Né Louis, surnommé Dieudonné, il monte sur letrône de France au décès de son père,LouisXIII, quelques mois avant son cinquième anniversaire, ce qui fait de lui l'un des plus jeunes rois de France. Il devient ainsi le64eroi de France, le44eroi de Navarre et le troisième roi de France issu de ladynastie desBourbons.
S'il n'aime guère que sonprincipal ministre d'État,Colbert, fasse référence àRichelieu, ministre de Louis XIII et partisan intransigeant de l'autorité royale, il s'inscrit néanmoins dans son projet de construction séculaire d'unabsolutisme dedroit divin. Usuellement, son règne est divisé en trois parties : la période de sa minorité, troublée par laFronde, de à, durant laquelle sa mère et lecardinal Mazarin gouvernent ; la période allant de la mort de Mazarin, en, au début desannées 1680, pendant laquelle le roi gouverne en arbitrant entre les grands ministres ; et enfin la période allant du début des années à sa mort, où le roi gouverne de plus en plus seul, notamment après la mort deColbert (ministre clé de 1661 à), puis deLouvois, en. Cette période est aussi marquée par le retour du roi à la religion, notamment sous l'influence de sa maîtresse puis seconde épouse,Madame de Maintenon. Son règne voit la fin des grandes révoltes nobiliaires, parlementaires, protestantes et paysannes qui avaient marqué les décennies précédentes. Lemonarque impose l'obéissance à tous lesordres et il contrôle les courants d'opinion (y compris littéraires ou religieux, tels quePort-Royal et lesJansénistes) de façon plus prudente que Richelieu.
La France est, pendant son règne, le pays le plus peuplé d'Europe avec environ vingt millions d'habitants, ce qui lui confère une certaine puissance d'autant que, jusque dans lesannées 1670, l'économie se porte bien grâce notamment au dynamisme économique du pays et à des finances publiques tenues en bon ordre parColbert. Du point de vue climatique, le règne coïncide avec leminimum de Maunder (1645-1715), une période extrêmement froide qui produit d'importantes disettes, plusieursépidémies etépizooties ; en 1693-1694, le printemps très pluvieux suivi d'un échaudage l'été provoque une famine suivie d'une épidémie qui tuent 1 300 000 personnes ; lors du « grand hiver » 1708-1709, le froid tue directement environ deux cent mille personnes, et indirectement quatre cent mille par famine et épidémie.
Concernant les protestants, larévocation de l'édit de Nantes en a des conséquences économiques etdémographiques lourdes pour la France, et les réactions en Europe et à Rome sont défavorables. Les relations avec les papes sont en général mauvaises, particulièrement avecInnocentXI. En effet, le roi entend préserver son indépendance et celle de son clergé face àRome, ce qui ne l'empêche pas de se méfier desgallicans, souvent imprégnés par le jansénisme. À la fin du règne, la querelle duquiétisme entraîne également des tensions avec Rome.
À sa mort, tous ses enfants et petits-enfants dynastes ont déjà disparu et son successeur est son arrière-petit-filsLouisXV, qui n'a que5 ans. Pourtant, même après larégence assez libérale dePhilippe d'Orléans, l'absolutisme perdurera, attestant ainsi de la solidité du régime construit.
Au traditionneltitre deDauphin de Viennois est ajouté à sa naissance celui dePremier fils de France. Intervenue après presque vingt-trois années de mariage stérile, ponctuées de plusieurs fausses couches, la naissance inattendue de l'héritier du trône est considérée comme un don du ciel, ce qui lui vaut d'être aussi prénommé Louis-Dieudonné[3],[n 1] (et non pas-Désiré).
Si certains historiens ont avancé que le véritable père estMazarin, cette hypothèse a été infirmée par un examen ADN[4],[5]. Si l'historienJean-Christian Petitfils propose la datedu 23 ou du, semaine où le couple royal séjournait à Saint-Germain, comme date de la« conception du dauphin »[6], d'autres auteurs affirment que le dauphin a été conçu le, dans lepalais du Louvre[n 2] (le tombe d'ailleurs pile neuf mois avant sa naissance, le)[7],[8].
Pour le roiLouisXIII comme pour la reine (et plus tard leur fils lui-même), cette naissance tant attendue est le fruit de l'intercession faite par lefrère Fiacre auprès deNotre-Dame de Grâces, auprès de laquelle le religieux réalise trois neuvaines de prières afin d'obtenir« un héritier pour la couronne de France ». Les neuvaines sont dites par le frère Fiacre du au[9],[n 3].
En, la reine prend conscience qu'elle est à nouveau enceinte. Le, le roi et la reine reçoivent officiellement lefrère Fiacre pour s'entretenir avec lui sur les visions qu'il dit avoir eues de laVierge Marie[10] et de la promesse mariale d'un héritier pour la couronne. À l'issue de l'entretien, le roi missionne officiellement le religieux pour aller à l'église Notre-Dame-de-Grâces de Cotignac, en son nom, faire une neuvaine de messes pour la bonne naissance dudauphin[9],[11],[12],[n 4].
Le, en remerciement à la Vierge pour cet enfant à naître, le roi signe leVœu de Louis XIII, consacrant le royaume deFrance à la Vierge Marie et faisant du un jour férié dans tout le royaume[13]. En 1644, la reine faisant venir auprès d'elle le frère Fiacre lui dira :« Je n'ai pas perdu de vue la grâce signalée que vous m'avez obtenue de la Sainte Vierge, qui m'a obtenu un fils ». Et à cette occasion, elle lui confie une mission personnelle : porter un présent (à la Vierge Marie) dans lesanctuaire de Cotignac, en remerciement de la naissance de son fils[13],[9]. En 1660, Louis XIV et sa mère se rendront en personne àCotignac pour y prier et remercier la Vierge[14], puis en 1661 et 1667, le roi fera porter des présents à l'église de Cotignac, par lefrère Fiacre, en son nom[15],[n 5]. À l'occasion de son passage enProvence (en 1660), le roi et sa mère se rendent en pèlerinage à lagrotte de la Sainte-Baume, sur les pas de sainteMarie Madeleine[16].
La naissance de Louis[n 6], le[17], est suivie deux ans plus tard par celle dePhilippe. La naissance tant espérée d'un dauphin écarte du trône le comploteur impénitent qu'étaitGaston d'Orléans, le frère du roi.
Louis aurait bénéficié également d'une éducation sexuelle particulière, sa mère ayant demandé à labaronne de Beauvais, surnommée « Cateau la Borgnesse », de le « déniaiser » à sa majorité sexuelle[n 7].
« Miraculé »
Dans son enfance, Louis XIV échappe à plusieurs reprises à lamort. À5 ans, il manque de se noyer dans un des bassins dujardin du Palais-Royal. Il est sauvéin extremis. À9 ans, le, il est atteint de lavariole[23]. Dix jours plus tard, les médecins n'ont plus aucun espoir, mais le jeune Louis se remet « miraculeusement ». À15 ans, il a une tumeur au sein[23]. À17 ans, il souffre deblennoragie[23].
Mais François Guénaut, le médecin d'Anne d'Autriche, lui donne unémétique à base d'antimoine et devin, qui guérit encore une fois « miraculeusement » le roi. Selon son secrétaireToussaint Rose, c'est à cette occasion qu'il perd une bonne partie de sescheveux et se met à porter temporairement[n 8] la « perruque à fenêtre », dont les ouvertures laissent passer les quelques mèches qui lui restent[25].
À la mort de son père, Louis-Dieudonné, qui a4 ans et demi, devient roi sous le nom de Louis XIV[n 9]. Son pèreLouisXIII, qui se méfie d'Anne d'Autriche et de son frère leduc d'Orléans — notamment pour avoir participé à des complots contreRichelieu — établit unconseil de régence comprenant, en sus des deux personnes citées, des fidèles de Richelieu, dontMazarin. Le texte y afférent est enregistré le par leParlement mais, dès le, Anne d'Autriche se rend avec son fils au Parlement, pour faire casser cette disposition et se faire confier« l'administration, libre, absolue et entière du royaume pendant sa minorité »[26], en bref la régence pleine et entière. Elle maintient contre toute attente lecardinal Mazarin en qualité dePremier ministre, en dépit de la désapprobation des cercles politiques français de l'époque, dont beaucoup n'apprécient pas qu'unItalien, fidèle de Richelieu, dirige la France[27].
En 1648, commence une période de forte contestation de l'autorité royale par lesparlements et la noblesse, qu'on appelle laFronde. Un épisode qui marque durablement le monarque. En réaction à ces événements, il s'applique à continuer le travail commencé par Richelieu, qui consiste à affaiblir les membres de lanoblesse d'épée, en les obligeant à servir comme membres de sacour et en transférant la réalité du pouvoir à une administration très centralisée, dirigée par lanoblesse de robe[28]. Tout commence quand, en, leParlement de Paris s'oppose aux impôts que veut lever Mazarin[29]. LaJournée des barricades contraint la régente et le roi à s'installer àRueil-Malmaison[30]. Si la cour revient assez vite dans la capitale, les exigences des parlementaires, appuyés par le très populairecoadjuteur de Paris,Jean-François Paul de Gondi, obligent Mazarin à envisager un coup de force. En pleine nuit, au début de l'année, la régente et la cour quittent la capitale dans le but de revenir l'assiéger et la remettre à obéissance. L'affaire se complique quand des personnalités de la haute noblesse apportent leur soutien à la Fronde : leprince de Conti, frère duprince de Condé[n 10],Beaufort, petit-fils d'HenriIV et quelques autres veulent renverser Mazarin. Après quelques mois de siège conduit par Condé, un accord de paix (paix de Rueil) est trouvé, qui voit le triomphe du Parlement de Paris et la défaite de la cour. Toutefois, il s'agit d'une trêve plutôt que d'une paix[31].
En-, un renversement d'alliance intervient,Mazarin et la régente se rapprochent du Parlement et des chefs des Grands de la première Fronde et font enfermer Condé, leur ancien allié, et leprince de Conti[32]. Le, le roi fait sa premièrecommunion en l'église Saint-Eustache et entre, alors qu'il n'a que douze ans, au conseil, en 1650. À partir de, se développe la révolte princière, qui oblige Mazarin et la cour à se déplacer en province, pour mener des expéditions militaires[33]. En, Gondi et Beaufort, chefs des Grands de la première Fronde, s'allient au Parlement pour renverser Mazarin, qu'une émeute oblige à s'exiler le. La reine et le jeune Louis essaient de s'enfuir de la capitale mais, alarmés, les Parisiens envahissent lePalais-Royal, où loge le roi, désormais prisonnier de la Fronde.
Le coadjuteur et leduc d'Orléans vont alors faire subir au roi une humiliation qu'il n'oubliera jamais : en pleine nuit, ils confient au capitaine desGardes suisses du duc de vérifierde visu qu'il est bien là[34].
Début, trois camps se font face : la cour, libérée de la tutelle instaurée par le Parlement en, le Parlement et enfin Condé et les Grands[37]. Condé va dominer Paris durant la première partie de l'année, en s'appuyant notamment sur le peuple, qu'il manipule en partie. Mais il perd des positions en province, tandis que Paris, qui supporte de moins en moins sa tyrannie, le contraint à quitter la ville le avec ses troupes[38]. Le,Anne d'Autriche et son fils Louis XIV, accompagnés du roi déchuCharlesII d'Angleterre, rentrent dans la capitale, entourés des princes resté fidèles, au premier rang desquels se tenaitCésar de Vendôme, oncle du roi[39]. L'absolutisme dedroit divin commence à se mettre en place. Une lettre que le roi adresse au Parlement permet d'en percevoir la substance :
« Toute autorité Nous appartient. Nous la tenons de Dieu seul sans qu'aucune personne, de quelque condition qu'elle soit, puisse y prétendre […] Les fonctions de justice, des armes, des finances doivent toujours être séparées ; les officiers du Parlement n'ont d'autre pouvoir que celui que Nous avons daigné leur confier pour rendre la justice […] La postérité pourra-t-elle croire que ces officiers ont prétendu présider au gouvernement du royaume, former des conseils et percevoir des impôts, s'arroger enfin la plénitude d'un pouvoir qui n'est due qu'à Nous[40] »
Le, Louis XIV, alors âgé de quinze ans, convoque unlit de justice où, rompant avec la tradition, il apparaît en chef militaire avec gardes et tambours. À cette occasion, il proclame une amnistie générale, tout en bannissant de Paris des Grands, des parlementaires, ainsi que des serviteurs de lamaison de Condé. Quant au Parlement, il lui interdit« de prendre à l'avenir aucune connaissance des affaires de l'État et des finances »[41].
Louis ne connaît sa femme que depuis trois jours, celle-ci ne parle pas un mot de français, mais le roi « l'honore » fougueusement devant témoins dès lanuit de noces[45]. Selon d'autres sources, cette nuit de noces, contrairement à l'usage, n'aurait pas eu de témoin[46].
Notons qu'à l'occasion de ce mariage, Marie-Thérèse doit renoncer à ses droits sur letrône d'Espagne et quePhilippeIV d'Espagne, en contrepartie, s'engage à verser« 500 000 écus d'or payables en trois versements ». Il est convenu que si ce paiement n'est pas effectué, la renonciation devient caduque[47].
La situation financière dégradée[n 11], dont l'informeJean-Baptiste Colbert, et le fort mécontentement desprovinces contre la pression fiscale sont préoccupants. Les causes en sont la guerre ruineuse contre lamaison d'Espagne et les cinq années de laFronde, mais aussi l'enrichissement personnel effréné de Mazarin, dont Colbert lui-même a profité, et celui dusurintendantFouquet.
Le, jour de ses23 ans, le roi fait arrêter Fouquet au grand jour, pard'Artagnan. Il supprime, par la même occasion, le poste desurintendant des finances[49].
Les raisons de l'incarcération de Nicolas Fouquet sont nombreuses et vont au-delà d'un problème d'enrichissement. Louis XIV, après la mort de Mazarin, n'est pas pris au sérieux et a besoin de s'affirmer[50]. Or, précisément, Nicolas Fouquet peut être perçu comme une menace politique : il faitfortifier sa possession deBelle-Île-en-Mer, il cherche à se constituer un réseau de fidèles et il n'hésite pas à faire pression sur la mère du roi en soudoyant son confesseur[50]. Il tente même de corrompre l'amie de Louis XIV,Mademoiselle de La Vallière, pour qu'elle le soutienne, ce qui la choque profondément. Par ailleurs, il est proche desdévots, à un moment où le roi n'adhère pas à cette doctrine. Enfin, pourJean-Christian Petitfils, il convient de prendre en compte la jalousie de Colbert vis-à-vis de Fouquet. Le premier nommé, s'il est un ministre de qualité que les historiensradicaux de laTroisième République ont honoré[51], est aussi« un homme brutal… d'une froideur glaciale », à quiMadame de Sévigné a donné le sobriquet« Le Nord »[50] et, partant, un adversaire redoutable.
Louis XIV crée unechambre de justice pour examiner les comptes des financiers, dont ceux de Fouquet. En, les juges condamnent Fouquet au bannissement, sentence que le roi commue en emprisonnement à vie àPignerol[50]. En juillet, les juges renoncent à poursuivre les fermiers et les traitants (financiers participants à la collecte des impôts), amis de Fouquet, moyennant le versement d'une taxe forfaitaire[52]. Tout cela permet à l'État de récupérer une centaine de millions de livres[53].
Louis XIV pratique une politique répressive forte envers lesBohémiens. Dans la droite ligne du décret du roi de, l'ordonnance du confirme et ordonne que tous les Bohémiens mâles, dans toutes les provinces du royaume où ils vivent, soient condamnés auxgalères à perpétuité, leurs femmes rasées et leurs enfants enfermés dans deshospices[62]. Les nobles qui leur donnaient asile dans leurs châteaux voient leursfiefs frappés deconfiscation[63],[64]. Ces mesures visent aussi à lutter contre levagabondage transfrontalier, et l'utilisation demercenaires par certains nobles.
Vers, le roi revient à une vie privée conforme aux normes sociales, sous l'influence conjuguée de ses confesseurs, de l'affaire des poisons et deMadame de Maintenon[56]. L'année est marquée par la mort deColbert, un de ses principaux ministres et l'« agent de cetabsolutisme rationnel qui se développe alors, fruit de la révolution intellectuelle de la première moitié du siècle ».
Pendant trente ans, de 1661 jusque vers, le roi gouverne en arbitrant entre ses principaux ministres :Colbert,Le Tellier etLouvois. Leur mort (le dernier, Louvois, décède en) change la donne. Et elle dégrade fortement les comptes publics, surveillés parColbert. La mort du ministre des Armées (Louvois) permet au roi de répartir lesecrétariat d'État à la guerre entre plusieurs mains, ce qui lui permet de s'impliquer davantage dans le gouvernement quotidien.Saint-Simon note que le roi prend alors plaisir« à s'entourer de « fort jeunes gens » ou d'obscurscommis peu expérimentés, afin de mettre en relief ses capacités personnelles »[67]. À partir de cette date, il devient à la fois chef d'État et de gouvernement[67].
Finalement, cette guerre aboutit autraité de Ryswick (1697), par lequel la France reconnaît la légitimité deGuillaume d'Orange au trône anglais. Si lesouverain anglais sort renforcé de l'épreuve, la France, surveillée par ses voisins de laligue d'Augsbourg, n'est plus en mesure de dicter sa loi. Globalement, ce traité est mal accueilli en France[69].
La fin du règne est assombrie par la perte, entre et, de presque tous seshéritiers légitimes[70] et par une santé déclinante. En 1711, leGrand Dauphin, seul fils légitime survivant, décède de lavariole à49 ans[71]. En 1712, une épidémie derougeole prive le roi de l'aîné de ses trois petits-fils. Le nouveaudauphin, l'ex-duc de Bourgogne, père du futurLouis XV, meurt à29 ans avecson épouse etson fils de5 ans (un premier enfant était déjà mort en bas âge en). Ne survit qu'un petit garçon de deux ans,Louis, sauvé de l'épidémie (et des médecins[72]) parsa gouvernante[73], mais qui reste affaibli : il est le dernier arrière-petit-fils légitime du roi régnant, d'autant plus isolé qu'en 1714, son oncle, leduc de Berry, le plus jeune des petits-fils du roi, meurt sans héritier, des suites d'unechute de cheval.
Le, aux alentours de8 h 15 du matin, le roi meurt d'uneischémie aiguë du membre inférieur, causée par uneembolie liée à unearythmie complète, compliquée degangrène[77], à l'âge de76 ans. Il est entouré de sescourtisans. L'agonie a duré plusieurs jours.
Sa mort met un terme à unrègne de soixante-douze années et cent jours dont cinquante-quatre années de règne effectif.
LeParlement de Paris casse son testament dès le[77], ouvrant une ère de retour en force des nobles et des parlementaires. Pour la plupart de ses sujets, le souverain vieillissant est devenu une figure de plus en plus lointaine. Lecortège funèbre est même hué ou raillé sur la route deSaint-Denis. Cependant, de nombreuses cours étrangères, même traditionnellement ennemies de laFrance, ont conscience de la disparition d'un monarque d'exception ; ainsiFrédéric-GuillaumeIer de Prusse n'a besoin de donner aucune précision de nom lorsqu'il annonce solennellement à son entourage :« Messieurs, le roi est mort »[78].
« C'est qu'en ces accidents qui nous piquent vivement et jusqu'au fond du cœur, il faut garder un milieu entre la sagesse timide et le ressentiment emporté, tâchant pour ainsi dire, d'imaginer pour nous-même ce que nous conseillons à un autre en pareil cas. Car, quelque effort que nous fassions pour parvenir à ce point de tranquillité, notre propre passion, qui nous presse et nous sollicite au contraire, gagne assez sur nous pour nous empêcher de raisonner avec trop de froideur et d'indifférence[n 15]. »
Atteindre cet équilibre suppose un combat contre soi-même. Louis XIV remarque,« il faut se garder contre soi-même, prendre garde à son inclinaison et être toujours en garde contre son naturel »[n 16]. Pour atteindre cette sagesse, il recommande l'introspection :« il est utile […] de se remettre de temps en temps devant les yeux les vérités dont nous sommes persuadés »[n 17]. Dans le cas du dirigeant, il ne faut pas seulement bien se connaître, il faut également bien connaître les autres :« Cette maxime qui dit que pour être sage il suffit de se bien connaître soi-même, est bonne pour les particuliers ; mais le souverain, pour être habile et bien servi, est obligé de connaître tous ceux qui peuvent être à la portée de la vue »[n 18].
Droit divin
Lors du sacre de Reims, le roi« est placé à la tête du corps mystique du royaume » et devient, au terme d'un processus commencé sousPhilippe le Bel, le chef de l'Église de France[95]. Le roi est le lieutenant de Dieu dans son pays et, d'une certaine façon, ne dépend que de lui. Dans son livreMémoires pour l'instruction du dauphin, il note« Celui qui a donné des rois aux hommes a voulu qu'on les respectât comme ses lieutenants, se réservant à Lui seul le droit d'examiner leur conduite »[96]. Chez Louis XIV, la relation à Dieu est première, son pouvoir venant directement de Lui. Il n'est pas d'abord humain (de jure humano) comme chezFrancisco Suárez etRobert Bellarmin[97]. Chez le Grand roi, la relation à Dieu ne doit pas être seulement « utilitaire ». Il déclare au dauphin« Gardez-vous bien, mon fils, je vous en conjure, de n'avoir de la religion que cette vue d'intérêt, très mauvaise quand elle est seule, mais qui d'ailleurs ne vous réussirait pas, parce que l'artifice se dément toujours et ne produit pas longtemps les mêmes effets que la vérité »[98].
Contrairement à la vision deBossuet qui tend à assimiler le roi à Dieu, Louis XIV ne se considère que comme le lieutenant de Dieu pour ce qui concerne la France[99]. À ce titre, il se voit comme l'égal du pape et de l'empereur. Dieu est pour lui un dieu vengeur, ce n'est pas le Dieu de douceur que commence à promouvoirFrançois de Sales. C'est un Dieu qui, par l'intermédiaire de sa Providence, peut châtier de façonimmanente ceux qui s'opposent à lui. En ce sens, la peur de Dieu vient limiter l'absolutisme[100].
Même chez Bossuet - un pro-absolutiste pour qui« Le prince ne doit rendre compte à personne de ce qu'il ordonne » - le pouvoir royal a des limites. Dans son livrePolitique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte, il écrit :« Les rois ne sont pas pour cela affranchis des lois ». En effet, la voie que doit suivre le roi est pour ainsi dire balisée :« Les rois doivent respecter leur propre puissance et ne l'employer qu'au bien public »,« le prince n'est pas né pour lui-même mais pour le public »,« Le prince doit pourvoir aux besoins du peuple »[101].
La cour permet de domestiquer la noblesse[107]. Certes, elle n'attire que de 4 000 à 5 000 nobles, mais il s'agit des personnages les plus en vue du royaume. Revenus sur leur terre, ceux-ci imitent le modèle versaillais et répandent les règles du bon goût[107]. Par ailleurs, la cour permet de surveiller les Grands et le roi prend bien soin d'être informé de tout[108]. L'étiquette assez subtile qui la régit lui permet d'arbitrer les conflits et de répandre une certaine discipline. Enfin, la cour lui fournit un vivier où sélectionner le personnel de l'administration civile et militaire[109]. Des règles de préséance byzantines renforcent l'autorité du roi en le laissant maître de décider ce qui doit être, tandis que s'installe une liturgie royale qui contribue à l'affirmation de son pouvoir divin[110].
Pour Michel Pernot,« La Fronde, tout bien pesé, est la conjonction de deux faits majeurs : d'une part l'affaiblissement de l'autorité royale pendant la minorité de Louis XIV ; d'autre part la réaction brutale de la société française à l'État moderne voulu parLouisXIII etRichelieu[111] ». La grande noblesse, comme les petite et moyenne noblesses et les Parlements, ont des objections à avancer à la monarchie absolue, telle qu'elle se constitue. La grande noblesse est divisée par les ambitions de ses membres qui n'ont guère l'intention de partager le pouvoir et n'hésiteront d'ailleurs pas à combattre les petite et moyenne noblesses[112]. Celle-ci vise à« instaurer en France la monarchie mixte ouStändestaat, en donnant le premier rôle dans le royaume auxÉtats généraux ». En cela, elle s'oppose aux Grands qui veulent surtout garder une influence forte dans les instances principales de l'État — en y siégeant eux-mêmes ou en y faisant siéger des fidèles — et aux Parlements qui ne veulent surtout pas entendre parler desÉtats généraux[113].
Le Parlement n'est absolument pas un parlement au sens moderne. Il s'agit de« tribunaux d'appel jugeant en dernier ressort »[26]. Les parlementaires sont propriétaires de leur charge, qu'ils peuvent transmettre à leur héritier moyennant le paiement d'une taxe appelée lapaulette[114]. Les lois, ordonnances, édits et déclarations doivent être enregistrés avant d'être publiés et appliqués. À cette occasion, les parlementaires peuvent émettre des objections ou « remontrances » quant au contenu, lorsqu'ils pensent que les lois fondamentales du royaume ne sont pas respectées. Pour faire plier le Parlement, le roi peut adresser unelettre de jussion, à laquelle le Parlement peut répliquer par des remontrances réitérées. Si le désaccord persiste, le roi peut utiliser la procédure dulit de justice et imposer sa décision[115]. Les magistrats aspirent à« rivaliser avec le gouvernement dans les affaires politiques »[116] et ce d'autant plus que, au même titre que le conseil du roi, ils émettent des arrêts. De nombreux magistrats sont opposés à l'absolutisme. Pour eux, le roi ne doit utiliser que sa« puissance réglée, c'est-à-dire limitée à la seule légitime »[117]. Lors du lit de justice du, l'avocat généralOmer Talon demande à la régente« de nourrir et élever sans entrave sa majesté dans l'observation des lois fondamentales et dans le rétablissement de l'autorité que doit avoir cette compagnie (c'est du Parlement qu'il s'agit), anéantie et comme dissipée depuis quelques années, sous le ministère du Cardinal de Richelieu »[117].
Oppositions à l'absolutisme après la Fronde
La crise financière du milieu des années soixante-dix est accompagnée d'une forte hausse de la fiscalité, autant par l'augmentation des taux que par la création de nouveaux impôts. Cela entraîne des révoltes dans le Bordelais et surtout en Bretagne (révolte du papier timbré), où les forces armées doivent rétablir l'ordre[118]. Le Languedoc et la Guyenne connaissent une conspiration animée par Jean-François de Paule, seigneur de Sardan, soutenu parGuillaume d'Orange. Cette conspiration est assez vite étouffée[119]. Toutefois, si l'on considère qu'en France les révoltes ont de tout temps été chose courante, force est de constater qu'elles sont rares sous le règne de Louis XIV. Cela tient pour beaucoup au fait que, contrairement à ce qui s'est passé durant laFronde, elles ne reçoivent que peu de soutien de la noblesse — en dehors ducomplot de Latréaumont — car celle-ci est employée dans les armées du roi ou occupée à la cour. Par ailleurs, le roi dispose d'une force armée qu'il peut déployer rapidement et la répression est rigoureuse[120]. Malgré cela, le poids de l'opinion publique reste fort. En, période de famine et de défaite militaire, elle contraint le monarque à se séparer de son secrétaire d'État à la Guerre,Michel Chamillart[121].
Le roi se fait très tôt obéir par les Provinces : en réponse aux révoltes de la Provence (Marseille en particulier), le jeune Louis XIV envoiele duc de Mercœur pour réduire la résistance et réprimer les rebelles. Le, le roi étant entré dans la ville par une brèche ouverte dans les remparts, il change le régime municipal et soumet le Parlement d'Aix. Les mouvements de contestation en Normandie et en Anjou se terminent en. Malgré le déploiement de force, l'obéissance est« plus acceptée qu'imposée »[122],[123].
Le jeune souverain impose son autorité aux Parlements. Dès, il impressionne les parlementaires en intervenant, en costume de chasse et le fouet à la main, pour faire cesser une délibération. Le pouvoir des Parlements est diminué par la mise en place delits de justice sans la présence du roi, ainsi que par la perte de leur titre de « cour souveraine » en, et par la limitation, en, de leurdroit de remontrance[124].
Le conseil royal est divisé en plusieurs conseils, d'importance et de rôles divers. Le Conseil d'en haut traite des affaires les plus graves ; le Conseil des dépêches, de l'administration provinciale ; le Conseil des finances, des finances comme son nom l'indique ; le Conseil des parties, des causes judiciaires ; le Conseil du commerce, des affaires commerciales et enfin le Conseil des consciences est chargé des religions catholique et protestante[126]. Louis XIV ne veut pas qu'il y ait des princes de sang ni de duc aux conseils, se souvenant des problèmes rencontrés lors de la Fronde lorsqu'ils siégeaient à ces conseils[127]. Les décisions du roi sont préparées dans un certain secret. Les édits sont rapidement enregistrés par les Parlements, puis rendus publics dans les provinces où lesintendants, ses administrateurs, prennent de plus en plus le pas sur les gouverneurs, issus de la noblesse d'épée[127].
Conseil du roi ouétroit, il se compose de trois Conseils
Rôles
Conseil d'En-haut
Composé de ministres d'État que seul le roi peut convoquer
Vrai gouvernement, il traite les plus hautes affaires politiques et diplomatiques. Il se réunit trois fois par semaine[128].
Conseil des finances ouroyal
Contrôleur général, deux ou trois intendants des finances
Il a repris les affaires de la surintendance. Il comprend le roi, un chef du conseil et trois conseillers, dont un intendant des finances. Il établit le budget, dresse les baux de fermes, répartit lataille. Il se réunit trois fois par semaine[128].
Conseil des dépêches
Les quatre secrétaires d'État
Étudie les rapports des intendants et des gouverneurs et en établit les réponses[128].
Les autres conseils
Rôles
Conseil des parties ouprivé
30 conseillers d'État, 98 maîtres des requêtes
Haute Cour de justice, questions administratives. Le roi n'y assiste presque jamais, laissant la présidence au Chancelier[129].
Conseil du commerce
12 négociants élus, 6 officiers
Vie économique. Existence éphémère-, n'a réellement fonctionné que trois ou quatre ans[130]. Il sera remplacé en par un bureau du commerce, simple commission du conseil privé qui préparera l'édit de permettant aux nobles de pratiquer le commerce en gros sans déroger[127].
Conseil de conscience, présidé par le roi
Confesseur du roi, archevêque de Paris, et un ou deux prélats
Questions religieuses et nominations aux bénéfices vacants[131].
Les Ministres
Rôles
Le Chancelier (inamovible)
Justice
Le contrôleur général des finances (amovible)Charge créée en
Grand administrateur de la vie financière et économique
Les quatre secrétaires d'État (amovibles)
des Affaires étrangères
de la Guerre
de la Marine
de la Maison du roi
Ils se partagent aussi la France en quatre secteurs, où ils exercent les fonctions de ministre de l'intérieur, de même que le contrôleur général des finances.
À partir de la création du Conseil royal des finances () les finances, dirigées désormais par un contrôleur général, en l'occurrenceColbert, supplantent la justice en tant que première préoccupation duConseil d'en haut. Celui qui aurait normalement dû être chargé de la justice, lechancelierFrançois-Michel Le Tellier de Louvois, finit lui-même par délaisser la justice pour se consacrer essentiellement aux affaires de guerre. Au fil du temps, deux clans dans l'administration se constituent, rivalisent et cohabitent. Le clan Colbert gère tout ce qui touche à l'économie, la politique étrangère, la marine et la culture, alors que le clanLe Tellier-Louvois a la mainmise sur la Défense[132]. Le roi fait ainsi sienne la devise « diviser pour mieux régner ».
Jusqu'en 1671, alors que s'amorcent les préparatifs de laguerre de Hollande, le clan Colbert domine. Cependant, les réticences de Colbert, à nouveau résistant devant de grandes dépenses, commencent à le discréditer aux yeux du roi. De plus, l'écart d'âge entre Colbert (52 ans à l'époque) et le roi (33 ans) pousse presque naturellement le souverain à se rapprocher deLouvois, qui n'a que30 ans et la même passion : la guerre. Jusqu'en, c'est le clan Louvois qui est le plus influent. En,LouisII Phélypeaux de Pontchartrain, nommé contrôleur général avant de devenir secrétaire d'État (1690), s'impose à la première place. En, il est élevé à la dignité de chancelier, tandis que son fils Jérôme lui succède[133].
En, la fonction publique ne compte que800 membres appointés (membres des conseils, secrétaires d'État, conseillers d'État, maîtres des requêtes et commis) alors qu'elle compte 45 780 officiers de finance, de justice et de police propriétaires de leur charge[134].
Le jeune roi se méfie de Paris, une ville qu'il a vu se révolter et qu'il ne quitte pour Versailles qu'en. La ville est perçue comme une concentration dangereuse d'épidémies, d'incendies, d'inondations, d'encombrements et désordres de tout genre[135]. Elle attire des individus qui espèrent vivre mieux auprès des riches : escrocs, brigands, voleurs, mendiants, infirmes, hors-la-loi, paysans sans terre et autres déshérités[136]. LaCour des Miracles, le plus célèbre de ses ghettos incontrôlables, compterait 30 000 individus, soit 6 % de la population parisienne.
L'édit de fondation de l'hôpital général de Paris (), dit de « Grand Renfermement », a pour objet d'éradiquer la mendicité, le vagabondage et la prostitution. Conçu sur le modèle de l'hospice de la Charité établi en à Lyon, il est desservi par lacompagnie du Saint-Sacrement en trois établissements (la Salpêtrière,Bicêtre etSainte-Pélagie). Mais, en dépit des peines et des expulsions prévues pour ceux qui ne regagnent pas l'hôpital, cette mesure, qui horrifieVincent de Paul, est un échec, faute d'effectifs suffisants pour la faire appliquer. De plus, la police est disséminée en différentes factions qui rivalisent entre elles. La situation, mal maîtrisée, empire et« on rapporte que le roi n'en dort plus la nuit ».
Le, Colbert nomme l'un de ses proches,La Reynie à la charge de lalieutenance générale de police qui vient d'être créée[137]. Intègre et travailleur, La Reynie a déjà participé au conseil de réforme de la justice. L'ordonnance civile de Saint-Germain-en-Laye () organise un contrôle précis des affaires intérieures. Elle vise une approche globale de la criminalité, notamment en fusionnant les quatre services de police de Paris. Les attributions de La Reynie, nommé en Lieutenant général de police, sont étendues : maintien de l'ordre public et des bonnes mœurs, ravitaillement, salubrité (ébouage, pavage des rues, fontaines d'eau, etc.), sécurité (rondes, éclairage des rues par des lanternes, lutte contre la délinquance et les incendies, liquidation des « zones de non-droit »… Son service a la confiance du gouvernement royal, et s'occupe donc également des grandes et petites affaires criminelles dans lesquelles de hauts aristocrates pourraient être mêlés :complot de Latréaumont (1674),affaire des poisons (1679-1682), etc.[135].
La Reynie s'acquitte de cette tâche épuisante avec intelligence pendant30 ans, jusqu'en et instaure à Paris une « sécurité inconnue »[138]. Mais peu avant son retrait, la situation commence à se dégrader. Lemarquis d'Argenson, qui lui succède, est un homme rigoureux et sévère qui entreprend une intransigeante remise en ordre, l'administration royale se faisant plus répressive. Il instaure une sorte de police secrète d'État, qui semble servir les intérêts des puissants et accentuer le despotisme d'un règne vieillissant. Ses services lui valent, en, lors de laRégence, la place enviée degarde des Sceaux[139].
La réorganisation de l'armée est rendue possible par celle des finances. Si Colbert a réformé les finances, c'estMichel Le Tellier puis son fils, lemarquis de Louvois, qui aident le roi à réformer l'armée. Les réformes portent notamment sur l'unification des soldes, la création de l'hôtel des Invalides (1670) et la réforme du recrutement[143]. Cela a pour effet de réduire le taux de désertions et d'augmenter le niveau de vie du personnel militaire. Le roi charge égalementVauban de construire une ceinture de fortifications autour du territoire (politique dupré carré)[144]. Au total, au cœur de son règne, le Royaume dispose d'une armée de 200 000 hommes, ce qui en fait de loin la première armée d'Europe, capable de tenir tête à des coalitions rassemblant de nombreux pays européens[145]. Lors de laguerre de Hollande (1672-1678), l'armée aligne environ 250 000 hommes, elle en aligne 400 000 lors des guerres deNeuf Ans (1688-1696) et deSuccession d'Espagne (1701-1714)[146]. Le financement des armées en campagne est assuré, pour environ un quart, par les contributions payées par les territoires étrangers où elles interviennent[147].
À la mort deMazarin, en, lamarine royale, ses ports et ses arsenaux sont en piteux état[148]. Seule une dizaine de vaisseaux de ligne est en état de fonctionnement, alors que la Marine anglaise en compte 157, dont la moitié sont des vaisseaux importants, embarquant de 30 à 100 canons. Pour sa part, la flotte de la république desProvinces-Unies compte84 vaisseaux.
Colbert et son fils vont mobiliser des ressources humaines, financières et logistiques sans précédent, permettant de créer presqueex nihilo une puissance militaire navale de premier rang. À la mort du ministre, en, la « Royale » compte112 vaisseaux et dépasse de quarante-cinq unités laRoyal Navy[149], mais les officiers, du fait de la relative jeunesse de la flotte, manquent souvent d'expérience[152].
Si la marine intervient dans les conflits et joue un rôle important dans les tentatives de restaurerJacquesII d'Angleterre, elle est aussi utilisée dans la lutte contre lesbarbaresques. Si l'expédition de Djidjelli de, destinée à mettre fin au piratage des barbaresques en Méditerranée, se solde par un échec cuisant[153], les expéditions de et de de l'escadre d'Abraham Duquesne permettent de détruire de nombreux navires dans labaie d'Alger[154].
Traité d'Utrecht :Philippe d'Anjou est reconnu comme roi d'Espagne mais renonce à ses droits de succession au trône de France. Traité de Rastatt : signé entre le Royaume de France et l'Archiduché d'Autriche
Ces guerres agrandissent considérablement le territoire : sous le règne de Louis XIV, la France conquiert laHaute-Alsace,Metz,Toul,Verdun, leRoussillon, l'Artois, laFlandre française,Cambrai, lecomté de Bourgogne, laSarre, leHainaut et laBasse-Alsace. Toutefois, revers de la médaille, cette politique pousse les autres pays européens, inquiets de cette volonté de puissance, à s'allier de plus en plus souvent contre la France. Si celle-ci reste puissante sur le continent, elle est donc relativement isolée, tandis que l'Angleterre connaît une prospérité économique croissante et qu'un sentiment national commence à poindre en Allemagne[155],[156].
Politique étrangère
Territoire sous règne français et conquêtes de à.Possessions des Habsbourg en 1556.
Louis XIV poursuit d'abord la stratégie de ses prédécesseurs depuisFrançois Ier pour dégager la France de l'encerclement hégémonique desHabsbourg en Europe, en menant une guerre continuelle contre l'Espagne, en particulier sur le front desFlandres. Toutefois, les guerres d'après lestraités de Westphalie s'inscrivent dans un cadre différent. La France est alors perçue comme une menace par les autres pays et doit faire face à deux nouvelles puissances montantes : l'Angleterre protestante et les Habsbourg d'Autriche.
Pour mener cette politique, le roi s'entoure de collaborateurs de talent, telsHugues de Lionne (1656-1671), puisSimon Arnauld de Pomponne (1672-1679), auquel succèdeCharles Colbert de Croissy (1679-1691), plus brutal et plus cynique, avant que Pomponne ne revienne en, lorsqu'une politique plus accommodante est jugée nécessaire. Le dernier responsable des affaires étrangères,Jean-Baptiste Colbert de Torcy, fils de Colbert, est considéré parJean-Christian Petitfils comme« un des plus brillants ministres des Affaires étrangères de l'ancien régime »[159].
La France dispose alors de quinze ambassadeurs, quinze envoyés et deux résidents dont certains sont d'excellents négociateurs. Autour d'eux gravitent des négociateurs officieux et des agents secrets parmi lesquels un certain nombre de femmes, telles la baronne de Sack, Madame de Blau ainsi queLouise de Keroual, qui devient la maîtresse deCharlesII (roi d'Angleterre)[160],[161]. L'arme financière est aussi utilisée : bijoux offerts aux femmes ou maîtresses de puissants, attribution de pensions, etc. Deux ecclésiastiques,Guillaume-Egon de Fürstenberg, qui devint abbé de Saint-Germain-des-Prés, et son frère[162], figurent en tête de liste des pensionnés.
Si le roi est d'abord préoccupé par les affaires européennes, il s'intéresse également aux colonies françaises en Amérique, sans négliger l'Asie et l'Afrique. En, il envoie desjésuites français auprès de l'empereur chinois et amorce ainsi les relations sino-françaises[163]. Après avoir reçu en 1701 une lettre du négusIyasouIer d'Éthiopie à la suite du périple deJacques-Charles Poncet, il envoie une ambassade sous la conduite deLenoir Du Roule dans l'espoir de nouer des relations diplomatiques. Ce dernier et ses compagnons sont cependant massacrés en 1705 àSennar[164].
Alliance traditionnelle contre les Habsbourg (1643-1672)
Dans un premier temps, pour se dégager de l'encerclement des Habsbourg, le jeune Louis XIV avec son ministreMazarin fait alliance avec les principales puissances protestantes, reprenant ainsi la politique de ses deux prédécesseurs et deRichelieu.
Cetteguerre franco-espagnole connaît plusieurs phases. Quand le règne débute, la France soutient directement les puissances protestantes contre les Habsbourg, notamment lors de laguerre de Trente Ans. Lestraités de Westphalie signés en voient le triomphe du dessein européen deRichelieu[165]. L'empire des Habsbourg est coupé en deux, avec d'un côté lamaison d'Autriche et de l'autre l'Espagne, tandis que l'Allemagne reste divisée en multiples États. Par ailleurs, ces traités sanctionnent la montée en puissance des États nationaux et instaurent une forte distinction entre la politique et la théologie, raisons pour lesquelles, le papeInnocentX est fortement opposé à ce traité[165]. Les processus ayant mené à ces traités serviront de base aux congrès multilatéraux des deux siècles à venir[165].
Durant laFronde, l'Espagne tente d'affaiblir le roi en soutenant la révolte militaire duGrand Condé (1653) contre Louis XIV[166]. En, des victoires françaises et une alliance avec lespuritains anglais (1655-1657) et les puissances allemandes (Ligue du Rhin) imposent à l'Espagne letraité des Pyrénées (soudé par le mariage entre Louis XIV et l'infante en)[167]. Le conflit reprend à la mort du roi d'Espagne (1665) quand Louis XIV entame laguerre de Dévolution : au nom de l'héritage de son épouse, le roi réclame que des villes frontalières du royaume de France, enFlandre espagnole, lui soient dévolues[168].
À l'issue de cette première période, le jeune roi est à la tête de la première puissance militaire et diplomatique d'Europe, s'imposant même aupape. Il a agrandi son royaume vers le nord (Artois, achat deDunkerque aux Britanniques) et conservé, au sud, leRoussillon[169]. Sous l'influence deColbert, il a aussi construit une marine et agrandi son domaine colonial pour combattre l'hégémonie espagnole.
NiLe Tellier niLouvois ne sont les instigateurs de cette guerre, même s'ils s'y rallient. De même,Colbert s'y oppose au début, car cela menace la stabilité économique du royaume. En fait, le mauvais génie pourrait bien avoir étéTurenne qui pense que la guerre sera courte, ce dont leGrand Condé doute[173].
Au départ, les victoires succèdent aux victoires jusqu'à ce que les Hollandais ouvrent les écluses et inondent le pays, arrêtant la progression des troupes. Les Hollandais proposent alors la paix à des conditions avantageuses pour les Français, qui malgré tout refusent[174]. La situation de blocage amène une révolution du peuple hollandais contre l'oligarchie temporisatrice et porte au pouvoirGuillaume d'Orange, un adversaire d'autant plus redoutable qu'il deviendra roi d'Angleterre[175]. L'Espagne et plusieurs États allemands se mettent alors à aider la Hollande. Les massacres de population auxquels lemaréchal de Luxembourg laisse ses troupes se livrer, servent la propagande anti-française de Guillaume d'Orange[176].
En mer, les forces alliées anglo-françaises ne sont pas très heureuses face à la Marine hollandaise ; sur terre, en revanche, le roi remporte une victoire enprenant la ville de Maëstricht[177]. Mais cette victoire renforce la détermination des autres pays qui commencent à craindre la puissance française. En Angleterre en, Charles II, menacé par leParlement anglais, fait défection[178]. Dès, des négociations sont envisagées, qui ne débuteront réellement qu'en à Nimègue[179].
Mais ce traité défavorable à l'Empereur rompt la politique deRichelieu et deMazarin qui visaient à ménager les États germaniques. En conséquence, si le peuple français de même que les grands seigneurs applaudissent le roi et si les élus parisiens lui décernent le titre de Louis le Grand, cette paix est porteuse de menaces futures[181].
Le, le roi s'estimant menacé par la ligue d'Augsbourg et las des tergiversations concernant la trêve de Ratisbonne, se déclare contraint d'occuperPhilippsburg si, sous trois mois, ses adversaires n'acceptent pas une conversion de la trêve de Ratisbonne en un traité définitif et si l'évêque de Strasbourg ne devient pas électeur de Cologne. Parallèlement, sans attendre la réponse, il fait occuper Avignon, Cologne et Liège[191] et met le siège devantPhilippsburg. En, afin d'intimider ses adversaires, Louvois provoque lesac du Palatinat, action qui, loin d'effrayer ses adversaires, a pour effet de les renforcer, puisque l'électeur de Brandebourg,Frédéric Ier, l'électeur de Saxe, le duc de Hanovre et le Landgrave de Hesse rejoignent la coalition de l'empereur[192].
L'année est aussi celle de l'échec de labataille de la Hougue, où la flotte française, qui doit aiderJacquesII à reconquérir son royaume, est battue. Cette défaite fait renoncer la France à pratiquer sur mer la guerre d'escadre et lui fait préférer le recours aux corsaires[196]. En, labataille de Neerwinden, une des plus sanglantes du siècle, voit la victoire des Français qui s'emparent d'un grand nombre de drapeaux ennemis. En Italie, le maréchalNicolas de Catinat bat Victor-Amédée à laBataille de La Marsaille ()[197]. Sur mer en, la flotte de la Méditerranée aide l'armée française de Catalogne à s'emparer deRosas, puis de concert avec la flotte deTourville, coule ou détruit83 navires d'un convoi anglais qui, escorté par les Anglo-Hollandais, faisait route versSmyrne[198]. Malgré tout, la guerre s'enlise quandCharlesXI de Suède décide de proposer une médiation[199].
De son côté, le nouveau roi d'Angleterre, Guillaume d'Orange, s'active à réarmer son nouveau pays et est d'autant plus opposé à Louis XIV que celui-ci a soutenu le roi déchuJacquesII. Aussi, et bien que le « Grand Roi » ait tenté le dialogue, le, l'Angleterre, la Hollande et l'empereur lui déclarent la guerre, rejoints par le Danemark, le roi de Prusse et de nombreux princes et évêques allemands[206]. Les animateurs militaires de cette coalition sont leprince Eugène de Savoie,Anthonie Heinsius et leduc de Marlborough[207]. De son côté, si la France compte des maréchaux médiocres commeVilleroy ouTallard, elle compte aussi deux chefs,Vendôme etVillars, dont les capacités militaires sont à la mesure de celles de leurs adversaires, Marlborough et le prince Eugène[208].
Défaites militaires, pourparlers de paix dilatoires et appel au peuple
« Je passe sous silence les insinuations qu'ils ont faites de joindre mes forces à celle de la Ligue, et de contraindre le roi, mon petit-fils, à descendre du trône, s'il ne consentait pas volontairement à vivre désormais sans États, à se réduire à la condition d'un simple particulier. Il est contre l'humanité de croire qu'ils aient seulement eu la pensée de m'engager à former avec eux pareille alliance. Mais, quoique ma tendresse pour mes peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants ; quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, et que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement de les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à les recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom FRANÇAIS[213]. »
Le motfrançais, écrit en majuscule dans le texte original, est un« appel au patriotisme ». Le roi, en opposition avec la pensée absolutiste, ne demande pas l'obéissance mais le soutien du peuple[213]. La lettre, lue aux troupes par le maréchal de Villars, provoque un sursaut chez les soldats, qui, lors de labataille de Malplaquet, font preuve d'une grande combativité. S'ils doivent finalement battre en retraite, ils infligent à leur ennemi des pertes deux fois plus importantes que celles qu'ils ont à déplorer[214].
Paix voulue par la France et l'Angleterre : traités d'Utrecht
D'un point de vue économique, deux périodes sont à distinguer : celle d'avant, assez brillante, et celle de-, où le gouvernement de plus en plus solitaire de Louis XIV prive les forces économiques de moyens de se faire entendre[218], ce qui pénalise l'économie d'autant plus que l'état des finances devient inquiétant.
Les conditions climatiques furent très défavorables: le règne coïncide avec leminimum de Maunder (1645- 1715), une période extrêmement froide[219] qui produit d'importantes disettes, plusieursépidémies etépizooties; en 1693-1694, le printemps très pluvieux suivi d'un échaudage l'été provoque une famine suivie d'une épidémie qui tuent 1 300 000 personnes; lors du « grand hiver » 1708-1709 le froid a tué directement environ deux cent mille personnes, et indirectement quatre cent mille par famine et épidémie[220].
Colbert, comme avant luiLouisXI, Sully et Richelieu, veut réduire le décalage existant entre le potentiel économique de la France et l'activité assez médiocre de l'économie réelle[228]. Colbert conçoit le commerce extérieur comme un commerce d'État à État[229] : aussi veut-il mettre fin à un commerce extérieur déficitaire. Pour inverser cette tendance, il souhaite donc diminuer les importations de produits de luxe italiens ou flamands et créer ou favoriser les industries du pays. Colbert n'hésite pas à pratiquer l'espionnage industriel, notamment au détriment de la Hollande et de Venise[230], à qui il « emprunte » les secrets de la verrerie. En octobre, il peut ainsi créer la « manufacture de glaces, cristaux et verres », qui deviendra plus tardSaint-Gobain[231]. Un édit de autorise l'établissement des manufactures royales de tapisserie de haute et basse lice à Beauvais et en Picardie[231]. Cette politique d'entreprises créées en dehors des corporations a un certain succès ; en revanche, sa volonté de contrôler les corporations est un échec, d'autant qu'il entendait de la sorte regrouper des ateliers et arriver à une plus grande rationalisation de la production[232]. Colbert essaye aussi d'améliorer la qualité de l'industrie textile établie depuis longtemps en Picardie et en Bretagne en publiant force édits[233]. Il favorise aussi les voies de communication, notamment les voies fluviales (canal d'Orléans, canal de Calais à Saint-Omer,canal du Midi)[233].
Si les agents économiques privés sont réticents à rejoindre les grandes compagnies, ils font malgré tout preuve de dynamisme. À la fin du règne, lesBretons vendent leurs toiles en Espagne et les Malouins durant laguerre de Succession d'Espagne sont actifs dans l'Atlantique sud[234]. Par ailleurs, c'est à cette époque qu'est inventé lechampagne. Enfin la fabrication de drap fin se développe dans le Carcassonnais tandis que la soierie Lyonnaise s'impose au détriment de la production italienne[235]. Toutefois,« les marchands et négociants s'accommodaient mal du dirigisme de Colbert »[236] et se montreront plus dynamiques quandPontchartrain prendra le relais, même si larévocation de l'édit de Nantes a privé la France de négociants et surtout d'artisans et ouvriers spécialisés protestants qui contribueront à l'émergence de concurrents dans les pays qui les accueilleront[236]. Il convient de noter aussi que sur la période, les dépenses militaires ainsi que les constructions entreprises en grand nombre dans le royaume entretiennent une forte demande intérieure qui favorise la production et le commerce[237].
Colonies
Colonies d'Amérique du Nord
L'Amérique du Nord vers 1702. Les territoires français sont représentés en bleu, les territoires anglais en rouge, les espagnols en orange.
En 1663, Louis XIV fait de laNouvelle-France une province royale en prenant le contrôle de laCompagnie de la Nouvelle-France. Dans le même temps, laSociété Notre-Dame de Montréal cède ses possessions à laCompagnie des prêtres de Saint-Sulpice[238]. Pour peupler la colonie, le gouvernement paie le voyage des futurs colons. Parallèlement, pour favoriser la natalité dans la colonie même, il organise l'opération des « filles du roi » visant à envoyer au Canada de jeunes orphelines : entre et, 764 à 1 000 orphelines débarquent auQuébec. Avec cette politique, la population compte rapidement 3 000 personnes supplémentaires[239]. En outre, de à, l'État consent un effort budgétaire important et envoie un million de livres pour développer l'industrie et le commerce. Après, les finances royales ne permettent plus d'investir fortement dans cette colonie[240].
En 1665, Louis XIV envoie au Québec une garnison française, lerégiment de Carignan-Salières. Le gouvernement de la colonie est réformé et comprend un gouverneur général et un intendant qui dépendent tous deux du ministère de la Marine. Cette même année,Jean Talon est choisi par le ministre de la Marine,Colbert, pour devenir l'intendant de la Nouvelle-France. Dans les années-, une réflexion intervient sur le devenir de cette colonie. À cette occasion, deux thèses s'affrontent : pour Talon et lecomte de Frontenac, il convient de créer un État qui irait jusqu'au Mexique ; à Paris, Colbert soutient la thèse d'un peuplement et du développement d'un territoire limité compris entreMontréal etQuébec[241]. C'est la thèse des gens du Québec qui triomphe. Plusieurs raisons expliquent cette issue. Les trappeurs et les chasseurs en quête de fourrures et de richesses minières poussent à une expansion des territoires non désirée par Paris. Les missionnaires, poussés par la soif de convertir, vont également dans le même sens. C'est ainsi qu'en, lepère Marquette etLouis Jolliet, après avoir atteint leMississippi, le descendent jusqu'à l'embouchure de l'Arkansas[240]. C'est à cette époque qu'est construit lefort Frontenac, suivi en dufort Crèvecœur, puis dufort Prud'homme. Enfin, en, l'explorateurRené-Robert Cavelier de La Salle atteint ledelta du Mississippi et en prend possession au nom de Louis XIV et nomme cette vaste région laLouisiane en l'honneur du roi[242]. Cette expansion provoque un changement dans l'équilibre économique de la colonie, qui, dominée jusque vers par la pêche, devient à compter de cette date de plus en plus tournée vers les fourrures[243]. Le commerce de la Nouvelle-France vers le continent européen transite quant à lui principalement parLa Rochelle dont la flotte triple entre et[244].
Durant la guerre de laligue d'Augsbourg, les Français doivent faire face auxIroquois jusqu'à ce qu'un traité de paix soit signé en. Cette même année Louis XIV demande que la Nouvelle-France et la Louisiane servent de barrière à l'expansion anglaise à l'intérieur du continent américain et qu'à cette fin soit crée une chaîne de postes, une idée qui ne se concrétisera qu'après la fin de laguerre de Succession d'Espagne. Lors desTraités d'Utrecht (1713), qui mettent fin à cette guerre, la Nouvelle-France est amputée de l'Acadie et deTerre-Neuve[245]. À compter de, la France s'intéresse fort à laLouisiane à la fois pour des raisons géopolitiques, contenir l'Angleterre, et économiques : on espère que ce territoire sera aussi riche en minerais que le Mexique. Comme au Canada, les Français s'allient à des Indiens. Dans ce cas avec des tribus du golfe du Mexique elles-mêmes en lutte avec lesCreeks et lesChicachas alliés des Anglais. En proie à des difficultés financières, le gouvernement veut confier le territoire à l'initiative privée, mais la bourgeoisie commerçante française n'est pas très enthousiaste. FinalementAntoine de Lamothe-Cadillac, le fondateur deDétroit, arrive à convaincre le financierAntoine Crozat à s'intéresser à cette colonie en lui faisant miroiter l'existence possible de mines. En, un bail de quinze ans est signé avec Crozat qui reçoit mandat d'y envoyer annuellement deux navires chargés de vivres et de colons[246]. Si les explorateurs ne trouvent ni or ni argent, seulement du plomb, du cuivre et de l'étain en Louisiane, la recherche de mines contribue malgré tout au peuplement du pays des IndiensIllinois. Par ailleurs, la révolte des Indiens contre les Anglais installés à Charleston et en Caroline du Sud permet aux Français, entre-, d'étendre leur influence en Louisiane[247].
En 1659, un premier comptoir français, nommé « Saint-Louis » en hommage au roi, est installé sur l'île deNdar auSénégal. À la suite de l'échec de la Compagnie des Indes occidentales, le pays est cédé à laCompagnie du Sénégal en 1673 pour transférer desesclaves noirs auxAntilles. Le roi fournit une grande part des capitaux pour assurer la traite négrière, prêtant également des vaisseaux de guerre et des soldats. Des possessions sont arrachées aux Hollandais, commeGorée en 1677 par le vice-amiral Jean d'Estrées, et des traités sont établis avec les rois locaux. Nommé par le roi,André Bruë noue ainsi des relations diplomatiques avecLat Soukabé Ngoné Fall et d'autres souverains comme le roi deGalam[248].
Selon l'historienTidiane Diakité, Louis XIV serait de tous les rois de France et de l'Europe le seul à s'être autant intéressé à l'Afrique[249],[250] : il est celui qui eut la correspondance la plus fournie avec des rois d'Afrique, celui qui dépêcha auprès d'eux le plus d'émissaires et chargés de mission, et il reçut des Africains à la cour. Certains fils de rois noirs, comme le princeAniaba, furent élevés àVersailles, baptisés par les soins du roi qui caressait l'espoir d'une évangélisation de l'Afrique ; il favorisa l'envoi de missionnaires, y compris enÉthiopie, royaume chrétien pourtant« infecté de plusieurs hérésies »[251]. Cet objectif d'évangélisation est d'ailleurs associé à celui du développement du commerce avec l'Afrique ; leroyaume de France était alors en concurrence avec les nations commerçantes d'Europe du Nord dans ce domaine.
Schéma classique du commerce triangulaire entre l'Afrique, les Amériques et l'Europe.
Dans le but de fournir une main-d’œuvre servile aux plantations, et dans le cadre de la codification absolutiste du Royaume, Louis XIV, en, promulgue le « Code noir ». Par cette ordonnance, Louis XIV améliore la condition des esclaves[255] : les dimanches et fêtes chrétiennes seront obligatoirement chômés ; une nourriture suffisante est exigée, les maîtres doivent habiller suffisamment leurs esclaves ; les époux et les enfants ne doivent pas être séparés lors d'une vente ; la torture est interdite ; pour éviter les viols, les rapports sexuels avec les esclaves sont interdits ; les maîtres ne peuvent tuer leurs esclaves ; et des limites sont fixées aux châtiments corporels. LeCode noir reconnaît également aux esclaves certaines formes de droits, très limités cependant, notamment religieux, juridiques, de propriété et de retraite. Mais toutes ces dispositions sont mal appliquées, du fait de la pression des colons sur la justice.
Par ailleurs, l'ordonnance expulse lesJuifs desAntilles, définit les règles de métissage et régularise le plein usage desesclaves dans lescolonies, auquel il donne un cadre juridique. Le Code noir entérine une législation différenciée sur le territoire, car un esclave enmétropole est en principe affranchi, et impose leur christianisation. L'édit se voit étendu à Saint-Domingue en, en Guyane en, et par la suite aux Mascareignes et en Louisiane[256].
À la fin duXXe siècle, de nombreuses critiques dénonceront l'ordonnance, responsable d'une institutionnalisation de l'esclavage, et de ses sévices concernant leschâtiments corporels (amputations par exemple, en cas de fuite…) ; le Code noir est considéré par le philosopheLouis Sala-Molins comme« le texte juridique le plus monstrueux qu'aient produit les Temps modernes »[257]. Les thèses de Sala-Molins sont cependant critiquées par des historiens, qui lui reprochent de manquer entièrement de rigueur, et d'avoir une lecture partielle du Code noir[258]. Jean Ehrard fait notamment remarquer que leschâtiments corporels, qui sont limités par l'ordonnance, sont alors les mêmes qu’en métropole, pour toute personne non noble[259],[260]. L'historien rappelle qu'à cette époque, il existe des dispositions équivalentes à celles du Code noir pour des catégories comme les marins, les soldats ou les vagabonds. Jean Ehrard rappelle enfin que les colons s’opposèrent même au Code noir, parce qu'ils étaient désormais censés fournir aux esclaves des moyens de subsistance, que normalement ils ne leur garantissaient pas.
Agriculture importante ne mettant pas à l'abri de famines
Lemaïs (ou blé d'Inde,Zea mays), est originaire d'Amérique où il constituait la base de l'alimentation desAmérindiens, il se répand en France sous Louis XIV.
L'agriculture française est alors la plus importante d'Europe[261] avec un primat donné aux céréales : leseigle associé ou non aumillet comme dans les Landes de Gascogne, lesarrasin en Bretagne, et leblé. Sous Louis XIV, lemaïs s'implante dans le Sud-Ouest et en Alsace[262]. Le pain est alors fait soit deméture (mélange de froment, de seigle et d'orge) soit deméteil (froment et seigle)[263]. La culture de la vigne et l'élevage contribuent également à la prédominance de l'agriculture française. La vigne est alors cultivée jusqu'en Picardie et en Île-de-France, tandis que la fabrication d'eaux-de-vie se développe en Charente, dans la basse vallée de la Loire, dans la vallée de la Garonne et en Languedoc[264]. Les Hollandais exportent les eaux-de vie et les excédents céréaliers du Toulousain[265]. L'élevage est une ressource vitale en montagne où la transhumance prend des dimensions spectaculaires. L'élevage sert aux populations montagnardes à acheter des céréales et du vin. Dans les exploitations céréalières, l'élevage de mouton prédomine. Par, contre hormis les régions d'élevage comme l'Auvergne, le Limousin et la Normandie, les chevaux et les bêtes à cornes sont rares en campagne et se concentrent plutôt autour des villes[266].
On peut se demander pourquoi ces famines alors que l'agriculture française est la plus importante d'Europe. Les exploitations céréalières ont en moyenne moins de cinq hectares et elles n'ont pas modernisé leur mode de production comme le font auXVIIe siècle les Hollandais et les Anglais[271], de sorte qu'en réalité, l'agriculture céréalière française en temps normal arrive juste à nourrir la population française alors la plus importante d'Europe. Aussi, pourJean-Pierre Poussou[272], de 30 % à 40 % du territoire est« de manière chronique, pour des raisons géographiques en situation de fragilité alimentaire ». Le commerce intérieur des céréales pourrait remédier à cela, mais il est rendu difficile par des problèmes de transport et freiné par des lourdeurs administratives. Par ailleurs, lors des deux grandes famines, les Hollandais qui auraient pu apporter en France du blé de la Baltique sont en guerre avec Louis XIV. En fait, ce n'est qu'auXVIIIe siècle que l'agriculture permettra de faire franchir la« barrière des 20 à23 millions d'habitants à laquelle elle se heurtait depuis des siècles »[273].
Problèmes financiers et impôts
Lorsqu'il prend le pouvoir, le, le roi, alors âgé de16 ans, décrète dix-sept édits visant à renflouer les caisses de l'État, ce qui a pour effet de faire passer le total des revenus fiscaux du royaume de130 millions de livres en à plus de160 millions en-[274]. La guerre entraîne dès un accroissement du déficit public, qui passe de8 millions en à24 millions en[275]. Pour faire face, Colbert augmente les impôts existants, ressuscite d'anciens impôts et en crée d'autres. Il invente aussi une sorte de bons du trésor et crée une caisse des emprunts. La guerre de Hollande marque la fin du colbertisme, car l'État n'est plus en mesure de soutenir l'industrie ni directement par des aides ni indirectement par ses commandes[276].
Établissement de la charte de la Banque d'Angleterre (1694), par Lady Jane Lindsay.
En, pour faire face aux dépenses notamment militaires, Louis XIV crée un impôt sur le revenu qui touche tout le monde, y compris le dauphin et les princes : l'impôt decapitation. Cet impôt distingue vingt-et-une classes de contribuables à partir d'une analyse multicritère qui ne tient pas seulement compte des trois classes (noblesse, clergé, tiers état), mais aussi des revenus réels des personnes[277]. La capitation sera supprimée en puis rétablie en, mais elle perd alors sa fonction d'impôt sur le revenu, car celui-ci est repris par le dixième denier (« dixième ») inspiré par ladîme royale, préconisée parVauban[278]. En 1697, la monarchie établit unetaxe sur les étrangers et leurs héritiers, abandonnée au bout de quelques années et dont le résultat financier est décevant[279].
Les études montrent que le roi et l'appareil d'État délèguent à des financiers le prélèvement des impôts tout en exigeant d'eux en contrepartie le paiement de sommes forfaitaires. De la sorte, ils font supporter par les financiers les aléas économiques[281]. Ces financiers que très longtemps on a cru de basse extraction sont en fait très bien intégrés dans la société et servent de prête-noms à des aristocrates fortunés[282]. De sorte que comme l'écritFrançoise Bayard[283]« l'État réussit ce tour de force inouï de faire payer volontairement les riches » même si ceux-ci reçoivent en compensation des intérêts. Par ailleurs, le Conseil du roi conserve la maîtrise des financiers et si nécessaire n'hésitent pas à recourir à la justice comme ce fut le cas pour Fouquet[284]. C'est à cette époque que se développe la notion de rente. C'est-à-dire de prêt à l'État qui rapporte un revenu fixe, relativement bien assuré. La rente constitue rapidement une part notable du patrimoine non seulement des gens d'affaires mais aussi de la dot des épouses[285].
Dès son enfance, sa journée, sa semaine et son année sont ponctuées de nombreux rites religieux afin de signifier aux yeux du public la grandeur de la fonction royale[289].Anne d'Autriche lui impose des exercices depiété réguliers, dès sa première éducation religieuse, confiée àHardouin de Péréfixe. D'après l'abbé de Choisy, elle recourt à des méthodes rigoureuses pour lui inculquer un esprit religieux :« Il n'y avait que sur le chapitre de la religion qu'on ne lui pardonnait rien ; et parce qu'un jour la reine mère, alors régente, l'entendit jurer, elle le fit mettre en prison dans sa chambre, où il fut deux jours sans voir personne, et lui fit tant d'horreur d'un crime qui va insulter Dieu jusque dans le Ciel, qu'il n'y est presque jamais retombé depuis, et qu'à son exemple le blasphème a été aboli par les courtisans qui en faisaient alors vanité »[290]. Le roise confesse dès l'âge de9 ans — au père Charles Paulin[291] — et il fait sapremière communion le jour de Noël (en mémoire dubaptême deClovis[292], au lieu de la traditionnelle date dePâques) quelques jours après saconfirmation. Le lendemain des cérémonies dusacre du, il devient grand-maître de l'ordre du Saint-Esprit[293].
Avant de sortir de son lit, et le soir au coucher, le roi reçoit l'eau bénite apportée par sonchambellan, se signe et, assis, récite l'office duSaint-Esprit, dont il est grand-maître[294]. Habillé, il s'agenouille et prie en silence. Au lever, il indique l'heure à laquelle il souhaite assister à lamesse quotidienne, qu'il ne manque qu'exceptionnellement, en cas de campagne militaire. En tenant compte des jours où il assiste à plusieurs messes, on estime qu'il a été présent à environ trente mille messes dans sa vie[295]. L'après-midi, il se rend régulièrement à l'office liturgique desvêpres, célébrées et chantées les jours solennels[296].
En raison dusacre, certains rites religieux s'appliquent au roi de France pour rappeler son statut particulier de roitrès chrétien[299]. Louis XIV les assume avec une dévotion croissante. D'abord, la présence du roi à lamesse entraîne des actions liturgiques proches de celles prévues en présence d'uncardinal, d'unarchevêque métropolitain ou d'unévêque diocésain[n 21]. Il est assimilé à un évêque sans juridiction ecclésiastique[300]. De plus, dès l'âge de quatre ans, chaquejeudi saint, comme tous les évêques catholiques, le roi procède à la cérémonie dulavement des pieds oumandé royal (Mandatum ou deLotio pedum)[301]. Sélectionnés la veille, examinés par lepremier médecin du roi, lavés, nourris et revêtus d'une petite robe de drap rouge, treize garçons pauvres sont amenés dans la grandesalle des gardes, à l'entrée de l'appartement de la reine[n 22]. Enfin, en vertu d'un pouvoirthaumaturgique dérivé du sacre, le roi de France est censé pouvoir guérir lesécrouelles, une forme ganglionnaire de latuberculose. Cette dimension quasisacerdotale est le signe que lesrois de France, qui ainsi« font les miracles de leur vivant […] ne sont pas purs laïques, mais que participant à la prêtrise, ils ont des grâces particulières de Dieu, que même les plus réformés prêtres n'ont pas »[303]. Le roi, qui apparaît comme un intermédiaire du pouvoir de Dieu, prononce la formule« le Roi te touche Dieu te guérisse » (et non plus« Dieu te guérit »), lesubjonctif, laissant à Dieu seul la liberté de guérir ou non[304].Versailles devient ainsi un lieu depèlerinage et les malades y sont accueillis sous les voûtes de l'Orangerie. Au cours de son règne, le roi a touché près de 200 000 crofuleux, mais il ne s'en plaignait pas, d'après le chroniqueur duMercure Galant[305].
Monarque à l'écoute des sermons
Le roi assiste à dessermons, desoraisons et à au moins vingt-six prédications lors de l'Avent et duCarême. Lesprédicateurs viennent d'horizons variés, Don Cosme appartient à l'ordre des Feuillants, le père Séraphin est de l'ordre des Capucins[n 23],[306]. Les thèmes de prédication sont libres, même si traditionnellement le sermon du porte sur lasainteté, celui du sur la pureté[307]. C'est un des seuls espaces de critique possible sous l'absolutisme : les sermonneurs ne sont pas complaisants et mettent régulièrement en cause certains comportements du roi ou de la cour, et le lien entre lavertu du roi et lebonheur de son peuple est régulièrement mis en avant.Bossuet, défenseur dudroit divin et théoricien de la supériorité de lamonarchie prône une politique royale en faveur des pauvres, insiste sur les devoirs du roi et défend un programme de politique chrétienne : protection de l'Église et de lafoi catholique, éradication de l'hérésie protestante, répression desblasphèmes et des crimes publics, pratique des vertus et notamment de lajustice[308].
Le jeune roi ne se laisse cependant pas dicter sa conduite par les religieux. Ainsi, il sait conserver le secret, même vis-à-vis de sonconfesseur comme c'est le cas lors de l'arrestation, en, ducoadjuteur de Paris impliqué dans laFronde[293]. Il ne ménage pas non plus lesdévots, suivant en celaMazarin qui était défavorable à ce parti que soutient alors lareine mère[309] ; on le soupçonne même d'avoir soufflé àMolière l'idée duTartuffe, comédie visant les « faux-dévots »[309]. Jusqu'à la fin des années, le roi et la cour s'adonnent à un fort libertinage qui choque les dévots. Le roise convertit au moment où il se remarie secrètement avecMadame de Maintenon[310].
En, il dissout lescongrégations secrètes, notamment lacompagnie du Saint-Sacrement qui compte autant de dévotsjésuites quejansénistes. Cette dissolution n'est pas seulement liée à la dévotion de ses membres, elle tient surtout au fait que le roi s'inquiète de la constitution d'un groupe échappant à son contrôle[309].
PapeInnocentXI (1611-1689),Bienheureux de l'Église catholique et adversaire résolu du roi.
Deux visions de lagrâce s'opposent à l'intérieur du christianisme depuisPélage etAugustin d'Hippone. Pour le premier, l'homme peut faire sonsalut par lui-même, sans recourir à lagrâce divine. Pour Augustin, au contraire, la nature corrompue des êtres humains ne permet pas le salut sans l'intervention de Dieu[313]. Traditionnellement, l'Église opte pour un moyen terme entre les deux. LaRenaissance, en pariant sur laliberté humaine, a eu tendance à revenir aupélagianisme, ce qui a entraîné les réactions deLuther et deCalvin, proches sur ce point de l'augustinisme[314]. Les jésuites, sous l'influence notamment deTirs de Molina, développent quant à eux la notion degrâce suffisante, qui est proche de la vision pélagienne de la grâce et débouche sur une religion humaine qui nie le côté tragique de la vie. Cela entraîne, en réaction, uneréformation catholique plus augustinienne où s'illustrent de nombreux hommes d'Église français telsPierre de Bérulle,François de Sales ouVincent de Paul. Au départ, lesjansénistes peuvent être vus comme participant de ce courant de réforme[315].
Ledroit de régale repose sur unecoutume qui permet au roi de France de percevoir« les revenus des évêchés vacants et de nommer aux canonicats des chapitres, jusqu'à ce que le nouvel évêque ait fait enregistrer son serment par la cour des Comptes »[320]. Se fondant sur lajurisprudence duParlement de Paris, le roi décide en d'étendre cette pratique à tout le royaume, alors qu'elle n'en touchait que la moitié[320]. Les évêques de tendance janséniste dePamiers et d'Alet-les-Bains en appellent au pape au nom de la liberté de l'Église face aupouvoir séculier[321]. Le papeInnocentXI leur donne raison par troisbrefs. En juillet, l'assemblée du clergé soutient la position royale. À la suite de divers incidents, le papeexcommunie un des évêques nommés par le roi. Une nouvelle assemblée du clergé en cherche à ménager les parties. Le roi cherche aussi un compromis en renonçant à certaines prérogatives. Le pape restant sur ses positions, l'assemblée du clergé adopte en laDéclaration des Quatre articles qui servira de base augallicanisme[322]. L'article 1 affirme lasouveraineté du roi sur les affairestemporelles ; l'article 2 accorde« la plénitude de puissance » au pape sur les affaires spirituelles, tout en y apportant des restrictions ; l'article 3 rappelle les principes de base du gallicanisme concernant la spécificité des règles, mœurs et constitutions du royaume de France ; le quatrième article émet de façon subtile des doutes sur la doctrine de l'infaillibilité pontificale[322]. Devant le refus du pape d'accepter ces articles, les évêques français déclarent que« l'Église gallicane se gouverne par ses propres lois ; elle en garde inviolablement l'usage »[322]. Le Parlement de Paris enregistre les articles en.
Cette épreuve de force a deux conséquences : le pape refuse d'approuver les nominations au poste d'évêque proposées par le roi, provoquant la vacance de nombreux postes ; l'appui du clergé français au roi oblige en quelque sorte ce dernier à adopter la ligne dure de l'Église de France face aux protestants[321]. Malgré son opposition au papeInnocentXI, Louis XIV ne songe pas à établir une Église gallicane indépendante de Rome, sur le modèle de l'Église anglicane anglaise. SelonAlexandre Maral, il veut« être considéré davantage comme un collaborateur que comme un subordonné »[323] du pape. Son approbation des quatre articles du gallicanisme est liée au fort sentiment d'injustice ressenti face à un pape« usant et abusant d'armes spirituelles pour soutenir des intérêts temporels contraires à ceux de la France »[323]. Le gallicanisme du « Grand Roi » n'est pas mû par une volonté d'indépendance comme chez les anglicans, mais par une volonté de ne pas être un vassal de Rome[324].
L'affaire de la régale est compliquée à partir de 1679 par laquerelle des Franchises :InnocentXI souhaite mettre fin aux privilèges que les ambassadeurs des cours européennes détiennent à Rome, dans leurs quartiers respectifs. À la mort duduc d'Estrées, en, la police pontificale pénètre dans le quartier dupalais Farnèse pour mettre fin aux droits de douane et de police des diplomates français, et le pape menace d'excommunication ceux qui tenteraient de relever les franchises. Le nouvel ambassadeur, lemarquis de Lavardin, reçoit du roi la mission de maintenir les franchises françaises, ce dont il s'acquitte en faisant occuper militairement une partie de Rome[325].
Le, le roi signe l'édit de Fontainebleau, contresigné et inspiré par le chancelierMichel Le Tellier[329]. Il vaut révocation de l'édit de Nantes (promulgué parHenriIV en 1598) et fait du royaume un pays exclusivementcatholique. Leprotestantisme est interdit sur tout le territoire et destemples sont transformés enéglises. À défaut de se convertir au catholicisme, nombre dehuguenots choisissent de s'exiler vers des pays protestants : l'Angleterre, les États protestants d'Allemagne, lescantons protestants deSuisse, lesProvinces-Unies et sescolonies, comme celle duCap. On estime à environ 200 000 le nombre d'exilés, dont beaucoup d'artisans ou de membres de la bourgeoisie[330]. Néanmoins, les récents travaux deMichel Morrineau et deJanine Garrisson ont nuancé les conséquences économiques de la révocation[331] : l'économie ne s'effondre pas en et la formation d'unediaspora française en Europe favorise l'exportation ou l'essor européen de la languefrançaise, il n'en demeure pas moins que les conséquences humaines et religieuses sont sérieuses.
Ce geste politique est souhaité par le clergé et par le groupe des anti-protestants, proches deMichel Le Tellier[332]. Il semble que ceux-ci n'ont que très partiellement informé le roi de la situation des protestants, en profitant du fait que le camp des modérés est affaibli par la mort deColbert[328].
À l'époque, l'unité religieuse est considérée comme nécessaire à l'unité d'un pays, en vertu de l'adage latin« cujus regio ejus religio (à chaque pays sa religion) », mis en avant parGuillaume Postel[333]. Une telle fusion du politique et du religieux n'est d'ailleurs pas propre à la France : l'Angleterre, après l'exécution deCharlesIer — que Louis XIV a connu à l'époque de laFronde — impose en leTest Act, qui interdit aux catholiques l'accès aux fonctions publiques et auxChambres des lords etdes communes, mesure qui restera en vigueur jusqu'en.
Le papeInnocentXI n'est pas enthousiasmé par l'action du roi. SelonAlexandre Maral, ce pape, qui n'est pas hostile à la rigueur morale des jansénistes, semble avoir voulu la réunification des deux branches séparées (catholiques et protestants) de l'Église. Cette thèse est confortée par le fait qu'il faitcardinal en l'évêque de GrenobleÉtienne Le Camus, favorable à cette politique[334].
Chez beaucoup de protestants convertis, l'adhésion au catholicisme reste superficielle[335], comme le montrent des soulèvements deprotestants dans leLanguedoc, dont laguerre des Cévennes entre lescamisards et les troupes royales constitue le paroxysme.
Judaïsme
Louis XIV fut moins hostile auxJuifs que ses prédécesseurs. Le début de son règne marque en effet une évolution dans la politique du pouvoir royal vis-à-vis dujudaïsme. Dans l'esprit de la politique pragmatique deMazarin, lorsqu'en 1648 lestraités de Westphalie attribuent lesTrois-Évêchés, laHaute-Alsace et laDécapole à la France, le pouvoir choisit de ne pas exclure les Juifs qui y habitent, bien que l'édit de 1394 quiles expulse de France soit encore théoriquement applicable[336].
En 1657, le jeune Louis XIV est reçu solennellement, avec son frère, à lasynagogue de Metz[337]. Concernant lesJuifs alsaciens, si au départ ils gardent le même statut que sous l'empire germanique, peu à peu les choses vont s'améliorer avec leslettres patentes de 1657[338]. Enfin, les ordonnances de 1674, publiées par l'intendant Jacques de La Grange, font que le statut des Juifs de l'Alsace royale est aligné sur celui desJuifs de Metz, et que lepéage corporel est aboli pour eux. Ceux du reste de la province restent cependant assimilés à des étrangers, et donc soumis à ce péage corporel. Les Juifs d'Alsace royale ayant le même statut que les Juifs messins, unrabbinat des Juifs d'Alsace est créé en[338].
Un certain nombre deJuifs hollandais, qui ont immigré àPernambouc, auBrésil,sous domination hollandaise de à[339], doivent quitter ce pays quand les Portugais en reprennent le contrôle et y rétablissent l'Inquisition. Certains s'établissent alors auxAntilles françaises et la tradition veut que la capitale de laGuadeloupe,Pointe-à-Pitre, doive son nom à un Juif hollandais, appeléPeter ouPitre selon la transcription en français[340]. Toutefois, les Juifs quittent laMartinique quand ils en sont expulsés en, expulsion élargie à toutes les Antilles françaises par leCode noir de, dont le premier article enjoint à« tous nos officiers de chasser de nos dites îles tous les Juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d'en sortir dans trois mois à compter du jour de la publication des présentes »[341],[342].
C'est le directeur spirituel deSaint-Cyr, où l'épouse secrète de Louis XIV s'occupe de l'éducation des jeunes filles, qui, le premier, en, s'inquiète de la progression de la doctrine de Madame Guyon dans cet établissement. Mis au courant, le roi soupçonne unecabale et enjoint à son épouse de rompre ses relations avec la dame en question[344]. Par ailleurs, le roi en appelle à l'arbitrage de Bossuet qui passe alors pour le chef de l'Église catholique en France. De son côté, Fénelon, qui a rédigé en de façon anonyme une violentediatribe contre la politique royale, se voit refuser l'évêché de Paris[343]. L'affaire religieuse se double maintenant d'une affaire politique. Lesjésuites, qui ont fait condamner les thèses de Miguel de Molinos inspirateur duquiétisme, soutiennent maintenant Madame Guyon, sa disciple. Cette attitude est dictée par leur volonté de s'opposer auxgallicans qui mènent l'attaque contre elle et contre Fénelon. Précisons ici que les gallicans sont partisans d'une certaine indépendance de l'Église de France vis-à-vis du pape, alors que les jésuites qui soutiennent le pape sontultramontains. Finalement, le souverain pontife se garde bien de condamner formellement Madame Guyon et se contente de réprouver vaguement quelques thèses[345].
Les choses auraient pu en rester là si Fénelon n'avait pas fait paraître, en,Les Aventures de Télémaque, composé à l'intention des enfants royaux et exposant une critique de l'absolutisme royal. Le roi fait saisir cet ouvrage qui le renforce dans sa volonté de ne jamais faire revenir son auteur à la cour[345]. L'opposition de Fénelon à la politique de Louis XIV semble basée sur un fort sentiment anti-machiavélisme qui refuse« la séparation entre la religion et la politique, la morale chrétienne et la morale d'État »[346]. La pensée de Fénelon nourrira tout un courant aristocratique marqué par l'idée d'une« monarchie patriarcale et tempérée, ennemie de la guerre, vertueuse, philanthropique »[344].
Le pèreLe Tellier, nouveau confesseur du roi, etFénelon, veulent obtenir une condamnation franche des thèses dupère Quesnel, à la fois pour des raisons religieuses et peut-être par ambition personnelle[354]. En effet, ils espèrent ainsi obtenir la révocation ou la démission ducardinal de Noailles, archevêque de Paris proche des thèses gallicano-augustiennes[356].
Le pape, d'abord réticent par crainte de relancer un conflit dans le clergé français, finit par céder et publie la bulleUnigenitus (1713), qui développe une vision hiérarchisée et dogmatique de l'Église[357]. Les instigateurs français de la bulle imposent alors une interprétation dure du texte à l'intention du clergé français. Le cardinal de Noailles s'y oppose tout comme une large partie du bas clergé et des fidèles. Le roi et le pape ne parviennent pas à s'accorder sur la manière de faire obéir le cardinal, car le roi s'oppose à tout acte d'autorité pontificale qui mettrait en cause les libertés gallicanes[358]. Le Parlement et la haute administration s'opposent de leur côté à l'enregistrement de la bulle, et le roi meurt sans avoir pu les y forcer[359].
Culture, arts et sciences : instruments de rayonnement et de pouvoir
Représentation deLa Princesse d'Élide à Versailles en, dans le cadre de la somptueuse fête desPlaisirs de l'Île enchantée.
Le roi accorde une grande importance aux fêtes spectaculaires (voir « Fêtes à Versailles »), ayant appris deMazarin l'importance du spectacle en politique et la nécessité de montrer sa puissance pour renforcer l'adhésion populaire[362]. Dès 1661, alors que Versailles n'est pas encore construit, il détaille, de façon précise pour l'instruction duGrand Dauphin venant de naître, les raisons qui doivent pousser un souverain à organiser des fêtes :
« Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la Cour une honnête familiarité avec nous, les touche et les charme plus qu'on ne peut dire. Les peuples, d'un autre côté, se plaisent au spectacle où, au fond, on a toujours pour but de leur plaire ; et tous nos sujets, en général, sont ravis de voir que nous aimons ce qu'ils aiment, ou à quoi ils réussissent le mieux. Par là nous tenons leur esprit et leur cœur, quelquefois plus fortement peut-être, que par les récompenses et les bienfaits ; et à l'égard des étrangers, dans un État qu'ils voient d'ailleurs florissant et bien réglé, ce qui se consume en ces dépenses qui peuvent passer pour superflues, fait sur eux une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur […][n 24]. »
Afin d'éblouir la cour et la favorite du moment, il organise des fêtes fastueuses, pour lesquelles il n'hésite pas à faire venir des animaux d'Afrique. La plus célèbre et la mieux documentée de ces fêtes est sans douteLes Plaisirs de l'île enchantée, en. L'historienChristian Biet décrit ainsi l'ouverture de ces fêtes :
« Précédé d'un héraut d'armes vêtu à l'antique, de trois pages dont celui du roi, M.d'Artagnan, de huit trompettes et de huit timbaliers, le roi s'est montré tel qu'en lui-même, sous un déguisement grec, sur un cheval au harnais couvert d'or et de pierreries. […] Les comédiens de la troupe de Molière furent particulièrement admirés. Le Printemps, sous les traits de laDu Parc, parut sur un cheval d'Espagne. On la savait très belle, on l'aimait en coquette, elle fut superbe. Ses manières hautaines et son nez droit enthousiasmèrent les uns, ses jambes qu'elle savait montrer et sa gorge blanche mirent les autres dans tous leurs états. Le grosDu Parc, son mari, avait quitté ses rôles de grotesque pour jouer l'Été sur un éléphant couvert d'une riche housse.La Thorillière, habillé en Automne, défilait sur un chameau, et tous s'émerveillèrent de ce que cet homme si fier imposât sa prestance naturelle à l'exotique animal. Enfin l'Hiver, représenté parLouis Béjart, fermait la marche sur un ours. De mauvaises langues affirmèrent que seul un ours maladroit pouvait s'attacher à la claudication du préposé aux emplois de valets. Leur suite était composée de quarante-huit personnes, dont la tête était ornée de grands bassins pour la collation. Les quatre comédiens de la troupe de Molière récitèrent alors des compliments pour la reine, sous les feux de centaines de chandeliers peints de vert et d'argent, chargés chacun de vingt-quatre bougies[363]. »
Il fait aussi modifier profondément la structure de plusieurs villes françaises — Lille,Besançon,Belfort,Briançon — en les fortifiant grâce aux travaux deVauban. Il crée ou développe certaines villes, telVersailles pour la cour, ouNeuf-Brisach etSarrelouis pour défendre les acquisitions de l'Alsace et de la Lorraine. En, laceinture de fer des fortifications défendant la France est pour l'essentiel achevée[366].
Sous Louis XIV se poursuit le processus engagé parLouisXIII, conduisant le français à devenir la langue des lettrés en Europe ainsi que la langue de la diplomatie, qu'elle continue à être auXVIIIe siècle[368]. Cette langue est alors peu parlée en France, hors des cercles du pouvoir et de la cour, qui joue un rôle central dans sa diffusion et dans son élaboration[369]. Le grammairienVaugelas définit d'ailleurs le bon usage comme« la façon de parler de la plus saine partie de la cour »[370]. Poursuivant sur la lancée de ce dernier,Gilles Ménages etDominique Bouhours (auteur desEntretiens d'Ariste et d'Eugène) insistent sur la clarté ainsi que sur la justesse de l'expression et de la pensée[371]. Parmi les grands grammairiens de ce siècle figurent égalementAntoine Arnauld etClaude Lancelot, auteurs en 1660 de laGrammaire de Port-Royal. Les femmes jouent un rôle important dans l'élaboration de la langue française, comme le montre, d'une certaine façon, la pièce deMolièreLes Précieuses ridicules. Ce sont elles qui lui apporte son souci de la nuance, son attention à la prononciation et son goût de lanéologie.La Bruyère écrit à leur sujet :« Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont l'effet que d'un long travail et d'une pénible recherche ; elles sont heureuses dans le choix des termes, qu'elles placent si juste que, tout connus qu'ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, semblent être faits seulement pour l'usage où elles les mettent[n 25] ». De son côté,Nicolas Boileau, dans sonArt poétique, paru en, résume selonPierre Clarac, « la doctrine classique telle qu'elle avait été élaborée en France dans la première moitié du siècle. L'ouvrage n'a rien - et ne pouvait rien avoir - d'original dans son inspiration. Mais ce qui le distingue de tous les traités de ce genre, c'est qu'il est en vers et qu'il cherche à plaire plus qu'à instruire. Composé à l'usage des gens du monde, il obtient auprès d'eux le plus éclatant succès »[373]. Vers, le roman héroïque, qui remonte àHenriIV, décline, tandis que de nouvelles formes d'écrits,nouvelles, lettres se développent et font l'objet de théorisation à travers notamment le Traité de l'origine des romans de Pierre-Daniel Huet () et des Sentiments sur les lettres et sur l'histoire, avec des scrupules sur le style de Du Plaisir ()[372].
Les Français de province parlent alors des langues régionales, le français ne deviendra la langue populaire commune que sous la Troisième République. De plus, durant cette période, même si les religions, afin de mieux être comprises de leurs ouailles, font un effort de scolarisation, le taux d'alphabétisation reste modeste et atteint dans les régions les plus favorisées jusqu'à 60 % des hommes et 30 % des femmes[374]. Les élites administratives et politiques sont obligées d'être bilingues (français, langue régionale), ou trilingues quand on ajoute le latin. Malgré cela, il se forme un public de cour (modèle de l'honnête homme) qui valorise l'homme de lettres et lui attribue un« statut spécifique »[375]. Les hommes de lettres sont formés, comme les gens aisés, dans les collègues jésuites (une centaine), dans les collèges de l'Oratoire ou encore, commeJean Racine, aux « petites écoles » de Port-Royal où l'enseignement repose sur l'étude des classiques latins,Cicéron,Horace,Virgile,Quintilien. Devenus écrivains, ils veulent les imiter non pas servilement mais de façon à les dépasser[376]. Les auteurs de l'époque de Louis XIV, notammentCorneille,Racine,Molière,La Fontaine,La Bruyère,Charles Perrault,Fénelon,Madame de La Fayette,Madame de Sévigné, ne sont appelés à leur tour classiques qu'à partir deStendhal, qui les nomme ainsi pour les opposer aux romantiques[376]. Lorsqu'éclate laquerelle des Anciens et des Modernes à la fin du règne, la France a su édifier une littérature et une langue dont le rayonnement durera au moins deux siècles[377].
Grand amateur de musique italienne, Louis XIV fait deJean-Baptiste Lully le surintendant de la musique et le maître de musique de la famille royale. Toujours à l'affût de nouveaux talents, le roi lance des concours de musique : en,Michel-Richard de Lalande devient ainsisous-maître de laChapelle royale et composera plus tard sesSymphonies pour les Soupers du Roy.
Accordant une grande place au théâtre, Louis XIV« a orienté certains écrivains, moins par son goût et sa culture que par son prestige, vers la décence et la noblesse, vers le bon sens et la justesse[382] ». Son influence est considérable car il se comporte en mécène et finance les grandes figures culturelles de l'époque, dont il aime s'entourer. Artistes et écrivains rivalisent d'efforts et de talent pour mériter son appréciation. Ayant très tôt découvert le génie comique deMolière, il fait restaurer pour lui, en, la salle duPalais-Royal, où le comédien jouera jusqu'à sa mort[383]. Pour le récompenser, le roi octroie six mille livres de pension à sa troupe, qui devient officiellement « La Troupe du Roi au Palais-Royal » (1665) ; la même année, il devient le parrain de son premier enfant.
En même temps que la comédie acquiert avec Molière ses lettres de noblesse, la tragédie continue de s'épanouir et« tend à devenir une institution d'État[384] », atteignant un sommet avecRacine, que le roi récompensera du succès dePhèdre (1677) en le nommant son historiographe[n 26]. SelonAntoine Adam,
La référence à l'Antiquité romaine s'impose en art. Le roi est représenté par les peintres comme étant le nouvelAuguste, comme Jupiter, vainqueur desTitans, commeMars, dieu de la guerre ouNeptune. La nouvellecosmologie s'oppose à la morale héroïque de Corneille. Elle vise à« redéfinir autour de la monarchie un nouvel ordre, un nouvel ensemble de valeurs »[387]. À partir de-,Nicolas Boileau fait l'éloge du bon sens et de la raison, ce qui contribue à ruiner« l'emphase tragique à laCorneille » caractéristique de l'aristocratie frondeuse du début du siècle. L'art vise alors à imposer à l'aristocratie des valeurs plus « romaines » destinées à« discipliner ses folles impulsions »[388]. Vers la fin du siècle, la tragédie s'essouffle et subit la désaffection du public[389].
En, est fondée l'Académie royale de peinture et de sculpture, où sont formés tous les grands artistes du règne. Placée sous la protection de Colbert, elle est dirigée parCharles Le Brun et compte parmi ses fondateurs les plus grandes figures de la peinture française du milieu du siècle, telsEustache Le Sueur,Philippe de Champaigne, etLaurent de La Hyre[390]. Conçue sur le modèle des académies italiennes, elle permet aux artistes titulaires d'un brevet du roi d'échapper aux règles contraignantes des corporations urbaines, qui régissent depuis le Moyen Âge le métier de peintre et de sculpteur. Les membres de l'Académie mettent au point un système élaboré d'enseignement, de copie d'après les maîtres, de conférences destinées à théoriser le « beau » au service du monarque, et créent même une Académie de France à Rome, où sont envoyés les élèves les plus méritants. La plupart des grandes commandes du règne, dont les décors peints et sculptés du château deVersailles, sont réalisées par les élèves formés dans cette nouvelle Académie royale[390]. En,Colbert inviteLe Bernin, alors au sommet de sa gloire, pour larestructuration du Louvre; si son projet est écarté, l'architecte-sculpteur italien réalise cependant un buste du roi en marbre blanc et une statue équestre qu'il livre vingt ans après son retour à Rome : d'abord « exilée » dans un coin peu prestigieux duparc de Versailles, celle-ci est aujourd'hui conservée dans l'Orangerie du château (tandis qu'une copie orne actuellement la place devant la Pyramide du Louvre à Paris)[391]. Cette dernière statue a été dévoilée à Versailles en même temps que lePersée et Andromède du sculpteur françaisPierre Puget, dont le célèbreMilon de Crotone orne déjà le parc depuis.
En, Louis XIV devient le protecteur officiel de l'Académie française :« Sur les conseils de Colbert, le roi lui offrit un domicile — auLouvre — un fonds pour couvrir ses besoins, des jetons pour récompenser la présence aux séances ; il lui offrit aussi quarante fauteuils — signe de l'égalité totale entre académiciens[392]. » En, il fonde l'Académie des sciences, destinée à concurrencer laRoyal Society de Londres[390]. Son règne voit aussi la réorganisation duJardin des plantes et la création du Conservatoire des machines, arts et métiers[362].
Certains de ses contemporains tel lemaréchal de Berwick ont souligné sa grandepolitesse, et sa belle-sœurMadame Palatine son affabilité[395]. Il traite ses domestiques avec respect[396], Saint-Simon note d'ailleurs que sa mort n'est regrettée « que de ses valets inférieurs, de peu d'autres gens »[397]. Il a d'ailleurs comme principal homme de confiance son fidèle valetAlexandre Bontemps, organisateur de son mariage secret avecMadame de Maintenon et l'un des rares témoins de ce remariage[398].
Malgré son surnom de « roi soleil », il est de naturetimide, ce qui n'est pas sans rappeler son pèreLouisXIII et ses successeursLouisXV etLouisXVI. Il redoute les conflits et les scènes, ce qui l'amène à s'entourer de plus en plus de ministres effacés et dociles tels qued'Aligre,Boucherat, mais surtoutChamillart, l'un de ses favoris. Au demeurant, il n'est en confiance que dans un cercle restreint de parents, domestiques, ministres de longue date et quelques grands seigneurs[399].
Au fil des années, il a su maîtriser sa timidité, sans la surmonter, et la fait paraître commemaîtrise de soi[399].Primi Visconti, un chroniqueur duXVIIe siècle, relate qu'« en public, il est plein de gravité et très différent de ce qu'il est en son particulier. Me trouvant dans sa chambre avec d'autres courtisans, j'ai remarqué plusieurs fois que, si la porte vient par hasard à être ouverte, ou s'il sort, il compose aussitôt son attitude et prend une autre expression de figure, comme s'il devait paraître sur un théâtre »[400]. S'exprimant de manière laconique et préférant réfléchir seul avant de prendre une décision[401], une de ses répliques célèbres est« je verrai », en réponse à des requêtes de toutes sortes[399].
Le roi lit moins que la moyenne de ses contemporains cultivés. Il préfère se faire lire les livres. Il aime en revanche la conversation. Un de ses interlocuteurs favoris,Jean Racine, est aussi un de ses lecteurs préférés. Louis XIV lui trouve« un talent particulier pour faire sentir la beauté des ouvrages »[402]. Racine lui lit notammentLa Vie des hommes célèbres dePlutarque. À partir de, le roi se met à constituer une bibliothèque de livres rares, parmi lesquels figurent :Les Éléments de la politique deThomas Hobbes,Le Prince parfait de Jean Bauduin[403],Le portrait du gouverneur politique de Mardaillan etLa Dîme royale deVauban[404],[405].
Nec pluribus impar (« supérieur à tous »), la devise du roi.
Louis XIV choisit pouremblème lesoleil. C'est l'astre qui donne vie à toute chose, mais c'est aussi le symbole de l'ordre et de la régularité. Les courtisans assistaient à la journée du roi comme à la course journalière du soleil. Il apparaît même déguisé en soleil lors d'une fête donnée à la cour en[406].
« C'est ici la dixième année que je marche, comme il me semble, assez constamment dans la même route ; écoutant mes moindres sujets ; sachant à toute heure le nombre et la qualité de mes troupes et l'état de mes places ; donnant incessamment mes ordres pour tous leurs besoins ; traitant immédiatement avec les ministres étrangers; recevant et lisant les dépêches ; faisant moi-même une partie des réponses et donnant à mes secrétaires la substance des autres[410]. »
Si l'historienFrançois Bluche admet l'existence« d'accords instinctifs, implicites ou intuitifs entre le souverain et ses sujets », il pointe malgré tout« la relative insuffisance de relations entre le gouvernement et les sujets de Sa Majesté »[411].
Il a souvent été dit du roi qu'il n'était pas grand. En, Louis Hastier a déduit, à partir des dimensions de l'armure qui lui a été offerte en par larépublique de Venise, que le roi ne pouvait mesurer plus de 1,65 m. Cette déduction est aujourd'hui contestée car cette armure a pu être fabriquée selon un standard moyen de l'époque[412]. En effet, il s'agissait d'un présent honorifique n'étant pas destiné à être porté, si ce n'est dans les tableaux peints à sujet antique. Certains témoignages confirment que le roi était d'une belle prestance, ce qui laisse supposer que, pour son temps, il avait au moins une taille moyenne et une silhouette bien proportionnée.Madame de Motteville raconte, par exemple, que lors de l'entrevue sur l'île des Faisans, en, entre les jeunes promis présentés par les deux parties — française et espagnole — que l'Infante Reine« le regardait avec des yeux tout à fait intéressés par sa bonne mine, parce que sa belle taille le faisait dépasser les deux ministres [Mazarin, d'un côté et don Louis de Haro, de l'autre] de toute la tête »[413]. Enfin, un témoin,François-Joseph de Lagrange-Chancel, maître d'hôtel de laPrincesse Palatine, belle-sœur du roi, avance une mesure précise :« Cinqpieds, huit pouces de hauteur », soit 1,84 m[414].
La lecture dujournal de santé du roi Louis XIV, minutieusement entretenu par ses médecins successifs, est édifiante : il se passe peu de jours sans que le souverain soit l'objet d'une purgation, d'un lavement, d'un emplâtre, d'unepommade ou d'une saignée[419]. On y trouve entre autres consignés :
gonorrhée : tenue secrète, cette maladie le tenaille régulièrement depuis mai, époque de ses premières liaisons ;
vapeurs etdouleurs dorsales fréquentes : certaines () attribuées à une attaque desyphilis ; avecpustules sur tout le visage et d'autres parties du corps, suivie d'un début de « gangrène » desorteils ;
langueurs et fièvres variées: lafièvre typhoïde de juin lui fait perdre ses cheveux et le condamne à porter des perruques toute sa vie ;
maux de dents : en, toute sadentition supérieure côté gauche est « arrachée », avec le voile du palais qui sera cautérisé plusieurs fois aux pointes de feu (les liquides lui ressortent parfois par le nez) ;
fistule anale : cette malformation handicapante lui fera finalement subir une opération expérimentale la plus douloureuse qui soit (par le chirurgienFélix) en (voirFistule anale de Louis XIV) ;
ennuis urinaires, accompagnés de probablescalculs (mictions accompagnées de « pelotons de sable ») ;
goutte : des attaques insupportables au pied droit et à la cheville gauche le tiennent longtemps immobilisé ou gênent sa marche — ses dernières années tiendront du supplice.
Le roi adolescent fait, à18 ans, la rencontre d'une nièce du cardinalMazarin,Marie Mancini. S'ensuit entre eux une grande passion, qui mène le jeune roi à envisager un mariage, que ni sa mère, ni le cardinal ne consentent à accepter. Le monarque menace alors d’abandonner la couronne pour cette Italienne, française dans sa culture. Il s'effondre en sanglots lorsqu’elle est contrainte de quitter la cour, en raison de l’insistance de l’oncle de la jeune fille, qui est aussi parrain du roi, Premier ministre du royaume et prince de l'Église. Le primat préfère faire épouser au roi sa pupille, l'infante d'Espagne[421]. En,Jean Racine s'inspire de l'histoire du roi et de Marie Mancini pour écrireBérénice.
Plus tard, le roi fait aménager des escaliers secrets dans Versailles pour rejoindre ses différentes maîtresses[422]. Ces liaisons irritent lacompagnie du Saint-Sacrement, un parti de dévots.Bossuet, comme Madame de Maintenon, tentent de ramener le roi à plus de vertu.
À propos des maîtresses du roi,Voltaire remarque, dansLe Siècle de Louis XIV :« C'est une chose très remarquable que le public, qui lui pardonna toutes ses maîtresses, ne lui pardonna pas son confesseur ». Par là, il fait allusion au dernier confesseur du roi,Michel Le Tellier, auquel une chanson satirique attribue la bulleUnigenitus[433].
La reine Marie-Thérèse d'Autriche avec trois de ses enfants, le Grand Dauphin, la Petite Madame et le duc d'Anjou (1670)
De la reine,Marie-Thérèse d'Autriche, le roi a six enfants (trois filles et trois garçons) dont un seul, Louis de France, le « Grand Dauphin », survécut à l'enfance :
Le roi aurait eu d'autres enfants, mais qu'il n'a pas reconnus, commeLouise de Maisonblanche (1676-1718), avecClaude de Vin des Œillets. Il est également possible de noter le cas mystérieux des origines deLouise Marie Thérèse, dite « la Mauresse de Moret ». Trois hypothèses sont avancées, ayant pour point commun de voir en elle « la fille du couple royal »[436]. Il pourrait s'agir de la fille adultérine de la reine Marie-Thérèse (cette hypothèse ayant été réfutée à cause de ses incohérences[437]) , d'un enfant caché du roi Louis XIV avec une comédienne[438] ou plus simplement d'une jeune femme baptisée et parrainée par le roi et la reine[439].
LouisXIV apparaît dans de nombreusesœuvres de fiction,romans,films,comédies musicales. Le cinéma et la télévision, suivant les époques, ont montré des images très diverses du roi, avec une prédilection pour l'épisode du masque de fer[440].
En France, alors que la discipline historique s'institutionnalise auXIXe siècle, Louis XIV fait l'objet de biographies contradictoires.Jules Michelet lui est hostile et insiste sur le côté sombre de son règne (dragonnades,galères,disettes, etc.). L'historiographie se renouvelle sous leSecond Empire par l'entremise des opposants politiques, qu'ils soient orléanistes ou républicains. Pour les premiers, elle permet de minimiser la place de la Révolution et de la dynastie bonapartiste au sein de l'histoire française, pour les seconds d'opposer la grandeur du passé à la vulgarité du présent. Les études sur l'administration sont largement représentées, comme en témoignent les œuvres d'Adolphe Chéruel et dePierre Clément, ainsi que, dans une moindre mesure, celles consacrées à la politique religieuse et aux figures aristocratiques. La dénonciation générale de la révocation de l'édit de Nantes est associée, chez les historiens libéraux tels queAugustin Thierry, à la valorisation du souverain établi comme un acteur majeur de la construction de l'État-nation moderne[442]. Dans la seconde moitié duXIXe siècle,Ernest Lavisse apporte des nuances, insistant, dans ses manuels scolaires comme dans ses cours, sur son despotisme et sa cruauté[443]. De manière similaire à ses collègues universitaires français, il pointe l'autoritarisme, l'orgueil du monarque, la persécution des jansénistes et des protestants, les dépenses excessives de Versailles, l'asservissement du mécénat culturel à la glorification royale, le nombre des révoltes et les guerres continuelles. Il reste cependant sensible à la renommée et aux succès initiaux du règne[444]. Sous laTroisième République, le sujet est sensible car le monarchisme est encore vivace en France et constitue toujours une menace pour la république. Dans l'entre-deux guerres, au livre partial de l'académicien Louis Bertrand, répond un livre réquisitoire deFélix Gaiffe, l'Envers du Grand Siècle[445]. Dans les années,Michel de Grèce pointe les insuffisances de Louis XIV, tandis queFrançois Bluche le réhabilite[446]. À partir des années, le règne de Louis XIV est étudié sous l'angle des origines de l'État moderne en Europe et des agents économiques et sociaux. Ces recherches permettent de mieux comprendre l'opposition aristocratique à Louis XIV durant la Fronde[447]. Des études réalisées sur les thématiques de la finance et de la monnaie, parDaniel Dessert etFrançoise Bayard notamment, conduisent à mieux comprendre comment la monarchie se finance et à remettre en question l'approche très favorable à Colbert adoptée sous laTroisième République[448]. Enfin, des historiens commeLucien Bély, Parker, Somino et d'autres apportent des éclairages nouveaux sur les guerres menées par Louis XIV[449].
↑Ayant quitté en ce jour sonchâteau de Versailles, le roi, à la suite d'un gros orage, doit se replier auLouvre, où loge la reineAnne d'Autriche. Ses appartements n'étant pas préparés, il doit partager le lit de la reine.
↑Date du justement retenue par certains historiens pour la conception du futurdauphin.
↑D'autant que la reine avait déjà fait plusieursfausses couches.
↑Puis continûment, à partir de. Lorsque la calvitie devient importante, il adopte une perruque complète avec différentes longueurs et bouclages selon les circonstances (chasse, messe, souper, cérémonie officielle avec notamment la « perruque in-folio » ou « à la Royale », volumineuse perruque d'apparat au gros bouclage en étage). Les perruques sont réalisées par Jean Quentin, premier barbier du roi, ouBenoît Binet, perruquier du roi[24].
↑Archives départementales des Yvelines - Versailles (Notre-Dame)(S 1715-1715 ; vue 61/78 ; page 54 du registre) :« L'an mil sept cent quinze le 4e de 7bre les entrailles de Tres haut, Tres puissant et Tres Excellent PrinceLouïsXIV. Roi de france et de navarre, decedé le 1er du courant ont eté transportées à l'Église de Nre Dame de Paris, le 6e dud. mois le cœur a eté transferé à la maison de St. Louïs des Jesuites, à Paris ; Et le corps a eté conduit le 9e. du même mois à l'abbaïe roïalle des Benedictins de St. Denis en france en presence de nous soussigné curé de Versailles. » (signé : Huchon).
↑Fine moustache en croc dont les pointes relevées sont maintenues appliquées par de la cire[172].
↑Le roi descendait dans la nef les jours où il communiait. Lorsque le roi assistait à la messe du rez-de-chaussée, il prenait place sur un prie-dieu : deux rangées desuisses battaient du tambour jusqu'à ce qu'il fût agenouillé. Deux maîtres des requêtes restaient de part et d'autre du prie-Dieu, prêts à recevoir les éventuelles suppliques adressées au souverain : le principe d'un libre accès au souverain durant la manifestation publique de sa dévotion était respecté durant toute la messe.
↑Le roi ne prenait pas le deuil en noir, mais en violet couleur du deuil de l'évêque. Au cours de lamesse, le célébrant ne devait pas oublier d'accomplir au moins dix inclinations profondes en direction du souverain, que celui-ci fut présent dans la nef ou la tribune royale. À l'offertoire, le roi était encensé de trois coups doubles, immédiatement après le célébrant, c'est-à-dire avant les cardinaux, évêques et autres clercs éventuellement présents. Pendant lamesse basse, deux clercs de la Chapelle, agenouillés, devaient tenir des flambeaux allumés de la fin de lapréface jusqu'à l'élévation incluse, une disposition prévue également pour la messe basse célébrée par un évêque. Lors des cérémonies de l'Ordre du Saint-Esprit, s'il y avait prestation de serment, le roi disposait d'un fauteuil placé sous un dais, du côté de l'Évangile, une situation qui rappelle précisément aussi celle de l'évêque officiant. Le roi disposait alors exclusivement du baldaquin, privilège en principe réservé aux évêques pour toutes les églises de leur diocèse, l'évêque officiant devant alors se contenter d'une banquette ou d'unfaldistoire, comme s'il était en présence d'un prélat supérieur en dignité ou en juridiction. ÀVersailles, dans la chapelle définitive, leprie-Dieu du roi était placé entre les deux rangées des stalles deslazaristes, c'est-à-dire dans lechœur liturgique, lieu en principe réservé aux clercs. Cette prérogative rappelle celle de l'empereur byzantin, qui seul avait eu le droit de franchir la barrière duchancel.
↑Le chiffre treize rappelle la cérémonie alors accomplie en souvenir du miracle datant de l'époque deGrégoire le Grand, lorsque ce Pape vit arriver un ange, sous l'apparence d'un treizième enfant, à laCène qu'il était en train de célébrer. Les autres chefs d'État catholiques ne lavent les pieds que de douze pauvres[302].
↑La prédication à la Chapelle du roi venait sanctionner une renommée montante, acquise dans les grandes paroisses parisiennes exigeantes ; cette prédication ouvrait la carrière de l'épiscopat.
↑Les Caractères, 1689, remarque 37 cité in Bury[372].
↑Son œuvre d'historiographe a malheureusement disparu dans un incendie en 1726[385].
↑Les héraldistes de l'époque furent prompts à y voir un plagiat d'un ancien blason ayant appartenu àPhilippeII d'Espagne qui signifiait pour la circonstance :« Suffisant à toutes les étendues », à tous les mondes, voire : à plusieurs mondes… La concision de la formule latine admet de nombreux compléments sous-entendus. On fit alors remarquer que ce roi d'Espagne possédait encore à cette époqueun empire où le soleil ne se couchait jamais. On détourna donc le sens de cette devise vers la personnalité du roi qui n'en demandait pas tant. Cela lui fit tort, car elle lui attribua une attitude hautaine, distante et orgueilleuse, qu'il n'avait pas. Le philologue des langues anciennes J. Saunier (1873-1949) indique, dans sonVocabulaire latin, (1927), que le mot latin « par » a le sens premier d'« être capable », dans le sens d'être à la hauteur d'une tâche, de tenir tête à… etplures (pluribus) a le sens de « plus nombreux que » ; « plusieurs » se traduisant plutôt en latin classique par « multi, nonnulli… »
↑Liste selon Y. M. Bercé, qui ajoute que le roi était attentif à sa progéniture extra-conjugale, qu'il aimait beaucoup. Chacun fut reconnu par lettres patentes et ceux qui survécurent reçurent le nom de Bourbon, furent titrés et dotés. Cela concerne les maîtresses de longue date. Les enfants illégitimes, s'il y en eut, ont par nature une origine problématique.
↑Jean Pierre Legrand, Michel Le Goff, 1992.Les observations météorologiques de Louis Morin entre 1670 et 1713, Monographie de la Direction de la météorologie nationale,no 6.
↑AlessandroTuccillo, « Review of Jean Ehrard, Lumières et esclavage. L’esclavage et l’opinion publique en France au XVIIIe siècle, Bruxelles, Versaille, 2008 »,academia.edu ; ENS Lyon,(lire en ligne, consulté le).
↑Jean-François Dubost et Peter Sahlins,Et si on faisait payer les étrangers? : Louis XIV, les immigrés et quelques autres, Paris,Flammarion,, 475 p.(ISBN9782082118064)
↑JeanBaudoin,Le Prince parfait et ses qualitez les plus éminentes : avec des conseils et des exemples moraux et politiques tirez des oeuvres de Juste-Lipse et des plus célèbres autheurs anciens et modernes qui ont écrit de l'Histoire universelle, Cardin Besongne,(lire en ligne)
↑Vallot, D'Aquin et Fagon,Journal de la santé de Louis XIV, édité par J.A. Le roi, aux éditions A. Durand, en 1862 ; ouvrage réédité par Stanis Perez aux éditions Millon, en 2004. Un article s'y référant en a été fait dans l'hebdomadaireLe Point du 18- (Louis XIV « pourri de la tête aux pieds »).
Alain Guéry, « Industrie et Colbertisme ; les origines de la forme française de la politique industrielle ? »,Histoire, économie & société,vol. 8,no 3,.
Henri Méchoulan, Joël Cornette (dir.),L'État classique, 1652-1715 : regards sur la pensée politique de la France dans le secondXVIIe siècle, Vrin, 1996
Nicolas Milovanovic, Alexandre Maral (dir.),Louis XIV, l'homme et le roi, le catalogue d'exposition,Versailles, musée national du château, -, Paris, Skira Flammarion, 2009.
Stanis Perez, « Les brouillons de l'absolutisme : les "mémoires" de Louis XIV en question »,Dix-septième siècle,vol. 1,no 222,.
Dylan Motin,How Louis XIV Survived His Hegemonic Bid : The Lessons of the Sun King’s War Termination, Londres, Anthem Press,(ISBN978-1-8399-9613-9)
La version du 11 décembre 2019 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.