celui de l'Agriculture, qui est beaucoup plus proche du groupe des ruralistes du camp de l'agrobusiness »[112].
Pour déjouer une tentative d’insubordination des commandants de la marine et de l’aéronautique qui menaçaient de démissionner de leurs fonctions, Lula annonce un nouvel état-major à la tête des forces armées, choisi sur le critère de l’ancienneté[113].
Le troisième gouvernement Lula ne bénéficie pas du traditionnelétat de grâce et fait partie des gouvernements les plus rejetés du Brésil depuis le retour de la démocratie[114]. Il hérite d'une situation de crise économique, avec un PIB en recul au dernier trimestre 2022[115].
Mis en minorité à plusieurs reprises au Congrès, Lula opère en septembre 2023, afin d'élargir sa base parlementaire, un premier remaniement de son gouvernement : le ministère des ports et aéroports et celui des sports reviennent auxRépublicains et auxProgressistes, deux formations emblématiques de l’establishment brésilien[116].
Luiz Inácio Lula da Silva et son vice-président,Geraldo Alckmin, en janvier 2023.
Dans les heures qui suivent sa prise de fonction, Lula adopte une série de décrets et en révoque certains de son prédécesseur. Il réactive ainsi le Fonds Amazonie, publie un décret visant à combattre la déforestation et en abroge un autre autorisant l’exploitation minière dans les zones indigènes et les zones protégées au niveau environnemental. Par ailleurs, il limite l'accès aux armes et suspend laprivatisation de huit compagnies publiques, dont la pétrolièrePetrobras et la poste brésilienne. Sur le plan social, il prolonge le programme « Bolsa familia » et augmente lesalaire minimum. Il lance aussi la création d’un programme visant à améliorer les conditions de travail deséboueurs[117].
Le 8 janvier 2023 a lieu la première crise de la présidence de Lula. Plusieurs milliers de manifestants pro-Bolsonaro, refusant le résultat de l’élection présidentielle,envahissent le Congrès national ainsi que le palais présidentiel et d’autres lieux de pouvoir àBrasilia, donnant lieu à des scènes de chaos, d’émeutes et d’affrontements[118]. Plusieurs centaines de manifestants se livrent à des actes de vandalisme et de destruction au sein dupalais du Planalto, siège de la présidence de la République. À ce moment, le président ne se trouve pas dans la résidence présidentielle, mais est en visite àSão Paulo. Lula promet alors que les « vandales fascistes » seront punis et condamne une « attaque sans précédent » dans l’histoire du Brésil[119]. Dans la soirée, alors que lapolice militaire parvient à repousser les manifestants hors des lieux de pouvoir, Lula signe un décret autorisant le déploiement de l’armée dans le quartier de laplace des Trois Pouvoirs[réf. souhaitée].
Il lance en février suivant un programme visant à construire deux millions de logements sociaux d’ici à 2026 et rétablit le Conseil national pour la sécurité alimentaire, supprimé par son prédécesseur[115].
En juin 2023, il nomme auTribunal suprême fédéral, la plus haute juridiction du pays, l'avocat Cristiano Zanin, qui l’a défendu lors de ses procès pour corruption. Ce choix est perçu par la presse brésilienne comme une « récompense » compromettant la crédibilité de l'institution[120].
Une réforme fiscale portant sur la simplification d'un système réputé pour sa complexité voit le jour à l'été 2023. Alors que chacun des 27 États brésiliens et chacune des 5 400 municipalités possédait sa propre législation, la taxation de la consommation et de la production est uniformisée, afin notamment d'attirer les investisseurs. Le ministre des Finances,Fernando Haddad, doit également présenter une réforme de l'impôt sur le revenu et sur lepatrimoine, visant à corriger lesinégalités sociales avec des mesures comme la taxation desdividendes (actuellement exonérés d'impôts) et desfonds d'investissement offshore[121].
Lula annonce en août de la même année un vaste programme d'investissements dans les infrastructures de plus de 300 milliards d’euros en quatre ans. Une partie est destinée à financer les logements sociaux du projet « Ma maison ma vie ». Le programme prévoit aussi 100 milliards d'euros dans l'énergie et 65 milliards pour les transports et les routes. L'éducation et la santé sont également concernées, avec des constructions d'écoles et d'hôpitaux. Le projet vise également à doper la croissance économique et à développer l'énergie propre[122].
Il présente début septembre un plan d’ampleur d’éradication de la faim, alors que 33 millions de Brésiliens ne mangent pas à leur faim et que plus de la moitié du pays est touchée à des degrés divers par une forme d’insécurité alimentaire. Pour ce faire, il crée un réseau national de banques alimentaires afin d’éviter le gaspillage, augmente le budget alloué aux repas offerts dans les écoles ainsi que les achats de nourriture dans les exploitations agricoles familiales afin d'approvisionner les cantines populaires[123]. Ces mesures s'inscrivent dans une politique plus large de construction de logements sociaux et de revalorisation du salaire minimum et des minimas sociaux. La lutte contre la faim dans le monde devient également prioritaire dans l'agenda international du président brésilien[124].
En février 2023, après avoir signé une pétition demandant la levée des brevets sur lesvaccins contre la Covid-19[125], il s'affiche en train de recevoir une cinquième dose de vaccin, lance une campagne nationale pour la vaccination et annonce que les prestations sociales aux plus pauvres seront coupées s'ils ne font pas vacciner leurs enfants[126],[127].
Cependant, il doit composer avec le lobby de l'agroalimentaire[129],[130]. En mai-juin 2023, le Congrès le désavoue sur la démarcation des terres indigènes, barrière importante contre la déforestation en Amazonie[131]. Le Congrès vote par ailleurs un texte réduisant les compétences du ministère de l'Environnement et de celui des Peuples indigènes, et un autre fragilisant les agences de protection de laMata Atlantica, la forêt du littoral atlantique[129]. Lula est alors accusé par ses partisans de n'avoir pas suffisamment manœuvré pour éviter cette situation[132]. Par ailleurs, l'exploitation des ressources de cette zone se poursuit de façon intense, Lula soutenant même un vaste projet pétrolier controversé dans l'estuaire de l'Amazonie[132].
Ladéforestation au Brésil diminue de 42 % lors des sept premiers mois de l'année 2023 par rapport à la même période au cours de l'an passé. Les agences gouvernementales, autrefois passives ou complices sous le précédent gouvernement, ont été mises au travail sur le terrain. Au-delà de la surveillance des activités sur le terrain et de la répression de la déforestation, le Brésil s'attache également à encourager les actions de développement durable[133].
En janvier 2023, peu après son entrée en fonction, Lula décrète l’état d’urgence sanitaire dans la « Terre indigène Yanomami », située dans l’État duRoraima, au nord du Brésil. Quelque 30 400Yanomamis, une communauté autochtone, y vivent dans des conditions déplorables, victimes de malnutrition et des maladies infectieuses, provoquant notamment la mort de nombreux enfants. Le gouvernement déploie l’armée et la police pour faire fuir des milliers degarimpeiros, des chercheurs d'or illégaux dont l'activité a rendu impropre à la consommation l’eau des rivières et ruiné la pêche traditionnelle, entraînant une crise alimentaire. L’opération s’est poursuivie avec un volet humanitaire et l’installation d’un hôpital et l'approvisionnement en nourriture[134].
Le président brésilien signe en avril de la même année des décrets légalisant six nouvelles réserves autochtones, les premiers depuis des années. Ces réserves garantissent aux indigènes l'usage exclusif des ressources naturelles, en préservant leur mode de vie traditionnel, et sont considérées par les scientifiques comme un rempart contre la déforestation[135].
Dans le cadre de laguerre russo-ukrainienne, il dénonce l'invasion de l'Ukraine par la Russie mais aussi l'action desÉtats-Unis, de l'Union européenne et de l’OTAN, à laquelle il reproche de « s’arroge[r] le droit d’installer des bases militaires dans les environs d’un autre pays »[136],[137],[138]. D'après l'universitaire Hussein Kalout, « le point de vue de Lula, c’est qu’il faut parler à tout le monde et chercher une solution négociée, en particulier à un moment où l’on connaît un risque d’escalade très dangereux »[136].
Réputé proche deVladimir Poutine, avec qui il partage des intérêts économiques et une méfiance envers lesÉtats-Unis[139], il tient des propos polémiques concernant leprésident de l'Ukraine,Volodymyr Zelensky, déclarant que« ce type est aussi responsable de la guerre que Poutine », l'accusant même de faire du cinéma et de refuser de négocier[140],[141]. En janvier 2023, estimant « qu'il ne vaut pas la peine de provoquer les Russes », il refuse la demande allemande d'envoyer des armes à Kiev[138],[137]. À l'intention des États-Unis et de l'UE, il déclare :« Vous auriez dû dire tout de suite : « L'Ukraine n'entrera pas dans l'OTAN ». Il n'y aurait pas eu la guerre. »[142] En, le président brésilien prend à nouveau position en affirmant que Zelensky« ne peut pas tout vouloir » ; il demande alors à l’Ukraine de renoncer à la reconquête de laCrimée afin de mettre fin à la guerre[143],[138]. En février 2024, il refuse d’imputer la mort de l’opposant russeAlexeï Navalny au régime de Vladimir Poutine[144].
Après avoir affirmé durant la campagne présidentielle de 2022 qu'il n'entendait pas briguer un nouveau mandat en cas de victoire, estimant « que personne ne pouvait prétendre être réélu à 81 ans », il change d'avis en février 2023 : il indique qu'il ne ferme pas la porte à cette possibilité s'il est en bonne santé. En cas de nouvelle réélection, il aurait 85 ans à la fin d'un quatrième mandat[151].
Il défend lalégalisation de l'avortement, très restreint auBrésil, ce qui suscite la polémique[153],[154]. Il critique ainsi une certaine« idée de la famille » portée par les institutions brésiliennes selon laquelle« l'autorisation d'un homme » est nécessaire avant toute intervention et une législation inégalitaire au préjudice principalement des classes populaires :« Ici, au Brésil, des femmes pauvres meurent en tentant d'avorter quand la dame peut avorter àParis ou àBerlin »[155]. Cette position est critiquée par les milieuxévangéliques et d'extrême droite[156].
Concernant les droits despeuples indigènes du Brésil, « Lula a évoqué l'existence d'une dette historique de l'État brésilien envers les communautés indigènes et autochtones et [souhaite] reprendre le long travail de légalisation des territoires indigènes amazoniens », souligne Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Iris chargé du programme Amérique latine. « Cela signifie qu'à chaque fois qu'un territoire est légalisé ou redonné à des communautés indigènes, ces territoires deviennent une zone protégée, soustraite à toutes formes de déforestation légale ou illégale »[112].
Cherchant à mobiliser le vote des évangéliques durant la campagne présidentielle de 2022, il revient sur la nécessité de dépénaliser l’avortement, et affirme dans une lettre ouverte publiée à quelques jours du second tour : « Notre programme de gouvernement s’engage à respecter la vie dans toutes ses étapes. […] Je suis personnellement contre l’avortement »[158]. Durant cette campagne, il est également accusé detransphobie par l'hebodomadaire conservateurGazeta do Povo après qu'il eut critiqué les « fakes news » produites par le camp pro-Bolsonaro, qui l'accuse notamment de vouloir propager l'homosexualité chez les enfants. Les associations LGBT lui apportent cependant leur soutien[159].
Luiz Inácio Lula da Silva avecHugo Chávez etNéstor Kirchner (2006).Lula avec le président de la république populaire de Chine,Xi Jinping, et leurs épouses,en 2023.
Lula s'oppose également aux dirigeants occidentaux en refusant de signer une déclaration de l'ONU qui dénonce des violations desdroits de l'homme auNicaragua et en permettant à deux navires de guerreiraniens d'accoster au Brésil. Par ailleurs, en pleine guerre entre la Russie et l'Ukraine, il appelle lesBRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à substituer audollar une autre monnaie pour le commerce international[161].
En 2003, il reçoit leprix Princesse des Asturies de la coopération internationale, et en 2006, il reçoit leprix de l'« Homme d'État de l'année ». En 2007, il reçoit leprix Lech-Wałęsa« pour avoir fait des efforts pour réduire les inégalités sociales, et avoir été l'avocat d'une compréhension pacifique et d'un partenariat entre les nations, en particulier en renforçant la position des pays en développement dans le concert des nations[163]. ». En 2008, il a reçu leUNESCO 'Félix Houphouët-Boigny Peace Prize'[164]. Il est également récipiendaire de lamédaille Grand Vermeil de la Ville de Paris et lauréat du prix « Mondial UIT des télécommunications et de la société de l’information »[165]. En 2012, il a reçu lePrix des quatre libertés de Roosevelt.
↑C'est traditionnellement ce dernier qui se transmet en tant que nom de famille, mais les enfants du président brésilien portent désormais le patronymeLula da Silva, en dehors de sa première fille, née d'unerelation hors mariage.
↑Maurice Lemoine,Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’État modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte,,p. 180.
↑« Huit années qui ont laminé le Brésil »,Le Monde diplomatique,(lire en ligne, consulté le).
↑a etb« La " bourse familiale " de Lula redonne espoir aux favelas »,LExpansion.com,(lire en ligne, consulté le).
↑Bruno Meyerfeld, « Brésil : Lula investi président de réconciliation »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le).
↑« Lula, phénix de la politique brésilienne, investi président de réconciliation »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le).
↑« Elections au Brésil : vague ultraconservatrice au Congrès et dans les Etats de la fédération »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le).
↑a etb« Brésil : le retour de Marina Silva, militante-phare de l’écologie, à la tête du ministère de l’environnement »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le).
↑« Au Brésil, des partisans de Bolsonaro envahissent le Congrès et le palais présidentiel, Lula décrète une « intervention fédérale » »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le).
Fernando Morais,Lula : de la lutte syndicale au combat politique, tome 1 (traduit du portugais par Ana et Gilles de Staal), préface d’Ignacio Ramonet, 304 p., Paris, Ithaque, 2024.